Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Singapour
 
  S.E.M. / H.E. Burhan Gafoor

Un partenaire stratégique pour la France en Asie

Accueillant le prochain sommet du Forum de coopération Asie-Pacifique en novembre 2009, Singapour se positionne aux avants-postes de la refonte de l’architecture économique internationale. A l’heure où la mondialisation semble fragilisée, S.E.M. Burhan Gafoor, Ambassadeur de Singapour en France, dresse pour nous le portrait d’une coopération franco-singapourienne qui n’a cessé de se densifier depuis 40 ans et qui s’ouvre à de nouveaux projets d’envergure.

La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, l’année 2008 a marqué le 40ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre Singapour et la France. Au regard des liens de coopération étroits entre les deux pays, comment définiriez-vous la place de la France dans la diplomatie singapourienne ? Quelles priorités le Premier Ministre Lee Hsien Loong a-t-il fixées avec le Président Nicolas Sarkozy pour approfondir la concertation bilatérale face aux enjeux de la stabilité internationale ?

S.E.M. Burhan Gafoor : La France représente un partenaire très important pour Singapour. Notre partenariat avec la France est solide et recouvre un large éventail de domaines. Ses principaux piliers sont les liens politique, économique et la coopération en matière de défense. Notre coopération ne cesse également de se renforcer dans les domaines de l’enseignement, de la culture et de la recherche scientifique.
Sur le plan politique, il existe de nombreuses convergences entre la France et Singapour sur un grand nombre de questions internationales et stratégiques. En témoignent les liens personnels très forts qui unissent les dirigeants et responsables français et leurs homologues de Singapour.
En 2007, l’ancien Premier Ministre M. Lee Kuan Yew a été parmi les premiers dirigeants d’Asie à rencontrer le Président Nicolas Sarkozy. Le Premier Ministre Lee Hsien Loong a également procédé à un échange de vues approfondi avec le Président Sarkozy lors de sa visite officielle en France en janvier 2008. Nous espérons bien sûr que le Président Sarkozy sera en mesure de se rendre prochainement à Singapour.
Nos échanges économiques avec la France sont considérables. Peu de gens savent qu’en dépit de son territoire exigu, Singapour est le premier partenaire commercial de la France en Asie du Sud-Est et le troisième en Asie, après le Japon et la Chine. En 2008, nos échanges bilatéraux ont frôlé les 16,96 milliards de dollars singapouriens, soit 8,7 milliards d’euros. Singapour est l’un des rares pays avec lesquels la France a un excédent commercial.
En Asie du Sud-Est, Singapour reste un pays très prisé par les entreprises et les hommes d'affaires français. Près de 700 entreprises françaises sont implantées à Singapour, attirées par nos infrastructures logistiques et financières, propices à leur essor. C’est la plus forte présence économique française dans la région. Avec près de 8 000 Français qui vivent et travaillent à Singapour, notre pays abrite également la communauté française la plus importante de la région.
Notre coopération dans le domaine de la défense est également très étroite. La marine de Singapour est très fier de ses frégates françaises construites par DCNS. Notre Armée de l’air se félicite des installations et de la formation dont elle bénéficie à la base aérienne de Cazaux, dans le Sud-Ouest de la France. En décembre 2008, nous avons d’ailleurs célébré le 10ème anniversaire de notre présence à Cazaux.
Notre coopération en matière d'éducation et d'échanges culturels se renforce de jour en jour. Récemment, la signature d’un accord-cadre de coopération culturelle entre nos deux gouvernements a donné une impulsion à nos liens culturels. Cet accord renforcera la coopération entre nos musées et permettra aux musées français d’exposer davantage à Singapour.
Notre pays peut servir de point d’ancrage à la France pour étendre sa présence dans notre région, alors qu’elle cherche à approfondir ses liens avec l’Asie. Compte tenu de sa position stratégique, Singapour peut jouer un rôle de passerelle entre la France et la région. En 1996, la France et Singapour ont initié le processus de l’ASEM (Dialogue Asie-Europe ou Asia-Europe Meeting), qui a contribué depuis à rapprocher l’Asie et l’Europe. C’est une réalisation qui fait honneur à nos deux pays et qui illustre bien le type de projets fructueux que la France et Singapour sont capables de mener à bien.

