La coopération européenne
pour les capacités de défense :
une nécessité dans le contexte actuel
Par Mme Claude-France Arnould,
Directeur exécutif de l’Agence
européenne de défense (AED)
Il y a un an, sous la présidence belge de l’Union européenne (UE), à Gand, ainsi que sous l’impulsion de l’Allemagne et de la Suède, les ministres européns de la Défense ont voulu une relance de leur coopération en matière de défense. Les impulsions du « Triangle de Weimar » s’y sont ajoutées, l’Allemagne, la France et la Pologne se trouvant rejointes sur ces questions par l’Italie et l’Espagne.
Ces initiatives s’appuient sur un constat de plus en plus d’actualité : face à des contraintes budgétaires accrues et face à des défis de sécurité qui sont loin de se réduire, les Etats européens doivent s’organiser davantage, être plus efficaces dans la gestion de leurs dépenses. Les effets de la crise économique sur les budgets de défense sont déjà là, et entraînent des décisions difficiles.
Or, nos forces armées ont besoin de capacités militaires adaptées pour faire face à nos engagements internationaux – que ceux-ci soient sous l’égide de l’ONU, de l’UE ou de l’OTAN –, à la sécurité de nos citoyens et à la protection de nos intérêts. La sécurité des mers, par exemple, est un impératif auquel répond l’opération de l’UE de lutte contre la piraterie, Atalanta. Récemment, l’opération en Libye a montré qu’on ne peut agir aujourd’hui qu’avec un extrême degré de précision, ce qui implique d’être à niveau dans des domaines comme le renseignement, la surveillance, la reconnaissance ou le ravitaillement en vol. Or les Etats-Unis, qu’il s’agisse de Robert Gates ou de son successeur à la défense, Leon Panetta, appellent les Etats européens à ne plus être dépendants d’eux pour ce type de capacités et d’opérations.
Dès lors, la coopération n’est plus une option : elle devient une nécessité.
Cette coopération, pour être mise en œuvre, doit pleinement respecter la souveraineté nationale. L’Agence européenne de défense (AED), agence intergouvernementale dont le comité directeur est constitué des ministres de la Défense, a été créée à cet effet. Elle est un facilitateur au service des Etats membres. Les décisions d’investir sont nationales, ainsi que le choix d’utiliser une capacité.
En soutenant des projets « à la carte », l’AED permet à la fois la flexibilité et la confiance nécessaires à une coopération efficace. Il faut être réaliste et pragmatique : dans certains domaines, les Etats voudront coopérer, dans d’autres ils souhaiteront conserver des moyens purement nationaux. Travaillons donc dans ces domaines où la coopération est souhaitée et à portée de main. Cela va de la recherche-développement à la maintenance, l’entraînement ou la logistique, tous domaines de plus en plus coûteux. Ainsi, l’Agence a par exemple formé 114 équipages de pilotes d’hélicoptères, dont 63 ont été déployés en Afghanistan, et cette expérience peut servir de base pour l’entraînement d’autres équipages.
Autre exemple : la lutte contre les engins explosifs improvisés. L’Agence a développé un laboratoire forensic d’analyse de ces armes si dévastatrices pour nos forces armées, qui est aujourd’hui déployé en Afghanistan par les forces de la coalition. Et on ne préparera l’avenir que si l’argent ainsi économisé – ou au moins une partie – est réinvesti dans la préparation de l’avenir, au niveau de la recherche-développement et des programmes.
Lors du dernier comité directeur de l’agence au niveau ministériel, le 30 novembre 2011, les ministres de la Défense des 26 Etats-membres de l’Agence (le Danemark ne participe pas aux activités de l’AED) ont franchi une étape supplémentaire dans leur coopération. En effet, ils ont approuvé, sur proposition de l’Agence, une série de onze projets opérationnels de coopération, qui vont de la surveillance maritime à la logistique navale en passant par les communications satellitaires, pour ne citer que quelques exemples. Tous les pays ne participeront pas à tous les projets, mais la plupart d’entre eux ont indiqué leur intention de s’impliquer dans au moins un des domaines proposés, ce qui est une claire marque de confiance dans le travail et la méthode employée par l’Agence. Ces décisions ne sont bien entendu qu’une première étape, et l’Agence continuera dans les prochains mois à proposer des sujets concrets et opérationnels de coopération.
Enfin, nous devons renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne. C’est un des objectifs majeurs de l’AED. La coopération européenne ne peut être un succès que si elle bénéficie à l’industrie européenne, et donc à l’emploi et à l’investissement en Europe. Ainsi, l’AED soutient les Etats membres pour que la spécificité du secteur de la défense soit dûment prise en compte au moment où est mis en œuvre le marché unique européen des biens de défense (le « paquet défense »). Afin d’optimiser les synergies, nous travaillons aussi en étroite coopération avec la Commission européenne sur les technologies à double usage (civil et militaire), par exemple dans les domaines de l’espace, de la surveillance maritime, du NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) ou de la cyberprotection.
Devant la gravité de la situation financière et le défi que représente, pour les Européens et pour la construction européenne, la réaction à la crise en elle-même, une réponse concrète et collective des Européens aux enjeux de la sécurité de demain et à la préservation de la force technologique et industrielle qui la conditionne est d’autant plus impérative. Les décisions prises lors du Comité directeur de l’AED du 30 novembre 2011 sont une première étape, importante, dans ce processus. Elles confortent l’Agence dans sa volonté de proposer des solutions concrètes et opérationnelles aux défis qui sont aujourd’hui posés à nos ministères de la défense.
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