Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Brésil
 
  S.E.M. / H.E. José Mauricio BUSTANI

Un acteur devenu incontournable sur la scène internationale

Huit ans après son accession au Palais de Planalto, le Président Lula da Silva achèvera son second et dernier mandat en 2010. Il laisse un bilan marqué par d’importantes réussites sur le plan du développement économique et de la réduction des inégalités. Puissance émergente, de plus en plus perçue comme un chef de file des pays du Sud, le Brésil veut également forger avec la France un partenariat durable sur lequel revient pour nous S.E.M. José Mauricio Bustani, Ambassadeur du Brésil en France.


La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, réélu en octobre 2006, le Président Lula da Silva achèvera en 2010 son second mandat. Quel bilan pouvez-vous tirer de sa gouvernance ? A l’instar du recul significatif de la pauvreté, comment décririez-vous ses principaux accomplissements ?

S.E.M. José Mauricio Bustani : Grâce à l’action du gouvernement du Président Lula, des secteurs prioritaires tels que l’éducation, l’assainissement, les infrastructures, le logement et les transports ont enregistré des progrès significatifs. L’économie a été gérée de façon habile. La croissance économique a atteint les meilleurs niveaux de ces 30 dernières années, de façon solide, constante, et accompagnée de réalisations sur le plan de l’intégration sociale.
Le Président Lula a prêté une attention toute particulière aux questions sociales. Depuis son premier mandat, la priorité a été mise sur la lutte conte la faim et la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie de la population, et la gestion des emplois et des salaires. L’un des programmes les plus réussis est le Bolsa Família (« Bourse-famille »). Il s’agit d’un programme de transfert direct d’argent sous certaines conditions, qui a bénéficié à environ 40 millions de personnes en situation d’extrême pauvreté. Le programme est l’un des piliers de la stratégie Fome Zero (« Faim zéro »), lancée par le président Lula, dont l’objectif est d’assurer le droit à une alimentation adéquate en contribuant à l’éradication de la pauvreté.
Les résultats sont déjà visibles : entre 2002 et 2007, le pourcentage de personnes en situation de pauvreté a diminué de 43,5% à 30,3%. En outre, la chute des inégalités s’est accélérée au cours de la même période. Le Brésil a déjà rempli l’objectif assigné dans le cadre des Objectifs du millénaire (ODM) des Nations unies, de réduire de moitié le nombre de personnes vivant en situation d’extrême pauvreté.

L.L.D. : Centré sur la mise en œuvre du « Plan d’accélération pour la croissance » (PAC), le programme d’action du gouvernement prévoit notamment de consolider les infrastructures brésiliennes. Dans quels domaines est-il prévu d’accentuer cet effort ? Quels dispositifs ont-ils été mis en place pour attirer les investissements étrangers ?

S.E.M.J.M.B. : Le PAC, le Plan d’accélération de la croissance, est effectivement  un nouveau modèle de planification, de gestion et de mise en œuvre de l’investissement public. L’effort est centré sur le binôme croissance et insertion sociale. Les investissements en infrastructures prévus pour la période 2007-2010, initialement de l’ordre de 503,9 milliards de réais (168 milliards d’euros), ont été revus à la hausse et atteignent désormais la somme de 646 milliards de réais (214 milliards d’euros).
Après 2010, le gouvernement prévoit d’investir 502 milliards supplémentaires (167 milliards d’euros) en infrastructures. Sur un total de 1 148,2 milliards de réais (soit 382 milliards d’euros), 132,2 milliards seront affectés au secteur « logistique et transport », 759 milliards au secteur « énergie » et 257 milliards au « développement urbain et social ».
Des mesures spécifiques, notamment d’exonération fiscale ou d’accès au crédit, ont été prises pour attirer l’investissement des entreprises, brésiliennes ou étrangères. Les appels d’offres de plusieurs projets d’infrastructures énergétiques et de transport ont été lancés. Des entreprises françaises telles que GDF-Suez ou Alstom y ont d’ailleurs participé.
Je tiens également à souligner que le PAC commence déjà à porter ses fruits. Notons, par exemple, la réalisation de tronçons de la route « Transnordestina » (qui relie toute la région du Nordeste du Brésil), les travaux de l’aéroport de Rio, et la mise en place de 1,87 million de liaisons électriques dans le cadre du programme « Luz para todos ». Enfin, l’année 2008 a été marquée par le lancement des travaux des usines hydroélectriques « Santo Antônio » et « Jirau » auxquels GDF-Suez participe activement.