L.L.D. : L’implantation d’établissements supérieurs français à Singapour comme l’INSEAD ou l’ESSEC et, plus récemment, l’accord de partenariat entre l’Université nationale de Singapour et HEC, illustrent le dynamisme de la coopération universitaire franco-singapourienne. Tenant compte de votre propre expérience en France, comment qualifieriez-vous les spécificités de l’enseignement français et son apport à la formation des étudiants singapouriens ? Dans quels autres domaines cette coopération pourrait-elle être approfondie ?

S.E.M.B.G. : J’ai eu le privilège de poursuivre mes études supérieures en France, à l’Ecole nationale d’Administration (ENA). J’ai aussi obtenu un master aux Etats-Unis, à l’Université d’Harvard. Je suis par conséquent bien placé pour comparer les systèmes français et anglo-saxon.
Je pense que le système français, en particulier dans les grandes écoles, est très rigoureux et exigeant. Il y règne beaucoup de pression et de concurrence, ce qui constitue une excellente préparation pour les jeunes étudiants et les élites. Il existe des similitudes entre les systèmes éducatifs français et singapourien. Dans les deux systèmes, nous encourageons nos meilleurs étudiants à travailler toujours plus dur.
Il est vrai que le système éducatif de Singapour est de type anglo-saxon et que la langue dans laquelle la plupart des enseignements est délivrée est l’anglais. Toutefois, notre gouvernement cherche à promouvoir la diversité et nous encourageons une partie de nos jeunes compatriotes à apprendre le français ainsi que l’histoire et la culture de ce pays. Nous éprouvons un grand respect et une grande admiration pour les grandes écoles françaises, qui sont des viviers d’excellence dans un large éventail de domaines. C’est pourquoi nous avons soutenu activement la création de liens entre nos universités et les grandes écoles françaises.
Vous serez surpris d’apprendre que les étudiants français constituent l’un des plus gros contingents d’étudiants étrangers à Singapour. Par ailleurs, l’Université nationale de Singapour (NUS) collabore maintenant avec plus de vingt institutions françaises de premier plan à travers des programmes universitaires ou des activités de recherche.
Les scientifiques et l’expertise académique des meilleurs professeurs et chercheurs français ont amélioré la qualité de l’enseignement proposé aux étudiants de la NUS. On dénombre plusieurs programmes de double diplôme entre l’Université nationale de Singapour et des grandes écoles françaises telles que l’Ecole polytechnique (X), l’Ecole centrale Paris (ECP), l’Ecole supérieure d’Electricité (Supelec), l’Ecole des Mines de Paris (Mines ParisTech), l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées (Ponts Chaussées), Telecom SudParis et Telecom ParisTech.
Ces partenariats ont permis également l’ouverture de laboratoires de recherche et des programmes de doctorat conjoints. En témoigne le programme conjoint de doctorat entre l’Université nationale de Singapour et Supelec pour les disciplines touchant à l’ingénierie. La NUS dispose également d’un laboratoire de recherche en sciences de la défense, créé en vertu de l’accord de SONDRA, qui prévoit la collaboration de quatre partenaires : l'Université nationale de Singapour, l’Agence pour les sciences et technologies de la défense, Supélec et le bureau d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA).
L'Université technologique de Nanyang (NTU) a en outre développé une collaboration en matière d’innovation avec les industriels français, tels que Thales @ NTU, qui a été créé en février 2005 pour mettre au point des technologies susceptibles de trouver des applications dans la défense et auprès du grand public. La NTU a également conclu un partenariat stratégique avec le Centre national français de la Recherche scientifique (CNRS), afin de collaborer sur des programmes scientifiques, des projets conjoints et d’autres activités de recherche.
Nous favorisons la mise en place de partenariats entre les écoles de commerce françaises et singapouriennes. HEC et la NUS Business School ont mis sur pied une coopération de type gagnant-gagnant, qui permet aux deux parties d’acquérir une dimension internationale. L’ESSEC a créé un campus asiatique à Singapour, qui fonctionne très bien. L’INSEAD, pour sa part, est installé à Singapour depuis 2000 et nous sommes très fiers de ce partenariat mutuellement bénéfique.

