Un hub économique qui ouvre les portes de l’Asie du Sud-Est
Déjà, les Britanniques parlaient de Singapour comme de la « Perle de l’Orient », avec sa position géostratégique exceptionnelle sur le détroit de Malacca. Depuis son indépendance, la Cité-État a su exploiter ses atouts et contourner les obstacles, pour devenir une porte d’entrée vers l’Asie du Sud-Est ainsi qu’un leader dans des secteurs de pointe et de haute valeur ajoutée. Dans ce but, elle a mis en œuvre une stratégie d’ouverture économique qui a séduit et continue de séduire les grands groupes mondiaux, et notamment les entreprises françaises qui y sont fortement représentées.
Une aérogare nichée dans une serre géante en forme de dôme, une cascade de 40 mètres de haut, un espace commercial allié à un parc urbain aux allures futuristes… Un véritable univers de science fiction. Ce seront les premières images que les passagers auront de Singapour en atterrissant à l’aéroport international de Changi d’ici 2018. Déjà classé meilleur aéroport au monde par Skytrax, ce vaste projet de modernisation et d’agrandissement de l’aéroport, qui a accueilli quelque 54,1 millions de passagers en 2014, deviendra l’un des symboles de la réussite singapourienne. Il s’agit aussi d’une nécessité en vue de conserver sa dimension de hub de fret et plateforme logistique clé en Asie, relié à plus de 300 villes de 79 pays, avec plus d’une centaine de compagnies aériennes qui opèrent 6 500 vols chaque semaine. Car, les aéroports poussent comme des champignons (la Chine prévoit d’en construire pas moins de 100 d’ici à 2027) et la concurrence se durcit (la grande compagnie low cost Air Asia a annoncé qu’elle quitterait bientôt Singapour au profit de Kuala Lumpur). Côté maritime aussi, la concurrence est rude. Au niveau mondial, les ports chinois de Ningbo-Zhoushann et de Shanghai surclassent celui de Singapour, avec ses 32,6 millions d’EVP (équivalent vingt pieds) traités dans les terminaux de Tanjong, Pagar, Keppel et Pulau Brani ou dans la nouvelle grande zone plus profonde de Pasir Panjang. Néanmoins, le port de Singapour projette la construction d’une troisième zone de terminaux à Tuas, afin d’accroître ses capacités en transbordement. En outre, il demeure une plateforme majeure du raffinage et de la pétrochimie en Asie et propose d’énormes capacités de stockage de vracs liquides, à l’image de la zone industrialo-portuaire de Jurong. La Cité-État a également créé cinq zones franches, dont quatre sont pour le trafic maritime et une pour le fret aérien, et investit aussi dans d’autres ports de la région, notamment en Russie, pour y garder la main. Car c’est bien sa dimension de lieu de transit et de porte vers la région du sud-est asiatique que Singapour a cherché à mettre en valeur depuis 50 ans. En 2015, ce ne sont pas moins de 46% des multinationales de plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires qui ont leur siège en Asie-Pacifique à Singapour. À juste raison ! État-membre de l’ASEAN, la Cité-État offre un accès privilégié à un marché de 625 millions d’habitants et un PIB combiné de 2 400 milliards de dollars, en attendant le rendez-vous que se sont donnés les 10 membres de l’ASEAN, le 31 décembre 2015, pour proclamer la naissance de leur Communauté économique. Mais Singapour s’est aussi attachée à conclure 21 accords bilatéraux ou régionaux de libre-échange avec 32 partenaires sur tous les continents. Le dernier en date étant celui établi avec l’Union européenne, dont les ultimes volets ont été signés en octobre 2014.
