Une nouvelle dynamique de développement
Porté par l’aspiration à une « révolution citoyenne », l’Equateur s’est engagé dans une nouvelle phase de son histoire symbolisée par la prise de fonctions du Président Rafael Correa, le 10 août 2009, jour du bicentenaire de l’indépendance. Analysant la dynamique insufflée au pays par sa réélection, S.E.M. Carlos Jativa Naranjo, Ambassadeur de l’Equateur en France, revient pour nous sur les réformes initiées dans le cadre de la nouvelle Constitution et sur les enjeux de la nouvelle stratégie de développement équatorienne.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, reconduit pour un second mandat à l’issue des élections du 26 avril 2009, le Président Rafael Correa a placé l’approfondissement de sa « révolution citoyenne » en tête de ses priorités. Près d’un an après sa prise de fonctions, comment décririez-vous les principaux accomplissements de son gouvernement ? Quel regard portez-vous sur la rupture qu’il entend incarner dans l’histoire contemporaine de l’Equateur ?
S.E.M. Carlos Jativa Naranjo : Economiste de formation, M. Rafael Correa a, dès sa prise de fonctions à la présidence de la République de l’Equateur, le 15 janvier 2007, préconisé une Révolution citoyenne non violente et démocratique, favorisant l’intégration, la solidarité et l’équité. Cette vision politique lui a permis de triompher lors des six derniers scrutins qui se sont déroulés dans notre pays, dont celui du 26 avril 2009, qui a vu sa réélection à l’issue du premier tour, fait inédit dans l’histoire équatorienne contemporaine.
Nombreux ont été les succès obtenus tout le long de ce parcours, grâce à la revendication de différents principes : le « bien-vivre » de la population ou « Sumak Kawsay » en langue quechua, le développement équitable, le bien-être collectif, la liberté fondée sur la justice et la paix. Pour atteindre ces objectifs sur le plan politique, il a été nécessaire d’assumer le pouvoir afin de le transformer en pouvoir populaire, seul levier susceptible d’entraîner des transformations dans les structures inégalitaires qui caractérisent encore l’Amérique latine. En effet, le véritable développement ne sera possible qu’à travers un changement dans les rapports de forces existant au sein de la société.
Au terme des trois années de son premier mandat et afin de mieux comprendre cette réussite, je tiens à vous rappeler brièvement les cinq axes fondamentaux de la Révolution citoyenne.
– Tout d’abord, la « révolution constitutionnelle » : le système politique et institutionnel du pays s’étant effondré, le Président Rafael Correa a convoqué une Assemblée nationale constituante, en vue de remplir l’un des principaux engagements de sa campagne électorale. Dotée des pleins pouvoirs, celle-ci a élaboré une nouvelle Constitution, approuvée par référendum à une nette majorité de 64%. En dépit d’une forte opposition, la nouvelle constitution est devenue une réalité en Equateur. Son adoption a marqué un changement d’époque et non seulement une époque de changements. Tout en renforçant la notion d’une démocratie, elle a posé les bases d’un Etat social qui garantit les droits des Equatoriens.
– La lutte contre la corruption représente un combat constant du gouvernement. Les quelques cas de corruption avérés ont été dénoncés par l’administration équatorienne et des sanctions ont été prises immédiatement, sans ménagements. Mais la corruption ne désigne pas seulement une mauvaise gestion des fonds publics. Le gouvernement s’attache également à enrayer la corruption résultant du modèle de développement qu’on a voulu imposer, engendrant une dette colossale à des conditions usurières et recourant à des privatisations malhonnêtes.
– La « révolution économique » repose sur la politique définie par le Président Rafael Correa face au soi-disant « consensus » international sur la gestion de l’économie et des finances dont les effets se sont encore fait sentir ces derniers mois, avec une force particulière dans les pays développés. Fondée sur la dignité et la souveraineté, cette politique n’aspire pas à atteindre une libéralisation simpliste des marchés, mais la libération de l’être humain, considéré comme beaucoup plus important que le capital. Pour notre gouvernement, les hommes et les femmes qui travaillent ne constituent pas un maillon de la chaîne de production. Ils en sont la finalité et l’objectif même. Nous avons dès lors réformé le marché du travail, en abrogeant le processus de tertiarisation et en augmentant les salaires de diverses catégories jusqu’alors laissées pour compte. Pour la première fois dans notre histoire récente, nous avons également abaissé le coût de plusieurs services publics.
– La Révolution citoyenne s’inscrit au cœur des politiques sociales. A la différence des administrations antérieures, le gouvernement du Président Rafael Correa a donné la priorité aux politiques d’inclusion sociale et aux dépenses dans ce domaine. Environ 4 milliards de dollars ont été alloués à l’éducation, permettant à des millions d’enfants de recevoir gratuitement des uniformes scolaires, des livres, des fournitures, des repas et de reconstruire des écoles. Plus de 1,8 milliard de dollars a été investi dans des programmes de bien-être social, en particulier en faveur des familles rurales jusqu’alors très peu soutenues. Près de 1,7 milliard de dollars a été dédié à la rénovation des établissements de santé et à l’achat d’équipements médicaux, tandis que 500 millions de dollars ont été consacrés à des programmes de logements sociaux. Au final, l’investissement dans le secteur social est ainsi passé de 2,7% à 6,7% du PNB. Grâce à l’ensemble de ces mesures, la politique du Président Rafael Correa a été classée au 1er rang pour la gestion du secteur de la santé et au 2ème rang pour l’éducation au sein du « baromètre de gouvernabilité » de la région latino-américaine réalisé à l’occasion du Sommet ALC-UE qui s’est tenu à Madrid en mai 2010.
Il convient en outre de souligner la mise en place d’un système de demande de crédits portant sur environ 5 milliards de dollars en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) dont le gouvernement est convaincu de la capacité productive.
– Enfin, la nouvelle approche de la politique internationale promue par le Président Rafael Correa aspire au recouvrement de notre dignité et de notre souveraineté ainsi qu’à la recherche de la solidarité et de l’intégration. Depuis le début de son mandat, il a agi en faveur du renforcement du multilatéralisme et de l’intégration latino-américaine, définis comme les axes moteurs de sa politique extérieure. Il s’est ainsi engagé à créer divers espaces de concertation régionale comme l’UNASUR, l’ALBA et la future Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes. Il a également affirmé que l’Equateur maintiendra des relations avec tous les pays fondées sur la souveraineté, le dialogue, la coopération, le développement d’agendas positifs et le respect mutuel, ce qui implique l’établissement de relations diplomatiques et commerciales avec des pays auparavant ignorés en Afrique, au Moyen Orient et en Asie.
La situation de nos émigrants fait en outre pleinement partie des préoccupations de notre gouvernement. Avec la côte du Pacifique, la Cordillère des Andes, l’Amazonie et les îles Galapagos, ils constituent en quelque sorte la 5ème région de l’Equateur. Nous sommes conscients des énormes sacrifices qu’ils ont dû concéder et de leurs apport à la construction du pays, dont les transferts de fonds représentent sa 2ème source de devises. Nous avons ainsi toujours protesté auprès des pays d’accueil de nos émigrants contre l’adoption de politiques migratoires de plus en plus restrictives et exclusives, contraires aux droits humains, selon une philosophie politique préconisant la libre circulation des capitaux, des biens et des services, mais omettant volontairement celle des personnes. Dans notre constitution, la libre circulation est définie comme un droit excluant et réfutant toute qualification associant des êtres humains à des « personnes illégales ». La véritable illégalité réside dans le racisme, la xénophobie et le trafic de migrants.