L.L.D. : En marge de la visite officielle en France effectuée le 20 janvier 2009 par M. George Yeo, Ministre des Affaires étrangères de Singapour, un accord-cadre a été conclu en vue d’initier une coopération entre musées singapouriens et français. Quelles sont les étapes de sa mise en œuvre ? Comment ce projet peut-il contribuer à affirmer le rayonnement de Singapour comme centre culturel majeur en Asie du Sud-Est ?

S.E.M.B.G. : L’idée de cet accord-cadre a été lancée lors de l’entretien entre notre Premier Ministre, M. Lee Hsien Loong et le Président Sarkozy en janvier 2008. M. Lee avait proposé l’idée au Président Sarkozy, qui l’a accueillie avec enthousiasme. Récemment, dans ses vœux du nouvel an aux professionnels français de la culture, le Président Sarkozy a évoqué ce nouveau partenariat culturel avec Singapour. Le soutien appuyé que nous a apporté le Président Sarkozy nous a beaucoup touchés. Nous avons également eu la chance de bénéficier du soutien du Ministre français des Affaires étrangères, M. Bernard Kouchner pour la signature de l’accord culturel entre la France et Singapour.
L’idée de l’accord-cadre, qui a été signé le 20 janvier 2009, est simple. Nous voulons accueillir régulièrement des expositions de premier plan en provenance de musées français. Nous avons ainsi accueilli l'an dernier une exposition d'antiquités grecques du Louvre, qui a remporté un succès considérable. Nous voulons voir davantage de ces expositions. En mars, une autre grande exposition de haute-couture a eu lieu avec des costumes dessinés par Christian Lacroix, en collaboration avec le Centre national des costumes de scène. D’autres grands projets avec nos partenaires français sont également en discussion pour les années à venir.
L'accord permettra aux musées parisiens et d’autres villes de France d’accueillir des expositions singapouriennes. Nous travaillons avec le Musée du Quai Branly à l'organisation d'une exposition sur les Chinois Peranakans d’Asie du Sud-Est en 2011. Ce sera la première fois qu'un grand musée français accueillera une exposition en provenance de Singapour.

L.L.D. : Troisième partenaire commercial de la France en Asie, votre pays accueille 3 milliards d’euros de stock d’investissements français. Dans quels secteurs d’activité le renforcement des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays est-il privilégié ? Comment les PME françaises pourraient-elles, selon vous, être davantage associées à ces courants d’échanges ?

S.E.M.B.G. : La France est un partenaire économique clé pour Singapour. Plus de 700 entreprises françaises sont implantées à Singapour spécialisées dans des secteurs tels que la pétrochimie, l’électronique, les télécommunications, l’aérospatiale, les sciences biomédicales, l’éducation et les produits de luxe. Il existe un large éventail de secteurs qui offrent d’autres possibilités de coopération économique comme dans la fabrication de produits chimiques, les sciences biomédicales, l’électronique, l'ingénierie, l'automobile, l'éducation, la logistique et les info-communications.
Singapour représente également un incubateur pour les PME françaises et un tremplin pour leur permettre de s’implanter sur le marché asiatique. De nombreuses entreprises françaises ont en outre gagné des parts de marché dans la région grâce à leur siège régional à Singapour. Il s'agit notamment de sociétés multinationales telles que Michelin, Renault, Club Med, Rhodia, LVMH et Thomson, et les PME comme Murex et Fermat, Esket Software et Bourbon.

L.L.D. : A l’initiative de la France et de l’Allemagne, dix-sept pays de l’OCDE réunis à Paris le 21 octobre 2008, ont appelé l’Organisation à réactualiser sa liste des « paradis fiscaux » non coopératifs. Considéré comme un important centre financier offshore, comment votre pays perçoit-il cette volonté de mettre fin à une concurrence fiscale jugée déloyale ? Comment envisage-t-il de contribuer à la refondation de l’architecture financière internationale ?

