Par M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères et du Développement international de la République française
Depuis 50 ans, la Chine et la France entretiennent des relations privilégiées, héritage de la décision historique du Général de Gaulle par laquelle la France a été le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. Beaucoup a changé depuis, mais les fondements de cette relation particulière sont demeurés. Nos relations ont pris ces derniers mois un essor nouveau. Le Président François Hollande a ainsi été le premier dirigeant occidental reçu par la nouvelle équipe dirigeante chinoise en avril 2013. Réciproquement, la récente visite d’Etat très réussie du Président XI Jinping a illustré la volonté de la France d’établir un partenariat durable avec la Chine. Sur le plan politique, les relations entre nos gouvernements sont étroites. Nous avons pris l’habitude de nous consulter sur les grands sujets d’actualité, comme nous le faisons avec nos partenaires américains, britanniques ou allemands. Sur la Syrie, sur l’Iran, sur l’Ukraine, notre dialogue est constant. Nous pouvons avoir certaines différences, mais nous les gérons dans le cadre d’un partenariat confiant et régulier, sans gesticulations. Ce dialogue est important, car dans les années à venir, la Chine prendra sans doute des responsabilités de plus en plus importantes sur la scène internationale. La France, nation indépendante, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, s’en réjouit et souhaite accompagner ce mouvement. De grands dossiers permettront d’y travailler : le climat, la sécurité et le développement de l’Afrique, l’organisation de la gouvernance globale. C’est dans cet esprit que nous souhaitons que la Chine puisse accueillir très prochainement le G20. Nous vivons dans un monde « zéro-polaire », où aucune puissance ou groupe de puissances ne détient seul les moyens d’être le garant en dernière instance de la paix et de la sécurité. Chacun voit les dangers de cette situation avec par exemple la crise russo-ukrainienne. La bonne réponse est d’aller vers un monde « multipolaire organisé ». La Chine, l’Europe doivent constituer quelques-uns de ces grands pôles d’équilibre. Autre développement significatif : nous mettons l’accent sur la multiplication des liens humains entre Chinois et Français. La Chine est en quelques années devenue davantage présente dans la vie quotidienne des Français. En Chine, les étudiants français sont les plus nombreux parmi les européens et la communauté française de Shanghai est la première communauté européenne. Nous devons développer encore ce brassage en fixant des objectifs volontaristes : 50 000 étudiants chinois au lieu de 35 000, 5 millions de touristes en France soit plus de trois fois le nombre actuel. Des mesures ont été prises pour lever les obstacles à la circulation des personnes : simplification des procédures de visas, accueil des étudiants chinois, dispositions en direction des touristes… Elles contribuent à la croissance rapide du nombre de visiteurs chinois, qui sont les très bienvenus en France. Un palier a également été franchi dans la perception de la France et de son attractivité par les investisseurs chinois. L’engagement des deux présidents sur ce dossier a dissipé les interrogations qui avaient pu exister sur l’accueil réservé aux entreprises chinoises en France. Toutefois, un aspect reste insatisfaisant : le déficit commercial au détriment de la France demeure proche de 26 milliards d’euros en 2013, soit toujours 40% de notre déficit global. Il nous faut redoubler d’efforts en faveur d’un rééquilibrage par le haut. Les mutations du modèle économique chinois doivent nous permettre de progresser. La France n’avait pas pris pleinement le tournant de la première industrialisation chinoise ; aujourd’hui, le nouveau modèle que construit la Chine, davantage tourné vers le développement intérieur, la qualité de vie et l’environnement offre des perspectives nouvelles. La France veut être au rendez-vous de ce nouvel âge de l’économie chinoise. A nous de nous mobiliser en ce sens ; aux autorités chinoises de confirmer un environnement favorable pour ces nouveaux partenariats. Cette mutation s’accompagne d’une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et climatiques, qui doit faire bouger les lignes dans les discussions internationales. La France accueillera la conférence Paris Climat 2015. Nous entendons travailler avec la Chine pour aboutir à un accord universel. La Chine et la France ont donc de grandes choses à réaliser ensemble. Il existe de part et d’autre une volonté de travailler en ce sens, afin que nous puissions construire une amitié toujours plus forte et vivante, dans l’intérêt réciproque des deux peuples et dans l’intérêt du monde. |