Le Centre international de Recherche sur le Cancer au cœur de la recherche et de la prévention des causes du cancer
Par le Dr Paul Kleihues, Directeur du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC)
Le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) est né en mai 1965, créé par la 18e Assemblée mondiale de la Santé, à l’initiative de la France, dans le cadre de l’Organisation mondiale de la Santé. Les membres fondateurs du CIRC étaient la République fédérale d’Allemagne, les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. Son siège lui a été offert par la France, et se situe à Lyon.
Aujourd’hui, la composition du CIRC s’est élargie et comprend seize pays (Outre les pays fondateurs, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Danemark, la Fédération de Russie, la Finlande, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse).
Organisation et financement des activités du CIRC
La politique générale du CIRC est supervisée par un Conseil de Direction, composé des représentants des Etats participants et du Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé. Son programme de recherche est examiné par un Conseil scientifique. Il est présidé cette année par Mme le docteur Diana Dunstan (Royaume-Uni). Le Conseil de Direction élit le Directeur du CIRC, dont le mandat est de cinq ans. J’ai pris mes fonctions le 1er janvier 1994 et mon mandat a été reconduit jusqu’en 2003.
Le conseil scientifique comprend un maximum de vingt savants éminents, nommés par le Conseil de Direction sur une liste proposée par le Directeur général de l’OMS, pour des mandats de quatre ans. La mission de ce Conseil est, entre autres, de formuler périodiquement des avis sur les activités du CIRC, de recommander les programmes des activités permanentes et de préparer les projets spéciaux à soumettre au Conseil de Direction. Son Président est cette année le docteur Michel Aguet (Suisse).
Le personnel du CIRC se compose d’environ 150 membres au siège du CIRC à Lyon, et le CIRC accueille plus de 600 chercheurs en visite et stagiaires par an en moyenne, originaires de plus de 35 pays dans le monde.
Les activités du CIRC sont financées essentiellement par les contributions budgétaires de ses Etats participants. La contribution payée par chaque Etat participant est calculée selon une formule qui partage les premiers 70% de façon égale entre les participants, les 30% restants étant répartis sur la base du PNB de chaque pays. Nombre d’autres programmes de recherche sont également financés par des fonds extrabudgétaires provenant de diverses sources nationales et internationales. Le niveau budgétaire pour l’exercice biennal 2002-03 s’élève à 35 816 300 dollars.
Une activité vouée à la recherche et à la prévention
La vocation première du CIRC consiste à rechercher les causes du cancer, de façon à proposer des mesures de prévention. Le Conseil de Direction a plusieurs fois réaffirmé que la recherche s’intéressant au traitement et à certains autres aspects des soins des cancéreux n’entraient pas normalement dans le cadre de la mission du CIRC, non plus qu’il ne devait mettre directement en œuvre des mesures de lutte, sauf dans le cas où cela s’avérerait nécessaire pour évaluer l’efficacité des mécanismes de la cancérogenèse ou lorsque l’intervention expérimentale était une condition à l’établissement des causes. Le CIRC n’intervient pas non plus dans la formulation de politiques ou de législations concernant le contrôle des cancérogènes.
L’accent principal de la recherche au Centre a été placé sur l’épidémiologie, la cancérogenèse environnementale et la formation des chercheurs. Cet accent reflète tout d’abord l’acceptation générale du fait que 80% de tous les cancers sont liés, directement ou indirectement, à des facteurs environnementaux, et sont par conséquent théoriquement évitables; deuxièmement, la récente reconnaissance du fait que l’épidémiologie peut jouer un rôle important dans la prévention du cancer et dans l’évaluation de l’efficacité de mesures de prévention; et, enfin, le fait que les variations géographiques de l’incidence du cancer reflètent presque certainement des différences d’environnement et se prêtent donc particulièrement bien à la recherche au niveau international.
La recherche épidémiologique s’organise donc de deux façons : d’une part, des études descriptives dessinent les tendances de l’incidence et de la mortalité par cancer dans différentes populations et zones géographiques et, d’autre part, des études analytiques se concentrent sur les rapports entre incidence et mortalité et facteurs de risque particuliers (alimentation, certaines expositions professionnelles, etc.).
Le CIRC se distingue ainsi de la plupart des autres instituts de recherche sur le cancer, en ce qu’il oriente ses recherches sur le cancer chez l’homme et sur le rapport entre l’homme et son environnement.
Ces dernières années, on a constaté un regain d’intérêt pour l’étude des facteurs génétiques et autres facteurs de susceptibilité individuelle contribuant au cancer. Cette tendance s’est manifestée en raison d’un nombre croissant d’indications selon lesquelles les mutations génétiques jouent un rôle clé dans la cancérogenèse, en raison de l’importance potentielle des facteurs de susceptibilité individuelle dans la modification de l’effet cancérogène des agents environnementaux, et en raison de l’utilité potentielle de méthodes génétiques dans l’identification des personnes à haut risque de cancer, à qui une intervention spécifique pourrait bénéficier. Dans la perspective de la mission du Centre international de Recherche sur le Cancer, son premier programme scientifique s’intéresse à la recherche sur l’incidence et l’impact du cancer humain, le second et le troisième s’intéressent à la recherche des causes du cancer, et le quatrième programme à sa prévention et sa détection précoce. Le cinquième programme s’intéresse à la recherche méthodologique, qui est essentielle aux quatre premiers programmes, et le sixième s’attache à la formation de personnels aux compétences scientifiques et techniques pertinentes. L’évaluation et la diffusion de l’information scientifique, si elles sont un élément à part entière du sixième programme (par le programme des publications du Centre), sont sous-entendues et font partie intégrante de chacun des autres programmes scientifiques.