L.L.D. : Considéré comme le « grenier du monde », le Brésil a fait de ses exportations agricoles l’un des moteurs de son économie. Comment évaluez-vous les retombées du récent essor de l’« agrobusiness » et, notamment, des biocarburants ? A plus long terme, quel équilibre a-t-il été trouvé pour enrayer la déforestation dans le bassin amazonien ? Comment la poursuite de la réforme agraire s’inscrit-elle dans le cadre de la politique agricole brésilienne ?

S.E.M.J.M.B. : Le développement agricole et, par conséquent, les exportations agricoles représentent un phénomène naturel pour le Brésil, étant donné l’étendue des terres cultivables et son climat. Mais l’essor de l’agrobusiness n’est pas uniquement lié aux avantages comparatifs, c’est aussi le résultat d’une action stratégique du gouvernement qui réunit les efforts des secteurs publics et privés. Le Brésil bénéficie ainsi, de la même façon que d’autres pays exportateurs de produits agricoles, du récent essor de l’agrobusiness.
En ce qui concerne les biocarburants, les possibilités d’exportations sont relativement limitées puisque nous en consommons la majeure partie. Je considère toutefois que l’expérience du Brésil dans ce domaine est extraordinaire. Les biocarburants nous ont permis d’assurer notre sécurité énergétique, un environnement plus propre et la création d’emplois et de richesses.
Le développement de leur production et de leur utilisation s’insère dans le contexte plus large de la priorité que s’est fixé le Brésil pour se doter d’une matrice énergétique diversifiée, s’appuyant sur des ressources renouvelables. Près de 77% de l’énergie électrique produite dans le pays est ainsi d’origine hydraulique.
L’utilisation de l’éthanol de canne à sucre en tant que carburant a été lancée au Brésil suite aux diverses crises du pétrole dans les années 1970. Sa production a ensuite été redynamisée à partir des années 1990, avec l’augmentation du prix du pétrole et l’introduction, en 2003, des véhicules “flex fuel”, qui fonctionnent tant à l’éthanol qu’à l’essence, quelle que soit la proportion.
Il est important de souligner que l’espace utilisé pour la culture de la canne à sucre au Brésil ne représente que 1% des terres cultivables du pays, soit 0,4% du territoire national. Les champs de canne se trouvent à plus de 1 000 km du biome amazonien, principalement dans l’Etat de São Paulo.
On note aussi le développement du biodiesel, dont la production, dans le cadre d’unités d’agriculture familiale, constitue une opportunité importante pour l’intégration des petits agriculteurs dans les secteurs dynamiques de l’économie, tout en réduisant la pauvreté et les inégalités sociales dans les campagnes.
Afin de limiter la déforestation, le Président Lula a lancé le Plan Amazonie durable, qui est la principale stratégie de politique environnementale intégrée du gouvernement fédéral. L’objectif du plan est de promouvoir le développement durable de la région amazonienne, à partir de la valorisation du patrimoine naturel et de l’apport d’investissements dans les technologies et les infrastructures, créant ainsi de nouveaux emplois et revenus. Nous avons fait beaucoup de progrès dans ce domaine et le gouvernement espère encore réduire de 72% l’indice de déforestation en Amazonie d’ici 2018.
Le Brésil considère la réforme agraire comme un ensemble de mesures visant à mieux distribuer la terre, en vue de satisfaire les principes de justice sociale, de développement rural durable, de création d’emplois et de revenus ainsi que d’augmenter la production d’aliments.
Entre 2003 et 2006, 42 millions d’hectares supplémentaires ont été incorporés à la reforme agraire, permettant ainsi l’établissement de 525 994 familles. Le programme a bénéficié d’un budget de 6,6 milliards de réais (environ 2,2 milliards d’euros) en six ans.

L.L.D. : Initié en 2001, le Forum social mondial a de nouveau été accueilli par votre pays du 27 janvier au 1er février 2009, à Belém, en plein cœur de l’Amazonie. Comment définiriez-vous les enjeux sociaux de cette rencontre ?

