Une stratégie de développement renouvelée
Cinquante ans après son indépendance, la Malaisie se fixe pour objectif de rejoindre le groupe des pays développés d’ici 2020. Au-delà des atouts qu’elle possède pour relever les nouveaux défis géo-politiques de l’Asie du Sud-Est, le Ministre des Affaires étrangères de Malaisie, S.E. Dato’ Seri Syed Hamid Albar, analyse pour nous le potentiel d’approfondissement de la coopération franco-malaisienne 50 ans après l’établissement des relations entre les deux pays.
La Lettre Diplomatique : Monsieur le Ministre, la Malaisie célèbre le 31 août prochain le cinquantième anniversaire de son indépendance. De nombreuses manifestations seront organisées à cette occasion tout au long de l’année. Quels seront, de votre point de vue, les plus marquantes ? Au-delà, quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par la société malaisienne depuis 1957 ?
S.E. Dato’ Seri Syed Hamid Albar : De nombreuses manifestations culturelles ou sociales sont en effet prévues à cette occasion. Elles ponctueront cet événement et ne manqueront pas d’enthousiasmer tous les Malaisiens. Le point culminant se déroulera bien entendu le 31 août 2007. Il m’est difficile de choisir une manifestation en particulier parmi toutes les autres car la principale raison pour laquelle nous organisons ces événements est de réunir les Malaisiens afin qu’ils comprennent et ressentent réellement ce qu’être indépendant signifie. Le pays a changé de multiples manières depuis son accession à l’indépendance en 1957.
L’origine ethnique et la religion n’influencent plus la manière dont un Malaisien perçoit son concitoyen. Nous avons appris à vivre ensemble et à partager ce que nous avons, avec comme but commun la prospérité de notre pays.
Le racisme et la ségrégation appartiennent au passé, bien que parfois certains individus soulèvent ces problèmes à des fins personnelles. Le chemin a été quelquefois difficile mais nous sommes fiers de dire que nous avons réussi à surmonter ces défis. Nous sommes déterminés à devenir un pays développé d’ici à 2020. Economiquement, la Malaisie s’est considérablement développée. Pour la première fois depuis son indépendance, le commerce extérieur du pays a passé la barre des 100 milliards de ringgits malaisiens et les investissements directs étrangers sont également en hausse.
L.L.D. : Le Premier ministre Abdullah Badawi a succédé le 31 octobre 2003 au Dr Mohamad Mahathir, chef du gouvernement malaisien durant vingt-deux ans. Comment analysez-vous la transition entre les deux premiers ministres ? Quel bilan pouvez-vous dresser des réformes engagées par le Premier Ministre Abdullah Badawi pour renforcer la bonne gouvernance et les principes démocratiques, notamment en matière de liberté de la presse et d’indépendance de la justice ?
S.E.D.S.S.H.A. : Comme les périodes de transition précédentes, la transition entre les deux premiers ministres s’est faite en douceur car l’actuel Premier ministre était dèjà un membre éminent du gouvernement et du parti au pouvoir. Comme dans tout leadership, il y a eu de la continuité et du changement, tandis que la mission nationale est restée la même.
Concernant la liberté de la presse et l’indépendance de la justice, elles font partie intégrante de la Constitution fédérale, qui est la loi suprême du pays. Toutes les lois et les réglementations qui ont été adoptées ont pour but de protéger la sécurité nationale et l’ordre public.
Les médias sont libres de publier les informations et les articles qu’ils désirent tout en respectant les lois régulant ce secteur comme dans les autres pays. Ils sont libres d’exprimer leurs idées et leurs opinions sur n’importe quel sujet. En Malaisie, les rédacteurs connaissent généralement les sujets sensibles et incendiaires, et par conséquent font preuve de responsabilité.
Concernant l’indépendance de la justice, l’article 121 de la Constitution garantit une justice indépendante. Les procès sont publics ; les juges peuvent néanmoins ordonner un huis clos. Les défendeurs ont le droit à un avocat, une caution est habituellement disponible, et des règles strictes à l’utilisation de preuves sont appliquées à la Cour. Ils leur est également possible de recourir à une agence d’investigation avant le procès. La Constitution prévoit aussi différents garde-fous afin de permettre aux juges d’exercer leur devoir sans peur et en toute impartialité, et de ne pas être contrôlés et dirigés par le pouvoir législatif ou l’exécutif. Le Premier ministre est profondément attaché à la transparence et à la bonne gouvernance.
