Des infrastructures
modernes, à l’avant-garde d’une Afrique en mutation
50 ans après son accession à l’indépendance, le Sénégal s’est affirmé comme un pôle de stabilité politique et de croissance économique en Afrique de l’Ouest. Moteur de l’intégration régionale, il est également devenu, sous l’impulsion du Président Abdoulaye Wade, l’un des principaux acteurs de la construction de l’Union africaine. Ambassadeur du Sénégal en France, S.E.Mme Maïmouna Sourang Ndir, revient pour nous sur les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance, le renouveau des relations avec la France et les initiatives phares de la politique de développement sénégalaise.
La Lettre Diplomatique : Madame l’Ambassadeur, lancées le 13 février 2010, les festivités marquant la commémoration de l’Indépendance du Sénégal atteindront leur apogée le 3 avril avec l’inauguration du Monument de la Renaissance africaine. Quel message les autorités sénégalaises aspirent-elles à délivrer au travers de ces festivités ? Plus largement quel regard portez-vous sur les mutations accomplies par votre pays ?
S.E.Mme Maïmouna Sourang Ndir : C’est d’abord le message d’une nation fière de son indépendance, de son rôle dans la construction et la consolidation de l’unité africaine et de sa participation à la promotion de la paix dans le monde.
Naturellement, l’Afrique, porteuse de visions sans cesse renouvelées, reste plus que jamais, solidaire avec la communauté internationale pour venir à bout des nombreux défis auxquels notre planète est confrontée.
L’inauguration du Monument de la Renaissance africaine, constituera un temps fort et une occasion de magnifier la lutte héroïque des peuples noirs.
Enfin, de par sa splendeur et sa grandeur, le Monument donne la pleine mesure des ambitions du Président Abdoulaye Wade pour l’Afrique, en général, et le Sénégal, où du reste, elle s’exprime à travers les nombreuses réalisations touchant tous les secteurs d’activités pour le bien-être des populations.
S’agissant des mutations opérées, qu’il me soit permis de souligner entre autres, l’importance des accomplissements sur le plan des infrastructures. Nombreux sont mes interlocuteurs qui, lorsqu’ils visitent Dakar, me disent être impressionnés par ce qui est réalisé en ce moment.
Ceci est en cohérence avec les idées fondamentales du Président de la République qui a toujours considéré que la mise en place d’infrastructures modernes est la condition sine qua non du développement.
Dans le contexte de nos pays, cette vision prend un relief particulier sur le plan de la promotion des investissements directs étrangers. En effet, l’un des premiers éléments déterminants dans la décision d’investissement pour une société étrangère est l’existence dans le pays d’accueil d’infrastructures adéquates. C’est dire que ces réalisations participent des politiques mises en œuvre pour lever les handicaps infrastructurels de base qui pénalisent nos économies.
L.L.D. : Avec le Sénégal, treize autres pays de l’Afrique francophone célèbrent en 2010 les cinquante ans de leur accession à l’indépendance. A l’approche du Sommet France-Afrique qui doit se tenir en mai prochain, quelle nouvelle dynamique pourrait, selon vous, être insufflée aux relations franco-africaines ?
S.E.Mme M.S.N. : A ce propos, je me félicite de la réorientation majeure de l’aide française pour le continent que le Président français, M. Nicolas Sarkozy, a annoncée, en février 2008, à l’occasion de sa visite en Afrique du Sud.
La France a ainsi exprimé, au plus haut niveau, sa volonté de bâtir une nouvelle relation avec l’Afrique, relation qui se traduit par un engagement financier d’un montant de 2,5 milliards d’euros grâce à l’effet d’entraînement et de garantie créé dans ce cadre.
Je voudrais mettre un accent particulier sur la diplomatie économique, qui malgré la récession observée récemment, a permis de dynamiser le flux d’investissements directs étrangers vers l’Afrique. Aussi, avons-nous enregistré leur forte progression depuis 2002, ceux-ci ayant atteint un volume de 61,9 milliards de dollars en 2008, alors que les flux mondiaux d’investissements directs étrangers ont reculé de 20%.
Toutefois, je note que la présence des entreprises françaises tend à se réduire en Afrique noire francophone, alors qu’elle se renforce dans le reste du monde, notamment, en Europe de l’Est, au Maghreb et en Asie, avec des taux de progression supérieurs à 15% entre 2004 et 2009.
