Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Allemagne
 
  S.E.M. / H.E. Reinhard Schäfers

Le moteur franco-allemand face aux nouveaux défis de la mondialisation

Vecteur incontournable de la cohésion européenne, la relation privilégiée que partagent l’Allemagne et la France est plus que jamais mise en lumière par la crise financière internationale. Avant d’en aborder les aspects les plus dynamiques, S.E.M. Reinhard Schäfers, Ambassadeur d’Allemagne en France, analyse pour nous la stratégie de Berlin pour relancer l’économie mondiale ainsi que les enjeux de la sécurité au Proche-Orient et du sommet consacrant le 60ème anniversaire de l’OTAN.


La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, le 9 novembre 2009, l’Allemagne célébrera le 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin qui préluda à sa réunification. Quel regard portez-vous, rétrospectivement, sur le défi historique qu’a représenté ce processus ?

S.E.M. Reinhard Schäfers  : Le 9 novembre 1989 symbolise la fin de la division de Berlin, de l’Allemagne et de l’Europe qui aura duré des décennies. Pour moi, le 9 novembre 1989 a donc été avant tout un jour de liesse. Pour des millions de personnes, cette journée a signifié l’accès à la liberté. Une liberté pour laquelle la population de l’est de l’Allemagne s’est battue pendant de longues années, souvent au prix de grands sacrifices personnels. Lorsqu’à l’automne 1989, des millions de personnes sont descendues dans la rue pour revendiquer leurs droits en tant que citoyens libres, le moment était enfin venu : après 28 ans, littéralement du jour au lendemain, le Mur est tombé.
La voie que nous avons ensuite dû emprunter a été difficile, en particulier pour ceux de l’est de l’Allemagne. Pour eux, tout a changé. Face à cet immense défi, ils ont été mis à rude épreuve et ont dû faire preuve de créativité, d’esprit d’initiative et de flexibilité. Mais je suis convaincu que la grande majorité de mes compatriotes pensent comme moi que cela en valait la peine. Tout ne va pas mieux aujourd’hui qu’à l’époque. Mais personne ne veut revenir en arrière. Tout ceci a été possible notamment parce que nos partenaires et nos amis, qui étaient nos ennemis d’hier, nous ont soutenus et, lors de difficiles négociations, ont contribué à ce que l’unification des deux Etats allemands soit étroitement liée à l’intégration européenne. La réunification fut donc un grand succès à la fois pour l’Allemagne et pour l’Europe.
Peut-être devrions-nous saisir l’occasion de l’anniversaire de la chute du Mur pour nous retourner sur ces 20 années et prendre conscience de ce que nous avons accompli depuis lors, ensemble, en Europe. L’Europe est aujourd’hui un continent uni dont l’immense majorité des habitants vivent en démocratie et en liberté. Il n’y a plus de contrôle à de nombreuses frontières européennes. L’euro est désormais la monnaie commune dans plus de 15 Etats et de nouveaux pays l’adoptent chaque année. Toutes ces évolutions sont indissociables de la chute du Mur et du rideau de fer. Le 9 novembre est décidément un jour de liesse.

L.L.D. : Face au risque d’une contraction sans précédent de l’économie allemande depuis 1945, le gouvernement de coalition a adopté un second plan de relance, historique par son envergure, à hauteur de 50 milliards d’euros. Quelles en sont les priorités ?