L.L.D. : Après avoir rapidement surmonté l’impact de la crise financière de 1997-1998, l’économie malaisienne a retrouvé un taux de croissance soutenu. Comment décririez-vous la politique économique du gouvernement malaisien et les principales orientations du IXème Plan adopté en avril 2006 ?
S.E.D.S.S.H.A. : La plupart des monnaies régionales, notamment le ringgit malaisien, ont été sévèrement touchées par la crise financière de 1997-98. La forte augmentation de la volatilité des taux de change qui s’en est suivie, ainsi que celle des bourses et des taux d’intérêt ont poussé le gouvernement à imposer des contrôles des capitaux et à arrimer le ringgit au dollar américain pour stabiliser les marchés financiers. Les contrôles des capitaux couplés à l’arrimage de la monnaie ont aidé à stabiliser le ringgit et ont permis à la Malaisie de gagner une plus grande autonomie dans la conduite de sa politique monétaire. L’environnement stable qui résulta de ces mesures a permis au gouvernement de faire repartir l’économie et lui a donné l’élan nécessaire pour générer de la croissance. Suite au succès de ces politiques, nous avons supprimé les contrôles de capitaux et le taux de change fixe.
La croissance économique qui a suivi la crise a été honorable, avec une moyenne de 4,5% durant le VIIIème Plan malaisien (2001-2005). Elle résulte en grande partie du climat favorable à la croissance mis en place par le gouvernement qui a poursuivi un développement économique équitable. L’orientation politique du gouvernement est fondée sur le pragmatisme, la justice et la prudence.
Le IXème Plan malaisien est fondé sur les mêmes principes. C’est pourquoi les principales orientations de ce Plan ont été rédigées après de nombreuses consultations avec l’ensemble de la société, ainsi que le secteur privé et les investisseurs étrangers. L’objectif est de permettre à la Malaisie de rester un pays ouvert aux investissements étrangers, offrant aux entreprises l’opportunité de prospérer. Le gouvernement souhaite fortement améliorer son système de délivrance de permis et son efficacité en continuant de simplifier et de revoir la réglementation ainsi qu’en réduisant les délais bureaucratiques et la paperasse.
Concernant le budget et les dépenses du gouvernement dans le cadre du Plan, la priorité est d’améliorer les compétences, l’efficacité et la compétitivité afin de générer de la croissance. Le développement du capital humain, des infrastructures et des services publics ainsi que le développement régional sont nos principales priorités. De plus, le Plan continuera de mettre l’accent sur le règlement des déséquilibres sociaux-économiques pour garantir la justice sociale et pour permettre la répartition équitable des fruits du développement. Ceci est la raison pour laquelle les dotations budgétaires dans le cadre du IXème Plan resteront centrées sur le développement rural, la création d’emplois, l’accès au logement, la santé, la baisse des inégalités entre la ville et la campagne ainsi qu’entre les régions et la réduction des disparités des salaires et des richesses.
L.L.D. : En ouvrant davantage l’accès à la propriété pour les ressortissants d’autres pays, la Malaisie envoie un nouveau signal en faveur des investisseurs étrangers. Quelles autres mesures sont-elles prévues pour faciliter l’environnement des affaires et la compétitivité de l’économie malaisienne ? D’une manière générale, quels facteurs expliquent, selon vous, l’atonie persistante de l’investissement privé ?
S.E.D.S.S.H.A. : La Malaisie a toujours été ouverte aux investissements étrangers en créant les conditions favorables aux véritables investissements dans le but d’attirer des capitaux et des technologies dans le pays. Même pendant la crise financière asiatique de 1997-98, le Malaisie continuait d’attirer des investissements étrangers. Alors en pleine tourmente économique, la Malaisie souhaitait éviter les capitaux spéculatifs, c’est-à-dire ces investisseurs dont le but est de faire du profit rapidement avec aucune visée à long terme. Les vrais investisseurs et leurs investissements sont restés dans le pays et ont continué de croître.
