« Un nouveau départ pour le Pakistan »
« Naya Pakistan », le nouveau Pakistan : c’est ainsi que fut qualifiée l’élection à la tête du gouvernement du Premier Ministre Nawaz Sharif en mai 2013. Confirmée par l’adoption d’une série de mesures fortes, la nouvelle ère qui s’ouvre pour le Pakistan demeure confrontée à d’importants défis, à commencer par un environnement régional compliqué et la lutte contre le terrorisme. Ambassadeur du Pakistan en France, S.E.M. Ghalib Iqbal analyse pour nous les principales initiatives prises pour remettre le pays sur le chemin de l’émergence et valoriser ses atouts : une population jeune, un positionnement géographique stratégique et des secteurs dynamiques comme les télécommunications.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, six ans après son retour d’exil en 2007, le Premier Ministre Nawaz Sharif a été élu le 11 mai 2013 pour un troisième mandat à la tête du gouvernement pakistanais. Comment décririez-vous les atouts de ce dernier pour insuffler une nouvelle dynamique de développement à votre pays ? Quel regard portez-vous sur les défis qu’il doit encore surmonter, notamment en matière de consolidation de la bonne gouvernance ?
S.E.M. Ghalib Iqbal : Le Pakistan accorde aux élections générales du 11 mai 2013 une importance capitale dans son histoire. En dépit de tous les problèmes qui se posent au pays et à cette région du monde, nous sommes en mesure de faire vivre durablement notre démocratie. A plusieurs titres, il s’agit d’un nouveau départ pour le Pakistan et d’un signe avéré de la nouvelle dynamique de notre démocratie et d’autres institutions. Comme beaucoup d’autres pays du monde, nous avons besoin d’une démographie forte, ainsi que de services de base tels que la santé et l’éducation pour stimuler notre développement. Nous espérons être en mesure d’améliorer les conditions pour les investissements étrangers et de créer des opportunités d’emploi pour notre jeunesse. Nous devons, par ailleurs, impérativement améliorer l’ordre public pour assurer une gouvernance adéquate. Notre gouvernement est déterminé à utiliser la force de son mandat pour améliorer les conditions de vie de la population. Le Pakistan est parfaitement conscient des défis à relever et fait preuve de toute la volonté nécessaire dans ce sens.
L.L.D. : Marqué par le ralentissement de sa croissance depuis cinq ans, l’économie pakistanaise constitue la priorité du Premier Ministre pakistanais. Quelles opportunités ouvre dans cette perspective le programme d’aide d’un montant de 6,7 milliards de dollars sur trois ans, récemment accordé par le FMI au Pakistan ? Quelles sont les mesures privilégiées en vue d’assainir le déficit des finances publiques ?
S.E.M.G.I. : Les perspectives pour 2013-2014 sont optimistes avec une reprise de la croissance en dépit de multiples défis. Pour cette période, nous ciblons une croissance du PIB de 4,4% avec des contributions significatives des secteurs de l’agriculture (3,7%), de l’industrie (4,8%) et des services (4,5%), objectifs que nous considérons comme atteignables. La nouvelle convention de prêt signée avec le Fonds monétaire international (FMI) va nous donner la marge fiscale nécessaire pour résoudre les problèmes à moyen terme tels que l’amortissement de nos dettes et, de surcroît, améliorer notre capacité de mise en œuvre de réformes structurelles dans le pays. Notre gouvernement attache une attention particulière à la stabilité micro-économique, en assurant de meilleures conditions de sécurité et un environnement favorable aux entreprises. Le Pakistan est ainsi totalement engagé dans la réduction du déficit public, dans la diminution des trop fréquentes coupures d’électricité, dans la consolidation fiscale pour réduire la dette par l’amélioration globale de la collecte des impôts, dans des ajustements de la politique de taux de change et monétaire en vue de réduire l’inflation et dans des réformes pour améliorer les performances du secteur bancaire.
L.L.D. : Dès son entrée en fonction en juin 2013, le gouvernement pakistanais s’est attelé à résoudre l’une des pires crises que traverse son secteur énergétique. Quelles initiatives votre gouvernement a-t-il d’ores et déjà mises en œuvre pour y faire face ? A la lumière de l’annonce d’une nouvelle politique énergétique, quelles sont les orientations préconisées pour diversifier le mix énergétique de votre pays ?
