Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Mozambique
 
  S.E.Mme / H.E. Ana Nemba Uaiene

Un pôle économique majeur en devenir

Stratégiquement situé pour devenir un pôle commercial de l’Afrique australe, le Mozambique a également accru son rôle comme médiateur dans les crises de la région. Trente-cinq ans après son
accession à l’indépendance, S.E.Mme Ana Nemba Uaiene, Ambassadeur du Mozambique en France, aborde pour nous les initiatives lancées par le Président Armando Guebuza pour mettre en valeur les atouts économiques du pays et consolider ses partenariats à l’échelle internationale, notamment avec la France.

La Lettre Diplomatique : Madame l’Ambassadeur, le Président Armando Guebuza a été réélu le 28 octobre 2009 pour un second mandat. Comment définiriez-vous la nouvelle dynamique insufflée sous son égide à la stratégie de développement du Mozambique ? Quelles en sont les priorités ? Près de vingt ans après la fin de la guerre civile, quel regard portez-vous sur l’ancrage de la démocratie dans votre pays ?

S.E.Mme Ana Nemba Uaiene:
La nouvelle dynamique de développement lancée par le gouvernement du Mozambique, à l’initiative du Président Armando Guebuza, vise à promouvoir une croissance socio-économique rapide, durable et globale. Dans cette perspective, son action cherche à favoriser le développement rural, le renforcement des services sociaux de base et des infrastructures, la création d’emplois et la promotion d’un environnement favorable à l’investissement privé et à l’expansion du tissu des entreprises du pays.
Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement a, plus précisément, mis en œuvre des mesures stratégiques dans les domaines de :
– la consolidation de l’unité nationale, de la paix et de la démocratie ;
– l’éradication de la pauvreté et la promotion de la culture du travail ;
– la bonne gouvernance, la décentralisation, la lutte contre la corruption et l’enracinement de la culture de la transparence des comptes publics ;
– le renforcement de la souveraineté ;
– l’approfondissement de la coopération internationale.
S’agissant de la démocratisation de notre pays, on peut dresser une évaluation positive des progrès qui ont été accomplis. A titre d’exemple, nous venons d’organiser les 4ème élections générales, les 1ère élections des assemblées provinciales et les 3ème élections locales. La tenue de ces scrutins témoigne en effet de la consolidation de la démocratie et du respect de la pluralité politique dans notre pays.
Je tiens par ailleurs à souligner que le Mozambique participe au processus d’évaluation du MAEP (Mécanisme africain d’évaluation entre les Pairs), qui couvre plusieurs secteurs de la vie politique, économique et sociale de notre société. Il s’agit d’un mécanisme d’auto-évaluation des pays africains, dont la fonction est de définir une stratégie commune, dans le cadre de l’intensification de leur coopération mutuelle et avec les autres pays du monde.

L.L.D.: Forte d’une croissance moyenne de 8% entre 1996 et 2008, l’économie mozambicaine s’est affirmée comme l’une des plus performantes d’Afrique. Tenant compte des résultats obtenus par le programme de réduction de la pauvreté, quelles orientations sont préconisées par le gouvernement en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement ? Au-delà des programmes sociaux, quel effet d’entraînement les vastes investissements consacrés à l’amélioration des infrastructures ainsi que l’essor du secteur touristique sont-ils susceptibles de générer, notamment en faveur de l’activité des PME et de la création d’emplois ?

S.E.Mme A.N.U. :
Dès sa nomination, le gouvernement a tenu à s’approprier les Objectifs du Millénaire (OMD), en les incorporant dans les différents instruments de mise en œuvre de son programme d’action et de gouvernance, mais aussi en les soumettant à un contrôle et une évaluation périodique dans le cadre des mécanismes existants.
Les investissements dans les infrastructures et l’impulsion donnée au secteur touristique, parallèlement à la stratégie de promotion du district en tant que pôle de développement, ont contribué à améliorer la situation de l’emploi et à générer des revenus, multipliant ainsi les opportunités pour les petites et moyennes entreprises (PME).

L.L.D. : Devenu l’un des principaux pays exportateurs d’aluminium, le Mozambique cherche à valoriser son potentiel de ressources naturelles en s’ouvrant davantage aux investisseurs étrangers. Fort de son potentiel encore inexploité, comment l’essor de filières industrielles à haute valeur ajoutée pourrait-il être encouragé ? Dans cette optique, quels efforts doivent encore être mis en œuvre pour améliorer le cadre des affaires ? Quelle est votre appréciation de la dynamique globale de croissance économique impulsée par la forte expansion du secteur financier ?