S.E.M.J.M.B. : Le Forum social mondial a répondu, une fois de plus avec succès, au défi de promouvoir le débat et d’attirer l’attention de la communauté internationale sur des questions extrêmement importantes dans une perspective non-gouvernementale et reflétant la société civile organisée.
Cette fois-ci, le forum a innové en faisant venir des participants nationaux et internationaux au cœur de la forêt, en montrant de façon très claire que les questions sociales sont aussi liées à la préservation de l’environnement et à la promotion du développement durable. Le Président Lula, qui considère que le débat non-gouvernemental est une composante essentielle de la démocratie, a toujours exprimé un intérêt particulier pour ce forum.

L.L.D. : Lors du sommet du G20 qui s’est tenu le 15 novembre 2008, le Président Lula de Silva a plaidé pour une plus grande implication des pays émergents dans le système financier international. Quelles propositions le Brésil compte-t-il faire en ce sens dans le sillage du sommet du G20 d’avril 2009 ?

S.E.M.J.M.B. : Le Brésil considère que les organismes et instances internationales existants, ainsi que les règles et pratiques internationales en vigueur en matière financière se sont révélés largement insuffisants face à la crise économique actuelle. Ils ont été mis à l’épreuve de l’histoire. Par conséquent, il est nécessaire de redéfinir le système financier international, de revoir ses institutions et ses règles ainsi que les fondements de sa légitimité et de sa représentativité.
Dans ce contexte, une plus grande représentation dans les délibérations des institutions financières internationales doit être attribuée aux pays en développement comme le Brésil. En outre, notre pays encourage une amélioration de la régulation et de la transparence du système financier international.

L.L.D. : A la lumière de la tenue du troisième sommet réunissant le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud à New Delhi le 13 octobre 2008, comment les partenaires dits « du Sud » pourraient-ils, selon vous, coordonner davantage leurs vues face aux répercussions de la crise financière sur le commerce international ? Plus largement, comment cette dynamique pourrait-elle contribuer à impulser une relance du cycle de Doha ?

S.E.M.J.M.B. : Le « Forum de dialogue Inde, Brésil et Afrique du Sud » (IBAS) constitue une rencontre pionnière de trois grandes démocraties, de trois régions du monde en développement et actives sur la scène mondiale. Elle vise à aborder des thèmes de l’actualité internationale et d’intérêt commun.
Depuis son lancement, son action s’inscrit sous le signe du pragmatisme. L’IBAS représente toutefois plus qu’un instrument permettant de renforcer la voix des pays en développement dans les grands débats mondiaux. Il constitue également un instrument privilégié pour la mise en œuvre d’initiatives concrètes de coopération triangulaire dans plusieurs domaines.
Dans le cadre du cycle de Doha, notre action au G20 donne la priorité absolue aux suppressions effectives des subventions agricoles des pays développés qui créent des distorsions pour la concurrence. En ce qui concerne le G20, la coordination entre les pays du sud se fait dans le cadre des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) dont les ministres des Finances se sont réunis en marge de la réunion ministérielle qui s’est tenue en Angleterre au mois de mars, en préparation au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du 2 avril.

L.L.D. : Consacrant son leadership en Amérique latine, votre pays a accueilli parallèlement aux sommets du Groupe de Rio, du Mercosur et de l’Unasur, un sommet inédit réunissant les 33 pays d’Amérique latine et des Caraïbes, à Costa do Sauipe, les 16 et 17 décembre 2008. Comment percevez-vous le processus d’intégration en Amérique du Sud ? Quelles synergies pourraient-elles être impulsées dans ce but avec le Mexique ?