S.E.M.R.S. : Le second plan de relance adopté par le gouvernement fédéral est le plus massif de l’histoire de la République fédérale d’Allemagne. Le gouvernement fédéral s’est fondé sur une analyse réaliste de la situation après le premier plan de relance présenté en novembre 2008. Il entend libérer des forces en faveur de la croissance et de l’emploi grâce à ces mesures qui touchent cinq domaines.
L’Etat fédéral a tout d’abord débloqué plus de 18 milliards d’euros afin de promouvoir les investissements dans les communes.
Deuxièmement, le gouvernement définira un programme de garanties des crédits pour les entreprises d’un montant de 15 milliards d’euros en plus de ce que l’Institut de crédit pour la reconstruction (KfW) accorde lui aussi, à savoir 100 milliards d’euros.
Troisièmement, des aides efficaces seront nécessaires au marché du travail pendant la crise. Ainsi, l’aide au chômage partiel a déjà été prolongée de 18 mois par le premier plan de relance. L’Etat continuera donc de prendre en charge 50% des cotisations sociales pour les employés en situation de chômage partiel, et même 100% en cas de mesures de qualification.
Quatrièmement, des allègements fiscaux seront mis en place. Le taux de la première tranche du barème d’imposition sur le revenu baissera de 1% et l’abattement à la base sera porté à 8 004 euros. Cette révision permettra de pallier l’effet multiplicateur de l’inflation qui annule souvent presque entièrement la progression des salaires.
Par ailleurs, les cotisations à l’assurance maladie seront gelées et resteront à leur niveau de fin 2008. Cette mesure bénéficiera à la fois aux employeurs et aux employés. Un bonus forfaitaire unique de 100 euros par enfant sera également versé à chaque famille.
Enfin, ces dépenses supplémentaires nous obligeront à augmenter l’endettement public qu’il faudra à nouveau réduire lorsque la conjoncture le permettra.
Nous ne sommes pas confrontés à une crise des structures économiques, sociales et financières de base. L’économie allemande a connu son plus fort taux d’emploi et un endettement public quasiment nul en 2008. Notre industrie est compétitive. Au cours des dernières années, nous avons créé 1,5 million de nouveaux emplois.
La crise actuelle a été provoquée par des dérives sur les marchés internationaux. L’économie sociale de marché se trouvera finalement renforcée par la lutte contre ces dérives.

L.L.D. : Quelle est la vision allemande d’une refonte de l’architecture financière internationale ?

S.E.M.R.S. : L’Allemagne, de même que la France et ses autres partenaires européens du G20, met tout en œuvre pour que le sommet du G20, qui s’est tenu début avril 2009 à Londres, mette à portée de main des instances de contrôle efficaces du système financier international. Nous avons voulu rendre au sommet de Londres avec une position commune forte et faire de cette rencontre un succès. La crise économique et financière exceptionnelle qui frappe le monde actuellement ne peut être surmontée que par une action conjointe.
Mais dans notre gestion de la crise, nous devons veiller à ce que les programmes nationaux de relance adoptés ne conduisent pas à des distorsions de concurrence. Il faut refuser le protectionnisme, c’est-à-dire le cloisonnement des marchés nationaux censé protéger ces derniers. Libre-échange et flux d’investissement internationaux ouverts sont essentiels pour stabiliser l’économie mondiale. Dans cette optique, nous comptons sur la poursuite des négociations sous la houlette de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dans le cadre du cycle dit de Doha. A long terme, nous souhaitons qu’une charte pour une gestion économique durable placée sous l’égide des Nations unies contribue à éviter qu’une crise telle que celle que nous vivons actuellement, ne se reproduise.
Tous les marchés, produits et acteurs financiers sans exception doivent être soumis, quel que soit l’endroit où ils ont leur siège, à une surveillance et une réglementation appropriées. Les pays qui tolèrent les transactions incorrectes et opaques ainsi que les paradis fiscaux doivent être sanctionnés par la communauté internationale. Les sociétés d’investissement privées, y compris les fonds spéculatifs (hedge funds), de même que les agences de notation qui évaluent les entreprises et exercent de ce fait une influence considérable sur les bourses, doivent également faire l’objet d’un contrôle concerté à l’échelle internationale.
Cette surveillance et cette réglementation sans faille ne sont toutefois réalisables que par le biais d’institutions financières internationales renforcées, d’où la nécessité de consolider le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les banques de développement régionales. Le FMI et le Forum de stabilité financière du G7, sous sa forme élargie, devront également suivre les progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan d’action du G20 et joueront en outre un rôle clé dans le futur système international d’alerte précoce des crises.