S.E.Mme A.N.U. :
Le gouvernement a favorisé et encouragé la participation du secteur privé dans les différents secteurs d’activité de l’économie du Mozambique. A cet effet, l’Etat a accentué ses efforts d’investissement dans des infrastructures pouvant faciliter l’expansion des activités du secteur privé sur l’ensemble du territoire national.
Nous constatons par ailleurs avec satisfaction la présence de plusieurs entreprises multinationales dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie métallurgique, des mines et des hydrocarbures. Pour l’essentiel, leurs investissements se concentrent sur les projets de production de céréales, en particulier de riz, à Gaza-Chokwe et dans la région Zambézia, dans le sud et le centre du Mozambique, la transformation et l’exportation d’aluminium (Mozal), les minerais extraits des sables lourds de Moma, le charbon de Moatize, le gaz de Pande et de Temane, dans la province d’Inhambane.
En vue d’améliorer le cadre des affaires de notre pays, le gouvernement ne s’est pas seulement attaché à développer les infrastructures : il a également soutenu le renforcement des services dans les secteurs prioritaires, mis en place une législation adéquate, facilité l’accès au financement, encouragé la croissance macro-économique et accéléré le traitement des conflits d’intérêt au sein de la communauté d’affaires, entre autres facteurs.
Pour répondre à votre dernière question, il est vrai que l’expansion du secteur financier joue un rôle clé dans l’économie du pays dans la mesure où elle a permis d’accroître l’accès au financement du secteur privé et, en particulier, des petites et moyennes entreprises, ainsi que de la population en général, notamment dans les zones rurales par l’intermédiaire de la monétisation de l’économie fondée sur l’activité agricole. Cela a entraîné la création de nouveaux emplois et, par conséquent, favorisé la progression de la croissance économique.
S’agissant des banques commerciales, un accueil positif et solide a été manifesté à l’égard de la stratégie de bancarisation lancée par la Banque centrale du Mozambique au travers de programmes visant à étendre les services financiers aux régions rurales. Le secteur de la micro-finance a pour sa part été caractérisé par une augmentation de la clientèle, la croissance du portefeuille de crédit ainsi que l’agrément de nouveaux opérateurs dans toutes les régions du pays.
Il convient également de souligner que le système de sécurité sociale a été élargi aux travailleurs indépendants. A ce propos, le gouvernement a instauré un cadre réglementaire articulant les différents régimes de protection sociale du Mozambique, notamment le régime géré par l’Institut national de sécurité sociale (INSS), le ministère des Finances et la Banque du Mozambique, apportant ainsi aux bénéficiaires ou affiliés la garantie du maintien de leurs droits.
Dans le secteur des assurances, la transparence du marché a été renforcée par la publication des audits des rapports d’activités publiés par toutes les compagnies d’assurance. De même, la supervision du risque a été consolidée par l’application du modèle CARAMELS (Capital adequacy, Assets quality, Reinsurance, Adequacy of claims and actuarial, Management soundness, Earnings and profitability, Liquidity and Sensitivity to market risk). Dans ce secteur, des agréments ont également été octroyés à de nouveaux opérateurs.

L.L.D. : Illustrant la volonté du Président Armando Guebuza de lutter contre la corruption, votre pays a présenté sa candidature d’adhésion à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Comment décririez-vous les avancées réalisées dans le cadre de ce processus ? Plus globalement, quelles mesures sont privilégiées pour améliorer la gouvernance économique de votre pays ?