S.E.M.G.I. : Avec pour objectif de soulager au plus vite les populations, et en dépit d’une situation fiscale extrêmement difficile, le gouvernement pakistanais a, juste quelques temps après son arrivée au pouvoir, procédé à l’apurement à hauteur de 480,1 milliards de roupies (approximativement 4,8 milliards de dollars) de la « dette circulaire » du secteur de l’énergie qui s’élevait à 503,1 milliards de roupies en mai 2013. De plus, notre gouvernement a également annoncé un plan de développement du parc énergétique Gaddani de 6 600 MW à base de charbon, avec l’assistance d’entreprises chinoises, et des efforts sont mis en œuvre pour terminer rapidement le projet hydro-électrique de Neelum-Jhelum qui a pris beaucoup de retard, afin de résoudre les graves pénuries d’énergie qui affectent notre pays. De plus, le gouvernement s’attache à utiliser toutes les ressources locales du mix énergétique national, à savoir le charbon, l’hydroélectricité ainsi que les sources d’énergies alternatives et renouvelables. Le Pakistan dispose d’un potentiel hydroélectrique supérieur à 60 000 MW, sachant que seulement 6 556 MW sont produits aujourd’hui. Un nouveau Comité sur l’énergie a été créé avec à sa tête le Premier Ministre du Pakistan pour traiter de toutes les questions en hiérarchisant les priorités.
L.L.D. : Doté d’importantes ressources naturelles, le Pakistan a vu les investissements étrangers décroître au cours de ces dernières années. À travers quels dispositifs les autorités pakistanaises comptent-elles stimuler le secteur privé et l’attractivité du marché pakistanais auprès des investisseurs étrangers ? Comment qualifieriez-vous les opportunités de croissance de secteurs à fort potentiel comme l’agriculture ou les télécommunications ?
S.E.M.G.I. : Le cadre pour la croissance économique mis en place par le gouvernement insiste sur l’amélioration de la gouvernance, le renforcement des institutions, la stimulation des marchés et le lancement de réformes dans des domaines tels que le système judiciaire, la fonction publique, les systèmes et procédures, l’administration fiscale, les approvisionnements, la gestion financière, l’application des droits de la propriété et les entreprises du secteur public. La transition politique sans à-coups intervenue après les récentes élections au Pakistan a conduit à une stabilité politique considérable pouvant servir de base saine pour la stabilité économique du Pakistan dans un avenir prévisible. Dans le cadre de sa stratégie pour les investissements, le gouvernement encouragera les investissements étrangers directs menés par les acheteurs, avec un accueil favorable aux investisseurs qui souhaitent utiliser le Pakistan comme base manufacturière de produits d’exportation, particulièrement dans des secteurs où le Pakistan dispose d’un avantage comparatif. Pour le moment, nous mettons la priorité sur les investissements étrangers dans les centrales électriques au charbon ou hydroélectriques, sur le projet d’autoroute Lahore-Karachi, et sur le développement d’infrastructures, pour ne parler que de quelques-uns. Très prochainement le gouvernement va ouvrir les marchés, encourager le commerce régional et développer les PME et les pôles d’entreprises dans plusieurs districts par le biais d’actions à guichet unique. Le secteur public sera invité à conduire des réformes et une modernisation de l’agriculture qui contribue à environ 21% du PIB et emploie 45% de la main d’œuvre du pays. Dans le même temps, avec la troisième plus forte croissance du monde sur le marché des télécommunications, les infrastructures de télécommunications pakistanaises vivent une amélioration spectaculaire grâce aux investissements nationaux et étrangers, en conséquence de quoi le gouvernement va lancer la 3G à haut débit pour augmenter de 8% la pénétration en vue de stimuler une hausse de PIB de l’ordre de 1,104% et de l’emploi de 1,6 à 2,4%. On considère en outre que l’adoption d’une politique énergétique intégrée devrait ajouter 2% supplémentaires à la croissance du PIB.