Les investisseurs étrangers ont toujours pu investir en Malaisie et ce même avant l’indépendance. Nous l’avons toujours permis, et nous poursuivrons nos efforts pour attirer toujours plus d’investissements étrangers.
Les efforts de la Malaisie pour créer un climat des affaires favorable et durable ainsi que pour développer la compétitivité des produits malaisiens ou faits en Malaisie, sont coordonnés par diverses agences gouvernementales telles que le ministère du Commerce international et de l’Investissement, le Bureau de la planification économique du cabinet du Premier ministre et le ministère des Finances. Mon ministère joue son rôle en soutenant les mesures et les efforts qui sont actuellement entrepris, ainsi que ceux qui seront décidés à l’avenir.
Parmi les mesures et les initiatives lancées par le gouvernement pour améliorer l’environnement des affaires en Malaisie figurent :
– la mise en œuvre de nouvelles stratégies et l’amélioration des politiques existantes ;
– l’amélioration du système de livraison du gouvernement avec la mise sur pied par le Premier ministre d’une commission constituée de 23 membres chargée de réformer le système public de livraison ;
– une campagne marketing intensive présentant la Malaisie comme une destination d’investissement ;
– le ciblage des entreprises à fort potentiel en Malaisie et dans le monde ;
– la baisse de l’impôt sur les sociétés ;
– des dispositions incitatives personnalisées pour attirer des investissements de qualité. La mise en place d’un comité gouvernemental sur les investissements accélèrera le processus de prise de décision pour les projets de grande ampleur en mettant fin aux délais bureaucratiques.
Malgré la concurrence mondiale grandissante, la Malaisie continue d’attirer les investissements étrangers. Ceux qui ont été approuvés se sont élevés à 20,2 milliards de ringgits en 2006, contre 17,9 milliards de ringgits en 2005 et 13,1 milliards de ringgits en 2004. Les investissements nationaux ont représenté 25,8 milliards de ringgits en 2006, contre 13,1 milliards de ringgits en 2005.
Concernant le mécanisme d’application, la Malaisie a opté pour une approche flexible qui prend en compte le développement à long terme permettant ainsi d’effectuer, si nécessaire, des ajustements et des modifications répondant aux problèmes et aux défis internationaux qui pourraient apparaître pendant la phase d’application. Pour faciliter son application, un plan d’action a été établi. De plus, des contrôles et des évaluations constants seront entrepris.
L.L.D. : Selon un rapport de l’Institut statistique de l’UNESCO publié en septembre 2006, votre pays consacre une part plus grande de son budget à l’éducation que la plupart des pays de l’OCDE, notamment dans l’enseignement supérieur. Quels efforts doivent-ils être privilégiés pour continuer à réduire les inégalités socio-économiques ?
S.E.D.S.S.H.A. : Le fait que la Malaisie consacre une part plus grande de son budget à l’éducation que la plupart des pays développés, ou même des pays en développement, n’est pas un hasard. Au tout début du développement économique de la Malaisie, le gouvernement décida consciemment d’investir dans l’éducation, perçue comme le moteur de la croissance de la génération future et la clé de la mobilité sociale. Le plan était simple : il s’agissait de scolariser tous les enfants de Malaisie quel que soit leur orientation afin qu’ils soient mieux éduqués et mieux préparés à faire face aux défis de demain. En 2005, la Malaisie avait réussi à créer 17 universités publiques et de nombreuses universités privées et instituts d’enseignement supérieur. Ceci a permis à la Malaisie de se développer davantage et de s’orienter vers une économie fondée sur la connaissance.
L’accent mis sur l’enseignement supérieur a fait passer le pourcentage du nombre de travailleurs avec un niveau universitaire de 13,9% en 2000 à 20% en 2005, et ces chiffres augmentent constamment. Le développement du capital humain fait partie intégrante du plan de la Malaisie pour un meilleur futur. De plus, des initiatives telles que le Fonds pour l’enseignement supérieur ou le Fonds pour les étudiants défavorisés ont été mises en place pour permettre l’accès à l’éducation pour tous.