S.E.Mme A.N.U. :
Dans le cadre de cette candidature, un Comité de coordination a été mis en place, composé de représentants du gouvernement, de la société civile et du secteur privé. Cet organisme s’est vu confier la tâche d’organiser, développer, exécuter et contrôler la mise en œuvre de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) au Mozambique, dans l’objectif de garantir le respect des principes directeurs qu’elle préconise. Par ailleurs, dans ce cadre, un secrétariat exécutif, sélectionné à l’issue d’un appel d’offres, est d’ores et déjà entré en fonction, avec pour mission de dynamiser les activités élaborées par le gouvernement dans ce domaine.
Pour améliorer la gouvernance économique, le Mozambique a en outre adopté plusieurs instruments, en particulier à caractère législatif, de contrôle et d’évaluation. Il s’agit entre autres de :
– l’adhésion volontaire du Mozambique au Mécanisme africain d’évaluation entre les Pairs (MAEP), par lequel le Mozambique permet à ses pairs d’évaluer la situation de sa gouvernance en matière de démocratie et de gouvernance politique, de gouvernance et de gestion économique, de gouvernance des entreprises et de développement socio-économique.
– l’amélioration de la transparence fiscale, fruit d’un vaste ensemble de réformes du secteur public, parmi lesquelles on distingue notamment le nouveau cadre légal du secteur fiscal et l’instauration d’un système moderne et global de gestion des finances publiques, la nouvelle législation sur les acquisitions publiques (procurement) et la fonction publique (EGFAE), la simplification des procédures bureaucratiques et l’introduction d’une législation de lutte contre la corruption. Ces réformes ont conduit à l’adoption de nouveaux outils, comme le Système d’administration financière de l’Etat (e-SISTAFE) et le Compte unique du trésor (e-CUT).


L.L.D.: A l’image de l’accord récemment conclu avec le Brésil, le Mozambique aspire à faire des biocarburants un nouveau moteur pour ses exportations. Comment décririez-vous ses capacités dans ce secteur d’activité ? Dans quelle mesure celui-ci est-il conciliable avec l’objectif du gouvernement de renforcer sa sécurité alimentaire ? En dehors des matières premières, quelles perspectives de coopération la visite effectuée en juillet 2009 par le Président mozambicain au Brésil a-t-elle ouvertes sur le plan technologique ?

S.E.Mme A.N.U. :
Dans le cadre des mesures prises par notre gouvernement en vue d’assurer un essor pérenne du secteur des biocarburants au Mozambique, nous avons initié une coopération avec le Brésil qui détient une large expérience et une maîtrise technologique reconnue au niveau mondial dans ce domaine, et en particulier en matière de production d’éthanol. Ce partenaire est stratégiquement important pour que notre pays puisse consolider sa vision du développement d’un programme durable et responsable des biocarburants, tout en répondant à d’autres objectifs sociaux qui sont également prioritaires pour nous.
Sur les 36 millions d’hectares de terres arables dont dispose le pays, seule une partie insignifiante de ce potentiel est actuellement utilisée. L’exploitation de terres pour la production de biocarburants ne pose donc pas de problème de concurrence à la production alimentaire. D’ailleurs, le gouvernement a adopté des dispositifs pour garantir l’utilisation des terres en priorité à des fins de production de biens alimentaires avant de considérer, dans un second temps, la possibilité de les exploiter pour générer des biocarburants.


L.L.D. : Le barrage hydroélectrique de Cahora Bassa et le gazoduc reliant les gisements de Temane et Pande à l’Afrique du Sud, placent votre pays au cœur de la scène énergétique de l’Afrique australe. Quels bénéfices le processus d’intégration régionale pourrait-il tirer de ces atouts ? Quels autres projets sont prévus pour mettre en valeur les capacités mozambicaines, notamment en ce qui concerne l’hydroélectricité ?

S.E.Mme A.N.U. :
L’intégration régionale est une priorité du gouvernement dans les domaines politique, économique et social. Dans cette perspective, le secteur de l’énergie joue un rôle permettant au pays de drainer des revenus et de répondre à la demande croissante des pays voisins.
Au regard de notre potentiel hydroélectrique, il convient de citer le projet de Mphanda Nkuwa, situé à 61 km en aval du barrage hydroélectrique de Cahora Bassa et à 70 km de la ville de Tete. Sa capacité installée est appelée à atteindre
2 400 MW dont 1 300 MW sont prévus au cours de la première phase du projet.
Au sein de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe), Mphanda Nkuwa est considéré comme l’un des projets les plus importants de génération d’électricité, considérant notamment que la région pourrait bientôt se trouver confrontée à une situation de déficit énergétique.

L.L.D. : Ouvert sur l’Océan Indien, le Mozambique a fait de la réhabilitation des ports de Maputo, Beira et Nacala, ainsi que des corridors routiers et ferroviaires les reliant aux pays enclavés de l’Afrique australe, l’un des axes prioritaires de son développement économique. Quels progrès ont été enregistrés dans cette perspective ?