L’inversion de cette tendance à la baisse implique à notre avis la définition de nouveaux concepts et modes opératoires qui permettent de favoriser une nouvelle dynamique. La nature et l’ampleur des problèmes que nous devons résoudre en ce moment commandent une coopération élargie en phase avec les réalités géoéconomiques actuelles.
A cet égard, l’Union européenne devrait, sous l’impulsion de la France qui est notre partenaire privilégié et dans le cadre de sa coopération avec les pays africains, s’engager prioritairement sur les projets intégrateurs du NEPAD, à savoir, l’éducation, la formation, les TIC (technologies de l’information et de la communication), la santé et l’environnement, entre autres.
L.L.D. : Représentant pour votre pays un partenaire privilégié, la France entretient avec le Sénégal des relations étroites et denses. Dans quels domaines souhaiteriez-vous renforcer ces relations ? Fort de la récente entrée en vigueur de l’Accord sur la gestion concertée des flux migratoires, comment s’articule la coopération dans ce domaine, notamment en matière de co-développement ?
S.E.Mme M.S.N. : A l’image des excellentes relations d’amitié et de fraternité qui lient les deux chefs d’Etat, Paris et Dakar continuent de manifester une ferme volonté de renforcer, chaque jour, leur partenariat. C’est ainsi que plusieurs accords de coopération ont été signés, et à ce propos, je voudrais rappeler celui de 2006, relatif à la gestion concertée des flux migratoires et qui est entré en vigueur au mois d’août 2009 avec la mise en place de mécanismes de suivi (l’Observatoire des flux migratoires et le Comité mixte paritaire).
Je saisis cette occasion pour souligner la portée de la politique de co-développement qui met un accent particulier sur le retour efficace et productif des émigrés.
L.L.D.: Le Sénégal et la France sont liés depuis 1974 par des accords de défense. Quelle est votre appréciation de l’évolution de la coopération militaire entre les deux pays ?
S.E.Mme M.S.N. : Je dois affirmer que la coopération, sur le plan de la défense et de la sécurité entre le Sénégal et la France, se porte bien. Comme tout le monde le sait, la France est actuellement engagée dans un processus de révision de ses accords de défense avec les Etats africains. Nos deux Etats travaillent ainsi sur ce dossier en parfaite intelligence.
En tout état de cause, notre coopération militaire est très solide. Je voudrais, à titre d’exemple, saluer et apprécier le contexte général dans lequel évoluent la formation et le perfectionnement de nos personnels, ce au niveau des écoles et des centres de formation.
Vous me permettrez de saisir cette opportunité pour rendre un vibrant hommage aux Tirailleurs Sénégalais et anciens combattants du Sénégal. Le Président Abdoulaye Wade a voulu initier « la Journée du Tirailleur » pour s’acquitter d’un devoir de mémoire et, surtout, faire connaître aux jeunes ainsi qu’aux générations futures, l’histoire de ces hommes d’honneur. C’est en ce sens que je me suis rendue personnellement à Menton, pour me recueillir au cimetière des Tirailleurs Sénégalais morts sur le champ d’honneur.
C’est ici le lieu de remercier l’Etat français, les municipalités françaises qui s’occupent des cimetières de tirailleurs ainsi que l’association « Mémoire du Tirailleur Sénégalais » de M. Gaspard Mbaye de Menton, qui assure un travail remarquable de recherche avec un projet de mémorial.
L.L.D. : Au-delà de la participation active du Sénégal à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), comment illustreriez-vous la vigueur de la « francité » chère à feu le Président Léopold Sédar Senghor ?
S.E.Mme M.S.N. : L’OIF s’appuie sur le partage d’une langue et de la culture qu’elle véhicule. Elle entend les défendre et les promouvoir. L’idée de créer un cadre qui regroupe des pays souhaitant poursuivre avec la France des rapports construits sur des affinités linguistiques et culturelles avait été lancée par les présidents Hamani Diori, Léopold Sedar Senghor et Habib Bourguiba.
Ce cadrage historique permet de comprendre l’importance de premier ordre accordée par le Sénégal à cette institution qui représente, à l’heure actuelle, un acteur majeur de la scène internationale.
L’histoire nous assigne donc le devoir d’assumer notre francité, qui par la force des choses est une composante de notre identité culturelle.
L’action culturelle de la France au Sénégal mise en œuvre par son Ministère des Affaires étrangères est, par ailleurs, positivement appréciée.