Malgré les efforts des 15 dernières années, il y a encore beaucoup de travail à faire pour résorber la fracture socio-économique, qui est un vestige de l’époque précédant l’indépendance. La pauvreté est en déclin grâce au nombre croissant d’enfants des campagnes accédant à l’enseignement supérieur. D’ici à 2020, la Malaisie espère éradiquer définitivement la grande pauvreté et élever le niveau de vie des minorités à Sabah et Sarawak ainsi que des ruraux en Malaisie péninsulaire.
Le gouvernement a également réduit les disparités de richesses entre les différentes ethnies malaisiennes, entre les régions les plus développées et celles qui le sont moins, et entre les communautés urbaines et les zones rurales. D’autre part, des efforts seront également entrepris dans le domaine du développement rural, de la formation professionnelle qui permettra à des travailleurs d’une industrie particulière d’être formés à d’autres professions, augmentant ainsi leur mobilité, et dans le domaine de la fracture numérique en garantissant la maîtrise des technologies de l’information pour tous.
L.L.D. : Premier producteur au monde d’huile de palme, la Malaisie entend prendre une place de premier plan sur le marché en plein essor des biocarburants. Quelles sont les capacités de votre pays pour s’imposer sur ce marché ? Plus largement, quelles opportunités offrent pour l’économie malaisienne le développement d’un puissant secteur des biotechnologies dans le sillage du pôle de compétitivité Bionexus que souhaite créer le gouvernement ?
S.E.D.S.S.H.A. : L’industrie des biocarburants est encore à un stade embryonnaire. Toutefois, nous croyons que cette industrie offrira des opportunités économiques au pays et constituera une manière douce de faire des économies d’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique mondial. Outre la préservation de l’environnement, les biocarburants améliorent l’efficacité énergétique puisque nous brûlerons moins de combustible fossile à l’origine des rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
La Malaisie a déjà approuvé un grand nombre de projets liés au biodiésel, ce qui élèvera la production totale à approximativement 10 millions de tonnes d’ici à 2010. Actuellement, seules cinq usines de biodiésel sont opérationnelles en Malaisie avec une production totale d’un peu moins de 400 000 tonnes. Le reste des projets est encore en phase de planification ou d’application.
Bionexus est un réseau de pôles d’excellence dans tout le pays réunissant des entreprises et des institutions. Il comprend le pôle d’excellence d’agro-biotechnologies, celui du génome et de la biologie moléculaire, et celui de la pharmaceutique et des nutraceutiques. Le secteur des biotechnologies devrait créer 280 000 emplois et représenter 5% du PIB malaisien. De plus, il est prévu qu’au cours des 15 prochaines années une centaine d’entreprises de biotechnologies sera créée en Malaisie, grâce aux 8 milliards de ringgits investis dans le cadre du Plan national pour la Biotechnologie.
L.L.D. : Le cinquantenaire de l’indépendance malaisienne coïncide avec l’élection d’un nouveau roi, S.M. Tuanku Mizan Zainal Abidin, couronné le 13 décembre 2006. En quoi ce système « original » favorise-t-il la cohésion de la nation ?
S.E.D.S.S.H.A. : La Malaisie possède un système unique de monarchie constitutionnelle : un Yang di-Pertuan Agong (le Souverain Suprême ou Roi) est élu Chef de l’Etat pour un mandat de cinq ans parmi les neuf souverains malais.
Les pouvoirs du Yang di-Pertuan Agong se divisent en trois catégories : il peut agir sur les conseils du Gouvernement du Premier ministre ou sur ceux d’autres institutions telles que le Conseil de l’Amnistie et le Conseil des Affaires religieuses. Il possède également des pouvoirs discrétionnaires tels que la nomination du Premier ministre, qui est le Chef du gouvernement. La monarchie reste un symbole national et un facteur d’unité pour tous les Malaisiens.
L.L.D. : Votre pays compte 26 millions d’habitants dont les Malais représentent plus de 55% de la population aux côtés des communautés chinoise et indienne. Au regard de l’accentuation des clivages ethniques ou religieux sur la scène politique malaisienne, comment évaluez-vous les effets des lois de discrimination positive en vigueur depuis 1970 ?
