Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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« La clé de la reprise, c’est l’investissement »

Entretien avec M. Nicolas Dufourcq,
Directeur général de Bpifrance

Mandatée en 2013 par le Ministère du Commerce extérieur pour stimuler le rayonnement et les exportations des PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises, la Banque publique d’investissement (Bpifrance) est devenue le nouvel interlocuteur des entrepreneurs tricolores. En un peu plus d’un an, elle a multiplié les partenariats avec les banques de la place et développé sa palette d’outils de financements, avec notamment la création d’une solution de financement à court terme à l’export fin 2014. M. Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance, nous explique la stratégie de cet établissement. Il insiste aussi sur l’urgence d’investir et de redonner confiance aux dirigeants d’entreprise en vue de redynamiser la croissance économique au sein de l’Hexagone.

La Lettre Diplomatique : Monsieur le Directeur, créée il y a à peine plus d’un an, la Banque publique d’investissement (Bpifrance) est le fruit d’un rapprochement entre OSEO, CDC Entreprises et le Fonds stratégique d’investissement (FSI). Pourriez-vous présenter la vocation de cette nouvelle structure ?

M. Nicolas Dufourcq : Bpifrance est l’accompagnateur de toutes les entreprises, des TPE aux ETI, voire des entités de taille plus importante à dimension stratégique pour l’économie française, de l’amorçage jusqu’à la cotation en bourse, en crédit, en garantie et en fonds propres. Bpifrance assure, en outre, des services d’accompagnement et de soutien à l’innovation, à l’export et à la croissance externe. Fort de 42 implantations régionales et de 2 200 collaborateurs, il représente un interlocuteur unique des entrepreneurs dans chaque région pour tous leurs besoins en financement et en investissement. Avec 90 000 entreprises clientes, Bpifrance représente 5% du marché du crédit aux PME en France, 40% de celui du capital développement et plus encore en capital innovation.

L.L.D. : En 2013, Bpifrance a alloué 10 milliards d’euros au financement des entreprises et procédé à 8 milliards d’euros de prêts bancaires ainsi qu’à 1 milliard d’euros d’investissement en capital. Quel bilan faîtes-vous de cette première année de fonctionnement ?


N.D. : Un an après sa création, Bpifrance fait la preuve que le rapprochement de l’ensemble des métiers du financement des entreprises dans une entité unique crée une dynamique positive sur tout le territoire. Et c’est vrai pour tous nos métiers : au 1er semestre 2014, le financement de l’investissement croît de 21% par rapport au 1er semestre 2013, celui de l’innovation de 30%, celui des fonds directs (apports en capital) double même. C’est un mouvement qui doit s’amplifier dans les années à venir !

L.L.D. : Bpifrance a financé pas moins de 3 210 projets innovants et en a accompagné 1 680 à l’international en 2013. Quels sont les critères de sélection des projets ?

N.D. : En innovation, les choses sont simples : tout projet de produits, procédés ou services innovants présentant des perspectives d’industrialisation ou de commercialisation, quel que soit le secteur, nous intéresse. Les modalités de financement s’adaptent ensuite au besoin précis : subvention, renforcement de trésorerie via une injection de fonds propres, des prêts innovation sans garantie, etc. A l’export, il en va de même : nous finançons, avec nos partenaires bancaires et la Coface, les investissements immatériels et les besoins en fonds de roulement des PME et des ETI présentant un projet convaincant de développement international. Preuve de notre engagement : de nouvelles offres sont lancées comme le financement des créances sur les clients étrangers et, début 2015, un crédit acheteur pour les clients étrangers d’équipements français.

L.L.D. : Etablissement français de financement et de développement des entreprises, comment se distingue Bpifrance des banques privées ? Votre rôle n’est-il pas également d’encourager les banques du secteur privé à prendre davantage de risque pour accompagner les PME et les ETI ?

N.D. : Bpifrance n’a pas été créé pour se substituer aux banques mais, bien au contraire, pour faciliter l’accès des TPE, PME et ETI aux ressources financières externes. En accordant notre garantie aux banques lorsqu’elles prêtent aux entreprises dans une phase sensible de leurs vies, lors d’étapes clés comme la création d’une filiale ou lors du lancement d’une offre tournée vers l’export. Nous apportons alors un complément de ressources en cofinancement ou en apport en capital sans distorsion des règles de concurrence. Enfin nous finançons, sur fonds publics cette fois, des investissements en cas de faille de marché comme cela peut être le cas dans l’innovation ou l’export. Par effet de levier, nous contribuons au déclenchement de près du double de concours privés par rapport à nos interventions.