J’ajouterai que pour la première fois en Equateur, les promesses électorales correspondent à ce qui a été accompli, grâce au système de planification qui a permis à l’Etat de reprendre son rôle central. En témoigne le soutien dont continue de bénéficier le Président Rafael Correa auprès de 61% de la population, quatre ans après son arrivée au pouvoir. Il y a donc, en effet, rupture sur tous les plans avec le passé : avec le régime des partis, les impasses institutionnelles, la minimisation du rôle de l’Etat, les structures de soumission internationale, les violations de la souveraineté, les inégalités, les discriminations, l’exclusion et la violence occultée et quotidienne contre les pauvres, et finalement, rupture avec la suprématie du capital sur l’homme.
L.L.D. : Pierre angulaire de la rénovation politique prônée par le Président Rafael Correa, une nouvelle Constitution a été adoptée par referendum le 28 septembre 2009. Quelles ont été les principales modifications introduites en vue de pérenniser la stabilité politique du pays et de garantir les droits des peuples indigènes ?
S.E.M.C.J.N. :
La promulgation de la nouvelle Constitution, en octobre 2009, a marqué selon l’expression employée par le Président Rafael Correa « la naissance d’une nouvelle Patrie, noble, souveraine, solidaire et juste… un pas décisif pour arriver à notre deuxième indépendance ». Son approbation s’inscrit dans un processus vers la construction d’un Etat réellement démocratique, participatif et inclusif, fondé principalement sur le concept du « bien-vivre ». Elle n’en définit pas seulement les paramètres mais reconnaît cette notion comme un objectif primordial de réussite individuelle et collective.
Après une décennie de blocages institutionnels marquée par la succession de sept présidents, la Constitution dite de Montecristi, lieu de naissance du héros national Eloy Alfaro, consacre le renforcement des pouvoirs du chef de l’Etat en vue de garantir la stabilité politique dont a besoin l’Equateur. En cas d’urgence, celui-ci peut ainsi promulguer des décrets-lois, exercer un meilleur contrôle sur les secteurs stratégiques comme l’énergie, les mines et les télécommunications, et se porter candidat pour un nouveau mandat de quatre ans.
La Constitution compte plus de 400 articles. Elle redonne tout son sens au rôle de l’Etat qui se voit confier la planification du développement afin de garantir l’exercice des droits, de mettre en œuvre le principe d’égalité et les objectifs qu’elle fixe. A cet effet, un Conseil national de Planification a été créé sous la tutelle directe du Président de la République.
En vertu de la Constitution, le chef de l’Etat est responsable de la gestion de la politique monétaire et financière, du crédit et des taux de change, dont la Banque centrale assumait auparavant la gestion en toute indépendance. Il s’agit par ce biais de bâtir une économie sociale au service de la vie, n’obéissant pas à la logique néolibérale qui subordonne le développement au capital.
De même, en dotant l’Etat de deux nouvelles fonctions, l’organisation du système électoral ainsi que celle de la transparence et du contrôle social, le texte constitutionnel octroie au Président de la République le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale ou le Parlement ; pouvoir dont il ne peut user qu’une seule fois au cours des trois premières années de son mandat, après avis favorable de la Cour constitutionnelle, dans trois cas : si le Parlement entrave l’exécution du Plan national de Développement, si l’Assemblée nationale s’est arrogée des fonctions qui ne lui incombe pas constitutionnellement ou bien en raison d’une crise politique majeure et de problèmes internes graves. Néanmoins, dans ces deux derniers cas, la Constitution prévoit également que l’Assemblée nationale a la faculté de déposer le chef de l’Etat. Des élections législatives et présidentielles sont alors convoquées par le Conseil électoral.
Par ailleurs, la Constitution de 2008 reconnaît, entre autres, aux peuples indigènes des droits collectifs, le droit à l’éducation gratuite et universelle, les droits de la nature et ceux de la retraite universelle. L’un des grands progrès qu’elle apporte réside dans la reconnaissance de la plurinationalité, concept impliquant des changements fondamentaux non seulement pour les indigènes mais aussi pour la société équatorienne dans son ensemble, afin qu’elle puisse vivre dans un Etat de droit et démocratique lui permettant d’atteindre le « Sumak Kawsay ».
L’article 1er de la Constitution consacre ainsi le pluralisme : « l’Equateur est un Etat constitutionnel, de droit et de justice, social, démocratique, indépendant, unitaire, interculturel, plurinational et laïc ». Ce principe traduit la reconnaissance des diverses nations existant au sein d’un même espace géographique, de même que celle des différentes nationalités indigènes qui cherchent à faire accepter leurs organisations, leur territoire et leur autonomie. Répondant au principe d’unité à travers la diversité, le pluralisme cherche à promouvoir l’application de l’interculturalité – qui ne se réduit pas aux notions de respect et de tolérance mais vise aussi à encourager les rapports humains en société. Il s’agit en outre d’éradiquer la pauvreté et les discriminations subies par les peuples indigènes durant des siècles.
Avec la reconnaissance de la plurinationalité et du caractère transversal de la thématique indigène tout au long du texte constitutionnel, plusieurs types de droits collectifs ont été renforcés et élargis en faveur des communautés, des peuples et des nationalités indigènes, du peuple afro-équatorien, des communautés agraires concernant leur langue, leur participation aux politiques de protection environnementale, leur appartenance et identité, la protection des savoirs ancestraux, la préservation des connaissances collectives, ainsi que le recours à une consultation préalable, libre et responsable, dans un délai raisonnable, sur des questions relatives à leurs droits.
La Constitution reconnaît également le système de justice indigène reposant sur des traditions ancestrales. Ses autorités ont la possibilité d’appliquer leurs règles et leurs coutumes pour résoudre leurs conflits internes, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la Constitution et aux droits humains universellement reconnus.
En somme, la Constitution consacre et développe les droits des peuples indigènes ainsi que leur pleine application. Dans ce but, des conseils d’égalité ont été créés, situés hiérarchiquement au-dessus des ministères, afin que dans toutes les agences du gouvernement, les politiques d’égalité et de protection ethnique, comme celles portant sur l’origine et l’âge, soient prises en compte, à travers la communication, la transversalité, l’observation, le suivi et l’évaluation.
L.L.D. : Aspirant à faire accéder l’Equateur au « socialisme du XXIème siècle », cet élan réformateur vise à restaurer la primauté du rôle de l’Etat dans la gestion économique du pays. Tenant compte des effets de la crise financière internationale et des contraintes imposées par la dollarisation de l’économie, quelles sont les marges de manœuvre du gouvernement pour matérialiser ses objectifs en matière de justice sociale ?
S.E.M.C.J.N. :
La prééminence de l’être humain sur le capital constitue précisément l’une des caractéristiques les plus révélatrices du socialisme du XXIème siècle, doctrine à laquelle adhère la Révolution citoyenne. Une autre de ses caractéristiques et du nouveau système économique est de consolider le développement par le soutien constant de l’action collective. Face aux problèmes collectifs, nous devons agir collectivement. D’où l’importance du rôle de l’Etat, représentation institutionnalisée de la société, à travers laquelle se concrétise l’action commune.
Le Président Rafael Correa a exprimé à plusieurs reprises sa vision à ce sujet en ces termes : « Je crois en la liberté individuelle mais qui sans justice deviendrait de l’esclavage. Et cette justice nous ne pouvons l’obtenir que par l’action collective. Je ne crois pas en une globalisation qui cherche à créer un marché mondial et non une société globale, en une globalisation qui veut faire de nous des consommateurs et non des citoyens du monde ».