S.E.Mme A.N.U. :
Le Mozambique a effectivement intensifié ses efforts pour rénover ses infrastructures portuaires et son réseau routier, en particulier les voies de transport tournées vers l’hinterland. Sur ce plan, je tiens à évoquer quelques exemples concrets :
– Dans le couloir de développement de Maputo, relié à la province de Gauteng, en Afrique du Sud, des améliorations ont été apportées au réseau d’infrastructures intégré dans des zones stratégiques, en particulier le port de Maputo, la ligne ferroviaire de Ressano Garcia et la route Maputo-WitBank, qui doivent jouer un rôle important en raison des possibilités d’accès multimodal qu’ils offrent.
– Le couloir de Limpopo constitue une branche du couloir de développement de Maputo. Il est conçu pour desservir le Zimbabwe. Cependant, en raison de la crise politique traversée par ce pays, les infrastructures ferroviaires se trouvent en état de sous-exploitation. Des concertations sont en cours entre les gouvernements du Mozambique et du Zimbabwe en vue de signer un accord destiné à le transformer en couloir de développement.
– Le couloir de développement de Beira couvre la zone géographique des trois provinces centrales du Mozambique (Tete, Manica et Sofala). Son axe principal est le système de transport ferroviaire et routier qui relie le port de Beira à Harare, la capitale du Zimbabwe, le Malawi et la Zambie y sont également reliés par voie routière, ce qui assure à ces pays de l’hinterland un accès maritime. Je vous rappelle à cet égard qu’un accord a été signé en 2007 sur la relance du couloir de Beira par les gouvernements du Mozambique et du Zimbabwe, l’inauguration de la ligne de Sena (branche de Marromeu), l’établissement de liaisons avec Moatize sur la ligne de Sena, l’élargissement du trafic de la ligne de Machipanda en termes de passagers et de fret.
– Enfin le couloir de développement de Nacala est constitué par la ligne ferroviaire de Nacala comme axe central de transport. Il englobe les axes du port de Nacala, la ligne ferroviaire d’Entre Lagos et la ligne ferroviaire de Cuamba Lichinga et de Lago Niassa, le Mozambique et toute la région du sud du Malawi, ainsi que les districts de la région centrale de Ntcheu, Alima, Dowa, Lilongwe et Mchinji. Dans ce couloir, une ligne ferroviaire reliant le Malawi et la Zambie est en cours de construction, s’étendant sur plus de 70 km jusqu’à Chipata pour couvrir la partie orientale de la Zambie.

L.L.D. : Alors que le Président Armando Guebuza a pris la tête de l’organe de sécurité de la SADC depuis août 2009, Maputo a accueilli le 14 janvier 2010 un sommet régional sur les crises politiques de Madagascar et du Zimbabwe. Comment analysez-vous l’action de la SADC en faveur de la normalisation de la situation politique dans ces deux pays ? Fort de la médiation de l’ancien Président Joachim Chissano dans le dossier malgache, comment qualifieriez-vous la contribution mozambicaine au renforcement de la concertation politique dans la région ? Au-delà, quelle est votre approche des enjeux de la lutte contre la piraterie ?