S.E.M.B.G. : Singapour a une haute valeur ajoutée et une économie diversifiée, d'une nature fondamentalement différente de centres financiers off-shore qui s'appuient sur une réglementation laxiste pour attirer les capitaux. Nous occupons une position centrale en Asie pour l'industrie fondée sur la connaissance et les activités de services. Le secteur industriel représente 24% de notre économie, le commerce de gros et de détail 16%, les transports et les technologies de l'information et des communications 13% et les services financiers 12%. L'éducation, la santé et les autres services connaissent également une croissance rapide.
Notre compétitivité en tant que ville internationale repose sur l'ouverture, la diversité de notre bassin de compétences et des marchés financiers solidement réglementés. Nous n'imposons pas de droits de douane ou des obstacles au commerce. Nous investissons massivement dans l'éducation de nos citoyens, dans la formation continue de notre main-d'œuvre, et dans l'élaboration de nouvelles connaissances à travers la R&D. Nous attirons les talents du monde entier de par notre société cosmopolite et ouverte, la qualité de vie élevée et notre réputation de pays sûr, garant du droit.
Les entreprises restent faiblement imposées. Le taux d’imposition s’élèvera à 17% à partir de 2010, tandis que la plus haute tranche d'imposition des revenus individuels est de 20%. A 17%, l’impôt sur les sociétés à Singapour reste compétitif même s'il n'est pas le plus bas au monde. Le taux d'imposition en Irlande s'élève par exemple à 12,5%. Singapour pratique certes une imposition faible, mais on ne peut pas parler pour autant d'imposition zéro.
Le secteur financier de Singapour est bien réglementé, ce qui lui permet de servir de place financière internationale pour les personnes désireuses d'investir en Asie et les investisseurs asiatiques désireux d'être présents sur les marchés internationaux. Nos institutions financières sont bien capitalisées. Nous ne laisserons pas les criminels financiers violer nos lois. Singapour dispose d'un vaste réseau de 60 conventions fiscales qui prévoient de venir en aide à nos partenaires sur les questions fiscales, y compris les enquêtes s'agissant de fraudes fiscales.
Dans le cadre des efforts déployés pour que Singapour continue d'inspirer la confiance, nous continuons, au sein de la communauté internationale, à suivre de près les derniers développements dans ce domaine. Singapour a décidé de se conformer aux normes d’échange effectif de renseignements de l’OCDE (Standard for the effective exchange of information, EOI).
Il n’existe pas de modèle unique à suivre pour contribuer au dynamisme du système économique international. Certains pays sont mieux dotés en ressources naturelles ou disposent de marchés intérieurs importants. D’autres misent sur les compétences et la réactivité. Chaque pays doit cependant participer au maintien d’un ordre mondial fondé sur la primauté du droit et un système d'incitations récompensant les entreprises et l'effort, qui seul, permettra à l'économie de marché internationale de survivre et de prospérer.

L.L.D. : Dépourvu de ressources en hydrocarbures, Singapour s’est doté d’une puissante infrastructure de raffinage et de stockage qui en fait une plate-forme pétrolière majeure en Asie. Comment évaluez-vous l’impact de la forte chute des cours du brut depuis l’été 2008 sur la politique énergétique singapourienne ?

S.E.M.B.G. : Singapour occupe une place stratégique dans le transport mondial d'hydrocarbures, et nous continuerons à miser sur ses atouts dans ce domaine afin d’asseoir sa position de leader dans l'industrie du pétrole. Les fluctuations des prix du pétrole font partie intégrante de l'industrie pétrolière, qui est de nature cyclique. L'important est de développer et d'adopter des stratégies sur le long terme. Notre rapport sur la politique énergétique nationale (NEPR), qui présente ces stratégies, a été publié en novembre 2007.

L.L.D. : Quelles orientations ont été définies pour diversifier ses sources d’énergie ?