L.L.D. : Le Pakistan dispose d’une population jeune à forte croissance démographique. Comment votre pays envisage-t-il de tirer efficacement profit de ce potentiel humain ?
S.E.M.G.I. : Les jeunes représentent plus de 30% de la population du pays, soit environ 55,7 millions en 2013. Pour tirer profit de cette immense richesse humaine, le gouvernement est déterminé à faire des investissements structurés pour répondre aux besoins de la jeunesse. Non seulement le gouvernement s’attaque à l’échec et à l’abandon scolaire et universitaire, mais de plus il vient d’annoncer six programmes de prêts pour le bien-être de la jeunesse d’un montant de 20 milliards de roupies pour traiter immédiatement la question de l’emploi des jeunes et pour former plus de main d’œuvre qualifiée dans le pays. Dans le cadre d’une stratégie à long terme pour la stimulation de la jeunesse élaborée par la Commission nationale pour la formation professionnelle et technique, le gouvernement envisage des mesures effectives pour le développement des ressources humaines à tous les niveaux d’enseignement, y compris le primaire, le technique, le tertiaire et le supérieur. La croissance moyenne globale du PIB a été de 3% au cours des dernières années et doit dépasser les 7% pour assurer des emplois tous les ans aux 3,6 millions de nouveaux entrants sur le marché du travail pakistanais. Compte tenu des énormes potentiels du Pakistan, cet objectif nous semble atteignable.
L.L.D. : Confronté à d’importants défis en matière de sécurité, le Premier Ministre Nawaz Sharif a appelé à amorcer des pourparlers de paix avec les extrémistes et les talibans. Dans quelles conditions un compromis politique et une réconciliation nationale vous semblent réalisables ? Quelle approche est plus spécifiquement privilégiée face au séparatisme qui s’exprime au Baloutchistan ?
S.E.M.G.I.: Dans l’état actuel des choses, nos espoirs résident dans l’évolution d’un consensus politique au Pakistan sur la nature et l’étendue de la réponse aux menaces terroristes. Les résultats des élections générales du mois de mai 2013, par lesquelles le peuple pakistanais a vivement rejeté la plupart des partis et groupes politiques les plus religieux, ont ouvert les yeux de beaucoup. Ces résultats traduisent largement la volonté sans faille de notre peuple d’en finir avec la menace et l’agenda des extrémistes, en recourant à tous les moyens possibles, et d’avancer vers le progrès économique et la prospérité. Le gouvernement du Premier Ministre Nawaz Sharif a mis en œuvre, non sans difficultés, une approche efficiente destinée à impliquer toutes les parties prenantes dans les principales questions, qu’il s’agisse de l’administration civile ou militaire, des hommes politiques ou de plus larges segments de la société civile dans quatre provinces du Pakistan. Ces questions comprennent tous les défis immédiats auxquels notre nation est confrontée, particulièrement le terrorisme et l’extrémisme. La conférence de tous les partis (All Parties Conference), tenue avec succès en septembre 2013, a été le résultat de cette démarche patiente. Le Premier Ministre du Pakistan a déclaré que son gouvernement était déterminé à résoudre le problème du terrorisme par le dialogue ou par l’autorité pleine et entière de l’Etat, et que toutes les institutions étatiques étaient à l’unisson à ce sujet. Bien que le Pakistan dispose de plus d’une seule option pour régler ce problème, la sagesse impose d’éviter les pertes de vies innocentes, et l’offre de dialogue faite à ceux qui s’égarent sur le sentier du terrorisme a été faite purement dans cet esprit. Dans le cadre du même processus de réconciliation, une approche nationale commune élaborée en vue de traiter des questions de loi et d’ordre à Karachi et au Baloutchistan a fait l’objet d’un accord. La conférence de tous les partis qui a exprimé sa conscience de la situation troublée dans la province du Baloutchistan, a autorisé le gouvernement à initier un processus de dialogue avec tous les éléments baloutches dans et hors du pays, afin de les ramener au sein de la nation. La récente déclaration d’allégeance à la Constitution et à l’Etat pakistanais par pratiquement tous les leaders nationalistes baloutches a fait taire la fausse propagande sur la difficile situation du droit et de l’ordre dans la province. Notre gouvernement est déterminé à assurer que ce processus d’engagement politique atteigne son objectif de rétablissement complet de la paix dans la plus grande province du Pakistan.