S.E.M.J.M.B. : Le Brésil ne cherche à exercer aucun leadership dans la région. Nous voulons construire l’intégration avec nos partenaires. Chaque pays membre de l’UNASUR a ses propres caractéristiques. L’intégration totale sera atteinte par le dialogue et les négociations, de façon à ce que la plus grande intégration commerciale, politique ou de tout autre ordre entre les pays membres puisse promouvoir la croissance économique, la stabilité politique et la justice sociale.
Nous sommes 350 millions d’habitants, déterminés à mettre en valeur l’ensemble des potentialités d’une région dotée d’immenses ressources naturelles et humaines. Une région baignée par l’Atlantique, le Pacifique et la mer des Caraïbes. La formation d’un espace économique unifié, basé sur le libre-échange et des projets d’infrastructures, a des répercussions positives aussi bien en son sein que dans les relations que la région entretient avec le reste du monde. Nous souhaitons faire de notre continent une région de paix, capable de résoudre ses différends par la négociation politique.
La construction de l’Union sud-américaine des nations n’est pas un projet exclusif. L’Amérique du Sud se joint aux autres grandes unités géographiques du monde qui disposent, toutes, de mécanismes de concertation politique et économique. Le Brésil souhaite renforcer ses liens avec la Communauté caribéenne (Caricom), les pays du Système d’intégration centre-américain (SICA) et le Mexique.
Le Brésil et le Mexique entretiennent plus particulièrement des relations fraternelles. Nous sommes amis et partenaires de longue date. Les présidents Lula et Calderón souhaitent adopter une politique active et solidaire vis-à-vis de leurs voisins latino-américains et caribéens et ont déjà réitéré leur ferme disposition, manifestée lors de diverses rencontres, à élever les relations bilatérales à un niveau encore plus haut, encourageant le dialogue politique et approfondissant les liens économiques, consulaires, culturels, académiques et technico-scientifiques.

L.L.D. : Précédant l’investiture du Président américain Barak Obama, le sommet de Costa do Sauipe a été marqué par une déclaration solidaire des participants en faveur de la fin de l’isolement de Cuba. Quelles sont vos attentes à l’égard de la pleine réintégration de Cuba dans le concert des nations latino-américaines ? Quatre ans après l’échec du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), en quoi le changement d’administration à Washington pourrait-il inaugurer une nouvelle ère dans les relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine ?

S.E.M.J.M.B. : Une politique de coopération constructive est toujours meilleure qu’une politique d’isolement pour un pays comme Cuba qui souffre depuis quarante ans d’un embargo avec lequel nous ne sommes pas d’accord.
La victoire de Barack Obama représente un moment historique pour les Etats-Unis, qui prouve une fois de plus la capacité de transformation de leur démocratie et de leur société. L’élection nord-américaine a eu lieu à un moment particulièrement favorable des relations Brésil-Etats-Unis. Les deux pays ont tellement renforcé, au cours de ces dernières années, leurs liens bilatéraux, qu’ils ont atteint un niveau de dialogue stratégique sur des questions régionales et mondiales.
Nos sociétés multiethniques et ouvertes sont fermement engagées en faveur des principes et valeurs démocratiques. Elles ont contribué significativement à l’amélioration du dialogue entre nos pays. Nous serons capables d’avancer dans le renforcement du multilatéralisme et d’établir des partenariats dans des domaines fondamentaux, au-delà de ceux dans lesquels nous sommes déjà impliqués, tels que les biocarburants, Haïti et la coopération en Afrique.
Le Brésil partage ainsi avec la nouvelle administration nord-américaine l’intention de chercher, d’un point de vue multilatéral, des solutions politiques aux grands problèmes d’aujourd’hui. Il partage le désir de trouver des solutions urgentes et profondes pour faire face à la grave crise financière et économique qui, originaire du monde développé, menace les pays en développement. Tout cela peut créer un agenda encore plus favorable entre les Etats-Unis et l’Amérique latine. Tout ceci a été abordé par les présidents Lula et Barack Obama lors de leur rencontre à Washington le 14 mars 2009.

L.L.D. : Officiellement créée le 23 mai 2008, l’Union des nations sud-américaines (Unasur) doit se doter d’un Conseil de Défense. Comment ce nouvel organisme peut-il consolider la coopération tant sur les problématiques régionales de sécurité qu’en matière d’armement ?

S.E.M.J.M.B. : Le Brésil a pris l’initiative de proposer la création du Conseil sud-américain de défense. Il ne s’agit pas de l’intégration opérationnelle des forces armées des pays sud-américains, mais plutôt de l’intégration des bases industrielles de défense, d’échanges dans le domaine de la formation et d’entraînements conjoints.

L.L.D. : Du projet d’intégration bolivarienne promu par le Vénézuéla aux sensibilités social-démocrates de votre pays, les divergences d’orientation politique dans la région ont trouvé un écho dans le différend économique ayant opposé Brasilia à Quito fin 2008. Alors que l’Unasur prévoit une intégration politique, comment ces divergences peuvent-elles être surmontées ? Quels doivent être, selon vous, les principes fédérateurs de l’intégration régionale ?