S.E.D.S.S.H.A. : Les Malais représentent 58% de la population et sont donc le groupe majoritaire en Malaisie. En 1970, avant le lancement de la Nouvelle politique économique, les « Bumiputera » (« les fils du sol », qui correspondent aux Malais mais aussi aux peuples indigènes de Malaisie) détenaient 2,4% de l’économie alors que les Chinois – 26% de la population – en possédaient 32,3%. Le reste – 63,3% – était aux mains des étrangers.
En 1970, le ratio de revenu entre les Bumiputera et les Chinois était de 1 sur 2,3, ce qui veut dire que les Chinois étaient 2,3 fois plus riches que les Bumiputera. Le ratio de revenu entre les Bumiputera et les Indiens était de 1 sur 1,8, ce qui montre que les Indiens jouissaient en moyenne d’un meilleur niveau de vie que les Bumiputera.
A la fin de la Nouvelle politique économique, la part de marché des Bumiputera avait atteint 19,3%, celle des Chinois s’était accrue également à 38,9% et celle des Indiens représentait 1,5%. Le ratio de revenu entre les Bumiputera et les Chinois s’était réduit à 1 sur 1,7, et celui entre les Bumiputera et les Indiens avait baissé à 1 sur 1,4.
L’objectif de la NPE était de promouvoir une croissance équitable en développant l’économie pour permettre au gouvernement de résorber les disparités économiques. Ceci a également été possible en réduisant les capitaux détenus par des entités étrangères (de 63,3% en 1970 à 25,4% en 1990), ce qui a davantage responsabilisé les Malaisiens quant à leur économie du fait de leur plus grande participation.
Bien que les progrès aient été importants, il faut encore appliquer des mesures appropriées pour faire en sorte que les grandes disparités soient atténuées afin de garantir l’unité nationale, fondement de la prospérité continue de la Malaisie.
L.L.D. : Pays multi-ethnique, la Malaisie n’échappe pas à la montée en puissance d’un islamisme radical en Asie du Sud-Est. Comment expliquez-vous ce phénomène qui contraste avec les traditions d’ouverture et de modération de l’islam dans la région ? Comment analysez-vous la surenchère politique du parti islamique malaisien, le PAS, qui souhaite généraliser l’application de la Charia ?
S.E.D.S.S.H.A. : Premièrement, je souhaiterais clarifier un point : la Malaisie n’a aucun problème d’islamisme.
Deuxièmement, nous devons nous attaquer aux causes de l’extrémisme. Un extrémiste est un individu qui veut un changement radical des institutions existantes parce qu’il les jugent injustes.
Certains musulmans dans la région pensent que de grandes injustices ont été perpétrées à l’égard de leurs coreligionnaires au Moyen-Orient, particulièrement l’oppression exercée par les Israéliens sur les Palestiniens. Le sous-développement et la pauvreté sont les autres causes du radicalisme.
Si nous ne nous occupons pas de la radicalisation, cela entraînera des actes terroristes et de la violence. Par conséquent, nous devons examiner et analyser objectivement la situation actuelle d’une manière globale et holistique.
L’idée du parti d’opposition PAS d’instaurer la Charia n’est qu’un stratagème politique. La majorité des Malaisiens ne partage pas cette idée et n’a aucune envie d’imposer la loi islamique.
L.L.D. : Situé au carrefour de la région, la Malaisie se veut au cœur de l’architecture de sécurité régionale, à l’image du Centre régional de lutte antiterroriste qu’elle abrite à Kuala Lumpur. Quels progrès ces mesures ont-elles permis de réaliser pour faciliter le démantèlement des réseaux terroristes ? Quels nouveaux outils le pacte anti-terroriste scellé à l’issue du sommet de l’ASEAN de janvier dernier à Cebu introduit-il en terme de coopération régionale ?
