Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
  Éditorial
Entretien exclusif
Coopération
Diplomatie & Défense
Innovation
Culture
 
La lettre diplometque
La lettre diplomatique Haut
     Editorial
 
 
Les nouveaux défis et les enjeux de la sécurité aérienne

Par M. Assad Kotaite, Président du Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale

L’aviation civile traverse une période de grande transformation, provoquée par les actes de terrorisme commis le 11 septembre 2001 aux États-Unis. En quelques minutes, des attaques aériennes ont fait des milliers de morts, sapé la confiance du public dans le voyage aérien, engagé une grande partie de l’aviation civile dans une spirale descendante et secoué toute l’économie mondiale.
Plusieurs mois se sont écoulés depuis et l’impact de ces événements tragiques est encore bien présent, pour beaucoup en raison de l’étroite relation entre l’aviation et l’économie mondiale. Le transport aérien est un moteur du développement économique, un catalyseur des affaires et du tourisme et un véhicule du développement social et culturel à travers le monde. Lorsqu’un tel instrument de prospérité et de progrès social est menacé, et lorsque la confiance dans sa sécurité est ébranlée, il est normal d’en être préoccupés.
Pourtant, l’aviation demeure le mode de transport le plus sûr et le plus efficace qui soit. En 2000, par exemple, les compagnies aériennes régulières du monde ont effectué environ 22 millions de vols et transporté 1,6 milliard de passagers. Ce faisant, elles n’ont enregistré que 18 accidents mortels, qui ont fait 755 victimes. Il n’y a eu que huit cas d’intervention illicite, ce qui comprend la piraterie aérienne, qui n’ont fait aucune victime. Qui plus est, et ce malgré les événements du 11 septembre, l’année 2001 fut l’une des plus sécuritaire de l’histoire de l’aviation civile.
Je suis convaincu que nous trouverons les moyens de contenir l’utilisation pervertie d’avions civils comme armes de destruction de masse pour sauver des vies et pour protéger les bienfaits économiques et sociaux considérables que l’aviation civile apporte aux citoyens de notre planète.
Les événements du 11 septembre ont eu un impact exceptionnellement négatif sur le transport aérien. Au cours des derniers mois de 2001, le trafic de passagers et de fret a chuté. D’une année sur l’autre, les baisses enregistrées correspondent à une perte d’environ 60 millions de passagers et 2 millions de tonnes de fret. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la seule autre fois que le trafic aérien mondial a baissé sur un an, c’est en 1991, après la guerre du Golfe.
Les pertes d’exploitation des transporteurs aériens réguliers se chiffrent pour 2001 à plus de 10 milliards de dollars américains. Ceux-ci ont annoncé, entre autres mesures, environ 120 000 mises à pied à l’échelle mondiale. Étant donné l’effet d’entraînement qu’a le secteur du transport aérien, les mesures prises se sont rapidement étendues à l’ensemble de l’aviation civile. Quelque 170 000 mises à pied ont été annoncées dans le secteur aérospatial mondial et les constructeurs aéronautiques s’attendent à une perte d’exploitation totale d’environ 7,5 milliards de dollars américains d’ici la fin de 2002.
Les ramifications ont aussi largement débordé l’aviation civile. Dans notre économie mondiale, pour 100 dollars américains de produit et pour 100 emplois générés par le transport aérien, celui-ci crée une demande supplémentaire de 325 dollars et 610 emplois dans d’autres secteurs. En 1998, par exemple, le transport aérien a généré un produit total de 1 360 milliards de dollars américains et 27,7 millions d’emplois. Une partie importante de ces retombées a été perdue à cause du 11 septembre.
Un retour à une croissance normale suppose évidemment que l’on prévienne toute nouvelle atteinte grave à la sûreté et c’est justement ce qui a poussé l’OACI a tenir une Conférence ministérielle de haut niveau sur la sûreté de l’aviation les 19 et 20 février derniers.
Cette conférence historique, réunissant 717 participants de 154 États et 24 organisations internationales, a adoptée une stratégie mondiale et un Plan d’action de l’OACI pour renforcer la sûreté de l’aviation. Le Plan comprend un programme d’audits obligatoires,  qui s’étendra initialement de 2002 à 2004, pour aider les 187 États membres de l’OACI à détecter et à corriger les carences de la mise en œuvre des normes de l’OACI relatives à la sûreté.
Le Plan d’action prévoit également l’identification, l’analyse et l’élaboration d’une réponse globale efficace aux menaces nouvelles ou émergentes, intégrant des mesures opportunes à prendre aux aéroports, dans les aéronefs et dans les systèmes de contrôle de la circulation aérienne. Il verra aussi au renforcement des dispositions des Annexes à la Convention relative à l’aviation civile internationale concernant la sûreté de l’aviation. Les conventions internationales concernant l’aviation civile doivent être révisées compte tenu de cette nouvelle menace, l’usage d’un aéronef  comme arme de destructive massive.
Par ailleurs, une Déclaration publique émise à l’issue de la Conférence souligne que la sécurité et la sûreté sont des éléments fondamentaux et inséparables en aviation civile. Un manquement à la sûreté peut en effet très vite devenir un problème de sécurité.
La Déclaration réaffirme la condamnation de l’usage des aéronefs civils comme armes de destruction et des autres actes d’intervention illicite dirigés contre l’aviation civile. Elle réaffirme également que les États sont responsables de la sûreté et de la sécurité de l’aviation civile, que le transport aérien et les services afférents soient assurés par des organismes gouvernementaux, autonomes ou privés.
La Déclaration reconnaît qu’il est essentiel d’adopter une approche uniforme pour assurer la sûreté de l’aviation dans le monde entier. Comme dans le cas d’une chaîne, le système aéronautique n’est pas plus solide que son maillon le plus faible. Il appartient donc à tous les États , collectivement, de faire en sorte que le système tout entier soit sûr.
La Déclaration ne s’est pas dérobée devant des questions conflictuelles telles que l’établissement de profils raciaux. Bien au contraire, elle exprime très clairement que les mesures de sûreté doivent être appliquées objectivement et sans discrimination fondée sur le sexe, la race, la religion ou la nationalité.
Enfin, la Déclaration souligne la nécessité d’appliquer dans les territoires nationaux des mesures supplémentaires de sûreté de l’aviation appropriées pour répondre au niveau de la menace, tout en faisant en sorte que les mesures prises ne perturbent ni ne gênent la circulation des passagers, du fret, de la poste ou des aéronefs. Ce dernier point est crucial. Il est inutile de mettre en place des mesures de sûreté si strictes qu’elles décourageraient les gens de prendre l’avion. Il faut s’appuyer sur des technologies telles que les documents de voyage lisibles à la machine et la biométrie pour accélérer le traitement des passagers tout en rehaussant le niveau de sûreté. Les nouvelles mesures de sûreté doivent être efficaces, coordonnées sur le plan international et appliquées de façon aussi commode que possible pour les passagers.
En somme, nous devons être résolus à créer un filet de sûreté à couverture mondiale dont les mailles soient si serrées qu’aucun autre acte potentiel d’intervention illicite ne puisse se glisser à travers.                                                                                          
Retour en haut de page
 
 

 
La lettre diplomatique Bas
  Présentation - Derniers Numéros - Archives - Nos Liens - Contacts - Mentions Légales