S.E.Mme A.N.U. :
Tout d’abord, je tiens à souligner que la situation est stable dans notre région.
En ce qui concerne la République de Madagascar, ce pays vit une crise politique depuis la fin 2008, suite à la destitution de son chef d’Etat élu démocratiquement. Face à cette instabilité politique, la SADC et l’Union africaine (UA) ont joué un rôle de médiateur, qui a abouti à la signature des accords de Maputo et d’Addis-Abeba par les quatre parties malgaches concernées et représentées par M. Andry Rajoelina, M. Marc Ravalomanana, M. Didier Ratsiraka et M. Albert Zafy. Cependant, ces accords n’ont pas pour l’heure permis de trouver d’issue à la crise.
De nouvelles négociations ont alors été organisées à Pretoria en avril 2010, qui, elles aussi, n’ont pas pour l’heure permi de trouver une issue à la crise. Nous poursuivons notre engagement à aider le Madagascar à la surmonter.
Pour ce qui est de la situation politique au Zimbabwe, nous percevons une évolution positive grâce à l’engagement des parties signataires de l’Accord politique global à rechercher des solutions définitives et durables aux questions en cours, mais aussi à la médiation de la SADC. D’autres actions sont encourageantes, comme l’allégement des sanctions économiques par les pays occidentaux concernés, l’engagement de la communauté internationale, aussi bien au niveau des pays que des institutions financières sur le plan de l’assistance et du financement des programmes de développement.
Dans le domaine politique et diplomatique, l’action du Mozambique a privilégié la résolution pacifique des conflits par le dialogue. A cet égard, les Mozambicains évoquent souvent le dicton suivant : « Ce n’est qu’en parlant qu’on peut se comprendre ». Et c’est précisément cette philosophie que nous avons appliquée à propos de la crise du Zimbabwe, de la République démocratique du Congo et de Madagascar. Autrement dit, nous avons encouragé les parties au conflit à s’asseoir à la même table pour dialoguer. Notre action, conjuguée aux efforts d’autres pays de la région, produit actuellement les effets souhaités.
Enfin, la question de la piraterie est traitée au niveau régional dans le cadre des enjeux de défense et de sécurité. La SADC considère que cette question représente une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité politique, lesquelles forment autant de piliers du développement socio-économique de la région.

L.L.D. : Assumant la présidence de l’Union Africaine entre 2003 et 2004, le Mozambique a étroitement participé à la mise en place des institutions clés de l’organisation. Au regard de la recrudescence de l’instabilité sur le continent africain, quelles doivent être selon vous les priorités du processus de construction africaine ? Face aux défis spécifiques posés en Afrique par la crise financière internationale, quel nouvel élan pourrait être insufflé au NEPAD ?

S.E.Mme A.N.U. :
L’une des priorités de la construction africaine réside dans la définition du processus de création des Etats-Unis d’Afrique. Le Mozambique, ainsi que de nombreux autres pays, sont sur ce plan favorable à une approche graduelle, par opposition à une approche plus radicale préconisant un aboutissement immédiat de ce processus.
Cette vision progressive tient compte du respect de la coopération interrégionale. Elle préside d’ailleurs aux initiatives d’intégration continentale, avec la convergence dans plusieurs domaines des Communautés économiques régionales (CER). Celles-ci ont défini à cet effet le Programme minimum d’intégration continentale (PMIC), considéré comme un instrument d’accélération de l’intégration et du développement africain.
Le Programme du nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) a été adopté en 2001 en tant que vision et cadre global de transformation, de réforme et de rénovation du continent africain. Ce programme vise à surmonter les différents problèmes qui se posent à l’Afrique, comme la pauvreté, la nécessité de mettre les pays africains, tant sur le plan individuel que collectif, sur la voie de la croissance et du développement durable ainsi que sur la voie d’une participation active au sein de la scène politique et économique internationale.
La crise actuelle que traverse le monde exacerbe en effet les défis propres à la situation africaine. Mais l’Afrique a rapidement identifié la nécessité de redéfinir le NEPAD en vue de traiter plus efficacement ces questions. Dans cette perspective, des mesures ont été lancées pour impulser un nouvel élan à ce programme. Le Président de la Commission de l’Union africaine (CUA) a ainsi été mandaté pour travailler avec le Comité de mise en œuvre du NEPAD sur la recherche des modalités qui permettraient de l’intégrer aux structures et au processus plus large de construction de l’UA. Cette démarche inclut, entre autres aspects, la mise en conformité et l’harmonisation de son fonctionnement avec celui de l’UA, ainsi que la création de mécanismes appropriés de financement du NEPAD. Elle a abouti à la création de l’Agence de planification et de coordination du NEPAD (NPCA), dont le mandat est d’assumer des fonctions d’organe technique de l’UA, consistant à :
– faciliter et coordonner la mise en œuvre de programmes et projets prioritaires au niveau régional et continental ;
– mobiliser des ressources et des partenaires pour soutenir le lancement de programmes et de projets prioritaires ;
– réaliser et coordonner des recherches et gérer les connaissances ;
– contrôler et évaluer la mise en œuvre des programmes et projets ;
– défendre la vision, la mission ainsi que les principes et les valeurs de l’UA et du NEPAD.
Le NEPAD est donc désormais doté des instruments et d’un mandat favorisant une dynamique de fonctionnement, dans le but de relever les défis découlant de la crise financière, ainsi que des crises antérieures.

