Entretien avec Mme Liliane Zafrani, Fondatrice de la galerie Espace Meyer-Zafra
La Lettre Diplomatique : Comment est née la galerie Meyer-Zafra ?
Mme Liliane Zafrani : J’ai créé l’Espace Meyer-Zafra en 2000. Après avoir cherché quelques temps ma voie, en m’interessant en particulier à la photographie, j’ai peu à peu pris le parti de défendre l’art cinétique et géométrique. Je me suis imprégnée de ces deux mouvements de l’art contemporain au Venezuela, dont je suis originaire et où j’ai grandi. Ce choix s’est imposé après une conversation très chaleureuse que j’avais eu, quelques mois avant son décès, avec le maître Jesus Soto qui s’inquiétait pour l’avenir de l’art cinétique. Je lui avais alors fait en quelque sorte la promesse de continuer à promouvoir cet art. Il est vrai aussi qu’aujourd’hui nous recherchons aussi de nouveaux talents qui évoluent sur les traces de ces artistes que nous avons defendus et que nous continuons à defendre.
L.L.D. : Pouvez-vous nous présenter l’art cinétique ?
L.Z. : L’art cinétique est né dans les années 1950. Jesus Soto et Yaacov Agam en ont été les précuseurs à Paris, où ils ont provoqué une véritable révolution artistique. Agam s’intéressait à la 4ème dimension tandis que Soto travaillait sur la tridimensionnalité. Notre galerie s’est également attachée à défendre les artistes de la deuxième génération de ce mouvement, ceux qui ont suivi Soto en Europe et qui ont rompu avec la tradition académique vénézuélienne, davantage centrée sur l’impressionisme et le paysagisme. En venant en Europe, ces artistes sont partis à l’aventure, sans point de chute. On peut dire qu’ils ont fait école. C’est pour cela que je consacre beaucoup d’efforts pour suivre le mouvement du cinétisme.
L.L.D. : La Galerie Meyer-Zafra consacre une exposition à Manuel Merida. Pouvez-vous nous présenter son œuvre ?
L.Z. : Manuel Merida est un artiste de la deuxième génération. Il est âgé aujourd’hui de 73 ans. Dans les années 1970, il était au Venezuela l’un des premiers artistes conceptuels et cinétiques dans le sens où il fait bouger toutes ses œuvres, avec des mécanismes et des moteurs qu’il a lui-même conçus. Un critique de Caracas qui s’appelait Miguel Arrollo disait que l’œuvre de Merida tenait du hasard. Je vous invite d’ailleurs à venir voir [jusqu’au 4 janvier 2014] dans notre galerie, l’une de ses installations conceptuelles, qui mesure 11,50 mètres. Elle est vraiment spectaculaire et fascine tout autant les enfants que les adultes par la poésie et l’énergie qu’elle dégage. Nous exposerons également l’une de ses œuvres à la foire Arco à Madrid en février 2014.
L.L.D. : Quelle relation entretenez-vous avec vos artistes ?
L.Z. : Je suis très impliquée dans leur travail. Le travail d’un galeriste est non seulement de promouvoir le travail d’un artiste, mais aussi de bien le comprendre. Nous travaillons main dans la main. C’est le cas avec Manuel Merida, mais aussi avec Francsico Salazar par exemple.
L.L.D. : Comment l’Espace Meyer-Zafra s’ouvre-t-il à la scène internationale ?
L.Z. : En effet, nous nous sommes ouverts à des talents venus d’autres horizons. Cela tient aux origines du mouvement cinétique que je défend. Tous ces artistes se sont cotoyés dans les années 1960-70 à Paris, qui est devenu le berceau de cet art. Certains venaient d’Allemagne et de Suisse. J’ai, par exemple, choisi de défendre principalement deux artistes italiens, même si j’en ai exposé plus de dix, qui sont Marina Apollonio, Manfredo Massironi qui n’est plus de ce monde. Toutefois, je dois dire que quand je me consacre à un artiste, je fais un travail de fond, ce qui, malheureusement ne me laisse pas beacoup de temps, ni d’espace pour le faire avec tous. Je me consacre aussi au mouvement allemand. J’ai beaucoup fait la promotion de Ludwig Wilding, auquel j’ai consacré deux magnifiques expositions individiuelles à Paris et que j’ai fait connaître aux grands collectionneurs latino-américains.
L.L.D. : Comment percevez-vous l’accueil du public dans la galerie Meyer-Zafra à New-York ?
L.Z. : L’accueil à New York est aussi très satisfaisant. Nous bénéficions de la présence d’une grande communauté latino-américaine. Il est vrai que notre travaille y est plus international : nous voulons mettre en lumière davantage les autres artistes que nous défendons comme Yaacov Agam, qui sera au cœur de notre participation à la Foire Art Miami, dans le cadre d’un dialogue entre ce qui s’est passé dans les années 1960-70 en Europe et ce qui se passait parallèlement en Amérique latine. Je me suis d’ailleurs rendue à New York en novembre 2013 pour participer à la foire latino-américaine d’art contemporaine et moderne (Pinta New York). C’est la 3ème fois que nous y participons, cette fois-ci dans la section moderne avec un projet très spécial qui est un dialogue entre Carlos Cruz-Diez et Jesus Soto d’une part, et Manuel Merida et Francisco Salazar d’autre part.
L.L.D : Dans quelle mesure pensez-vous pouvoir élargir votre présence à d’autres centres émergents de l’art contemporain comme Dubaï ?
L.Z. : Nous sommes en effet très courtisés par la foire Art Dubai et le public de l’ensemble de la région du Golfe qui apprécie beaucoup ce que nous faisons. |