S’agissant des domaines de coopération, on peut noter qu’un grand tournant a été opéré avec le Sommet de Moncton de 1999 qui a retenu cinq axes prioritaires que nous retrouvons dans le « Cadre stratégique décennal » adopté en 2004 : la consolidation de la paix, de la démocratie et de l’Etat de droit ; la promotion de la diversité linguistique et culturelle ; l’éducation et la formation ; la coopération économique ; les technologies de l’information et de la communication.
C’est ici également le lieu de rappeler le grand combat que l’organisation a livré en matière de diversité culturelle sous la direction de M. Abdou Diouf, ancien Président du Sénégal et actuel Secrétaire général de l’OIF.
Pour ce qui est de l’approche adoptée par l’OIF, il faut observer que les composantes de la société civile (ONG, universités, industries culturelles et de communication, parlementaires, maires, acteurs culturels) participent à la vie de l’organisation, soit comme opérateurs reconnus, ce qui est le cas par exemple de l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF) et de l’Association des maires et responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrement de langue française, soit par le biais de la conférence des ONG.
Je voudrais terminer en rappelant que le Président Abdoulaye Wade s’est toujours engagé dans la recherche de la paix et de la stabilité dans l’espace francophone.
L.L.D. : Lancée en avril 2008, par le chef de l’Etat sénégalais, la GOANA vise à réduire la dépendance alimentaire de votre pays. Quel bilan faites-vous de cette initiative ? Dans quelles mesures la GOANA apporte-t-elle de nouveaux moyens au Sénégal en vue d’amortir les effets de la crise alimentaire structurelle que traverse le monde ?
S.E.Mme M.S.N. : Pour apprécier les résultats très satisfaisants de ce programme (je vous renvoie aux statistiques publiées au sein de cette édition spéciale), il faut noter que le Président Abdoulaye Wade a lancé la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA), pour apporter une réponse au défi de la crise alimentaire mondiale qui menaçait toute la sous-région y compris le Sénégal.
Ainsi, rapportée au temps et aux moyens mis en œuvre, la GOANA constitue une véritable révolution agricole. En plus des performances affichées, elle contribue à l’équipement du monde rural et à la modernisation de l’agriculture grâce au soutien des partenaires au développement et à l’implication du secteur privé national.
L.L.D. : Vous avez occupé les fonctions de Ministre du
Développement social, puis des Petites et moyennes entreprises, de l’Entreprenariat féminin et de la Micro-finance. Au regard de votre parcours personnel, comment percevez-vous l’évolution du rôle de la femme dans la société sénégalaise, notamment au sein de l’Etat et du secteur privé ?
S.E.Mme M.S.N. : Il convient de souligner que la femme sénégalaise a, de tout temps, joué un rôle déterminant dans les transformations sociales, culturelles et politiques.
Toutefois, il me plaît de rappeler que cette dynamique ne s’inscrit pas dans le cadre d’un processus homogène. Par contre, il a permis d’enregistrer des résultats significatifs. Ainsi, on peut remarquer que l’implication des femmes dans les projets de développement, illustration parfaite de leur engagement, a permis une prise de conscience de leur rôle en tant qu’actrices à part entière du développement et l’émergence de nouveaux enjeux sociaux au plan politique.
En outre, cette longue marche aura contribué à l’acquisition de nouvelles compétences, l’accès à de nouveaux espaces pour l’exercice effectif de la citoyenneté.
On doit, à la vérité, reconnaître que c’est avec le Président Abdoulaye Wade que les retombées politiques ont été les plus visibles. J’en veux pour preuve la parité qu’il a désormais érigée en règle. Ainsi, le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité s’est considérablement accru.
Il faut cependant ajouter, qu’une analyse globale de la situation de la femme ne peut se résumer à une addition des postes à responsabilités. Elle doit aussi s’intéresser aux inégalités entre hommes et femmes au niveau des sphères domestiques, sociales et politiques. Sous ce rapport, force est de constater qu’il existe encore de réels progrès à faire pour mettre en œuvre un changement des mentalités. En effet, la persistance des fléaux comme la violence faite aux femmes traduit un certain immobilisme social et constitue une véritable entrave à la démocratie et au développement.
L.L.D. : Dans quelles mesures les technologies de l’information et de la communication (TIC) participent-elles à la lutte contre la pauvreté ?
S.E.Mme M.S.N. : Les TIC constituent un enjeu de premier ordre. Le Président Wade ne cesse de prôner l’exigence de créer un environnement propice au développement des ces outils indispensables pour accéder à « l’économie du savoir ».
C’est tout le sens du combat mené par le chef de l’Etat en vue de réduire la fracture numérique.