L’environnement des affaires le plus attractif au monde Singapour met un point d’honneur à conserver l’environnement des affaires le plus attractif au monde. Membre de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) depuis 1995, elle fait en sorte de correspondre aux normes internationales du commerce. Elle a notamment signé le 16 janvier 2015 avec la France, à l’occasion de la visite de M. Michel Sapin, Ministre français des Finances, une nouvelle convention fiscale franco-singapourienne. Outre les dispositions visant à lutter contre les pratiques fiscales abusives, ce texte est appelé à améliorer l’environnement des entreprises, notamment en abaissant les taux de prélèvements sur les dividendes. Surtout, la politique fiscale y est très favorable avec 17 % sur les bénéfices des sociétés et aucun impôt sur les plus-values. La taxe sur la valeur ajoutée est de 7 %. Une stratégie volontariste d’attraction des IDE qui fonctionne bien puisque, selon le Rapport sur les investissements mondiaux 2014 de la CNUCED, Singapour est la 5ème destination mondiale des flux entrants d’IDE et la 3ème d’Asie de l’Est et du Sud-Est. Notons au passage qu’ils ont continué d’augmenter entre 2013 et 2014, atteignant 67,5 milliards de dollars. Les principaux investisseurs s’avèrent encore être les États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et le Japon. L’attractivité de Singapour s’explique aussi par l’arsenal juridique que le pays a su constituer depuis une quinzaine d’années pour protéger la propriété intellectuelle dans l’optique d’attirer les centres de R&D et de développer une économie de la connaissance. Car Singapour se rêve en « smart nation » plaçant l’innovation et les technologies au cœur de son essor économique, tout en soutenant l’esprit d’entreprise. En trois ans, Singapour est passé de la 17ème à la 10ème place du classement Compass des meilleurs écosystèmes pour start-up 2015. Pour se convaincre de la volonté de Singapour de s’imposer comme le hub des start-ups en Asie, il suffit de pénétrer dans le quartier LaunchPad, du côté ouest de la ville : haut de sept étages, le Block 71 accueille aujourd’hui plus de 250 start-up. Accélérateurs et autres incubateurs se multiplient, et les investisseurs ne sont pas loin. De l’autre côté, le campus de l’INSEAD, l’un des nombreux établissements d’enseignement supérieur qui ont choisi de s’y implanter tout comme l’ESSEC, l’EDHEC, l’EM Grenoble ou encore la Sorbonne, pour ne citer que les Français. Un peu plus loin, l’Université nationale de Singapour (NUS) qui a noué de nombreux accords de coopération avec des partenaires scientifiques du monde entier. À l’image d’une ville en perpétuel mouvement, d’autres espaces dédiés à l’entreprenariat devraient sortir de terre d’ici deux ans. À cet égard, le gouvernement a mis en place l’Infocomm Development Authority (IDA), qui vient d’instaurer Infocomm Investments, un fonds dotée de 180 millions d’euros pour stimuler l’émergence et la croissance de start-up singapouriennes.
Une place forte de la pétrochimie et de l’aéronautique Ce tissu entrepreneurial en pleine ébullition peut en outre s’appuyer sur des grands groupes et des marchés à haute valeur ajoutée dans lesquels Singapour a su devenir leader en quelques décennies. À commencer par la pétrochimie. Les grands groupes mondiaux ne s’y trompent pas. La holding française Total a annoncé le 3 juillet 2015 le démarrage d’une usine de lubrifiants d’une capacité de production de 310 000 tonnes par an à Singapour. Ce sera sa plus grande usine de ce type au monde. L’objectif ? « Total veut tirer parti de ses partenariats pour anticiper la croissance du marché en Asie, une région clé de la demande future en énergie », avait alors déclaré M. Philippe Boisseau, Directeur général de la branche Marketing & Services de Total. Autrement dit, cette usine doit contribuer à doubler les ventes du groupe en Asie. Celui-ci estime qu’avec plus de 4 milliards d’habitants, l’Asie devrait voir sa demande en lubrifiants augmenter de 18% d’ici à 2025 pour atteindre les 20 millions de tonnes. Une perspective que partage le néerlandais Shell qui entend lancer une unité de 140 000 tonnes par an de purification d’oxyde d’éthylène de haute pureté (HPEO) et une unité d’une capacité identique pour les éthoxylates sur son site de Jurong Island. Une annonce faite le 16 septembre 2015. Autre pilier de l’économie singapourienne, la construction et l’industrie manufacturière qui contribuent à hauteur de 25% du PIB. L’aéronautique y prend une place considérable puisque le secteur croît en moyenne de 12% par an depuis les 20 dernières années. Une centaine de compagnies aériennes y dispose de sites de maintenance (MRO), tandis que les grands constructeurs comme Bell, Rockwell Collins, Rolls-Royce, Airbus, Thales ou Safran y ont ouvert des sites de maintenance, de production ou de R&D. En 2014, Airbus Group annonçait vouloir y implanter un hub financier en vue de soutenir ses activités financières dans la région. À la mesure de ce dynamisme et des 32 milliards de dollars d’ententes annoncés à l’issue de son édition 2014, le Singapore AirShow est devenu un rendez-vous immanquable pour les avionneurs du monde entier. D’une part, parce que le marché est considérable, tant pour le civil que pour le militaire. Rappelons que Singapore Airlines est le 2ème client de l’A350 d’Airbus et de l’A380. D’autre part, parce que Singapour fait figure de hub industriel et financier de toute la sous-région.