L.L.D. : Placée en tête des priorités de la présidence européenne de l’Allemagne en 2007, la lutte contre le réchauffement climatique a réuni un consensus lors du sommet de Bruxelles en décembre 2008 avec l’adoption du « paquet énergie-climat ». Comment les mécanismes prévus par cet accord doivent-ils s’appliquer à votre pays ?

S.E.M.R.S. : Les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Union européenne ont souligné lors de leur rencontre des 11 et 12 décembre 2008 que l’UE veut continuer à donner le bon exemple en matière de protection climatique internationale. Ils ont répété que l’objectif de l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici 2020 serait révisé à la hausse pour passer à 30% si un accord international pour la protection climatique intervenait lors de la Conférence internationale sur le climat de décembre 2009 à Copenhague ; un accord qui engagerait alors tous les Etats en fonction de leur capacité. À long terme, on estime indispensable de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde d’au moins 50% d’ici 2050.
De bonnes nouvelles arrivent d’Allemagne dans ce domaine. En 2007, les émissions de gaz à effet de serre y étaient en baisse de 21,3% par rapport au niveau de 1990. L’Allemagne est donc sur la bonne voie pour atteindre l’objectif du protocole de Kyoto qui est de parvenir, pour la période 2008-2012, à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 21% en moyenne par rapport au niveau de 1990.
Ces résultats s’expliquent par une augmentation de l’efficacité énergétique, en particulier pour les véhicules motorisés, les chauffages et l’isolation des bâtiments, ainsi que par le développement des énergies renouvelables et l’utilisation de biocarburants.
Les chiffres actuels prouvent que la politique climatique de l’Allemagne est un succès et permettent de penser que l’Allemagne parviendra à respecter les exigences du protocole de Kyoto ratifié en 1997.

L.L.D. : Initiée par la France dans le cadre de la politique de voisinage de l’UE, l’Union pour la Méditerranée (UPM) a fait l’objet d’un compromis avec l’Allemagne avant son lancement officiel le 13 juillet 2008. Quel rôle votre pays compte-il jouer dans l’approfondissement de la coopération euro-méditerranéenne ?

S.E.M.R.S. : La République fédérale d'Allemagne contribuera activement à l’approfondissement de la coopération euro-méditerranéenne dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, tant sur le plan politique que par le biais de projets concrets. Jusqu’à présent, l’Allemagne s’est principalement impliquée dans deux domaines : l’utilisation de l’énergie solaire et la mise au point d’un système d’alerte précoce aux tsunamis.
L’Allemagne dispose d’une grande expertise dans ces deux domaines qui recèlent, à notre avis, un potentiel considérable pour la future coopération dans le bassin méditerranéen. Par ailleurs, nous étudions d’autres possibilités, l’Allemagne coopérant depuis de nombreuses années avec la région et disposant ainsi d’une vaste expérience, en particulier dans l’utilisation de l’eau mais aussi en matière de formation et de recherche.
L’Union pour la Méditerranée se caractérise par deux grandes innovations : d’une part, un système de coprésidence permettant aux pays de la rive sud de la Méditerranée de disposer d’une plus large marge de participation et, d’autre part, une approche concrète fondée sur des projets destinés à promouvoir la coopération régionale.
Nous soutenons pleinement ces deux innovations depuis le début des discussions. Le compromis franco-allemand en amont du sommet du 13 juillet 2008 portait notamment sur l’inclusion de l’ensemble de l’Union européenne dans l’Union pour la Méditerranée. Dès mars 2008, un consensus a été trouvé à ce sujet. Le sommet de juillet 2008 et la rencontre des ministres des Affaires étrangères en novembre 2008 ont ensuite posé les jalons de la future organisation de l’Union pour la Méditerranée. La France et l’Allemagne travaillent à présent ensemble à sa mise en œuvre.