L.L.D. : Alors que les opérations de drones américains sur le territoire pakistanais ont constitué une source majeure de tensions entre votre pays et les Etats-Unis, les deux parties ont mené récemment plusieurs discussions concernant leur volonté de rétablir pleinement les relations de partenariat entre les deux pays. Comment s’articule désormais le dialogue bilatéral sur les enjeux de sécurité et de défense ? Plus concrètement, comment ce nouvel élan de coopération est-il appelé à se traduire ?
S.E.M.G.I. : Notre Premier Ministre a déclaré catégoriquement que les attaques de drones constituent une violation de la souveraineté du Pakistan et du droit international, y compris les droits de l’homme et le droit humanitaire, qu’ils causent la mort de civils et portent atteinte aux efforts combinés de lutte anti-terroriste. Il a également soulevé la question en termes clairs et sans ambigüité lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2013. Au cours de la visite qu’il a effectuée aux Etats-Unis sur l’invitation du Président Obama le 23 octobre 2013, le Premier Ministre Nawaz Sharif a demandé au gouvernement américain de mettre instamment un terme à ces attaques. Les attaques de drones sont contre-productives. Le gouvernement pakistanais a voulu ouvrir le dialogue mais la mort de Hakim Ullah Mehsud dans une attaque de drones a encore fait caler le processus. Des discussions approfondies se sont tenues à cette occasion à la Maison Blanche entre le Premier ministre Nawaz Sharif et le Président Obama. Les deux dirigeants ont reconnu l’importance du partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan construit sur la base d’intérêts et du respect mutuels, ainsi que des principes de respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. Les deux chefs d’Etat se sont félicités de la reprise du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et le Pakistan et ont réaffirmé son importance comme cadre approprié de conduite des relations bilatérales. De plus, le secrétaire d’État John Kerry accueillera un dialogue stratégique au niveau ministériel à Washington, en mars 2014.
L.L.D. : Le départ des troupes de l’OTAN de l’Afghanistan en 2014 marquera un tournant pour l’ensemble de l’Asie du Sud. Comment appréhendez-vous cette échéance ? Quels sont les préparatifs prévus dans cette perspective avec vos partenaires participant à la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) ? Quel rôle le Pakistan compte-t-il jouer dans le processus démocratique afghan ?
S.E.M.G.I. : Le gouvernement pakistanais a déclaré que son attention restera focalisée sur la région autour du Pakistan, car sans paix dans son voisinage, le désir de croissance et de développement du pays est voué à l’échec. La paix en Afghanistan est la meilleure garantie de paix et de stabilité au Pakistan, alors que la poursuite des conflits aura un impact négatif sur notre environnement économique et notre cohésion sociale. Donc, l’Afghanistan reste un pays d’intérêt absolument critique pour nous. Le Pakistan aspire sincèrement qu’un processus de paix et de réconciliation soit défini et conduit par l’Afghanistan, et fera tout son possible pour le soutenir par tous les moyens, afin d’assurer un Afghanistan stable, pacifique et unifié. La récente libération de quelques prisonniers talibans par le Pakistan procède du même effort. Dans cet esprit, le gouvernement poursuit une politique de consensus en accord avec la déclaration de la conférence de tous les partis qui a recommandé de faire tous les efforts pour restaurer la paix en Afghanistan par l’engagement continu du gouvernement et du peuple afghan. Nous sommes également convaincus qu’il existe un fort besoin de développer un consensus régional sur diverses questions de sécurité, de politique et d’économie. Les pays de la région doivent résister à la tentation du favoritisme. Ils doivent également contribuer positivement au processus de stabilisation en Afghanistan par leur soutien à la reconstruction et au développement économique, et le renforcement de l’intégration régionale de l’Afghanistan. La clé d’une connectivité et d’un agenda de développement transrégional dans lesquels l’Afghanistan doit jouer un rôle essentiel réside dans une forte coordination régionale.