Face au courant traditionnel ou au néolibéralisme, les axes fondamentaux de son action sont la réforme de la nation, le renforcement du rôle de la société civile, le changement de l’agenda politique et une gestion différente de l’économie. Nous cherchons à mettre en exergue la pluralité, avec l’arrivée de nouveaux acteurs, et surtout la construction d’une démocratie participative. C’est dans ce cadre et en accord avec le mandat exprès de la Constitution que le gouvernement a pour tâche prioritaire de réaffirmer l’autorité de l’Etat comme garante des droits de la personne et de la nature.
Pour répondre à votre question, la crise financière internationale a, en effet, touché durement l’Equateur : la chute des prix du pétrole, son principal produit d’exportation, la baisse des transferts de fonds de nos compatriotes émigrés et la diminution des exportations, tout ceci a engendré un grave problème de balance des paiements. Cependant, grâce à la mise en œuvre d’une politique économique appropriée en 2009, notre pays est parvenu à limiter les dégâts et même à continuer à faire croître son PIB.
Sur le plan financier, le gouvernement a adopté, en complément des apports traditionnels, des formes novatrices de gestion, aussi bien par l’utilisation d’une partie de l’épargne intérieure placée à l’étranger que par la canalisation de sources de financement alternatives. Ces ressources participent à la consolidation d’une politique contre-cyclique de défense de l’emploi et de soutien à l’activité économique, entraînant d’importants investissements publics en faveur des infrastructures, des projets de logement populaire et en vue d’améliorer significativement leur accès à la population la plus vulnérable du pays. Comme je l’ai déjà mentionné, des financements ont été injectés dans les domaines de l’éducation et de la santé comme cela n’avait jamais été fait auparavant. Pour des raisons d’équité territoriale, ces investissements ne sont pas réalisés à l’échelon régional mais répondent aux besoins de la population.
L.L.D. : Alors que le pétrole génère près des deux tiers des exportations du pays, le Président Rafael Correa veut accélérer la renégociation des contrats d’exploitation conclus avec les compagnies étrangères. Quels sont les objectifs de cette réforme du secteur pétrolier ? Dans quelle mesure peut-elle contribuer à consolider l’attractivité de votre pays concernant tant le cadre des investissements que la valorisation de son potentiel économique ?
S.E.M.C.J.N. :
L’importante réforme du secteur pétrolier entreprise par le Président Rafael Correa depuis le début de son mandat vise à le réorganiser, à défendre les intérêts de l’Etat équatorien tout en améliorant son image, et à rechercher une plus grande qualité d’exploitation sur le plan de l’environnement.
Ce profond changement dans notre politique pétrolière a aussi pour but d’augmenter la production en encourageant les investissements dans ce secteur, de créer un système de paiement indépendant du prix du pétrole et d’éviter les effets induits par l’exploitation des gisements arrivés à leur pleine capacité de production. Il s’agit, par conséquent, d’une politique d’ouverture envers les investissements étrangers, à travers la reconnaissance d’un tarif fixe, ce qui permettra aux compagnies étrangères d’améliorer leurs niveaux de rentabilité, moyennant une optimisation des coûts et des dépenses.
L.L.D. : Devenu en 2007 le 13ème membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), l’Equateur en assume la présidence tournante en 2010. Quels sont les atouts de sa réintégration au sein de cette organisation ? Comment percevez-vous le rôle de l’OPEP face aux incertitudes d’une reprise durable de la demande mondiale ? Plus particulièrement, quelles sont les propositions de votre pays pour lutter contre la spéculation sur les contrats pétroliers ?
S.E.M.C.J.N. : L’une des premières décisions du gouvernement a été de réintégrer l’Equateur au sein de l’OPEP. Cette décision découle de la nécessité de coordonner et d’unifier les politiques pétrolières entre les pays membres. Il s’agit de rechercher de meilleurs instruments pour préserver les intérêts individuels et collectifs, de permettre l’intervention directe des parties prenantes en vue de stabiliser les prix internationaux du pétrole brut, d’optimiser les investissements pétroliers grâce à des prix justes et stables, d’encourager la coopération, la cohésion et le travail collectif des Etats membres, de garantir et de renforcer les intérêts communs dans le cadre de négociations globales et de recherche d’accords multilatéraux, de soutenir la recherche scientifique et le développement technologique, et de faire appel à une information privilégiée afin d’orienter et de rationaliser les politiques pétrolières.
Face à une offre et une demande mondiale toujours croissantes en hydrocarbures, l’OPEP est appelée à assurer une bonne gestion, susceptible de garantir la stabilité du marché. En ce sens, l’Equateur considère qu’il faut suivre une politique responsable en matière de transactions pétrolières et d’empêcher les fluctuations spéculatives. Pour cette raison et, comme alternative, le Ministre équatorien des Finances propose de créer une assurance sur le pétrole, ce qui, pour les finances publiques de l’Equateur, éviterait les risques impliqués par la spéculation et la fluctuation du prix du baril de pétrole.
L.L.D. : En proposant de renoncer à l’exploitation des ressources pétrolières abritées par le parc naturel de Yasuni, l’Equateur s’est fait le promoteur d’un projet d’avant-garde pour perfectionner le protocole de Kyoto. Pouvez-vous nous rappeler les principes de ce projet ? A travers quelles autres mesures de protection de l’environnement votre gouvernement compte-t-il mettre en œuvre les droits de la nature inscrits au sein de la nouvelle Constitution ?
S.E.M.C.J.N. :
Le projet Yasuní-ITT consiste à laisser sous terre 850 millions de barils de pétrole situés dans le Parc Yasuní, une réserve naturelle qui abrite une des plus importantes biodiversités au monde. Le projet ITT vise à lutter contre le réchauffement climatique et la perte d’une grande richesse de biodiversité, en empêchant l’émission de 410 millions de tonnes de CO², en freinant la déforestation et la pollution des sols, ainsi qu’en prévenant la détérioration des conditions de vie des habitants de la région, dont les peuples Tagaeri et Taromenane qui y vivent en toute liberté et en isolement volontaire.
Or, l’exploitation du pétrole lourd de Yasuni pourrait, sur une période de 13 ans, rapporter à l’Etat près de 7 milliards de dollars. Dans le cadre de son initiative, l’Equateur s’engage à renoncer à la moitié de ces revenus. En contrepartie, et en partant du principe de la responsabilité partagée mais différenciée, notre pays a requis auprès de la communauté internationale une contribution minimale de 50% de ces revenus. La biodiversité de l’Amazonie doit, en effet, être considérée comme un bien commun mondial étant donné qu’elle constitue la plus grande source d’oxygène de la planète.
Les fonds obtenus par le biais de cette Initiative seront destinés en priorité à la transformation des sources d’énergies et à leur production ; à la préservation des espaces protégés (représentant 20% du territoire équatorien) ; à la reforestation d’un million d’hectares de forêt ; à l’investissement dans les domaines de l’éducation, la santé, la création d’emplois et la mise en œuvre de projets de développement durable dans cette partie de l’Equateur. Dans cette optique, la négociation d’un fidéicommis pour administrer les fonds obtenus est sur le point d’être conclue.
L’Ambassade de l’Equateur en France a obtenu l’appui de multiples organisations. L’« Appel national en faveur de l’Initiative Yasuní-ITT : Laissons le pétrole sous terre dans le Parc Yasuní » a ainsi été lancé, le 2 mars 2010, par des groupements de citoyens, militants de l’environnement, collectifs et organisations écologiques, d’associations, de partis politiques ainsi que de syndicats français. De plus, la Secrétaire nationale du Parti Socialiste chargée de l’Environnement et Vice-Présidente de la région de Picardie, Mme Laurence Rossignol, m’a fait parvenir, le 17 mars 2010, une communication de son Parti appuyant l’Initiative Yasuní-ITT. De même que nous avons reçu, le 5 avril 2010, le soutien de la Secrétaire nationale des Verts, Mme Cécile Duflot, à l’« Appel national ».