S.E.D.S.S.H.A. : La manière de traiter le terrorisme est différente d’un pays à l’autre de la région. Néanmoins, la sécurité nationale est du ressort de chaque Etat individuellement. Dans ce contexte, les nations doivent comprendre et prendre les mesures nécessaires pour élaborer leur propre stratégie afin d’empêcher et contrecarrer la menace terroriste dans leur propre pays. Si toutes les nations d’une région donnée acceptent cela, les efforts régionaux seront plus productifs. La Malaisie croit que cela devrait être ainsi, et c’est pourquoi elle a pris l’initiative de traiter les questions liées au terrorisme au niveau national à sa manière, pour contribuer à la sécurité régionale. Sur la base de notre expérience réussie dans le domaine de la lutte anti-terrorisme durant les périodes d’urgence – de 1948 à 1960 et de 1968 à 1989 – et ce grâce à une politique de ralliement des cœurs et des esprits, il nous semble impératif que les pays aient une compréhension claire de ce qu’est le terrorisme et de ses racines. Les efforts régionaux pour contrer et prévenir le terrorisme doivent également être fondés sur ce que les Etats nations sont prêts à faire dans leur propre pays.
Le démantèlement de réseaux terroristes implique des acteurs régionaux et internationaux. Au sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) en 2003 à Bangkok, les acteurs régionaux ont convenu « de démanteler entièrement et sans délai les groupes terroristes transnationaux ». La Malaise a constamment soutenu la lutte contre le terrorisme au niveau bilatéral, régional et international. Notre pays est par principe opposé à toutes formes de terrorisme et à ses manifestations. Elle ne tolère aucun groupe extrémiste tel que Jemaah Islamiyah et Al-Maunah. L’ASEAN a également joué un rôle éminent dans le combat contre le terrorisme régional. De plus, les échanges considérables de renseignements entre les polices nationales de la région ont nettement contribué à cette lutte.
La création du SEARCCT, une organisation entièrement financée par le Gouvernement malaisien, le 1er juillet 2003, a renforcé la paix régionale et la sécurité internationale par la coordination des moyens, la mise en place de formations et de programmes de sensibilisation du public à la lutte anti-terrorisme.
La Convention de l’ASEAN sur l’Anti-terrorisme (ACCT) est le premier instrument juridiquement contraignant dans le domaine du terrorisme. Il permet d’élargir et de renforcer le cadre de coopération entre les pays membres de l’ASEAN dans ce domaine et encourage, entre autres, un rapprochement entre la police et la justice. Cette Convention comprend également des dispositions sur le partage des meilleures pratiques de réinsertion des terroristes et une plus grande coopération dans le but de traiter les racines du terrorisme.
L.L.D. : Bordant le détroit de Malacca, zone stratégique du commerce maritime mondial, votre pays a mis en œuvre une étroite coopération avec l’Indonésie et Singapour pour lutter contre la piraterie. Demeurant ouverte à d’autres partenaires, cette coopération a-t-elle permis de renforcer la sécurisation du détroit ?
S.E.D.S.S.H.A. : La coopération entre la Malaisie, l’Indonésie et Singapour sur la sûreté maritime et la protection de l’environnement dans le détroit de Malacca a commencé en 1977 avec l’établissement d’un mécanisme tripartite. Ce mécanisme offre une base idéale pour les Etats côtiers pour discuter des problèmes liés à l’administration, la sûreté et la sécurité du détroit de Malacca et de Singapour. La Malaisie ainsi que d’autres Etats côtiers ont créé des initiatives telles que le Malacca Strait Coordinated Patrols (MALSINDO, des patrouilles conjointes) lancées en juin 2004 et le Eyes in the Sky (EiS, surveillance aérienne) lancée en septembre 2005. Voilà les quelques mesures prises pour améliorer la sécurité du détroit de Malacca.
Conformément à l’article 43 de la Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS, 1982), la Malaisie est ouverte à toute coopération visant à partager le fardeau avec les pays utilisateurs du détroit qui améliorerait la sûreté maritime et la protection de l’environnement marin.
La Malaisie, toutefois, n’accepterait pas d’inviter d’autres Etats que ceux du littoral à participer, sous quelque forme que ce soit, à des accords de sécurité couvrant la zone du détroit de Malacca et de Singapour.