L.L.D. : Sous l’impulsion du Premier Ministre Nawaz Sharif, le réchauffement des relations avec l’Inde est devenu une priorité de la politique étrangère pakistanaise. Quelles initiatives envisage-t-il d’adopter en ce sens ? Quelle analyse faites-vous des récentes tensions dans la région frontalière du Cachemire ? Dans quelle mesure un renouveau du dialogue entre Islamabad et New Delhi peut-il contribuer à relancer le processus d’intégration régionale au sein de l’Association des Nations de l’Asie du Sud (SAARC) ?
S.E.M.G.I. : Comme je l’ai dit plus tôt, dans le domaine de la politique étrangère, l’attention immédiate du Pakistan se concentrera sur ses voisins et sur la région. Rapidement après sa prise de fonction, le Premier Ministre Nawaz Sharif a adopté plusieurs initiatives pour mettre en place une direction ferme et claire afin de normaliser progressivement nos relations avec l’Inde et de rechercher activement une solution à toutes les questions en suspens, y compris la question clef du Cachemire qui doit être déterminée à la lumière des résolutions de l’ONU. Lors de son premier discours adressé à la nation comme Premier Ministre, il a déclaré qu’il a toujours été en faveur de bonnes relations avec l’Inde et que sa victoire aux élections apporte la preuve que cela est également le souhait du peuple pakistanais. Grâce à ces efforts, une réunion très utile a eu lieu entre le Premier Ministre indien et le Premier Ministre Nawaz Sharif à New York en septembre 2013. Au cours de cette réunion, des discussions constructives ont été tenues sur le mécanisme destiné à réduire les tensions militaires sur la ligne de contrôle. Nous pensons que cela constitue un bon début qui pourrait conduire à un réchauffement des relations entre les deux principales nations nucléaires de l’Asie du Sud et leurs voisins. La normalisation des relations entre le Pakistan et l’Inde est la clef du développement et du renouveau économiques dans toute l’Asie du Sud.
L.L.D. : Pour son premier déplacement à l’étranger depuis son élection, le Premier Ministre pakistanais a effectué une visite officielle en Chine au mois de juillet 2013. A l’image du corridor Gwadar-Kashgar, le Pakistan et la Chine ont mis en œuvre une coopération économique dense. Quels sont les objectifs du Pakistan concernant ce projet ? Dans quels autres domaines ce partenariat est-il appelé à s’approfondir ? Plus globalement, et considérant la proximité de votre pays avec les marchés du Moyen-Orient, de l’Iran et de l’Asie du Nord, centrale et du Sud, quelle est votre vision du rôle de votre pays en tant que plate-forme des échanges économiques régionaux ?
S.E.M.G.I. : L’intégration régionale est un instrument clé pour atteindre l’objectif d’un progrès économique sans à-coups et prévisible au Pakistan. Notre pays dispose de tous les potentiels pour devenir une plate-forme régionale avec une économie totalement intégrée à l’échelle régionale pour accélérer la croissance économique, créer des opportunités d’emploi, développer le commerce, améliorer la compétitivité et contribuer à la prospérité dans la région. Le Pakistan et la Chine coopèrent étroitement au développement du port de Gwadar, qui contribuera à l’expansion de l’activité économique du Pakistan et constituera une importante voie d’accès maritime pour les régions occidentales de la Chine, l’Afghanistan et les États de l’Asie centrale, assurant une nouvelle dynamique à ces économies. Au cours de sa visite en Chine en juillet 2013 le Premier Ministre pakistanais a signé un protocole d’accord sur le couloir économique Pakistan-Chine, un projet reconnu par les deux parties comme étant en mesure de changer la donne. Le couloir traversera le Pakistan sur toute sa longueur et connectera le port de Gwadar avec Kashgar ; il est prévu de construire des routes, un chemin de fer, des câbles de fibre optique et des oléoducs et gazoducs. Ce couloir facilitera le transit au travers du Pakistan et donc réduira considérablement les coûts de logistique pour tous les pays voisins qui souhaitent commercer avec les pays du Golfe, l’Afrique, l’Europe et l’Asie du Sud. En raison de son immense volume d’exportation, la Chine peut devenir le premier bénéficiaire de ces voies de transit, outre le raccourcissement des distances de 7 000 km et de plusieurs jours de temps de transit pour les marchandises chinoises. De plus, le projet deviendra un pôle d’attraction pour les investissements étrangers au Pakistan.