S.E.M.B.G. : Singapour a conscience de la nécessité de diversifier ses sources d'énergie afin de réduire sa vulnérabilité face aux risques liés à l'approvisionnement et aux prix. En témoigne notre volonté de réduire notre dépendance à l'égard du gaz naturel acheminé par gazoduc (PNG) de la Malaisie et de l'Indonésie en important du gaz naturel liquéfié (GNL) dès 2012.
Le terminal de gaz naturel liquéfié que nous sommes en train de construire permettra de réduire les risques d’approvisionnement, en nous permettant d'importer du gaz naturel provenant de sources diverses dans le monde entier. Cependant, nous ne pensons pas qu’il soit souhaitable ou possible pour le gouvernement de déterminer le bouquet énergétique une fois pour toute. Les technologies de production d'énergie et les marchés énergétiques mondiaux sont en constante évolution, et le rôle du gouvernement est de veiller à ce que les règlements en vigueur soient suffisamment ouverts et souples pour permettre une diversification des sources.

L.L.D. : Quelles mesures sont mises en œuvre pour favoriser le développement des énergies renouvelables ?

S.E.M.B.G. : En raison de contraintes géographiques, technologiques et économiques, Singapour ne dispose que de peu d’options autres que le pétrole et le gaz pour la production d'électricité. Néanmoins, nous n'écartons aucune option énergétique. A mesure que les technologies progressent, des solutions qui ne sont pas réalisables aujourd'hui peuvent devenir viables demain. Plus de 350 millions de dollars de Singapour ont été alloués par le gouvernement à la recherche et au développement (R&D), ainsi qu'à la réalisation de tests et de projets-pilotes dans le domaine de l'énergie propre. Ce budget comprend 170 millions de dollars provenant de la Fondation nationale pour la recherche d'énergies propres, la priorité étant donnée à l'énergie solaire.
Une partie des fonds est investie dans un programme de recherche sur l'énergie propre (CERP), afin de soutenir les efforts de R&D par le biais d'appels d'offres. A travers la création de l'Institut de recherche de Singapour sur l’énergie solaire (SERIS), des recherches sont menées sur des dispositifs photovoltaïques et des matériaux innovants pour les bâtiments solaires susceptibles de trouver des applications dans l'industrie. L'Agence pour la Science, les technologies et la recherche (A*STAR) a également mis en place un centre national pour l'évaluation de solutions d'énergie durable (Singapore initiatives in New Energy Technologies, SINERGY). Le Centre SINERGY permettra aux chercheurs et aux entreprises de tester les infrastructures qui permettront éventuellement de recourir à des solutions utilisant des énergies alternatives.
Le Clean Energy Research and Testing Programme (CERT), qui aide les entreprises à développer des applications et des solutions en matière d'énergie propre pour les bâtiments publics à Singapour est l'un des principaux projets retenus. S'agissant des bâtiments du secteur privé, nous avons lancé le Solar Capability Scheme (SCS). Ces initiatives bénéficient d'un fonds de 37 millions de dollars singapouriens, et contribueront au développement d'une expertise critique chez les intégrateurs de systèmes, les architectes, les ingénieurs et les développeurs.

L.L.D. : Six pays de l’ASEAN ont signé le 16 décembre 2008 à Singapour trois accords de commerce malgré le report par la Thaïlande du sommet régional qui devait se tenir fin février 2009. Quelles perspectives cette avancée ouvre-t-elle en vue de la création d’un marché régional commun ? Quelle est votre vision des réticences exprimées par certains Etats membres sur l’application effective de la Charte de l’ASEAN, concernant notamment le respect des droits de l’homme ?

S.E.M.B.G. : L'ASEAN reste fermement résolue à poursuivre son programme d'intégration économique. Les quatre États membres qui n'avaient pas été en mesure de signer l'ASEAN Trade in Goods Agreement, l'ASEAN Comprehensive Investment Agreement et le 7ème accord-cadre de l'ASEAN sur les services de protocole en décembre 2008 l'ont fait lors du 14ème Sommet de l'ASEAN qui s'est tenu à Hua Hin en Thaïlande, les 27 et 28 février 2009. Cela permettra de libéraliser davantage les échanges de biens et de services et d'ouvrir de nouvelles perspectives économiques dans la région.
Les 10 Etats membres ont fait de l'application des principales dispositions de la Charte une priorité et ce, dès qu'elle a été signée à l'occasion du 13ème Sommet de l'ASEAN à Singapour en novembre 2007. Avant même que la Charte ne soit entrée en vigueur le 15 décembre 2008, l'Association a créé deux groupes d'experts de haut niveau en juillet pour réfléchir à la mise en place d'un organe pour les droits de l'Homme, ainsi qu'aux mécanismes de règlement des différends et à la personnalité juridique de l'ASEAN.
La Charte est un document historique qui fait de l'ASEAN une organisation plus réglementée. Toutefois, ces changements ne peuvent pas s'effectuer du jour au lendemain. Toutes les mesures nécessaires sont prises pour que les pays membres poursuivent main dans la main leurs efforts afin de consolider l'ASEAN.