L’ensemble de ces appuis reflète l’engouement suscité par l’Initiative révolutionnaire Yasuní-ITT, ainsi que la responsabilité que doit assumer l’Equateur face au changement climatique. Notre pays a par ailleurs émis plusieurs propositions comme la création d’un Tribunal de Justice climatique, la reconnaissance de la « dette climatique », l’amplification de la Déclaration des droits de la Nature, l’instauration de l’impôt « Daly Correa » et la reconnaissance du principe du « bien vivre » comme un nouveau paradigme.
Il convient de souligner que l’Equateur est le premier pays au monde à avoir reconnu dans sa Constitution les droits inaliénables à la Nature. Celle-ci met en avant la coexistence harmonieuse avec la nature ou la « Pacha Mama », en stipulant la protection de la biodiversité, des ressources naturelles, de la biosphère et du patrimoine naturel.
En tant qu’Ambassadeur de l’Equateur en France, je me réjouis aussi de l’appui manifesté par le gouvernement français à l’égard de l’Initiative Yasuní-ITT, car il contribuera à prouver notre détermination à instaurer un nouveau modèle de développement. Lors d’une dernière rencontre à la mi-juin, le Ministre des Affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, a engagé son gouvernement à participer au financement de l’initiative Yasuni ITT.
L.L.D. : Dans la continuité des liens tissés avec le Venezuela, votre pays est devenu membre de l’ALBA en juin 2009. A l’image du sommet associant les autorités indigènes et d’afro- descendants qu’il accueillera prochainement, comment décririez-vous l’apport de l’ALBA au renouveau de l’identité latino-américaine ?
S.E.M.C.J.N. :
Pour l’Amérique latine, la meilleure façon de relever les défis actuels est de mettre en œuvre une politique multilatérale efficace. Notre région connaît un processus d’intégration complexe fondé sur la solidarité et la coopération comme l’illustrent l’UNASUR, l’ALBA ou la future Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes, dans le cadre desquelles sont élaborées les propositions les plus diverses, des initiatives pour construire un modèle de développement inclusif et moins destructeur, afin de préparer des agendas communs dans les secteurs social, politique et économique.
La célébration en 2009 du 5ème anniversaire de l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique-Traité de Commerce des Peuples (ALBA-TCP) a coïncidé avec l’entrée de l’Equateur au sein de cette Alliance dont l’objectif est de bâtir un monde plus solidaire et plus juste, dans le cadre d’un processus historique de lutte pour la souveraineté et la dignité.
En adoptant une position d’ouverture, l’ALBA-TCP transcende la diplomatie formelle et déclarative, en s’orientant vers des actions et des contenus concrets véhiculés par une diplomatie qui interpelle, tout en offrant des alternatives à un ordre international en crise. Le cadre politique de l’ALBA repose sur un retour à la souveraineté des peuples et sur une nouvelle façon de l’envisager, à la fois sur le plan de la gestion publique et de l’action internationale des gouvernements.
Dans le secteur économique, l’ALBA préconise des alternatives concrètes, orientées vers une nouvelle architecture financière internationale. Avec la signature du traité constitutif du Système unifié de compensation régionale (SUCRE) et la création de la Banque du Sud, nous avons accompli des progrès pour consolider cette nouvelle architecture, dont l’Equateur a tout particulièrement soutenu l’institutionnalisation.
L’ALBA a été censurée parce qu’elle est conçue comme un projet idéologique, comme si l’idéologie était en soi contraire aux intérêts nationaux et régionaux. Alors, pourquoi la craindre ? L’ALBA est par ailleurs une véritable expression des profondes transformations politiques en cours dans plusieurs pays latino-américains. Ces alternatives ne peuvent se réduire à des questions d’ouverture commerciale, d’accès aux marchés ou de dégrèvement fiscal. Le nouvel agenda portant sur l’intégration « post-libérale » privilégie la coordination politique, de sécurité et de défense, la planification énergétique et des infrastructures, la réduction des asymétries économiques et, tout spécialement, l’agenda social pour le développement.
S’appuyant sur les idéaux et l’héritage des « Libérateurs américains », l’ALBA revendique une identité latino-américaine propre, défendant les droits inaliénables des populations et la souveraineté des pays membres, en réfutant toute forme de tutelle, d’intervention étrangère et d’attitudes néocolonialistes, afin d’organiser dignement leur avenir, tout en poursuivant un bien-être commun et un développement inclusif et durable.
Pour cette raison et considérant que notre Constitution garantit pleinement les droits des peuples indigènes, le Président Rafael Correa a pris l’initiative d’accueillir le sommet de l’ALBA les 24 et 25 juin 2010, dans la ville indigène d’Otavalo. Cet événement a permis d’examiner les projets réalisés par les pays de l’ALBA en matière de politiques publiques liées au domaine social et, en particulier, aux questions spécifiques relatives aux plans du gouvernement pour promouvoir le développement social des peuples indigènes et afro-descendants.
L’Equateur a ainsi invité les chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que les Autorités indigènes et afro-descendantes élues ou désignées des pays de l’ALBA à porter la réflexion sur le thème de l’« Analyse de la transition de l’Etat colonial vers des modèles d’Etats multiculturels, interculturels et pluriculturels et plurinationaux ». Ils participeront à plusieurs tables-rondes pour débattre de l’interculturalité, des politiques publiques du nouveau modèle de l’Etat, du racisme et de la discrimination, des droits de la Mère-Terre ainsi que du changement climatique. De ces rencontres ont émané des propositions concrètes recueillies au sein de la « Déclaration d’Otavalo », à laquelle ont souscrit les hauts-représentants de l’ALBA-TCP.
L.L.D. : Quelles sont vos attentes à l’égard d’initiatives comme le Système unique de compensation régionale (Sucre) ou le projet de création d’une Communauté des Etats latino-américains et caribéens ?
S.E.M.C.J.N. : L’Equateur a activement participé à la conception du SUCRE, sous l’impulsion du Président Rafael Correa, dont le leadership dans la région sur cette question est largement reconu.
Je vais tenter ici de vous résumer ses propositions. Cette méthode virtuelle de paiement est destinée à encourager l’expansion du commerce intra-régional dans le cadre d’une complémentarité productive, à protéger la zone des chocs financiers mondiaux et à faciliter le processus de réduction des asymétries commerciales et économiques des pays membres.
Créé lors du VIIème sommet de l’ALBA, réuni à Cochabamba en octobre 2009, le SUCRE cherche à mettre en place un système efficace de paiement régional à travers un compte commun, lequel permettra de supprimer la dépendance au dollar dans le commerce régional et de concrétiser ainsi la souveraineté monétaire et financière.
Ce système offre une ouverture commerciale vers d’autres pays. Supprimant la barrière monétaire constituée par l’achat de devises, il établit un mécanisme de compensation des paiements entre les banques centrales, sans qu’il soit nécessaire pour les pays membres d’avancer des capitaux. Le SUCRE constitue aussi le seul système permettant de réaliser des bénéfices. Il n’implique pas de charges, puisqu’il s’agit simplement de compenser les flux commerciaux entre nos pays, permettant d’élargir les possibilités d’échanges commerciaux, d’éviter les dépenses et que d’autres agents n’interviennent pas dans ces mécanismes. Il minimise en effet la participation des intermédiaires financiers qui, au final, tirent profit de l’outil commercial pour verser des commissions à leurs banques, et permet d’échapper à la fuite de ressources à laquelle beaucoup de gouvernements et d’institutions privées doivent concéder dans le cadre des transactions internationales.