L.L.D. : Marquant le 60ème anniversaire de l’Alliance atlantique, le sommet co-organisé par l’Allemagne et la France les 3 et 4 avril 2009 s’inscrit dans le cadre de la recherche d’un nouveau « concept stratégique ». Pourriez-vous en définir les principaux contours face aux nouveaux enjeux de la stabilité internationale ?

S.E.M.R.S. : Le sommet de l’OTAN des 3 et 4 avril 2009 a été historique à plusieurs égards. La communauté transatlantique a célèbreré en effet le 60ème anniversaire de l’organisation garante de la paix en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. D’autre part, pour la première fois dans l’histoire de l’Alliance, l’un de ses sommets a été co-organisé par deux Etats. Qu’il s’agisse de la France et de l’Allemagne n’est pas un hasard mais bien l’illustration concrète de l’étroite coopération qui unit nos deux pays dans de nombreux domaines dont la politique de défense et de sécurité.
Avec le sommet de Strasbourg et Kehl, la France et l’Allemagne ont démontré leur volonté de construire une Europe forte sur le plan politique mais aussi militaire dans le cadre de l’Alliance transatlantique. Dans cette optique, elles entendent tirer parti de l’élection du nouveau président américain pour donner une nouvelle base et de nouvelles impulsions aux relations transatlantiques.
Le retour de la France dans les structures militaires de l’OTAN annoncé par le Président Sarkozy a constitué un thème essentiel de ce sommet. L’Allemagne se félicite vivement de cette démarche qui renforcera la position européenne au sein de l’Alliance.
Le sommet de l’OTAN doit donner le coup d’envoi à l’élaboration d’un nouveau concept stratégique qui apporte des réponses aux défis mondiaux d’aujourd’hui tels que le terrorisme international, la prolifération d’armes de destruction massive et la sécurité énergétique. Ce concept abordera aussi des questions essentielles, notamment celles des relations avec la Russie et de la coopération entre l’OTAN, l’Union européenne et les Nations unies. L’Allemagne est favorable à un processus en deux phases : il faudrait tout d’abord qu’un groupe de « personnalités éminentes » définisse les orientations politiques et les principales étapes puis que les débats débouchent sur un processus de concertation intergouvernementale. Nous ne voulons pas d’un processus bureaucratique mais aspirons à un débat véritablement politique.

L.L.D. : Premier chef de gouvernement étranger à s’exprimer devant la Knesset lors de sa visite en Israël le 19 mars 2008, la Chancelière Angela Merkel aspire à renforcer le rôle de l’Allemagne en faveur de la sécurité au Proche-Orient. Fort de la conférence internationale organisée sur le Proche-Orient à Berlin le 24 juin 2008, comment appréhendez-vous la reprise d’un processus de paix dans le contexte d’un durcissement des tensions israélo-palestiniennes et de l’élection d’un nouveau gouvernement israélien ?

S.E.M.R.S. : La politique de l’Allemagne vis-à-vis du Proche-Orient s’inscrit dans celle de l’Union européenne. Du fait de son histoire, l’Allemagne porte une responsabilité historique et morale particulière vis-à-vis de la sécurité et de l’existence de l’Etat d’Israël. Néanmoins, l’Allemagne reconnaît également le droit des Palestiniens à pouvoir disposer de leur propre Etat. Aux yeux de l’Allemagne comme de l’Europe, une solution durable passe inévitablement par la coexistence de deux Etats et par la reconnaissance d’Israël par les Etats arabes voisins.
La résolution du conflit au Proche-Orient dépend avant tout de la volonté des Etats de la région. Il ne pourra être résolu que par la négociation. Des partenaires extérieurs peuvent y aider.
Nous espérons que le nouveau gouvernement israélien continuera de progresser sur le difficile chemin de la paix. Il n’y a pas d’alternative. Nous attendons des Palestiniens qu’ils cherchent eux aussi à rétablir la paix. Seules des négociations directes avec Israël pourront y conduire.
C’est principalement dans le cadre de l’Union européenne que l’Allemagne œuvre en faveur d’une solution pacifique au Proche-Orient. Nous voulons apporter notre contribution en étroite coopération avec nos partenaires.