L.L.D. : Marquant la relance des relations entre votre pays et le Portugal, le Premier Ministre portugais José Socrates a effectué une visite officielle à Maputo le 3 mars 2010. Trente-cinq ans après l’accession à l’indépendance de votre pays, quels sont les axes majeurs du renouveau de la coopération entre les deux pays ? Plus largement, quels sont les apports de l’appartenance du Mozambique à la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), tant en termes de coopération politique, que sur le plan économique ?

S.E.Mme A.N.U. :
La visite du Premier ministre portugais José Socrates au Mozambique, et celle du Président Armando Guebuza au Portugal, ont permis de consolider les liens historiques et traditionnels qui unissent nos deux pays et nos deux populations, en privilégiant certains grands secteurs :
– le secteur financier (notamment bancaire) ;
– l’investissement dans les infrastructures (construction de routes et de ponts) ;
– les énergies renouvelables, au profit des populations et du développement rural car, en dépit de larges capacités de production, notre réseau de distribution électrique connaît encore des difficultés ;
– la promotion du tissu entrepreneurial privé dans le cadre de partenariats public-privé ;
– la mise en place de partenariats entre chefs d’entreprises des deux pays ;
– le développement des nouvelles technologies de l’information, tenant compte des facilités de communication qu’offre l’usage d’une langue commune.
Il convient de souligner que depuis le premier trimestre 2010, le Portugal occupe la première place sur la liste des dix pays ayant réalisé les investissements les plus importants au Mozambique. Les facteurs ayant facilité cette progression sont la rétrocession de la centrale hydroélectrique de Cabora Bassa au Mozambique et l’annulation de la dette du Mozambique.
Vous évoquez en outre notre appartenance à la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Celle-ci repose sur trois piliers fondamentaux : la concertation politique et diplomatique, la diffusion de la langue portugaise et la coopération.
S’agissant de la concertation entre les pays membres, un accord général de coopération est entré en vigueur entre les Etats membres. La CPLP s’est dès lors affirmée comme un forum privilégié pour le dialogue sur les questions de l’agenda international et régional présentant un intérêt particulier pour la Communauté. Dans ce domaine, je citerais :
– la participation de la CPLP aux processus de stabilisation politique, de consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit au sein des Etats membres ;
– la recherche d’une place de premier plan dans le concert des nations. A cet égard, la CPLP assume aujourd’hui un statut d’observateur auprès d’organisations internationales comme les Nations unies.
– l’élargissement à trois nouveaux membres observateurs que sont la Guinée équatoriale, l’Ile Maurice et le Sénégal.
– le resserrement de liens de plus en plus étroits entre les communautés et populations des pays membres, par l’appui à la participation d’associations de la société civile aux différentes initiatives et processus internes.
En ce qui concerne la diffusion de la langue portugaise, des efforts sont déployés pour renforcer cette réalité culturelle nationale et plurinationale qui confère une identité propre aux pays de langue portugaise, dont témoignent les relations privilégiées qu’ils entretiennent et l’expérience de concertation et de coopération fructueuse qu’ils ont accumulée depuis la création de la CPLP. Dans la pratique, des initiatives sont lancées pour favoriser la diffusion de la création culturelle des peuples parlant le portugais.
Le troisième pilier que constitue la coopération, en particulier en matière économique et entrepreneuriale, doit être considéré dans le contexte du renforcement des liens existants et du rôle que chaque Etat doit jouer en faveur de la dynamisation des partenariats régionaux pour soutenir la croissance économique et promouvoir l’élargissement des marchés, ainsi qu’une intégration plus équilibrée susceptible de favoriser le progrès des populations.
En résumé, la CPLP privilégie la concertation politique et diplomatique ainsi que la promotion de la langue et de la culture lusophones dans le monde. Elle privilégie également le débat sur les aspects économiques dans le but d’étoffer les liens au sein du tissu entrepreneurial et, ainsi, d’ouvrir de nouvelles opportunités pour assurer le développement de nos économies.

L.L.D. : Quatre ans après la visite officielle du Président Armando Guebuza à Paris, la Secrétaire d’Etat française au Commerce extérieur Anne-Marie Idrac s’est rendue à Maputo le 11 mars 2010 en vue d’améliorer la visibilité de la présence économique française dans votre pays. Quelles opportunités le marché mozambicain offre-t-il selon vous aux entreprises françaises ? Fort des accords sur le développement conclus à cette occasion, quelles sont vos attentes du renforcement des relations de coopération entre votre pays et la France ?