Une fois que le fonctionnement de ce système sera éprouvé, il sera utilisé pour faciliter les échanges commerciaux avec d’autres organisations d’intégration économique, tels le Mercosur ou l’Union européenne. La Commission Stiglitz a d’ailleurs apporté son soutien à la création des outils du SUCRE que sont une monnaie virtuelle, un fonds de réserve et une Banque du Sud, c’est-à-dire l’instauration d’une nouvelle architecture financière régionale.
Le processus d’institutionnalisation de nouveaux mécanismes destinés à achever une véritable intégration régionale s’est également enrichi, lors du sommet de l’Unité de l’Amérique latine et des Caraïbes organisé le 23 février 2010 au Mexique, avec la décision de construire la Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes, en tant qu’espace régional spécifique réunissant l’ensemble de nos pays.
La concrétisation de cette nouvelle entité, née de la convergence entre les mécanismes du Groupe de Rio et de la Conférence de l’Amérique latine et des Caraïbes sur l’Intégration et le Développement, répond bien à l’objectif principal préconisé dans ce domaine par le Président Rafael Correa, notamment dans une lettre qu’il a adressée à ses homologues de la région en avril 2008.
Définie au sein d’un espace régional propre, cette nouvelle communauté est appelée à renforcer et mettre en lumière l’identité latino-américaine et caribéenne, en s’inspirant de valeurs et de principes communs et des idéaux d’unité et de démocratie. Cette décision historique s’inscrit dans le cadre du bicentenaire de l’indépendance d’un certain nombre de pays latino-américains. Elle confirme l’aspiration des peuples d’Amérique latine et des Caraïbes à construire une entité encourageant la concertation politique, laquelle dotera la région non seulement du poids suffisant, mais aussi de la qualité nécessaire pour s’affirmer en tant qu’interlocuteur de premier plan face aux grands défis de l’agenda international.
Comme l’a souligné notre Ministre des Affaires étrangères, M. Ricardo Patiño, l’établissement de la Communauté des Etats d’Amérique Latine et des Caraïbes reflète l’approfondissement du multilatéralisme. Elle permettra d’accroître notre capacité à établir des mécanismes concrets de dialogue et de coopération internationale pour le développement et, par ailleurs, de créer des schémas spécifiques de résolution pacifique des différends.
L.L.D. : Dans quels domaines la présidence équatorienne de l’UNASUR s’efforce-t-elle d’accentuer les efforts visant à renforcer la construction de son architecture institutionnelle ?
S.E.M.C.J.N. :
Le Président Rafael Correa a pris la présidence tournante de l’Union des Nations sud-américaines depuis le 10 août 2009, date particulièrement symbolique car elle a marqué le Bicentenaire de la Déclaration d’Indépendance de l’Equateur et la prise de fonctions du chef de l’Etat équatorien. En assumant cette responsabilité, il a fait la preuve de sa profonde vocation intégrationniste.
L’émergence de l’UNASUR, créée en 2008, s’inscrit dans le cadre du nouveau cycle politique qui s’est ouvert en Amérique latine depuis le début du siècle, en dépit des hétérogénéités économiques et sociales propres à chaque pays de la région. Celui-ci ne semble pas avoir encore été compris dans toute sa dimension. Il s’agit pourtant d’un processus intégral, dans lequel la perspective politique constitue un élément fondamental. Il est aussi une réponse régionale à la formation d’un espace de libre-échange en Amérique du Nord.
Il s’agit donc de construire un espace d’intégration dans des domaines concernant le dialogue politique, social, éducatif, énergétique, et portant aussi sur les infrastructures, la finance et l’environnement. Ce processus d’intégration contribuera à ce que les nations de notre région progressent et atteignent enfin un meilleur niveau de développement. Il permettra par ailleurs de créer un ensemble qui, par sa dimension géographique et sa population, lui permettra de devenir un acteur respecté dans le concert international des nations.
Durant sa présidence, l’Equateur s’est attaché à consolider la structure institutionnelle de l’UNASUR, ainsi qu’à approfondir des thèmes essentiels pour cet organisme. Les chefs d’Etat de l’Union ont ainsi créé les conseils sud-américains pour la lutte contre les problèmes liés à la drogue à l’échelle internationale, pour l’infrastructure et la planification, pour le développement social et de l’éducation, ainsi que pour la science, les technologies et l’innovation. Ces conseils s’ajoutent à ceux de défense et de santé mis en place en 2008. De plus, sous la présidence équatorienne, des réunions du Groupement d’intégration financière et du Groupement sur les infrastructures ont eu lieu, et un mécanisme de solution des différends en matière d’investissements a été instauré.
L’action du Ministre des Affaires étrangères Ricardo Patiño a permis de résoudre les divergences existantes et d’obtenir, lors du dernier sommet extraordinaire de l’UNASUR réuni le 4 mai 2010 en Argentine, un consensus pour élire son premier Secrétaire général, l’ancien Président argentin Néstor Kirchner. Outre ce renfoncement des institutions, six des douze Etats membres ont ratifié le Traité constitutif de l’UNASUR et l’appel d’offre pour la construction du siège du Secrétariat de l’Union a été lancé. Il sera bâti à Pifo en Equateur, près de la « Moitié du Monde ».
Je voudrais également souligner que l’Equateur a été très actif pour qu’un ensemble de moyens soit mis en place par les pays membres en vue de renforcer la confiance et la sécurité, et de créer un fonds de coopération Sud-Sud de 100 millions de dollars en faveur d’Haïti, lors du sommet extraordinaire de Quito, convoqué par le Président équatorien à la suite du tremblement de terre ayant dévasté ce pays en janvier 2010.
Participant de sa volonté à renforcer l’UNASUR, l’Equateur a par ailleurs favorisé l’adoption de déclarations sur la situation du Honduras, et particulièrement la défense de l’ordre constitutionnel et le rejet du processus électoral illégal, ainsi que le refus de la promulgation de normes contraires aux droits humains des travailleurs migrants. Enfin sur la situation régionale, en ce qui concerne la paix, la sécurité, le développement et les affaires stratégiques, le Président Rafael Correa a invité le Président Barack Obama à amorcer un dialogue avec les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UNASUR.
L.L.D. : 40 ans après sa fondation, la Communauté andine des Nations (CAN) s’est engagée en 2009 dans l’élaboration d’une nouvelle « vision stratégique » de son processus d’intégration. A l’aune du rétablissement des relations entre votre pays et la Colombie, comment votre pays pourrait-il renforcer dans ce contexte sa contribution à la concertation régionale sur les questions politique, de sécurité et de la lutte contre le trafic de drogue ?
S.E.M.C.J.N. :
La Communauté Andine, qui constitue l’un des plus anciens mécanismes d’intégration du monde après 41 ans d’existence, est en train de relever un grand défi en conciliant les diverses conceptions des quatre pays membres et en consolidant les relations entre ses organes institutionnels et ses citoyens.
L’Equateur préconise une intégration plus ample et mieux équilibrée tant aux plans politique, économique, social, culturel, environnemental que commercial. La dimension commerciale doit donc être perçue comme étant une illustration et non la résultante d’un effort de consolidation andine. C’est sur cette base qu’ont été ratifiés les Principes d’orientation et l’Agenda stratégique andin proposés par l’Equateur dans l’exercice de la présidence tournante de la CAN à partir de février 2009, à laquelle a succédé celle du Pérou.