L.L.D. : En visite officielle à Pékin le 23 octobre 2008, le Premier Ministre Lee Hsien Loong a conclu avec son homologue chinois, Wen Jiabao, un traité de libre-échange. L’émergence de la zone économique du Golfe du Tonkin pourrait-elle favoriser une meilleure intégration entre l’économie chinoise et l’ASEAN ?

S.E.M.B.G. : Les liens commerciaux entre Singapour et la Chine se sont sensiblement renforcés ces dernières années. La Chine est la première destination pour les investissements singapouriens, tandis que Singapour arrive au septième rang des investisseurs en Chine.
Entre 2004 et 2008, les exportations de Singapour vers la Chine ont bondi de 15 à 31 milliards de dollars, avec une augmentation annuelle moyenne d'environ 19%. En 2008, la Chine était le deuxième partenaire commercial de Singapour, avec près de 9,9% du total des échanges commerciaux de Singapour. Elle représentait également 10% des exportations de Singapour, pétrole excepté, et notamment 18,2% de nos exportations de produits chimiques (à l'exclusion des produits pharmaceutiques) et 8,1% de nos exportations d'électronique domestique. En outre, la Chine est demeurée le deuxième plus grand marché touristique à Singapour, avec près de 10,7% des touristes.
Le renforcement des liens économiques entre Singapour et la Chine a placé les entreprises de Singapour en position de force pour bénéficier de la croissance de la Chine sur le long terme. Singapour est le premier pays asiatique à avoir signé un accord de libre-échange avec la Chine. L'accord de libre-échange Chine-Singapour (CSFTA) a été signé le 23 octobre dernier à Beijing, et est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Il vise à élargir et à approfondir nos liens économiques bilatéraux.
Les échanges entre l'ASEAN et la Chine ont considérablement augmenté au cours des dernières années, atteignant 171,1 milliards de dollars en 2007, soit une multiplication par trois par rapport à 2003. La zone économique du Golfe du Tonkin, ou du Golfe de Pan Beibu (PBGECZ) vise à développer une base logistique, commerciale et industrielle régionale entre la Chine et les pays d'Asie du Sud-Est. C'est l'une des nombreuses initiatives de coopération, telles que le Programme de coopération économique de la sous-région du Grand Mékong, qui vise à approfondir les relations commerciales et à accroître les flux d'investissement entre la Chine et les pays d'Asie du Sud-Est.

L.L.D. : Singapour assumera en 2009 la présidence de l’APEC (le Forum de coopération Asie-Pacifique). Vingt ans après sa création, comment ce forum peut-il contribuer à mettre en place une action coordonnée pour surmonter les défis que pose la crise financière actuelle, comme la résurgence de mesures protectionnistes ?