L.L.D. : Quarante ans après la création de l’ASEAN, dont la Malaisie est un membre-fondateur, le sommet de Cebu a marqué la volonté de ses membres d’accélérer le processus d’intégration. Quelles avancées l’adoption d’une charte commune permettrait d’accomplir dans cette perspective ? L’introduction de mécanismes d’ingérence pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme dans la région traduit-elle l’ébauche d’une intégration politique ?
S.E.D.S.S.H.A. : Lors du 9ème Sommet de l’ASEAN qui s’est tenu en 2003 à Bali en Indonésie, les membres de l’ASEAN se sont mis d’accord pour créer une Communauté de l’ASEAN dont la construction reposera sur trois piliers: la Communauté de Sécurité de l’ASEAN, la Communauté Economique de l’ASEAN et la Communauté Socio-culturelle de l’ASEAN. Conformément au désir de réaliser cette Communauté, l’ASEAN qui a maintenant quarante ans, s’est lancée dans l’élaboration d’une Charte de l’ASEAN.
A cet égard, lors du 11ème Sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur en 2005, les dirigeants de l’ASEAN ont décidé de former un « Groupe de Personnalités éminentes » (EPG), visant à développer les éléments clés de la Charte. Le rapport de l’EPG sur la Charte de l’ASEAN a été présenté lors du Sommet de Cebu en début d’année. Il est actuellement examiné par les Ministres des Affaires étrangères et les responsables de l’ASEAN.
La Charte vise à pourvoir l’ASEAN d’un cadre régissant l’attitude à suivre par les membres de l’ASEAN au sein de l’organisation et à l’extérieur de celle-ci. L’accent sera mis sur la question de l’intégration au sein de l’ASEAN. L’ASEAN a tout intérêt à ce que tous ses membres soient forts et crédibles et qu’ils puissent bénéficier de l’intégration économique et de la cohésion politique régionales.
Je ne doute pas que l’ASEAN restera ouverte sur l’extérieur et continuera à faire respecter les valeurs universelles. Conformément à la « méthode ASEAN » d’aller de l’avant, tous les pays membres de l’ASEAN s’orienteront vers l’émancipation de leurs peuples, y compris dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie.
L.L.D. : Quel élan votre pays souhaite-t-il impulser à l’organisation, notamment dans son contexte d’élargissement aux partenaires chinois et indien ? Quelle analyse faites-vous des crises politiques qui se sont succédées aux Philippines et en Thaïlande ? Quels sont les axes de l’application de l’accord historique conclu à l’occasion de la visite du Premier ministre Abdullah Badawi à Bangkok, pour mettre fin au conflit qui oppose les communautés bouddhistes et musulmanes dans le Sud thaïlandais ?
S.E.D.S.S.H.A. : Membre fondateur de l’ASEAN, la Malaisie a toujours assumé un rôle clé afin de s’assurer que les efforts de coopération régionale déployés par l’ASEAN contribuent à un environnement positif et propice au développement, à la paix et la stabilité de la région. Dans ce contexte, la Malaisie a apporté son leadership au cours des années en permettant à l’ASEAN de remplir ses objectifs et grâce au soutien et à la coopération des autres pays membres de l’ASEAN, elle a fait de l’ASEAN une organisation régionale crédible et couronnée de succès. La Malaisie prévoit de jouer un rôle important en garantissant également que les intérêts et les besoins de l’ASEAN soient davantage promus et protégés particulièrement dans la région dont l’architecture est en pleine évolution.
Avec l’émergence de la Chine et l’Inde comme forces économiques majeures et puissances potentielles dans la région, la Malaisie considère que promouvoir et développer les relations de l’ASEAN avec ces deux pays sert les intérêts de l’organisation. L’ASEAN cherche à approfondir sa coopération avec la Chine ainsi que l’Inde afin de faire bénéficier les pays membres de l’ASEAN de leur force économique.
A cet égard, la Malaisie et l’ASEAN attachent une grande importance à la relation basée sur le dialogue avec la Chine et l’Inde qui sont des partenaires stratégiques de l’ASEAN. Ces deux pays peuvent jouer chacun un rôle en contribuant à promouvoir davantage la prospérité et préserver la paix et la stabilité dans la région.