L’exigence singapourienne du nec plus ultra, un eldorado pour les entreprises françaises Deux milliards d’euros, c’est le montant des investissements réalisés par le gouvernement singapourien dans le secteur biomédical entre 2011 et 2015. L’objectif ? Se positionner comme plateforme d’innovation et de recherche en Asie. À l’aune de la vitrine qu’offre le complexe Biopolis, qui héberge instituts, hub technologiques et centres de R&D industriels dédiés, le pari est en passe d’être réussi. La Cité du Lion détient des infrastructures médicales de pointe qui profitent non seulement à ses 5,5 millions d’habitants, mais aussi au million de touristes médicaux qui viennent chaque année s’y faire soigner. Ce n’est pas sans attirer les plus grands groupes mondiaux mais aussi les petites et moyennes entreprises (PME) étrangères que Singapour entend bien encourager à s’implanter sur l’île en vue de conquérir le marché asiatique. À cette fin, elle assure des réductions fiscales avantageuses, accorde des bourses de recherche et peut prendre en charge, en partie ou en totalité, la formation des employés. Plusieurs entreprises françaises ont déjà misé sur le potentiel de Singapour, comme les laboratoires pharmaceutiques Servier ou encore Biomérieux, en signant des accords ou en y implantant des centres de R&D. Il y a un an, le groupe Essilor inaugurait un nouveau bâtiment, implanté sur son campus établi au 215, Kallang Bahru. À côté du Centre innovation et technologies (CI&T) régional, ont pris place le siège « Asie, Moyen-Orient, Russie et Afrique » du groupe et une nouvelle académie prévue pour accueillir plus de 3 000 professionnels des soins oculaires. Un choix logique pour son Président-Directeur général, M. Hubert Sagnières : « Singapour est l’endroit rêvé pour mettre au point de nouveaux modèles économiques et des produits adaptés pour les marchés émergents de la région. La République est par ailleurs réputée dans le monde entier comme pôle de recherche sur la myopie ». Ce sont en réalité 600 entreprises françaises qui sont présentes à Singapour et pas moins de 40 000 personnes, soit l’équivalent de 1% de la population active du pays. Le stock des investissements directs français dans l’économie singapourienne dépasse les 7,5 milliards d’euros, représentant la moitié des investissements français dans la région Asie du Sud-Est. Avec 7,8 milliards d’euros d’échanges commerciaux en 2014, Singapour demeure le 1er partenaire commercial de la France en Asie du Sud-Est et le 3ème en Asie, derrière la Chine et le Japon. Cosmétique, transport, énergie, agroalimentaire, distribution, télécommunications… la présence française couvre un large spectre de l’économie singapourienne, de la technologie de pointe aux services, en passant par l’industrie du luxe où les marques françaises sont hautement appréciées. Friandes de la « mode française », les classes moyennes et aisées, en plein essor, achètent L’Oréal, Louis Vuiton, Pernod Ricard, qui y ont pris leurs quartiers. Car avec un PIB par tête bien supérieur à la moyenne régionale, et une consommation soutenue des quelque 15 millions de touristes qui visitent la Cité-État chaque année, Singapour constitue une destination attractive pour les grandes enseignes de l’industrie du luxe et une vitrine régionale. C’est de plus un excellent tremplin vers l’Asie du Sud-Est.CF |