L’Equateur s’est prononcé en faveur d’une construction andine qui favorise l’intégration et tende à l’unité dans la diversité au service des citoyens des quatre pays membres. Le nouvel Agenda stratégique privilégie ainsi les thèmes de l’environnement, du développement social, du renforcement de la dimension géographique et frontalière, ainsi que de l’approfondissement de l’intégration. Il est divisé en 12 points définissant les orientations de l’action du Secrétariat général de la CAN ainsi que des organes et des institutions du Système andin d’intégration. Cet agenda constitue donc l’axe fédérateur des initiatives mises en œuvre pour répondre aux intérêts et aux besoins partagés par les pays membres, pour atteindre les objectifs communs envisagés dans le cadre du processus d’intégration andine.
Sur les questions de la sécurité et de la lutte contre le trafic de drogue, nous disposons d’un principe général qui consiste à consolider la coopération régionale en tant qu’instrument destiné à concevoir des programmes de sécurité régionale, mais aussi à mettre en place les directives de la Politique commune de sécurité andine, évaluer périodiquement sa validité et son application, assurer le suivi avec d’autres instances latino-américaines chargées de la sécurité et exécuter la Charte andine pour la Paix et la Sécurité, la limitation, le contrôle des dépenses allouées à la défense extérieure.
Je me dois également de souligner que, lors du sommet CAN-Union européenne (UE) qui s’est tenu le 19 mai 2010 à Madrid, nos pays ont su mettre en valeur l’importance d’aborder de façon coordonnée le problème mondial des drogues, à travers une perspective globalisante et équilibrée. L’objectif est d’atteindre une plus grande efficacité et d’impulser un nouvel élan politique au dialogue entre les deux régions, en application du principe de responsabilité commune et partagée. Dans ce cadre, comme dans celui de la lutte contre le changement climatique, les pays de la CAN et de l’UE ont montré leur unité, inspirée par des valeurs communes. Le sommet de la CAN-UE a bien évidemment apporté son soutien à la politique environnementale de protection de l’être humain et de la nature équatorienne, dont l’initiative Yasuní-ITT constitue l’élément fondamental.
L.L.D. : Marquées par une volonté de renouer le dialogue, les relations de l’Equateur avec les Etats-Unis qui représentent la première destination de ses exportations, tendent à s’orienter vers la conclusion d’un accord de commerce pour le développement. Pourriez-vous définir les contours d’un tel accord et, plus globalement, les conditions d’une relance de la coopération entre les deux pays ?
S.E.M.C.J.N. :
L’Equateur a proposé une alternative à l’ouverture au marché mondial en ébauchant une stratégie commerciale en faveur du développement, laquelle incorpore des mécanismes de participation sociale de façon progressive qui remplacent les systèmes d’exclusion et de rigidité propres aux accords de libre-échange.
La négociation de l’accord que vous évoquez doit répondre aux intérêts du peuple équatorien, conformément aux principes de notre Constitution qui est le cadre fondamental de nos relations internationales. Elle implique une diversité de facteurs, aussi bien en termes de production que d’exportation, ainsi que le respect des secteurs stratégiques et la prise en compte des asymétries économiques. En ce sens pour l’Equateur, l’agriculture, la propriété intellectuelle, la concurrence, les achats du secteur public et les services, l’établissement et le mouvement des capitaux constituent des sujets très sensibles.
Un tel accord pour le développement ne consiste pas simplement en un échange entre « l’offre d’accès aux marchés » et « des marges d’autonomie en matière de politiques commerciales ». Il doit garantir la faculté de l’Etat équatorien à formuler et à mettre en œuvre des politiques et des outils de développement. Il cherche donc à obtenir des engagements avec un partenaire en vue d’atteindre les objectifs nécessaires à leur réalisation.
En préservant sa capacité à engager une politique nationale de développement, l’Etat équatorien dispose des moyens pour mettre en place une stratégie de production et commerciale visant, à travers des mesures spécifiques, à changer le modèle exportateur basé sur le secteur primaire. Il s’agit dans ce but de diversifier la production, de favoriser l’innovation technologique, la réduction de notre vulnérabilité extérieure, de réhausser la valeur ajoutée de l’offre à l’exportation et d’encourager une participation croissante des petits producteurs.
En effet, la stratégie d’insertion intelligente dans le marché mondial, que propose le gouvernement du Président Rafael Correa, préconise le passage progressif de la production de biens primaires à l’élaboration de produits d’exportation à valeur ajoutée et la réduction des activités d’extraction. Cette stratégie cherche à encourager un développement humain qui requiert une base productive interne, avec un degré croissant de complexité, et qui tend à la complémentarité, à l’équité territoriale et à son amélioration. C’est un objectif impossible à atteindre pour des entités économiques tournées vers l’exportation de biens primaires.
Sur les moyen et long termes, ce type d’accord contribuera à concrétiser l’insertion stratégique de l’Equateur dans l’économie mondiale, en diversifiant notamment son offre d’exportation, dans un cadre développé et rénové de marchés ayant les mêmes objectifs. De façon complémentaire, sa mise en application facilitera la réalisation des objectifs du développement durable aux plans économique, social et environnemental. Elle permettra par ailleurs de garantir et de protéger la souveraineté alimentaire, les groupes vulnérables, leurs moyens de subsistance et le développement du secteur rural.
L’Equateur a donc décidé de renoncer aux traités commerciaux impliquant un libre-échange qui, en réalité, n’existe pas vraiment ; des traités qui, en fait, consolident les structures de commerce inégalitaires, une division internationale du travail injuste, excluent de large secteurs de la population, augmentent les coûts dans la santé et détériorent l’environnement. En somme, ils accentuent la dépendance économique. Pour notre gouvernement, le bien-être de sa population est bien plus important que les bénéfices d’un prétendu libre-échange.
La Constitution de l’Equateur et le Plan national du « Sumak Kawsay » ou du « bien vivre » déterminent ainsi les relations internationales de l’Equateur sur la base de la souveraineté et de l’indépendance. Dans le cas des Etats-Unis, ce principe s’est traduit par le non renouvellement de l’accord portant sur l’utilisation de la base de la Force aérienne équatorienne de Manta, et sur la renégociation des accords de coopération en matière de renseignement. La décision de l’Equateur a été respectée, aussi bien par l’administration de l’ancien Président Georges W. Bush, à laquelle on a fait part de cette décision, que par celle du Président Barack Obama.
Après l’expulsion de deux fonctionnaires de l’Ambassade des Etats-Unis à Quito qui n’étaient pas répondu aux instructions de l’administration fédérale, mais agi de leur propre initiative, la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a pris directement connaissance du dossier et, du fait de sa décision, le dialogue a été établi entre les deux pays afin de trouver des solutions satisfaisant les revendications équatoriennes. Celles-ci ont été regroupées au sein de trois accords signés en août 2009. De plus, depuis 2008, un « dialogue bilatéral » avec les Etats-Unis a été instauré. Il s’agit d’un véritable outil diplomatique de grande portée, consistant en un forum de consultation dans lequel sont abordés les thèmes d’intérêt commun ainsi que les divergences entre les deux pays. De plus, ce mécanisme permet d’établir dans tous les domaines un suivi politique et un ajustement de nos liens de coopération avec les Etats-Unis aux principes de notre Plan national de Développement.
Ce « dialogue bilatéral » s’articule autour de quatre axes regroupant les principaux aspects des relations entre nos deux pays : commerce et investissements ; coopération pour le développement ; mobilité humaine (émigration) ; et sécurité. Deux réunions ont été organisées dans ce cadre en session plénière : la première à Quito en novembre 2008, et la deuxième à Washington en 2009 au cours de laquelle les thèmes prioritaires de l’agenda de dialogue ont été détaillés et qui a permis aux délégués équatoriens d’exprimer leur position et la philosophie de la nouvelle Constitution, du Plan national de Développement et du Plan national sur le « bien vivre ».