S.E.M.J.M.B. : Les Européens savent mieux que quiconque à quel point les divergences sont normales dans un projet – toujours complexe – d’intégration entre les nations, même dans le cas du projet le plus ancien et le plus abouti de tous qu’est celui de l’Union européenne. Si les divergences persistent entre les membres d’un projet qui est mis en œuvre depuis des décennies, pourquoi devrait-il en être autrement pour des projets plus récents ? Les traités constitutifs du Mercosur et de l’Unasur datent respectivement de 1991 et de 2008.
Mais le plus important est qu’il n’y a pas de différence de fond entre les pays en ce qui concerne les objectifs de l’intégration sud-américaine.

L.L.D. : Candidat à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, le Brésil a accru sa participation aux opérations de maintien de la paix dans le monde, notamment à Haïti. Pourriez-vous évoquer le soutien français à la volonté brésilienne d’intégrer le Conseil en tant que membre permanent ? Comment analysez-vous le regain des tensions israélo-palestiniennes dans le contexte d’un Moyen-Orient fragilisé ?

S.E.M.J.M.B. : Le Brésil et la France ont convenu de conjuguer et de coordonner leurs efforts pour contribuer à la réforme de la gouvernance internationale, afin de l’adapter aux équilibres politiques, économiques et humains contemporains et d’accroître la capacité de la communauté internationale à faire face aux défis globaux. Dans ce sens, les deux pays ont réaffirmé leur attachement au rôle fondamental des Nations unies et, en particulier, leur volonté d’élargir le Conseil de sécurité.
Dans ce cadre, la France a réitéré son soutien traditionnel à la candidature du Brésil à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité. Le Brésil est très honoré et reconnaissant à l’égard de la France pour son soutien. Cette décision est à la hauteur de la relation d’amitié historique et de l’intensité des liens qui nous unissent dans les domaines les plus variés. Nous considérons cet appui comme une reconnaissance du rôle joué par le pays sur la scène internationale.
Quant à la récente escalade de violence au Moyen-Orient, le Brésil participe aux efforts internationaux en faveur de la création d’un Etat palestinien viable, en coexistence pacifique avec l’Etat d’Israël. De façon à renforcer notre engagement sur la problématique moyen-orientale, le Ministre des Affaires étrangères Celso Amorim s’est rendu dans la région où il a rencontré les chefs d’Etats et de gouvernements et les ministres des Affaires étrangères d’Israël, de Palestine, de Syrie et de Jordanie alors que le conflit dans la bande de Gaza était encore en cours.
Le Brésil a également participé à la Conférence internationale sur le soutien à l’économie palestinienne pour la reconstruction de Gaza (Charm el-Cheikh, le 2 mars 2009) au cours de laquelle le Ministre Amorim a annoncé le don de 10 millions de dollars pour la reconstruction du territoire palestinien occupé.
Nous avons participé activement au IIème sommet Amérique du Sud-Pays arabes qui a eu lieu le 31 mars 2009 à Doha. Ce forum inédit de dialogue et de coopération bi-régionale a réuni plus de trente pays arabes et sud-américains.

L.L.D. : Centré sur la crise financière, le deuxième sommet Union européenne-Brésil s’est tenu le 22 décembre 2008 à Rio de Janeiro. Au regard du vaste plan d’action conjoint adopté à l’issue de cette rencontre, dans quels domaines Brasilia et Bruxelles sont-elles appelées à approfondir leur dialogue stratégique ? Comment votre pays peut-il contribuer à la relance des négociations sur la conclusion d’un accord d’association entre l’UE et le Mercosur ?

S.E.M.J.M.B. : Le plan d’action Brésil-UE renforce, entre autres aspects, l’intention des deux parties de promouvoir un partenariat économique qui produise des effets concrets, tant sur le plan multilatéral (comme la décision de s’efforcer de conclure le cycle de Doha de l’OMC), que sur le plan bi-régional. Nous travaillerons également ensemble sur de nombreux dossiers tels que les questions de désarmement et de sécurité internationale, la lutte contre la corruption, l’assistance au développement des pays tiers, mais aussi sur de nombreux dossiers sociaux, la promotion du développement durable et la coopération en matière de science, technologie et innovation.
S’agissant des négociations Mercosur-Union européenne, le Brésil estime que la conclusion d’un accord équilibré serait extrêmement importante afin d’encourager le flux de commerce et d’investissements entre les deux régions. Dans le contexte actuel de crise économique, cet accord renforcerait notre engagement en faveur de la libéralisation des échanges commerciaux et de la lutte contre le protectionnisme, ouvrant ainsi une nouvelle voie pour contribuer à la relance de nos économies face à la crise.
Dans cette perspective, le gouvernement brésilien examine, en coordination avec les autres partenaires du Mercosur, et conjointement avec les autorités communautaires, le meilleur chemin pour reprendre ces négociations bi-régionales.

