La réponse à la demande d’agrément
Par S.E.M. Carlos Antonio Carrasco, ancien Ministre, ancien Président de l’Ottawa Diplomatic Association (ODA), Ambassadeur, Observateur permanent de l’Union latine auprès de l’UNESCO.
Pour l’ambassadeur et les membres de son entourage diplomatique, les procédures protocolaires et leur application adéquate peuvent être source d’angoisse (si les règles sont inconnues), de tourment (si elles ne sont pas appliquées) ou de divertissement si elles sont bien connues. Au cours de mes années d’exercice diplomatique, soit au sein du gouvernement, soit à la tête de missions diplomatiques bilatérales et multilatérales ou bien comme simple observateur lors d’événements internationaux et de cérémonies diplomatiques de toutes sortes, j’ai rencontré, conseillé et critiqué des fonctionnaires se trouvant dans l’une ou l’autre des situations susmentionnées. De l’autre côté du gouffre protocolaire, l’ignorance du traitement et du cérémonial à appliquer aux diplomates étrangers les visitant plonge les autorités gouvernementales de tout niveau dans le même abîme circonstanciel. Ces incertitudes mènent à commettre des erreurs par action et par omission, communément appelées « gaffes ». Par ailleurs, l’image associant le formalisme protocolaire à la légèreté ou l’insignifiance propre aux personnes sans talent, obnubilées par le décorum, l’ostentation et la liturgie des bonnes manières, subsiste. Dans la diplomatie, la forme est le fond et vice versa. Alors, comment sortir de tout doute et éviter de perpétrer des « gaffes » parfois irréversibles ? Les âmes instruites iront certainement se perdre dans les longs et fatigants traités de droit diplomatique et de protocole rédigés par des auteurs tels que Satow, Genêt, Jules Cambon ou Harold Nicholson. C’est ce qui a motivé l’édition du Manuel du Diplomate, paru au Canada en versions française et anglaise, dont est extrait le chapitre « Réponse à la demande d’agrément » qui vous est présenté ci-après. Cet ouvrage propose également une bibliographie d’œuvres de consultation de base, d’autres documents d’intérêt et de référence, ainsi que des annexes indispensables.
La réponse à la demande d’agrément La réponse du pays hôte est extrêmement importante puisqu’il s’agit des premiers signes manifestés au sujet du nouvel ambassadeur. Le nombre d’heures ou de jours pris pour répondre à l’agrément est directement proportionnel à l’estime que suscite le nouveau chef de mission. Avec les progrès de la technologie moderne, la réponse ne devrait pas mettre plus de 31 jours (selon quelques personnalités éminentes en la matière). Au-delà de cette limite, il serait prudent que le ministère retire, à la demande de l’intéressé, la candidature proposée. Il est arrivé que l’agrément soit accordé au bout de trois ou quatre mois. Cependant, le pays demandeur et l’avide candidat au poste d’ambassadeur sont passés outre le signal clairement négatif émis par le pays hôte. Évidemment, la situation est encore plus grave lorsque l’agrément n’arrive pas. Dans ce cas-là, le candidat ne peut naturellement pas exercer ses fonctions. Selon le droit diplomatique, le pays hôte ne doit en aucun cas justifier sa décision. Le simple fait que l’agrément ne soit pas accordé implique que la personne n’est pas la bienvenue (persona non grata). Les mêmes formalités doivent être suivies lorsqu’un ambassadeur est destiné à représenter simultanément deux ou plusieurs pays. Il est nécessaire de souligner que, pour des raisons bien évidentes, la demande d’agrément et le nom du candidat potentiel doivent être tenus strictement secrets. Dans certains pays, l’ambassadeur désigné doit paraître devant la Commission des affaires étrangères du Sénat (obligation connue sous le nom de « hearing » en anglais). Une fois que la capacité du candidat est évaluée, la commission présente son rapport lors d’une séance plénière et les sénateurs ratifient ou refusent la proposition à la majorité des votes.*
L’accréditation Une fois l’agrément obtenu, le nom du nouvel ambassadeur sera rendu public et l’intéressé sera immédiatement intégré au ministère de son pays en qualité d’ambassadeur désigné. Il sera soumis à une formation bureaucratique intensive sous forme de séances d’information qui lui permettront de comprendre l’étendue de ses nouvelles fonctions. À l’ambassadeur flambant neuf, nous recommandons d’absorber le plus d’information possible sur les sujets suivants : – Gestion administrative et financière des fonds attribués à la mission; – Évaluation critique du personnel administratif et diplomatique affecté à la représentation; – Explication claire et détaillée des montants alloués pour les frais de voyage et billets d’avion prévus pour l’ambassadeur et sa famille; – Instructions précises sur le mandat attribué; – Demande d’un relevé de tous les comptes et d’un audit avant la prise de fonctions; – Un rapport confidentiel avec évaluation de son homologue, l’ambassadeur envoyé par le pays hôte. – Un rapport détaillé des relations bilatérales et, le cas échéant, des projets en cours.
Lettres de créance L’ambassadeur désigné devra être muni de deux documents essentiels : 1) Lettre de rappel de son prédécesseur (Annexe 1), dans laquelle le chef de l’État hôte est informé que Monsieur XX a cessé ses fonctions et que Monsieur XY est nommé pour le remplacer. 2) Lettre de créance accréditant Monsieur XY en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire (par exemple) d’ « Amnésie » auprès de l’« Empire d’Aqualand ». Jusqu’à l’époque de la Société des Nations (SDN), le terme « ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire » était utilisé pour désigner le chef de mission résident et sa mission était qualifiée de légation (dans certains documents, on trouve encore le titre de « légat » pour dénommer le poste aujourd’hui occupé par un « ambassadeur »). Les années 1940 voient apparaître le terme ambassadeur « extraordinaire » pour se référer à la mission exceptionnelle qui lui est assignée. Le terme « plénipotentiaire » lui donne la possibilité de souscrire au nom de son gouvernement des accords et des conventions avec le pays hôte sans avoir besoin de pouvoirs spéciaux. 3) Une copie certifiée conforme de la lettre de créance fera partie des documents à soumettre au ministère des Affaires étrangères avant la cérémonie de remise des lettres de créance au chef de l’État hôte. |