Lors de sa visite en Equateur le 5 et 6 avril 2010, M. Arturo Valenzuela, Secrétaire adjoint aux Affaires pour l’Hémisphère occidental du Département d’Etat a déclaré que les Etats-Unis voulaient promouvoir une relation de confiance mutuelle avec l’Equateur. Dans le cadre de ces bonnes relations, la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a été reçue au Palais de Carondelet par le Président Rafael Correa le 8 juin 2010. Tous deux ont abordés les questions relatives à l’immigration, la sécurité, le commerce, les extraditions, la coopération, le GAFI, la nouvelle architecture financière internationale et l’UNASUR. Le Président Correa a souligné que ce déplacement marque « la visite la plus importante qu’ait reçue l’Equateur de la part des Etats-Unis », et « d’excellentes relations » existent entre les deux gouvernements. La Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a par ailleurs fait l’éloge du leadership du Président équatorien et souligné les efforts déployés à travers sa présidence de l’UNASUR pour collaborer avec Haïti et le Chili, pays touchés par des tremblements de terre dévastateurs.
L.L.D. : A l’image du partenariat stratégique conclu avec la Russie, le Président Rafael Correa a donné une impulsion volontariste à la diplomatie équatorienne. Comment qualifieriez-vous les résultats obtenus par la consolidation de ses partenariats en Asie et au Moyen-Orient ?
S.E.M.C.J.N. : Nos relations bilatérales avec la Fédération de Russie se sont, en effet, intensifiées. Pour la première fois depuis l’établissement de nos relations diplomatiques il y a 64 ans, un chef d’Etat équatorien s’est rendu en visite officielle à Moscou. Les présidents Rafael Correa et Dimitri Medvédev se sont réunis le 29 octobre 2009 et ont signé une Déclaration d’association stratégique, par laquelle les deux pays ont adopté des mesures mutuellement bénéfiques dans plusieurs domaines et tout spécialement dans celui de la coopération économique et financière.
Cette Déclaration aborde la coopération politique et sécuritaire, l’environnement, l’établissement d’une association économique, commerciale et financière, la coopération en matière humanitaire, d’éducation, de culture, de tourisme, de sciences et de technologies. Elle donne également un nouvel élan à la Commission intergouvernementale pour la Coopération économique et commerciale (CICEC). De plus, les deux chefs d’Etat ont abordé différentes questions comme le renforcement de la coopération dans divers secteurs, incluant le lancement de projets en matière de production et de raffinage de pétrole, d’activité minière, d’électricité, de coopération technico-militaire, d’agriculture et de pêche. Ils ont signé des accords dans le domaine de l’énergie atomique à des fins pacifiques, l’assistance mutuelle dans le domaine douanier, la coopération dans les secteurs de l’énergie, des technologies, de la communication et de la transmission simple de données de 4ème génération ainsi que dans celui de l’énergie hydroélectrique entre autres. Ils ont par ailleurs échangé leur vision sur l’intégration politique et économique de l’Amérique latine.
Plus largement, le gouvernement équatorien a pris l’engagement de renforcer les relations Sud-Sud. Nous sommes ainsi en train d’établir des relations diplomatiques et commerciales avec des pays qu’auparavant nous ignorions car nous nous étions uniquement tournés vers les pays développés. En ce sens, l’ouverture de nouvelles ambassades concernent des pays stratégiques en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, et tout spécialement la Chine, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, la Malaisie et Singapour. Il est essentiel pour nous de forger des relations avec d’autres nations en voie de développement.
Avec la République populaire de Chine, le bilan des réalisations est positif. Un accord financier de plus de 1,5 milliard de dollars a récemment été signé pour construire la plus importante centrale hydroélectrique du pays. Les relations commerciales sont significatives et il existe d’autres projets de coopération et d’acquisition d’avions. Avec l’Inde, les échanges se multiplient notamment dans les domaines technologique, boursier, de coopération, de donation de médicaments et un accord en matière de défense est en cours de négociation.
Avec la Corée du Sud, l’Indonésie et la Malaisie des négociations ont été lancées sur différents projets d’investissements dans les secteurs minier et pétrolier, ainsi qu’avec Singapour en ce qui concerne les services aériens. Il faut par ailleurs mentionner les visites présidentielles entre l’Equateur et l’Iran, ainsi que les déplacements de hautes autorités des deux pays et l’ouverture de missions diplomatiques dans leurs capitales respectives. Des accords de coopération ont été souscrits dans divers secteurs, tandis que leurs échanges commerciaux ont été accrus.
Notre objectif est donc de consolider la présence de l’Equateur dans le monde. Pour le dernier trimestre de l’année 2010 nous préparons des visites officielles au plus haut niveau, en Arabie Saoudite, en Egypte, aux Emirats Arabes Unis, au Koweït, au Liban, au Qatar et en Syrie.
L.L.D. : Initiée en 2008, la relance des relations entre votre pays et la France a été scellée avec la visite du Président Rafael Correa à Paris le 13 mai 2009. Fort du soutien français à l’initiative Yasuni ITT, dans quels autres domaines la concertation politique pourrait-elle être approfondie ? Comment les interactions culturelles franco-équatoriennes pourraient-elles participer davantage au resserrement de ces liens ? Quelles orientations sont préconisées en vue de poursuivre la coopération en matière de défense et d’armement traditionnellement entretenue entre les deux pays ?
S.E.M.C.J.N. :
Les célébrations historiques marquent toujours des temps forts dans notre histoire. Elles servent aussi à rappeler la très profonde amitié qui unit nos deux peuples. En envoyant un Ministre Plénipotentiaire à Alger, l’Equateur a été le premier pays du continent américain à reconnaître officiellement le gouvernement de la France libre, formé par le Général de Gaulle dans le sillage de l’appel du 18 juin 1940. De plus, à cette même époque le Président de l’Equateur, M. José María Velasco Ibarra, a très clairement voulu montrer que nous partagions des valeurs communes qu’il fallait impérativement défendre, en proclamant le 14 juillet, fête nationale.
En tant qu’Ambassadeur de l’Equateur en France, ma mission consiste à renforcer le contenu de nos relations bilatérales. Elles sont certainement bonnes, mais elles peuvent et doivent l’être beaucoup plus. Nous aspirons donc à relancer les relations entre nos deux pays, et ce, à deux niveaux : l’un conceptuel, portant sur l’échange d’idées sur des questions très précises et le second thématique, concernant les dimensions commerciale, culturelle, de coopération économique, financière et de développement.
L’intérêt d’initier un dialogue politique au plus haut niveau confirme bien la reconnaissance par le Président Nicolas Sarkozy de la portée des profonds changements économiques et sociaux introduits par l’administration du Président Rafael Correa, lesquels s’inscrivent dans un cadre de concertation et une dynamique de stabilité politique.
Par ailleurs, la dimension internationale du projet politique équatorien comprend de nouvelles propositions sur la gouvernance mondiale ainsi que sur la nécessité d’élaborer une nouvelle architecture politique, financière, environnementale, à l’instar des initiatives prises en Amérique latine, en particulier avec la création de la Banque du Sud et le SUCRE. La France manifeste aussi son intérêt à l’égard de notre vision de la revendication de la souveraineté et des aspects négatifs de la mondialisation. La meilleure preuve de cette convergence de vue réside dans le soutien politique apporté par la France au projet novateur Yasuní-ITT.