S.E.M.B.G. : Singapour a pris la présidence de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique) dans le contexte de la crise économique mondiale. Notre thème pour cette année est « Soutenir la croissance, promouvoir l'intégration dans la région ». L'APEC a un rôle à jouer pour soutenir la croissance et faire face à la crise à court terme, tout en nous préparant à sortir de la crise en défendant la libéralisation économique et l'intégration. Nos priorités pour 2009 seront par conséquent de nous attaquer à la crise économique, de soutenir les échanges multilatéraux et d'accélérer l'intégration économique régionale.
En février dernier, les hauts responsables de l'APEC et des Finances se sont réunis pour un premier dialogue. Ils ont examiné le problème du financement du commerce et échangé des informations sur les mesures prises par les différents pays. Ils ont également discuté des différentes solutions dont disposait l'APEC pour faciliter le financement des échanges commerciaux, notamment par la coopération entre les organismes de crédit à l'exportation. Ils ont convenu que le Secrétariat de l'APEC mette en place un mécanisme de partage des informations pour mettre en commun les meilleures pratiques en matière de politiques et identifier d'éventuels domaines de coordination politique et de coopération afin de faire face à la crise.
L'idée que les restrictions sur le commerce et l'investissement ne pourraient qu'accroître et prolonger le ralentissement économique a recueilli un fort consensus. Les participants ont réaffirmé leur détermination à résister aux pressions protectionnistes. Ils se sont aussi mis d'accord sur l'importance de garantir le respect de l'engagement pris par les dirigeants de l'APEC à Lima en 2008, de s'abstenir d'imposer de nouvelles barrières aux échanges et aux investissements ou de stimuler les exportations d'une manière incompatible avec les règles de l'OMC au cours des douze prochains mois.
Si les économies de l'APEC travaillent ensemble à relever les défis immédiats posés par la crise et la hausse des pressions protectionnistes, nous reconnaissons également que le soutien de la croissance dans la région sur le moyen terme passe par l'intégration économique régionale, qui constitue la priorité de l'APEC. Cette année, l'APEC va accélérer ce processus par la libéralisation des échanges et des flux d'investissements « à la frontière » et par la mise en place d'un environnement favorable aux affaires « au-delà de la frontière » et le renforcement des liaisons « trans-frontières ».

L.L.D. : Marquant un tournant dans l’histoire des États-Unis, la prise de fonctions du Président Barack Obama le 21 janvier 2009 semble également inaugurer un changement dans la politique étrangère américaine. Alors que Singapour se pose comme l’un de ses partenaires clés en Asie du Sud-Est, quelles sont vos attentes à l’égard du rôle des États-Unis dans la région ?

S.E.M.B.G. : Les Etats-Unis jouent un rôle crucial pour la sécurité et la prospérité de l'Asie et garantissent, par leur présence, une stabilité générale nécessaire au développement des économies régionales. L'administration Obama reconnaît l'importance de maintenir l'engagement des Etats-Unis en Asie. En témoigne la décision de la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton de faire de l'Asie – Japon, Indonésie, Corée du Sud et Chine – la destination de son premier voyage à l'étranger.
Lors de sa visite à Jakarta, Mme Clinton s'est rendue au Secrétariat de l'ASEAN et a annoncé que les Etats-Unis envisageaient d'adhérer au Traité d'amitié et de coopération. Tous ces signaux positifs attestent de la valeur que les Etats-Unis accordent à leurs liens avec la région.

L.L.D. : En inaugurant le premier Dialogue Asie-Moyen-Orient en 2005, votre pays s’est affirmé comme l’un des principaux promoteurs du renforcement des liens entre les deux régions. Dans quelle mesure cette enceinte pourrait-elle apporter un éclairage nouveau pour la recherche d’une stabilité durable au Moyen-Orient ?

S.E.M.B.G. : Le Dialogue Asie-Moyen Orient (AMED) a été créé pour favoriser une meilleure compréhension et le renforcement des liens entre le Moyen-Orient et l'Asie aux niveaux des citoyens et des gouvernements. Plus particulièrement, il sert de forum pour partager nos expériences dans les domaines de la politique et du développement économique et social, pour tirer des leçons afin de surmonter les défis communs auxquels nous faisons face, et promouvoir une coopération mutuellement bénéfique entre les deux régions.
En offrant une tribune aux tenants de la modération à l'heure où les événements internationaux entraînent une radicalisation des opinions religieuses, le Dialogue défend les valeurs de tolérance, de compréhension inter-religieuse et de dialogue entre les civilisations. En tant que tel, il peut donner naissance à un nouveau partenariat entre l'Asie et le Moyen-Orient pour relever des défis tels que la sécurité énergétique, le réchauffement climatique, les conflits religieux, le terrorisme international, la sécurité maritime et les pandémies.
En facilitant la création de liens multiples entre les gouvernements, les entreprises, les ONG et les particuliers, l'AMED peut favoriser la paix, la stabilité, le développement et la prospérité à la fois au Moyen-Orient et en Asie, qui représentent à eux deux 60% de la population mondiale.

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