L.L.D. : En marge du sommet UE-Brésil, le Président Nicolas Sarkozy qui assumait aussi la présidence de l’UE, a renforcé le partenariat franco-brésilien avec le Président Lula da Silva. Quelles perspectives les contrats d’armement majeurs conclus à cette occasion peuvent-ils ouvrir pour l’essor d’une coopération plus large dans le domaine de la défense ? Quelles autres dynamiques ces avancées peuvent-elles ouvrir pour intensifier les échanges commerciaux entre les deux pays, notamment dans le secteur de l’énergie nucléaire ?

S.E.M.J.M.B. : On peut dire que le Brésil a engagé une réforme semblable à celle entreprise par la France, afin de moderniser en profondeur l’organisation, le fonctionnement et l’équipement de ses armées. Dans ce cadre, nous accordons de l’importance à l’intensification de la coopération avec la France en matière de défense.
Ce n’est pas trop de le souligner : plutôt qu’une simple acquisition de nouveaux armements, nous envisageons une coopération technologique à long terme, permettant non seulement le développement et la montée en gamme de notre industrie nationale ainsi que le perfectionnement des équipements, mais aussi des partenariats entre entreprises des deux pays. L’effort de restructuration de la défense brésilienne n’a donc absolument rien en commun avec le spectre d’une nouvelle course à l'armement dans la région, comme l’ont propagé certains secteurs « mal informés » des médias internationaux.
Les présidents brésilien et français se sont mis d’accord pour lancer un dialogue économique et commercial de haut niveau avec la participation des gouvernements et des entreprises des deux pays. D’autre part, le Brésil souhaite connaître l’expérience française dans le nucléaire civil. Non seulement la France est autosuffisante pour la production d'énergie, mais elle est aussi le premier exportateur mondial d’électricité. Dans ce contexte, nous pourrions mentionner, au sujet des perspectives du projet nucléaire brésilien, l’objectif suivant : achever l’usine nucléaire d’Angra III, qui est supposée devenir opérationnelle à partir de 2013 – un projet pour lequel Areva démontre d’ailleurs un vif intérêt.

L.L.D. : Axée sur la création artistique, l’innovation technologique ou encore l’économie, l’Année de la France au Brésil organisée du 21 avril au 15 novembre 2009 représente une opportunité majeure pour l’accroissement des liens entre les deux pays. Comment les deux pays comptent-ils favoriser l’essor de nouveaux partenariats dans le cadre de cette manifestation ?

S.E.M.J.M.B. : Grâce au renforcement des relations bilatérales et au partenariat stratégique établi entre nos deux pays, nos deux gouvernements se sont engagés à donner une nouvelle dimension à l’important réseau de partenariats qui unit nos sociétés. Le cadre institutionnel a été établi pour que notre coopération atteigne un nouveau stade, qu’elle ait une nouvelle portée. Nous donnerons plus de cohérence à l’ensemble des actions de coopération, et les synergies ainsi suscitées rendront possible des initiatives qui, isolées, sembleraient trop ambitieuses.
L’extraordinaire ampleur des opérations de l’Année de la France au Brésil (plus de 700 projets labellisés !) illustre parfaitement cette dynamique. L’annonce de la saison culturelle a mobilisé un vaste réseau qui rassemble des artistes, des universitaires et des hommes d’affaires des deux pays, qui ont conçu des projets binationaux spécialement pour l’occasion. Nous en sommes très satisfaits mais voulons aller au-delà de 2009 : grâce au partenariat stratégique, un immense potentiel, encore inexploité, commence à se développer. L‘exemple le plus frappant en est la coopération que nous sommes en train bâtir dans le domaine militaire, mais songeons à tout ce qui peut jaillir à partir d’un projet tel que l’Université de la biodiversité, en Amazonie !

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