IRENA :
une agence 100% énergies
renouvelables, 50% de femmes
Par Hélène Pelosse
Directrice générale par interim de l’IRENA
(Agence Internationale des Energies Renouvelables)
En 2050, selon le dernier rapport de BP, il n’y aura plus de pétrole. En même temps les besoins en énergie des 9,2 milliards d’êtres humains que comptera la planète auront explosé, poussés à la fois par la hausse démographique et les exigences du développement économique. Comme la Chine qui est devenue en 1993 importatrice de pétrole et en 2009 importatrice de charbon.
D’un côté, nos ressources se raréfient, de l’autre nos besoins augmentent. Pour faire face à ce défi il faut accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Aujourd’hui si elles ne représentent que 18% de la production d’électricité mondiale, elles comptent pour plus de 50% des nouvelles capacités installées en Europe et aux Etats-Unis.
C’est pour initier un changement de paradigme et assurer la transition énergétique vers les énergies renouvelables que 75 pays se sont rassemblés à Bonn, le 26 janvier 2009. Ce jour là a été créée IRENA, l’Agence internationale pour les Energies renouvelables. Ce jour-là a vu l’aboutissement de décennies de lobbying de chercheurs, d’hommes politiques et d’économistes. Réunissant des pays consommateurs et producteurs de pétrole, des pays pro et anti nucléaire, IRENA est l’agence de la réconciliation en matière d’énergie, l’agence porteuse des espoirs du XXIème siècle en ce domaine.
Ces espoirs sont triples. Premièrement réduire la dépendance et accroître la sécurité énergétique. Parce que tout pays dispose d’un potentiel en matière d’énergies renouvelables que ce soit le soleil, le vent, les fleuves, l’océan, la biomasse ou la chaleur de la terre. Deuxièmement réduire les émissions de gaz à effet de serre. Parce que les seules émissions produites par les énergies renouvelables sont celles liées à la fabrication des équipements pour les exploiter, comme le ciment des barrages, les turbines des éoliennes ou les panneaux solaires. Troisièmement, permettre le développement économique et social. Parce que les énergies renouvelables pourront produire des quantités massives d’énergie bon marché tout en créant des millions d’emplois non délocalisables. Elles sont un facteur majeur de cette fameuse croissance verte que le PNUE veut promouvoir.
Un an et demi après, le nombre d’Etats membres a doublé : 148 pays et l’Union européenne ont signé les statuts de l’agence et 30 pays les ont déjà ratifiés, un véritable record de vitesse dans les annales de l’histoire diplomatique. Le traité est entré en vigueur le 8 juillet 2010.
IRENA incarne à plus d’un titre le changement. A Sharm El-Sheikh en juin 2009, les Etats membres présents ont élu Abu Dhabi, capitale des Emirats Arabes Unis, comme siège de l’agence. Avec 98 milliards de barils de pétrole soit le 7ème rang pour les réserves prouvées de pétrole et l’une des plus fortes empreintes carbone au monde, Abu Dhabi s’est fixé un objectif de 7% d’énergies renouvelables en 2020. La mise en œuvre du plan a commencé en juin 2009 avec le lancement de la construction du premier projet de centrale solaire à concentration thermique (100 MW) dans la région du Golfe. Mieux encore, Abu Dhabi investit 10% de son PIB dans un projet de ville écologique du future, Masdar.
A Sharm El Sheikh, les Etats membres m’ont élue à la tête d’IRENA. Une femme de 39 ans, mère de trois enfants, élue pour diriger la première organisation internationale dans le Golfe constitue un signe que le changement est en marche. A Sharm El Sheikh je me suis engagée à réaliser la parité au sein d’IRENA : 50% de femmes à tous les niveaux. Pari tenu à l’heure où j’écris ces lignes.
Le mandat de l’agence est clair : IRENA doit promouvoir les énergies renouvelables dans le monde. Sous toutes leurs formes. A savoir la biomasse, l’énergie hydraulique, le solaire, le vent, la géothermie, l’énergie des océans. IRENA doit devenir un centre de connaissance pour partager et faciliter l’accès aux informations techniques ou économiques.
Car il y a une méconnaissance majeure du potentiel immense des énergies renouvelables. Les statistiques existantes, par exemple, se concentrent sur les systèmes de génération d’électricité connectés au réseau. Elles ignorent la partie hors réseau, tous ces panneaux solaires, ces mini éoliennes… qui alimentent une maison, une école, un village. Rien qu’au Bangladesh, il existe des centaines de milliers de ces systèmes. Un autre exemple, la biomasse, dans les statistiques, est habituellement considérée comme une énergie renouvelable. Mais peut-on parler d’énergie renouvelable quand les femmes passent l’essentiel de leur journée à aller chercher – de plus en plus loin – du bois pour alimenter leur foyer, accroissant la déforestation autour des villes des pays en développement ?
Les gouvernements de dizaines de pays savent qu’ils n’ont pas de réserves d’énergies fossiles mais ils ignorent encore leur incroyable potentiel en matière d’énergies renouvelables et quelle est la meilleure façon de l’exploiter. En connectant des laboratoires dans le monde entier, IRENA rendra ces données accessibles à tous. De même IRENA, dira la vérité sur les coûts des énergies renouvelables. Certaines technologies comme l’hydraulique sont matures et n’ont pas besoin de subventions. D’autres comme le photovoltaïque ont encore besoin d’un coup de pouce mais dans le futur, des baisses massives de coût sont attendues. C’est le moment de redéployer les subventions bénéficiant aux énergies fossiles. Elles ont longtemps été évaluées autour de 100 à 200 milliards de dollars. L’Agence internationale de l’Energie (AIE) vient de les réévaluer à près de 500 milliards de dollars !
IRENA sera le lieu d’échange des meilleures pratiques, le lieu de partage d’expérience sur les schémas politiques et légaux à mettre en place pour favoriser l’essor des énergies renouvelables. IRENA sera là pour promouvoir des solutions et répondre aux défis suivants : intégrer des pourcentages croissants d’énergies renouvelables sur les réseaux électriques ; combiner les sources d’énergies renouvelables entre elles pour générer une production faisant face à la consommation de base et non seulement les pics ; utiliser la diffusion massive des véhicules électriques et la fantastique capacité de stockage afférente couplée à la mise en place de réseaux intelligents pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables ; organiser la production des biocarburants verts du futur pour le secteur aérien ; faciliter la formation massive aux techniques des énergies renouvelables en mobilisant les nouvelles technologies de l’information.
IRENA sera dans son mode de gouvernement une agence du XXIème siècle en misant sur les nouvelles technologies de l’information. Plate-formes internet, visio-conférence, groupes de travail virtuels… Egalement, pour être plus efficaces, les Etats membres ont accepté d’avancer par petits groupes de travail, regroupant des pays avec des thématiques communes. Un moyen d’avancer plus vite !
Et IRENA a commencé à réaliser des projets concrets, par exemple avec le Royaume de Tonga. Ce pays m’a contactée à peine quelques jours après mon élection pour demander l’aide d’IRENA. En 2009 les dépenses de diesel représentait 19% du PIB de Tonga et 25% de ses importations. Nous avons aidé son gouvernement en coopération avec la Banque mondiale et d’autre agences de développement à établir une feuille de route 2010-2020. L’objectif, ambitieux, est de réduire de 50% les importations de diesel et le développement de production d’énergies renouvelables. D’autres petits Etats insulaires souhaitent accomplir cette mutation énergétique. IRENA sera demain à leur côté.
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