L.L.D. : Commémorant la signature du Traité de coopération de l’Elysée, la 6ème Journée franco-allemande s’est tenue le 22 janvier 2009, inaugurant une semaine marquée par de nombreuses manifestations. Dans quels domaines souhaiteriez-vous contribuer à dynamiser les liens d’amitié franco-allemands ? Dans quelle mesure la mobilité des jeunes et l’apprentissage des langues pourraient-ils être davantage renforcés ?

S.E.M.R.S. : J’aimerais tout d’abord souligner que la 6ème Journée franco-allemande, tout comme les éditions précédentes, a une nouvelle fois suscité une grande mobilisation aux niveaux politique comme universitaire, scolaire et même préscolaire.
Nous avons ainsi eu le plaisir d’accueillir les 22 et 23 janvier 2009 différents groupes de jeunes très engagés dans les relations franco-allemandes. Nous avons en outre remis pour la seconde année consécutive le Prix de l’Ambassade pour la langue allemande en France à plusieurs professeurs d’allemand. La Journée franco-allemande a donc pleinement répondu à sa vocation de sensibilisation et de promotion de l’amitié franco-allemande.
Cette journée du 22 janvier est une « vitrine » qui illustre la diversité des relations entre la France et l’Allemagne. En effet, au-delà des rencontres régulières et institutionnalisées de nos gouvernements, les sociétés civiles française et allemande ont également tissé un réseau de relations très dense au cours des décennies passées. Nous pouvons nous appuyer sur ce socle et développer de nouvelles formes d’échanges pour enrichir encore les contacts existants.
Pourquoi ne pas élargir les possibilités de stages pour les jeunes, au sein de nos structures politiques et diplomatiques par exemple ?
Je serais heureux d’accueillir, en plus de jeunes Allemands, des stagiaires français dans notre ambassade à Paris et je suis certain que mon homologue à Berlin, M. de Montferrand, en ferait volontiers autant pour de jeunes Allemands à l’ambassade de France.
De nouvelles formes de parrainage et d’échange sont également envisageables et pourraient être mises en place. Pourquoi l’Opéra de Berlin ne travaillerait-il pas en coopération avec un lycée français, le Louvre avec un établissement scolaire en Allemagne ? La compréhension mutuelle et la sensibilité à nos différences s’en trouveraient considérablement enrichies.
Naturellement, nos deux langues continueront à jouer un rôle essentiel dans la qualité de nos relations. Je ne plaisante qu’à moitié lorsque je dis parfois que si le français et l’allemand étaient obligatoires en première langue vivante dès l’école primaire ou à partir du collège, notre communication et nos échanges seraient de bien meilleure qualité.

L.L.D. : Emblématique de la construction de l’« Europe de la défense », la Brigade franco-allemande implante pour la première fois un bataillon allemand en territoire français. Vingt ans après sa création et celle du Conseil franco-allemand de défense, comment qualifieriez-vous la portée de cette initiative ?

