Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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Une prospérité assise sur l’innovation

Pivot du commerce international et place financière de premier plan, Singapour s’est également hissée au tout premier rang de l’innovation mondiale. Une réussite qui lui vaut aujourd’hui d’être l’un des environnements les plus attractifs pour les industries de pointe, mais aussi pour les scientifiques. Comme l’a illustrée la 6ème édition des France Singapore Innovation Days, du 11 au 13 novembre 2015, la Cité du Lion demeure plus que jamais un lieu incontournable pour les entreprises de la high tech.

Rendez-vous annuel créé en 2009, les France Singapore Innovation Days se sont tenus du 11 au 13 novembre 2015 sur le thème « IoT, M2M & Robotic ». Derrière ce jargon, des secteurs qui caractérisent l’économie du XXIème siècle aux technologies en constante mutation : les objets connectés _ des voitures au textile, en passant par les compteurs d’énergie intelligents ; les technologies permettant à des machines d’interagir ; et la robotique. Autant de secteurs porteurs de croissance, d’emplois et de progrès sur lesquels Singapour mise aujourd’hui pour préserver son avenir.

Un écosystème dédié à l’innovation
Un mois avant l’ouverture des France Singapore Innovation Days, le Premier Ministre Lee Hsien Loong inaugurait la toute nouvelle vitrine de la recherche à Singapour, Fusionopolis 2. Représentant un investissement de plus de 317 millions de dollars, cet espace est destiné à abriter quatre instituts de l’agence gouvernementale A*STAR, soit plus de 1 500 chercheurs (Data Storage Institute, Singapore Institute of Manufacturing Technology, Institute of Materials Research and Engineering, and Institute of Microelectronics). Il complète la première phase de l’aménagement du cluster Fusionopolis, dédié à l’infocomm, où sont déjà opérationnels depuis 2008 l’Institute for Infocomm Research (I²R) et l’Institute of High Performance Computing (IHPC).
Plus qu’une simple opération de relocalisation en apparence, l’achèvement de ce nouveau complexe vient concrétiser une vision de la recherche fondée sur l’interdisciplinarité et la porosité entre différents types de secteurs et de structures. Fusionopolis est ainsi situé dans le quartier de Buona Vista, au cœur du hub de recherche et développement (R&D) One-North, où Singapour a entrepris de regrouper sur 300 cents hectares des clusters ultra-modernes dédiés au développement de nouvelles technologies de pointe. La compagnie singapourienne JTC en a débuté l’aménagement en 2001 avec la construction du centre Biopolis consacré aux sciences biomédicales. Elle se poursuit aujourd’hui avec celle du cluster Mediapolis sur les médias numériques. Ces trois grands pôles d’innovation côtoient également la National University of Singapore (NUS), Singapore Polytechnic, le National University Hospital ou encore le Singapore Science Park.
Autre atout découlant de cette connectivité, la possibilité pour toute entreprise de développer directement à Fusionopolis des produits dans une large gamme de secteurs d’activités. Comme l’a expliqué le Président d’A*STAR, M. Lim Chuan Poh à Channel NewsAsia, l’idée est de « travailler dans un cadre d’innovation ouvert (…) Nous ne sommes pas un pays à bas coût. Nous ne pouvons pas rivaliser de ce point de vue. Nous ne pouvons rivaliser que par la recherche, la création et l’innovation. »
One-North représente aujourd’hui un véritable microcosme mêlant business et recherche, et comptant plus de 250 entreprises, cinq universités d’enseignement supérieur dont l’INSEAD, 41 incubateurs de plus de 600 start up.