L.L.D. : En inaugurant sa tournée des capitales régionales le 3 septembre 2014, Bpifrance a réaffirmé vouloir faire de cette année le « printemps de l’investissement ». Quels sont les grands chantiers engagés à ce jour par votre organisme ? Selon vous, quel peut être son rôle dans la politique de développement des régions, et au-delà dans le pacte national pour la croissance et la compétitivité mis en œuvre par le Président François Hollande ?

N.D. : Lors des Assises du financement du 15 septembre 2014, le Président l’a répété : « la clé de la reprise, c’est l’investissement ». Certes la demande est atone en France, mais pas à l’étranger ni pour les produits innovants. Des contraintes existent aussi en matière de financement, mais elles sont souvent liées à la peur de l’avenir ! Or, il y a urgence. Notre niveau d’investissement en 2014 reste inférieur de 12 % à celui de 2008. Pour remettre du carburant au moteur du pays, Bpifrance, qui est une banque de proximité, a souhaité mieux se faire connaître localement en donnant la parole à nos clients à travers les 35 rencontres régionales que nous menons tambour battant depuis juin et jusqu’en décembre 2014. La caravane Bpifrance veut partager toute l’énergie de notre réseau avec les entrepreneurs. A travers des présentations simples de notre offre d’accompagnement, elle met les entrepreneurs au centre de la rencontre. Ce moment particulier qui leur est entièrement dédié est toujours très apprécié des chefs d’entreprise. Et rien ne me réjouit plus que de voir à l’issue de ces rencontres, des entrepreneurs « reboostés », à qui l’on a redonné l’envie d’aller de l’avant, d’investir et d’innover.  

L.L.D. : Alors que l’exécutif français prône la rigueur financière, Bpifrance annonce vouloir investir 8 milliards d’euros d’ici à 2017 dans les entreprises françaises. Où va-t-elle trouver ces fonds ? Pourriez-vous décrire la nature des partenariats conclus avec plusieurs banques françaises comme la Société Générale ? A l’image des négociations avec BNP Paribas et le Crédit Agricole, comment expliquez-vous que les banques se montrent aussi réceptives à votre démarche ?

N.D. : Les fonds dont disposent Bpifrance ne correspondent pas à des engagements budgétaires mais au patrimoine de nos deux actionnaires, l’Etat français, via l’Agence des Participations de l’Etat, et la Caisse des Dépôts. Bpifrance est le bras armé de ces deux entités publiques et gèrent pour elles la partie la plus dynamique de leurs participations. Bpifrance assure la gestion d’environ 15 milliards d’euros d’actifs. Ces actifs produisent des dividendes et, pour certains d’entre eux, peuvent faire l’objet de cessions. Ces dividendes et les produits de ces cessions sont réinvestis. De même, nous disposons d’un volant de liquidités, et une partie du capital prévu à la création du FSI en 2008 n’a pas été libéré à ce jour. L’ensemble de ces ressources est mobilisable pour nous permettre d’atteindre nos objectifs en matière d’investissement, lesquels, une fois encore, ne constituent pas une dépense budgétaire puisqu’il s’agit de constituer et de faire vivre un patrimoine au service du développement économique et de la croissance.
Pour ce qui est des partenariats avec les autres banques françaises, ne rentrons pas dans le détail : ils sont très nombreux et très divers. Il s’agit de partenariats pour le financement de l’export, du court terme, de la mobilisation de ressources issues de l’assurancevie pour le financement des PME, etc. Il faut comprendre que Bpifrance est une banque de place, nous intervenons pour boucler des financements, pour apporter notre caution, etc. Il est donc naturel que nous travaillions avec toutes les banques de la place, lesquelles sont d’ailleurs présentes au capital de notre filiale financement, issue d’Oseo. Nous continuerons, dans les années à venir, d’intensifier la bonne collaboration avec l’ensemble des banques de la place, au service des entreprises.

L.L.D. : Bpifrance et Euler Hermes, spécialiste de l’assurance-crédit, ont signé le 9 septembre 2014, un accord de partenariat dédié à une offre de financement court terme à l’export baptisée Avance + Export. De quelle manière ce nouvel outil peut-il stimuler l’exportation des PME et ETI tricolores ? Quels atouts, selon vous, les entreprises françaises présentent-elles sur les marchés étrangers et internationaux ?

N.D. : Avance + Export s’inscrit dans la continuité des produits de trésorerie de Bpifrance pour favoriser le développement des entreprises sur les marchés export. Nous sommes là pour aider les entrepreneurs à devenir les relais de croissance à l’international. En finançant leurs besoins en fonds de roulement, les entreprises peuvent ainsi mieux se concentrer sur l’essentiel de leur mission : renforcer leur connaissance des marchés à l’export et se concentrer sur les relations commerciales avec leurs clients étrangers. C’est un outil de plus pour élargir le vivier des 120 000 exportateurs français qui sont reconnus pour leur savoir-faire mais aussi attendus sur les services rendus à leurs clients.   

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