Message de l’Ambassadeur
S.E.M. Alexandre Avdeev,
Ambassadeur de la Fédération de Russie en France
Je me félicite de la parution de ce numéro spécial de La Lettre Diplomatique entièrement consacré à la Russie et j’en remercie la rédaction ainsi que tous ceux qui ont contribué à cette publication. Je leur en suis reconnaissant pour la possibilité qui m’est ainsi offerte de m’adresser à tous les lecteurs de ce magazine. J’y vois en fait une preuve supplémentaire de l’attention que la France attache au rôle que joue dans ce monde en mutation notre pays, devenu désormais un partenaire incontournable dans les affaires européennes et mondiales, mais aussi un partenaire de premier ordre pour la France sur le plan bilatéral.
Je m’en réjouis d’autant plus que le rôle du tandem russo-français dans le monde actuel tend à s’accroître et ce pour de multiples raisons, qu’elles soient historiques, politiques, économiques ou culturelles. Je peux d’ailleurs en parler en toute connaissance de cause, car j’éprouve pour la France une très grande affection.
Entre la Russie et la France, une longue histoire s’est tissée qui, malgré les rivalités, voire les confrontations passagères, est toujours restée une histoire d’amour et de respect mutuel. Pour un Russe, il est quasiment inimaginable de ne pas aimer la France, car cet amour, cette affinité spirituelle sont inscrits dans ses gènes depuis des siècles. L’esprit de la France, de son histoire et de sa culture ont pénétré dans la chaire et le sang de nombre de mes compatriotes, notamment au travers des aventures des Trois Mousquetaires et des héros de Jules Verne, ceux de Louis Boussenard, de Théophile Gautier, d’Edmond Rostand, de Victor Hugo, d’Emile Zola et bien d’autres encore.
En tant que diplomate professionnel, j’ai moi-même eu pour manuels d’étude les œuvres d’historiens, les mémoires des ministres et diplomates français, dont les pensées et les réflexions m’ont, dans une large mesure, aidé à percer les secrets du métier. Car il serait difficile de trouver un autre pays dont les relations diplomatiques avec la Russie soient aussi denses et aussi intéressantes. Si l’on considère l’histoire de la diplomatie russo-française des trois derniers siècles, on y trouvera toutes les qualités qui font l’excellence de la diplomatie – le plus haut degré de professionnalisme des deux côtés, l’intensité du jeu politique dont la mise fut bien souvent l’avenir de notre continent, mais aussi la plus grande estime mutuelle qui n’a jamais fait défaut, même lorsque nos deux pays furent en guerre.
Aujourd’hui, je suis à la fois fier et heureux d’être ambassadeur en France, de pouvoir ainsi contribuer à inscrire quelques modestes paragraphes dans l’histoire de nos relations qui prennent, ces derniers temps, autant de vitesse que d’ampleur.
La récente visite à Moscou du Président Nicolas Sarkozy a permis non seulement de comparer nos positions et de « synchroniser nos montres » sur plusieurs questions brûlantes de la politique internationale, mais aussi et surtout de mieux définir l’ordre du jour du prochain séminaire intergouvernemental qui doit se tenir dans les jours qui viennent à Paris, sous la présidence des chefs de gouvernement de nos pays, et auquel les deux parties attachent beaucoup d’importance et d’espoirs. Malgré la croissance constante de nos échanges économiques et l’évolution positive de leur structure, il reste évident que nous pourrions faire beaucoup mieux. Ce dont témoigne d’ailleurs le nombre impressionnant de dossiers portés à l’ordre du jour de ce séminaire.
Nous espérons que cette rencontre intergouvernementale saura donner une impulsion positive à la coopération bilatérale et répondre aux attentes des hommes d’affaires français et russes, tout en assurant un cadre officiel à leur coopération. Ce soutien politique est surtout nécessaire à la réalisation de projets d’envergure qui se développent aujourd’hui dans les domaines du transport, des infrastructures et des communications, de l’aviation et de l’exploration de l’espace, de l’énergie et de l’industrie nucléaire. Sans vouloir trop m’étendre, j’en citerais pourtant quelques-uns parmi de nombreux partenariats, comme la construction de l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg, la coopération entre la SNCF et les chemins de fer russes, celle d’EADS avec OAC, le moyen-courrier commun Superjet-100, Soyouz à Kourou, sans compter la production en Russie d’automobiles françaises, ou encore la coopération de Gazprom avec GDF et Total.
Fort de leur potentiel économique, intellectuel et industriel, ainsi que d’une longue tradition de coopération fructueuse, la Russie et la France ont tous les atouts pour devenir, s’ils ne le sont pas déjà, le modèle de la coopération européenne.
A cet égard, il paraît opportun d’évoquer le dernier sommet Russie-Union européenne lequel, bien que n’ayant pas marqué de percée majeure pour les relations entre la Russie et l’Europe, a néanmoins permis d’avancer sur les quatre espaces communs, ainsi que de faire quelque pas supplémentaires vers la suppression du régime des visas pour nos citoyens. Un autre bilan important de ce sommet est l’initiative formulée par le Président Vladimir Poutine de créer ensemble l’Institut européen de la Liberté et de la Démocratie. Une nouvelle ONG internationale qui contribuerait au développement des échanges entre les sociétés civiles et veillerait au respect des libertés démocratiques sur notre continent. Si cette idée prend forme, il faudra réfléchir à quel pays pourrait en accueillir le siège. Je suis convaincu que la France, connue pour être la patrie des droits de l’homme, pourrait être le meilleur choix.
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