L.L.D. : Figurant au cœur du sommet du G20 qui s’est tenu les 5 et 6 septembre 2013, la crise syrienne devrait faire l’objet de nouvelles discussions au Conseil de sécurité des Nations unies où le Pakistan achève son mandat de membre non permanent. Tenant compte de la médiation de la Russie, comment définiriez-vous les conditions nécessaires à une solution politique ? Comment évaluez-vous les conséquences d’une intervention militaire dans ce pays ? Au-delà de la question syrienne, quel bilan pouvez-vous dresser de la participation pakistanaise au Conseil de sécurité des Nations unies ?
S.E.M.G.I. : Le Pakistan a toujours été un membre très actif du Conseil de sécurité des Nations unies comme en témoignent les élections répétées du Pakistan à ce forum prestigieux. Le Pakistan a appelé à plusieurs reprises au soutien de la Charte de l’ONU et au respect du droit international au sein du Conseil au cours des deux dernières années, particulièrement dans le contexte d’interventions militaires étrangères pour des situations telles que la Syrie. Les Nations unies doivent conduire les débats pour toutes les questions internationales, et la lettre et l’esprit du droit doivent être respectés sans que soit permis un usage sélectif des Nations unies ou l’extension au-delà de son mandat pour atteindre certains objectifs. Le Pakistan est convaincu que la communauté internationale doit œuvrer pour un monde meilleur dans lequel l’intégrité territoriale de chaque pays est respectée et la paix maintenue tout en préservant la norme des Nations unies en ce qui concerne la responsabilité de protection des Etats. Le Pakistan a toujours condamné l’utilisation des armes chimiques. En ce qui concerne la crise syrienne, le Pakistan a demandé une enquête immédiate des Nations unies pour déterminer les responsabilités sur l’utilisation de ces armes. Nous avons demandé avec insistance au gouvernement syrien et à l’opposition de participer à la conférence Genève II sans exiger des pré-requis afin d’avancer vers la stabilité et la réconciliation.
L.L.D. : Comptant parmi les premiers partenaires économiques de votre pays au sein de l’Union européenne, la France aspire à renforcer la coopération bilatérale autour des trois déclarations conjointes signées en 2011. Considérant les liens étroits entretenus dans le domaine de la défense, comment souhaiteriez-vous voir évoluer le dialogue stratégique bilatéral ? Dans quels secteurs d’activité le Conseil des affaires conjoint franco-pakistanais est-il susceptible d’insuffler un nouvel élan aux échanges commerciaux entre les deux pays ? Quelles sont vos attentes à l’égard de la coopération initiée dans le domaine universitaire ?
S.E.M.G.I. : Le Pakistan et la France entretiennent des relations amicales et sont partenaires économiques dans de nombreux secteurs. Ainsi, le Pakistan dispose de la deuxième flotte d’avions Mirages après la France, et notre marine utilise des sous-marins Agosta depuis de nombreuses années. Toutefois, j’ai vraiment le sentiment que nous n’exploitons pas totalement le potentiel existant de cette relation. La mise en œuvre d’un dialogue économique bilatéral entre nos deux gouvernements et la création du Conseil des affaires conjoint franco-pakistanais au niveau du secteur privé constituent deux initiatives à très haut potentiel susceptibles d’alimenter une croissance substantielle dans la coopération économique bilatérale. De toute évidence c’est le moment propice pour que nos deux pays s’engagent étroitement dans une coopération économique. Actuellement, le Pakistan s’ouvre non seulement comme économie émergente potentielle mais également comme porte d’accès aux opportunités économiques régionales. Le Pakistan peut constituer la voie royale pour les multinationales françaises qui souhaitent établir et étendre leurs activités dans les quatre grandes régions qui entourent notre pays. Nous espérons voir plus de coopération dans le secteur énergétique et dans la gestion durable des ressources hydriques. |