S.E.M.R.S. : En s’accordant sur le stationnement de troupes allemandes sur le sol français, le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel ont récemment pris une décision historique, d’une portée hautement symbolique : ce sera en effet la première fois dans l’histoire de nos deux pays qu’un groupement militaire allemand s’établit en France en temps de paix. Cette décision de détacher en France une partie de la Brigade franco-allemande, dont les quelque 5 000 soldats étaient jusqu’à présent tous stationnés en Allemagne, ouvre une ère nouvelle de coopération encore plus étroite entre nos deux pays en matière de politique de sécurité.
Créée il y a tout juste vingt ans par Helmut Kohl et François Mitterrand, la Brigade franco-allemande peut être la pierre angulaire de la future Europe de la défense que l’Allemagne et la France souhaitent construire avec leurs partenaires européens en complément, et non en concurrence, de l’Alliance transatlantique. L’objectif à court et moyen terme est de rendre la Brigade franco-allemande, qui est notamment déjà intervenue en Afghanistan, encore plus opérationnelle et de l’associer davantage aux opérations extérieures de l’UE ou de l’OTAN. Nous espérons qu’elle deviendra à long terme la pièce maîtresse d’une future armée européenne.
Outre la Brigade franco-allemande, la France et l’Allemagne peuvent également impliquer dans la réalisation de l’Europe de la défense le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, dont le secrétariat est à Paris, qui coordonne la concertation entre Paris et Berlin dans le domaine de la politique de sécurité. Le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité ainsi que la Brigade franco-allemande, tous deux créés longtemps avant la naissance de la politique européenne de sécurité et de défense, sont aujourd’hui au service de l’intégration européenne et ont vocation à ouvrir la voie à une Europe forte et autonome, y compris sur le plan militaire, qui s’engage dans le monde entier en faveur de la paix et de la stabilité.

L.L.D. : Premiers partenaires commerciaux l’un pour l’autre, l’Allemagne et la France sont parvenus à mettre en place des synergies industrielles communes ambitieuses à l’instar d’EADS, leader mondial de l’industrie aéronautique et de défense, mais également culturelles comme Arte. Dans quels autres secteurs porteurs pourraient-elles être reproduites ?

S.E.M.R.S. : Souvent, ce n’est que grâce à une coopération transfrontalière que les entreprises françaises et allemandes atteignent la « taille critique » qui leur permet de s’imposer sur les marchés mondiaux.
Naturellement, EADS est le fleuron de la coopération industrielle franco-allemande. On trouve néanmoins de nombreux autres exemples de coopération directe entre entreprises instaurée sans intervention ou aide de l’Etat. Ainsi, Man-Diesel a transféré sur son site de Saint-Nazaire la totalité de sa production de gros moteurs pour bateaux et centrales électriques. Le fabricant de jouets français Smoby a quant à lui été « sauvé » par l’entreprise allemande Simba. Aujourd’hui, cette entreprise franco-allemande a même pu diminuer la part des jouets qu’elle fait fabriquer en Chine. Arte est elle aussi une entreprise bilatérale dont la réussite ne peut que nous réjouir.
L’OFAJ constitue une autre illustration très encourageante de notre coopération institutionnalisée. Dans certains domaines, la coopération s’avère très étroite sans pour autant reposer sur des structures communes. C’est en particulier le cas de la culture. Les échanges entre musées par exemple me paraissent très prometteurs. À l’heure où ces grands établissements cherchent à mieux définir leur rôle et leur rayonnement à l’avenir, la coopération entre musées français et allemands pourraient contribuer à renforcer les bases et intérêts communs dans ces débats.
Un autre domaine me paraît très important pour la coopération franco-allemande : la recherche. Les universités et les instituts de recherche travaillent ensemble à de nombreux projets. En 2008, l’association Helmholtz et le Commissariat à l’Energie atomique (CEA) ont ainsi conclu un accord-cadre donnant une nouvelle dimension à leur coopération, notamment dans la recherche sur l’énergie solaire.
Dans le domaine militaire également, nous avons pu observer que la coopération entre la France et l’Allemagne faisait des émules auprès d’autres partenaires européens, qui ont rallié cette coopération initialement bilatérale. C’est le fameux moteur franco-allemand. Et je peux vous assurer que ce moteur est bien huilé et rodé. Avec nos amis français, nous continuerons d’identifier des domaines de coopération où nous pouvons œuvrer au service de la cause européenne.

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