Des transports à la biomédecine
En l’espace d’un demi siècle, Singapour s’est hissé au deuxième rang mondial des pays les plus compétitifs, selon le classement du Forum économique mondial (FEM).
Une progression fulgurante à laquelle de modestes ressources naturelles ne prédisposaient pourtant pas le pays. Lorsque le Premier Ministre Lee Kuan Yew ratifia, le 9 août 1965, la séparation avec la Malaisie, tout était donc à faire. Pour mieux comprendre le tour de force de la jeune nation singapourienne, on pourra retenir cette célèbre formule prononcée à cette époque par le père de la nation singapourienne : « En cet âge de technologie et de science moderne, 2 millions de personnes peuvent réussir tout autant que 20 millions à travers une organisation rationnelle et un effort déterminé et discipliné. »
De fait, Singapour a bien changé. Tout en devenant un hub de transports indispensable sur la carte du commerce international, il s’est progressivement tourné vers des secteurs à haute intensité technologique, augmentant à chaque fois la valeur ajoutée de sa production. Aujourd’hui, Singapour rivalise au deuxième rang mondial pour le revenu par travailleurs, estimé à 240 750 dollars (contre 143 674 de dollars pour la France), selon l’Index de la Prospérité de l’Institut Legatum, un cabinet d’investissement basé à Dubaï. De plus, près de la moitié de ses exportations sont classées dans la catégorie high tech.
Pour y parvenir, le gouvernement singapourien a dû consacrer d’immenses efforts dans les domaines de l’éducation et de la formation. Au début des années 1990, la Cité-État se dote d’un véritable plan national pour promouvoir la technologie. Il est déjà un producteur important de produits électroniques et de semi-conducteurs. Mais le grand saut intervient réellement avec le lancement de Biopolis et du complexe d’innovation One-North au tournant des années 2000. Entre 1991 et 2012, les dépenses publiques consacrées à la R&D passe de 550 millions à 5 milliards de dollars. Sur la même période, le nombre de scientifiques et d’ingénieurs est multiplié par six -32 000 en 2014. Au total, quelque 7 400 projets industriels entrepris dans le pays auront généré plus de 1 milliard de dollars d’investissements dans la R&D industrielle. Aujourd’hui quelque 55 000 start up sont actives contre 24 000 en 2005.
Matériaux, chimie, modélisation informatique, big data, jeux vidéo, bio-médecine, robotique, aucun champ de recherche n’est délaissé par la Cité-État, chacun étant susceptible de renforcer la croissance économique du pays. L’industrie de l’infocomm, cœur de métier d’innovation de Fusionopolis, représente, par exemple, des revenus culminants à 120 milliards de dollars, soit près des deux tiers des exportations du pays, en raison de la réexportation de smartphones ou de tablettes. L’essentiel des leaders mondiaux du secteur sont présents à Singapour comme STMicroelectronics ou Seagate qui a annoncé à l’été 2015 la création d’un centre de R&D. De la même manière, le secteur des sciences biomédicales est devenu le deuxième pilier de l’industrie singapourienne aux côtés de l’électronique. L’énergie et les industries chimiques n’échappent pas non plus à cette soif d’innovation comme en témoigne le redéveloppement de Jurong Island en complexe intégré regroupant 95 multinationales, dont Shell, Exxon Mobil, Total ou DuPont qui y ouvrira en 2016 son premier centre de R&D en Asie du Sud-Est.
On ne compte plus d’ailleurs le nombre de centres de recherche et d’innovation ouverts par des entreprises étrangères. Après L’Oréal, Sanofi, Medtronic, Airbus ou encore Thales, le dernier arrivé côté français est le groupe Suez Environnement, qui a décidé d’implanter à Singapour un centre d’innovation composé de 15 chercheurs et ingénieurs avec pour objectif de partager son expertise en matière de gestion de l’eau. Le 15 juin 2015, il a signé à cet effet un protocole d’accord avec le Public Utilities Board (PUB), d’une période de 5 ans renouvelables et prévoyant également le développement conjoint de technologies Smart Water, c’est-à-dire, d’outils incluant l’utilisation de technologies de l’information et de la communication (TIC) pour mieux gérer l’utilisation de l’eau disponible, dont le pays manque. Au-delà, selon Jean-Louis Chaussade, Directeur Général de Suez Environnement, « cet accord marque une étape importante dans le développement de Suez Environnement en Asie du Sud-Est. »
Un an auparavant, c’était EDF qui créait à Singapour un centre d’excellence des villes durables asiatiques, consacré à la recherche en aménagement urbain, dans le cadre d’un accord de coopération en matière de recherche avec l’Housing Development Board (HDB). La visite d’État du Président Tony Tan a d’ailleurs permis d’approfondir davantage la coopération franco-singapourienne dans les secteurs de pointe. À cette occasion, la Cyber Security Agency (CSA) tout récemment créée par la Cité du Lion a ainsi conclu son premier accord avec un organisme étranger, l’Agence nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI), sur le partage de l’information et des meilleurs pratiques dans ce domaine.
Autre domaine d’excellence, la sûreté nucléaire a été l’objet d’un accord entre la NUS et l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) qui donnera corps à l’initiative sur la recherche et a sureté nucléaire lancé en 2014 par la National Research Foundation (NRF), prévoyant également des programmes de formation ; et ce, bien que Singapour écarte dans son mix énergétique toute solution d’origine nucléaire.
Dans le secteur aérospatial, le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’agence gouvernementale singapourienne Economic Development Board (EDB) doivent entamer une collaboration, en particulier avec son Office for Space Technology and Industry (OSTIn) qui pourrait devenir l’embryon d’une Agence spatiale singapourienne. Celle-ci portera sur les radiocommunications et les composants électroniques, domaines d’excellence de Singapour, qui permettront d’intensifer la coopération déjà existante sur l’inspection laser des composants microélectroniques menée par le CNES et la NTU ; et sur l’étude d’une coopération dans le domaine de l’observation de la Terre, avec la réception directe en Guyane française des images du futur satellite singapourien TeLEOS-1.
Par ailleurs, l’Université Paris-Saclay a signé deux protocoles d’entente pour étoffer la coopération avec la NUS et la Nanyang Technological University (NTU). Enfin, un accord a été signé entre Sorbonne Universités et la NTU qui permettra la mise en place de cotutelles entre les deux institutions.  
Et Singapour ne compte pas en rester là. Déjà le plan RIE (pour Recherche, Innovation et Entreprise). 2015 prévoyait un investissement public atteignant 11,5 milliards de dollars, soit 20% d’augmentation par rapport au précédent plan quinquennal, et ce, en dépit du ralentissement économique international. Si les chiffres du prochain RIE ne sont pas encore connus, ils devraient s’inscrire dans la même dynamique en mettant notamment le cap sur les énergies vertes avec le lancement de programmes de développement dans le secteur de l’énergie solaire, ainsi que sur la création d’un Data Center Park destiné à attirer les plus grandes multinationales et PME. Mais surtout, comme l’a récemment souligné le Ministre des Finances singapourien, M. Heng Swee Keat, il s’agit de franchir une nouvelle étape dans la stratégie économique du pays en passant de l’innovation générant de la valeur-ajoutée à celle générant de la «valeur-créée». Dans le Global Innovation Index publié chaque année par l’INSEAD, la Cornell University et l’Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI), Singapour se maintient en 2015 au 7ème rang mondial, mais au premier rang de la région Asie-Pacifique. Son objectif est de rejoindre des pays comme la Suisse, la Finlande ou Israël.    CH

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