Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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  M. / Mr. Alain RATIER

Satellites météorologiques européens: un modèle de coopération
au service d’enjeux planétaires

Par M. Alain Ratier,
Directeur général d’EUMETSAT

L’impact des fluctuations météo-climatiques est considérable dans un monde vulnérable, peuplé de 7 milliards d’habitants, dont l’économie est mondialisée. Partout la sécurité des personnes et des biens constitue un enjeu majeur pour les États qui paient un lourd tribut aux catastrophes naturelles d’origine climatique. Ainsi entre 1998 and 2009, celles-ci ont coûté 80 000 vies et 120 milliards d’euros dans les 32 États membres de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), et pesé plus lourdement sur les pays pauvres d’Afrique et des régions tropicales exposées aux cyclones, dont la sécurité alimentaire et le développement sont menacés. Comme le constatent déjà les réassureurs1, le bilan devrait s’alourdir à l’avenir sous l’effet conjugué de la vulnérabilité accrue des zones peuplées et du changement climatique porteur d’événements extrêmes plus fréquents.
Ces fluctuations perturbent aussi les réseaux qui irriguent notre économie (transports, télécommunications, énergie, eau) et créent des tensions sur les marchés de l’énergie, des matières premières, voire de certains produits manufacturés comme l’ont montré les récentes inondations en Thaïlande.
Face à ces aléas, les pouvoirs publics, les opérateurs et les entreprises doivent prendre les meilleures décisions possibles pour protéger les personnes et les biens, adapter leur activité et optimiser leur performance économique, en exploitant la prévision météorologique. Ce faisant, ils réalisent les bénéfices socio-économiques substantiels de la prévision, estimés à 60 milliards d’euros par an dans l’Union européenne, en se limitant aux éléments chiffrables, à l’exclusion des vies sauvées.
La sécurité civile, les transports, l’énergie, l’agriculture ou le tourisme exigent de la prévision toujours plus d’anticipation, de précision et de fiabilité. Ainsi, dans le Ciel unique européen, les investissements consacrés à la modernisation de la gestion du trafic aérien (projet SESAR) ne porteront tous leurs fruits que si des progrès significatifs sont réalisés en matière de prévision. Il en va de même de la gestion de l’équilibre entre la production et la demande d’électricité, puisque les conditions météorologiques influent désormais à la fois sur la demande et sur une offre renouvelable croissante mais intermittente par nature.
Dans les pays pauvres les plus vulnérables, l’exploitation optimale de la prévision fait partie intégrante des stratégies de développement durable. En cas de crise humanitaire, la prévision se met au service des secours, à l’image du système déployé aux Antilles sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale des Nations unies (OMM) pour protéger du risque d’inondation les réfugiés haïtiens victimes du séisme de janvier 2010.

Les satellites météorologiques
indispensables à la prévision
La prévision repose sur l’observation de l’état initial, la modélisation numérique pour l’extrapoler dans le temps et l’expertise humaine pour apprécier l’incertitude. Le système d’observation constitue l’infrastructure la plus coûteuse, d’autant qu’il doit inclure une composante globale, auxquels les satellites météorologiques apportent une contribution unique.
Après avoir révolutionné la prévision, ils sont aujourd’hui, grâce à l’innovation scientifique et technologique, une source de progrès sans équivalent : on leur attribue 50% des progrès réalisés depuis 25 ans par les prévisions du CEPMMT2, dont la qualité est devenue comparable dans les deux hémisphères, avec un gain d’un jour de prévisibilité par décennie. La prévision n’est plus concevable sans le système mondial de satellites météorologiques coordonné par l’OMM.

Le modèle de coopération européen
Pour la composante européenne de ce système, le choix des États a été de mutualiser les investissements et les capacités, en créant dès 1986 EUMETSAT, une organisation intergouvernementale chargée « d’établir, de maintenir et d’exploiter des systèmes européens de satellites météorologiques opérationnels ».
Le déploiement et l’exploitation de ces systèmes, conçus pour couvrir au moins 15 ans d’observations grâce à une série de satellites successifs, sont financés équitablement par les États membres, en proportion de leur revenu intérieur brut. Aujourd’hui EUMETSAT, dont le siège est à Darmstadt, en Allemagne, compte 27 États membres3, et exploite à la fois la série Meteosat de satellites géostationnaires qui produit toutes les 5 à 15 minutes des images du continent européen, de l’Afrique et de l’Océan Indien, et un système de satellites à défilement (EPS/Metop) capable d’observer à l’échelle globale un plus vaste ensemble de paramètres, à partir d’une orbite plus basse (800 km).
EUMETSAT coopère avec l’Agence spatiale européenne (ESA) qui développe les nouveaux satellites conformément aux exigences de ses États membres, et approvisionne les modèles récurrents. Elle contracte directement les services de lancement et développe les infrastructures nécessaires pour contrôler les satellites, acquérir et traiter leurs données et disséminer les informations produites aux utilisateurs du monde entier. Grâce à la compétitivité de l’industrie spatiale européenne, ce modèle de coopération a fait d’EUMETSAT un leader mondial, ouvrant la voie à une coopération opérationnelle intégrée avec la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) américaine basée sur le partage d’un système de satellites en orbite basse, ainsi qu’à des échanges de données avec la Chine, l’Inde, le Japon ou la Corée.
EUMETSAT appuie également la politique européenne de coopération avec l’Afrique, en participant aux projets PUMA et AMESD4 soutenus par le Fonds européen de développement (FED) et l’Union africaine. Ces projets ont permis de déployer sur tout le continent africain plus de 200 stations d’acquisition des données qu’EUMETSAT diffuse par satellite (service EUMETCast), d’enrichir ce flux de données d’autres informations environnementales, puis de développer la formation et les applications locales. Le projet MESA (2012-2017) récemment approuvé par le FED inscrit cette entreprise dans la durée.
Pour préparer l’avenir, les États membres d’EUMETSAT ont approuvé en 2011 la troisième génération de satellites géostationnaires Meteosat. L’enjeu des années 2012-2014 est la décision par l’Agence spatiale européenne (ESA) et EUMETSAT d’une deuxième génération de satellites à défilement, EPS/Metop-SG, pour couvrir la période 2020-2040. L’investissement est stratégique pour la sécurité des biens et des personnes, en Europe et dans le monde, et la compétitivité des secteurs « météo-sensibles » de l’économie, puisque des études viennent de montrer que ce type de satellite contribue à hauteur de 40% aux performances de la prévision à 24 heures. Dans un contexte marqué par la crise économique, la solidarité doit prévaloir pour un programme dont le rapport bénéfice sur coût est de l’ordre de 20.    

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