Les interactions culturelles franco-équatoriennes permettraient non seulement d’alimenter ce contenu politique, mais aussi de diversifier et de renforcer la présence française en Equateur, ainsi que celle de l’Equateur en France. A cet effet, il conviendrait de réunir une commission mixte ou tout autre mécanisme pour établir un plan d’action. Je prendrai à cet égard l’exemple des célébrations du Bicentenaire des Indépendances latino-américaines, organisé en 2009 en Equateur, car c’est le 10 août 1809 qu’a été instauré à Quito le premier gouvernement populaire (Junta Suprema) sud-américain, pour proclamer l’indépendance de notre pays.
A cette occasion, nous avons décidé de réactiver le Centre d’Etudes équatoriennes de l’Université de Paris-Ouest La Défense, créé en 1974. Ses travaux contribuent au développement des études concernant la République de l’Equateur ; à faciliter les échanges culturels entre la France et l’Equateur ; à établir des contacts réguliers entre universitaires et chercheurs français et équatoriens afin de faciliter la connaissance de leur pays respectif. En partenariat avec ce Centre, nous avons ainsi organisé le 13 novembre 2009 un colloque intitulé « Journée d’études à l’occasion du Bicentenaire du Primer grito de Independencia du 10 août 1809, l’Equatorianité en question(s) ». En 2010, ses travaux se concentreront sur la production littéraire de six écrivains équatoriens résidant en France
Vous me permettrez de souligner, par ailleurs, qu’un espace particulier a été créé sur le site internet de notre Ambassade (www.ambassade-equateur.fr) pour le Bicentenaire de l’Indépendance équatorienne. Il est mis en valeur par une vingtaine de textes, documents et témoignages, relatifs au 10 août 1809, date la plus importante de l’histoire équatorienne, devenue celle de notre fête nationale. A ces activités s’ajoutent des conférences sur « Manuela Sáenz, la Libertadora del Libertador », des projections de films « 1809-1810, Mientras llega el día » et de documentaires, « Ellas » de Alvaro Muriel, des donations de livres, la présentation du groupe de danse afro-équatorien « Piel de Tambores » au « Festival du Chocolat », du trio « Raíces Coloniales » à la Fête de la Musique et de l’ensemble musical « Duo Paganini » avec le violoniste Jorde Saade et le guitariste Julio Almeida.
L.L.D. : Dans quels secteurs d’activités une intensification des échanges économiques bilatéraux vous semble-t-elle envisageable ?
S.E.M.C.J.N. :
Sur le plan économique et commercial, une plus large présence française pourrait très aisément être envisagée dans le cadre de grands projets de chantiers urbains comprenant aussi un volet financier. Une importante dotation française a déjà été accordée pour différents projets forestiers. Il convient aussi de réaffirmer le maintien de la coopération française et sa conformité avec notre Plan national de Développement, en particulier dans les secteurs de la science et des technologies.
La promotion des exportations et l’attraction des investissements étrangers en Equateur demeurent l’une des principales orientations de la politique étrangère du Président Rafael Correa. Le gouvernement équatorien a donc ouvert depuis janvier 2009 un Bureau commercial à Paris, en vue d’accroître et de diversifier les échanges commerciaux entre nos deux pays.
Le solde de la balance commerciale entre l’Equateur et la France est traditionnellement positif (à hauteur de 129 millions d’euros en 2009, avec des exportations s’élevant à 216 millions d’euros et des importations à 87 millions d’euros). La France fournit environ 1% des importations équatoriennes (16ème partenaire commercial, 6ème rang des pays de l’UE, 2ème investisseur européen). Les sociétés françaises présentes en Equateur, sous forme de filiales ou de succursales commerciales, sont Alcatel, Hôtels Mercure, Schneider, Sanofi-Aventis, Coface Rating, Bic, CGG, Pernod Ricard, Servier et plus récemment Alstom (ouverture d’un bureau régional) et Lafarge, premier investisseur français en Équateur.
En ce qui concerne les exportations équatoriennes, certains de nos produits disposent d’un véritable potentiel en France. Parmi les plus importants, il convient de citer :
– les produits de la mer : si le thon reste l’espèce la plus commercialisée par l’Equateur, les crevettes ont représenté au cours des deux dernières décennies une part importante de nos exportations, au premier rang des produits exportés. En 2009, la France a importé de l’Equateur des crevettes penaeus (54 411 000 euros) et pandalidae (516 000 euros).
– les conserves : le cœur de palmier en conserve est classé parmi les produits « gourmets » ou d’épicerie fine, très apprécié sur le marché mondial en raison de son excellente qualité (les importations françaises de cœur de palmier ont représenté 15 665 000 euros en 2009, l’Equateur en étant le principal fournisseur de la France).
– les roses équatoriennes sont considérées comme les meilleures au monde, possédant des caractéristiques uniques : de grosses tiges longues et droites, d’opulents boutons aux couleurs extrêmement vives et la plus longue durée de vie une fois coupées. Plus de 300 variétés de roses sont cultivées en Equateur, le plaçant au 1er rang en termes de superficie cultivée et de gamme de coloris. En 2009, la France en a importé pour 4 316 000 euros.
– le cacao : l’Equateur est le plus grand fournisseur mondial de cacao fin et parfumé, dont la saveur et l’arôme floral uniques sont internationalement reconnus. Près de 75% de la production exportable du cacao équatorien est utilisée pour la confection des grands chocolats. La France a importé pour 9 662 000 euros de fèves de cacao en 2009.
– les chapeaux de paille : l’Equateur a été reconnu au cours des dernières années pour la qualité de ses chapeaux de paille toquilla. Ce fameux couvre-chef est très utile et pratique, particulièrement durant l'été et par temps chaud. Parmi les principaux pays vers lesquels sont exportés ces chapeaux figurent les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
– Le tourisme : on peut considérer le tourisme comme l’un des « produits » dont les échanges peuvent être intensifiés. Pour résumer les atouts naturels de l’Equateur, il suffit de vous inviter à découvrir « la faune des Galápagos au petit déjeuner, les plages de sa côte Pacifique au déjeuner, les sommets des Andes au goûter et les forêts denses de l’Amazonie au dîner ». Le marché français, le troisième en Europe après les marchés allemand et britannique, a fortement progressé entre 2004 et 2007
(+ 26,8%). En 2008, 18 700 visiteurs français ont visité l’Equateur. En 2008, le pays a enregistré un nombre d'entrées record et a dépassé le million de visiteurs étrangers (+ 6% sur 2007), dont un quart de Nord-Américains.
Je termine avec un autre aspect fondamental de la politique étrangère de l’Equateur, ce sont les enjeux migratoires. Pour le gouvernement de la Révolution citoyenne, l’activité diplomatique est conçue comme un service public, qualifiée en ce sens de « diplomatie citoyenne », dans le cadre de laquelle les représentations diplomatiques et les missions consulaires sont de véritables vitrines de notre patrie à travers le monde.
C’est dans cette optique que l’Ambassade de l’Equateur en France a décidé de mettre en œuvre un mécanisme de dialogue et une politique de portes ouvertes avec la communauté équatorienne résidant en France. Pour la Mission diplomatique que je dirige, il est très important de consacrer toute notre attention aux nécessités des citoyens équatoriens qui vivent ici et de résoudre leurs problèmes, indépendamment de leur statut d’immigré. D’où l’importance des débats sur ce thème. L’Equateur souligne en effet toujours l’importance des droits humains des migrants équatoriens qui, grâce à leur effort et leur travail, contribuent aussi au développement des pays où ils résident.
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