S.E.Mme A.N.U. :
Comme l’a souligné le Président Armando Guebuza lors de sa rencontre avec des chefs d’entreprises français le 31 mai 2010 à Nice, en marge du sommet Afrique-France, la stabilité politique et sociale de notre pays est une garantie du bon environnement macroéconomique, favorable à l’investissement.
Parmi les facteurs d’attractivité de l’investissement au Mozambique, je mentionnerai la mise en place d’un code d’avantages fiscaux « très favorable », d’un régime spécial pour les secteurs des mines et des hydrocarbures, ainsi que d’un cadre de protection des investissements. A titre d’exemple, le Mozambique et la France ont ainsi conclu un accord de protection réciproque des investissements.
Parmi les secteurs offrant un énorme potentiel aux investisseurs étrangers et, en particulier aux entreprises françaises, j’attire votre attention sur les opportunités du secteur industriel en général, notamment en ce qui concerne la transformation agricole, le textile, la production de ciment et la réparation navale. Elles sont également nombreuses dans le domaine des énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, ainsi que dans le secteur du tourisme.
Par ailleurs, à l’occasion de la visite au Mozambique, en mars 2010, de la Secrétaire d’Etat française au Commerce extérieur, Mme Anne-Marie Idrac, des accords financiers portant sur des projets d’aide au développement ont été signés d’une valeur de 76 millions d’euros, au titre des actions de l’Agence française de Développement (AFD).
Comme l’a souligné la Secrétaire d’Etat française au Commerce extérieur dans son discours après la signature de ces accords, les relations politiques et diplomatiques entre les deux pays sont positives. Elle a également fait part des perspectives que pourraient ouvrir les investissements prévus par des entreprises françaises dans les secteurs de l’énergie, des mines, des travaux publics et des infrastructures, à une intensification significative des liens de coopération économique et commerciale.
Enfin, nous attendons vivement que les visites mutuelles entre les responsables de nos deux pays se multiplient tant au plus haut niveau qu’au plan de la coopération parlementaire. Ces échanges pourraient ainsi contribuer à l’amplification de nos relations bilatérales, et ce, à plusieurs niveaux et dans de plus nombreux domaines.

L.L.D. : Membre observateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Mozambique a marqué son attachement au dialogue avec l’espace francophone et la France en participant régulièrement aux sommets France-Afrique. Considérant les conclusions du dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’est tenu à Nice du 31 mai au 1er juin 2010, quelle est votre vision des nouveaux rapports de partenariat que souhaite mettre en place la France avec le continent africain ?

S.E.Mme A.N.U. :
Je tiens à préciser que le Mozambique participait aux sommets France-Afrique dès avant son adhésion à l’Organisation internationale de la Francophonie en août 2006, ce qui témoigne de son ouverture à la coopération avec tous les pays avec lesquels nous partageons les mêmes idéaux, indépendamment de leur situation géographique, de leur culture, de leur langue ou de leur orientation religieuse.
Comme le stipule clairement la déclaration finale du sommet France-Afrique, les chefs d’Etat africains et de la France ont décidé d’approfondir un partenariat reposant sur des intérêts partagés et la confiance mutuelle, sur les principes fondamentaux d’égalité, de respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité, ainsi que sur leur engagement à renforcer le processus d’intégration, d’action collective et de coopération, pour le bien de leurs Etats et de leurs peuples.
Les thèmes du sommet et les questions « mises sur la table » par la France, notamment l’action conjointe en faveur de la paix et de la sécurité, la gouvernance mondiale, le climat et le développement, illustrent la volonté française de partager ses idéaux avec l’Afrique, en faisant en sorte que la voix de ce continent soit entendue au sein des enceintes internationales et en le soutenant pour qu’il occupe la place qui lui revient sur la scène internationale.
La nouvelle approche de la France des relations Afrique-France, fondée sur le dialogue, sur un « partenariat entre égaux » et sur son appui en faveur de la visibilité internationale du continent africain, est positive car elle contribuera largement au renforcement des relations politiques et économiques entre la France et l’Afrique.

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