Sept années au service du citoyen
par M. Jacob Söderman, Médiateur européen
Au 18ème siècle, le roi de Suède Charles XII passa quelques années à la Cour de l'Empereur turc suite à une campagne militaire infructueuse en Russie. Pendant ce temps, il prêta attention à un haut fonctionnaire qui recevait les plaintes du peuple et les résolvait au nom de l'Empereur.
Le roi de Suède trouva cette pratique utile et envoya une lettre à son gouvernement à Stockholm, lui proposant de nommer un tel “ombudsman” ou “médiateur”. Un "Justitieombudsman" fut dûment établi afin de traiter les plaintes du peuple et d'assurer que l'administration publique applique correctement les lois. L'Ombudsman – à présent élu par le Parlement – jouit des pouvoirs d'un procureur et dispose d'un mandat très vaste qui comprend la supervision des tribunaux. En 1919, la Finlande introduisit ce même type d'Ombudsman dans sa constitution.
Près d'un siècle plus tard, le concept d'Ombudsman est peut-être le projet constitutionnel le plus réussi de notre temps. L'idée commença à se répandre par le monde lorsque le Danemark introduisit une version plus souple de l'Ombudsman en 1953. Au Danemark, cette institution n'a pas le droit d'engager de poursuites judiciaires et les tribunaux ne relèvent pas de sa compétence. L'Ombudsman n'a pas le droit de contraindre l'administration publique, il ne peut qu'argumenter, recommander et faire rapport, laissant à l'administration l'initiative de réparer elle-même ses torts ou d'améliorer ses pratiques.
L'idée d'un ombudsman s'est étendue jusqu'en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Canada pour revenir vers le Royaume-Uni et le reste de l'Europe. La plupart des pays ont basé leur institution sur le modèle danois, tout en introduisant de nouvelles caractéristiques. En France, par exemple, dans la procédure de conciliation entre les administrations publiques et les citoyens, le Médiateur a pour mission non seulement d'assurer que les décisions soient juridiquement correctes mais également de promouvoir la justice dans des cas particuliers. En Espagne et au Portugal, le médiateur peut demander à la cour constitutionnelle de juger de la constitutionnalité de la législation. En Europe de l'Est, en revanche, le Médiateur tend à se concentrer sur la promotion des droits de l'homme.
Le Médiateur européen
L'idée d'un Médiateur pour l'Union européenne a été soulevée lors de discussions concernant "L'Europe des citoyens". La proposition a été faite pour la première fois au Parlement européen dès 1979 et le droit de se plaindre au Médiateur européen a finalement été inclus dans le Traité de Maastricht.
Le Médiateur a été élu par le Parlement européen en 1995 et a démarré son travail au mois de septembre de la même année. Durant les sept ans qui se sont écoulés depuis la mise en place du bureau du Médiateur, plus de 11 000 plaintes de citoyens, d'associations et d'entreprises ont été reçues.
Le Médiateur européen enquête sur des cas de mauvaise administration dans l'activité des institutions et organes communautaires, tels que la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Seuls la Cour de justice et le Tribunal de Première instance, dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, échappent à son contrôle.
En 1998, le Parlement européen a accepté la définition suivante de "mauvaise administration" proposée par le Médiateur : “Il y a mauvaise administration lorsqu'un organisme public n'agit pas en conformité avec une règle ou un principe ayant pour lui force obligatoire.”
Les irrégularités administratives, l'injustice, la discrimination, l'abus de pouvoir, le refus ou le défaut d'information ou des délais inutiles sont des exemples de mauvaise administration. Afin de définir clairement ce qu'est la bonne administration, le Médiateur a proposé un Code de bonne conduite administrative. Le Parlement européen a adopté ce Code en septembre 2001 et soutient l'opinion du Médiateur selon laquelle il devrait exister une loi communautaire sur la bonne administration. Malheureusement, la Commission n'a pas encore pris l'initiative de proposer une telle loi.
Tout citoyen de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un Etat membre peut se plaindre au Médiateur par courrier, fax ou e-mail. Le Médiateur peut également démarrer des enquêtes de sa propre initiative.
Bonne coopération avec les institutions
Les institutions et organes communautaires coopèrent efficacement avec le Médiateur. Ils donnent leurs avis sur les plaintes promptement et démontrent leur engagement à promouvoir une bonne administration en résolvant environ 30% des affaires dès qu'elles sont portées à leur connaissance. Par ailleurs, les institutions tendent généralement à suivre les propositions de solutions amiables ou de projets de recommandations que leur adresse le Médiateur. A ce jour, le Médiateur n'a eu à émettre que six rapports spéciaux dans lesquels il sollicite l'intervention du Parlement européen.
Cette approche constructive, consistant à résoudre les griefs, bénéficie largement aux citoyens. Toute lettre recevant une réponse, tout document rendu public, toutes excuses présentées, toute facture payée ou toute règle injuste supprimée fait un ou plusieurs clients satisfaits. Le Médiateur a promu la transparence au sein des institutions, établissant de bonnes pratiques administratives et assurant que la Charte des Droits Fondamentaux de Nice soit suivie correctement par les institutions qui l'ont signée.
Le Médiateur fait état de ses activités et résultats dans son Rapport annuel publié tous les ans depuis 1995. Le rapport 2002 devrait être disponible en mars 2003. Le site Internet – www.euro-ombudsman.eu.int – qui offre une vue d'ensemble du travail du Médiateur est mis à jour régulièrement.
Médiateurs nationaux et régionaux et organes similaires
Le mandat du Médiateur européen se limite aux institutions et organes communautaires. En conséquence, le Médiateur ne peut enquêter sur un certain nombre – près de 70% – des plaintes qui lui sont adressées. Dans ces cas, et chaque fois que cela est possible, il conseille au plaignant de s'adresser à un autre organisme susceptible de l'aider.
Dans les affaires impliquant l'application du droit communautaire dans les Etats membres, un médiateur national ou régional ou une commission des pétitions est souvent compétent pour traiter la plainte. Afin de mieux garantir les droits des citoyens sous la législation communautaire, le Médiateur européen et ses collègues travaillent en étroite collaboration grâce à un réseau qui prend la forme de séminaires réguliers, d'un bulletin de liaison et d'un site Internet pour l'échange d'informations. Par ce biais, le Médiateur européen et ses collègues nationaux et régionaux visent à assurer que les plaintes concernant la mauvaise application du droit communautaire dans les Etats membres soient traitées de manière efficace.
Les citoyens ne peuvent avoir réellement foi en l'Union européenne que si le droit est respecté. Bien que l'application et le respect des lois relèvent essentiellement de la responsabilité des instances administratives et judiciaires elles-mêmes, les services du Médiateur européen et de ses collègues dans les Etats membres devraient continuer à jouer un rôle important dans ce domaine. Le Traité constitutionnel actuellement débattu au sein de la Convention européenne devrait inclure cette voie de recours pour les citoyens dont les droits n'ont pas correctement ou pleinement été appliqués.
Confiance renforcée
Tous les citoyens européens veulent une administration ouverte, responsable et au service du citoyen. L'administration européenne s'y emploie et le bureau du Médiateur européen n'est pas étranger à cette réforme. Il reste néanmoins beaucoup à faire. Pour que l'Union européenne gagne la confiance de ses citoyens, elle doit agir de manière la plus transparente et efficace possible. Le droit communautaire doit être respecté et appliqué correctement. L'Union et les citoyens en seraient assurément les grands gagnants.
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