Ainsi, au Sénégal, l’accès à l’internet s’est généralisé, de la Case des Tout Petits à l’Université en passant par les centres de formation et les milieux professionnels. Cette politique, qui participe d’une volonté de valorisation très poussée des ressources humaines, est la voie royale pour une autonomie de conception nécessaire au processus de développement économique et social.
L.L.D. : Plaidant en faveur des « Etats-Unis d’Afrique », la diplomatie sénégalaise a soutenu le lancement des réformes institutionnelles de l’Union africaine (UA) entérinées lors du sommet de Syrte en juillet 2009. Dans quelles conditions un compromis peut-il être trouvé sur le renforcement des prérogatives de la future Autorité de l’UA ? Comment percevez-vous les divergences sur une intégration continentale revêtant la forme d’« Etats-Unis d’Afrique » ?
S.E.Mme M.S.N. : Je voudrais d’emblée préciser que le Sénégal reste profondément attaché à l’idéal d’intégration africaine ainsi qu’à la promotion du panafricanisme. Le Président de la République a toujours soutenu que « le parachèvement de l’Unité africaine constitue la seule réponse aux défis qu’imposent la mondialisation, la construction des grands ensembles et la redéfinition des règles de la gouvernance mondiale ». Sous ce rapport, l’avènement des « Etats-Unis d’Afrique » devrait relever de la responsabilité de tous les fils du continent.
A cet effet, je me réjouis des avancées significatives enregistrées dans le règlement pacifique des différends et le processus d’intégration pour la constitution des Etats-Unis d’Afrique.
Pour répondre plus précisément à votre question, retenons qu’avec l’UA, l’Afrique amorce une profonde intégration qui dépasse le stade de la simple coopération interétatique. Dès lors, il s’est imposé aux Etats membres d’opérer les mutations institutionnelles qui permettent de réunir les conditions de l’instauration d’un gouvernement à l’échelle continentale.
C’est dans ce contexte qu’il a été décidé lors des derniers sommets que la Commission de l’Union africaine soit remplacée par une Haute autorité. L’objectif visé étant à la fois ambitieux et complexe, il devient aisé de comprendre que les points de vue sur le calendrier et le contenu de ces mutations soient différents.
Cela ne m’empêche pas de saluer les importantes réformes entreprises par les chefs d’Etat dans la perspective de la formation d’un gouvernement de l’Union. Je garde l’espoir que les pays africains parviendront à réaliser le rêve d’un continent uni, adossé à ses valeurs traditionnelles de partage, de fraternité et d’ouverture.
L.L.D. : Membre actif des Nations unies, le Sénégal a déposé sa candidature officielle pour un siège de membre permanent du Conseil de sécurité. Quelle est votre vision du processus de réforme des Nations unies et de l’élargissement du Conseil de sécurité ?
S.E.Mme M.S.N. : L’idée selon laquelle il est nécessaire de réformer le système des Nations unies me semble pertinente et juste. Cependant le sujet qui attire le plus mon attention, c’est la réforme du Conseil de sécurité.
Comme l’avait préconisé M. Koffi Annan, il faut rendre le Conseil de sécurité « plus représentatif de l’ensemble de la communauté internationale et des réalités géopolitiques modernes ». Alors qu’elle occupe 70% des travaux du Conseil, l’Afrique reste encore, malheureusement, le seul continent à ne pas être représenté parmi les membres permanents.
Telle est d’ailleurs la conviction du Président Abdoulaye Wade qui, en fervent défenseur de la présence du continent africain au sein du Conseil de sécurité, s’est fait le porte-voix de ses pairs à la tribune des Nations unies lors des différentes assemblées générales.
Sous ce rapport, j’estime qu’il serait juste que l’Afrique soit représentée de façon permanente au sein du Conseil de Sécurité et qu’elle dispose d’un droit de veto. Il s’agira pour les pays africains de choisir les Etats qui vont les représenter. En parlant d’une seule voix, l’Afrique sera ainsi écoutée et ses positions sur les grandes questions de la paix et de la sécurité pourront être pleinement prises en compte.
L’ouverture du processus sur la réforme du Conseil de sécurité, par le biais des négociations intergouvernementales, conformément au calendrier fixé par l’Assemblée générale des Nations unies, traduit une volonté manifeste de s’adapter aux nouvelles réalités d’un monde multipolaire.
Je voudrais ainsi me féliciter de l’engagement des chefs d’Etat d’Afrique et du monde, pour lesquels la réforme du Conseil de sécurité est devenue un impératif dans le cadre de la réforme des institutions internationales.
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