La Malaisie ne considère pas les économies florissantes de la Chine et l’Inde comme une menace car leur richesse croissante offrira de meilleures opportunités commerciales et économiques à la Malaisie. Par exemple, cette richesse s’est traduite par une arrivée en Malaisie d’un plus grand nombre de touristes provenant de ces deux pays. Leur expansion économique soutenue devrait être de bon augure pour la Malaisie et l’ASEAN dans son ensemble.
La Malaisie souhaiterait voir la coopération entre l’ASEAN, la Chine et l’Inde se renforcer davantage à travers les mécanismes de l’ASEAN. Le soutien et la coopération de ces deux pays, en particulier dans le cadre des efforts d’intégration de l’ASEAN, ainsi que la réduction des disparités de développement aideront l’ASEAN à réaliser une Communauté de l’ASEAN unie, stable, progressiste et prospère.
De plus, à travers le processus de coopération de l’ « ASEAN Plus Trois » dont la Chine fait partie, la Malaisie et l’ASEAN souhaitent continuer à diriger l’ASEAN comme moteur de la réalisation d’une Communauté d’Asie orientale. Dans un contexte plus large, celui du Forum régional de l’ASEAN et du Sommet de l’Asie orientale, dont la Chine et l’Inde font également partie, la Malaisie pense que l’ASEAN tirera les bénéfices de sa politique d’engagement positif. Par exemple, ces tribunes offriront la garantie que l’architecture régionale en pleine évolution établisse un climat de confiance et entraîne paix, stabilité et progrès dans la région. A cet égard, l’ASEAN doit garder une vision ouverte et globale.
En réponse à la deuxième question, la Malaisie, en tant que proche voisin, considère la Thaïlande et les Philippines comme des pays importants de la région. Des instabilités prolongées dans ces pays pourraient avoir une influence sur l’économie et la sécurité des pays voisins et de la région du Sud-Est asiatique dans son ensemble.
La Malaisie espère que de plus grands progrès seront réalisés pour parvenir à la paix et la stabilité. Notre pays espère également que les crises politiques en Thaïlande et aux Philippines se résoudront à l’amiable et démocratiquement dans l’intérêt des peuples des deux pays. Une région stable et pacifique est une condition nécessaire à un développement économique positif de la région.
En ce qui concerne Mindanao, la Malaisie poursuit son engagement dans le processus de paix et espère qu’une solution à l’amiable sera bientôt trouvée pour mettre fin au conflit. La Malaisie reste également engagée pour assurer une paix durable à Mindanao.
A la demande du Gouvernement des Philippines, la Malaisie a joué le rôle de médiateur dans les négociations exploratoires entre le Gouvernement des Philippines (GRP) et le Front de libération islamique Moro (MILF), un processus visant à ouvrir la voie à la signature d’un Accord de paix final. La Malaisie conduit depuis le 12 octobre 2004 une Equipe internationale de surveillance (IMT) à Mindanao, chargée de contrôler le respect de l’accord de cessez-le-feu entre le GRP et le MILF.
La Malaisie soutient fermement les efforts déployés par la Thaïlande pour rétablir la paix dans le sud du pays par des moyens pacifiques. La Malaisie appelle de ses vœux stabilité et paix dans le sud de la Thaïlande. La Malaisie est disposée à aider la Thaïlande si celle-ci en fait la demande. Les deux pays peuvent travailler ensemble à l’amélioration de l’environnement économique des habitants de la région frontalière commune. La Malaisie est certaine que le gouvernement intérimaire thaïlandais est sincère et déterminé à résoudre le conflit dans cette zone.
Les liens d’amitié et l’étroite coopération entre les deux pays et leurs dirigeants sont importants pour que la Thaïlande réussisse à faire face à divers problèmes tels que la répression de l’insurrection, le rétablissement de la paix, de la stabilité et de l’Etat de droit. Ces questions constituent des éléments essentiels pour la promotion de la croissance et du développement. La solution pour remplir ces objectifs réside dans la persévérance, la créativité et l’ingéniosité de la Thaïlande.
L.L.D. : La création d’un « couloir d’or » ferroviaire entre Singapour et la province chinoise du Yunan témoigne du changement des rapports entre Pékin et l’Asie du Sud-Est. Comment se traduit ce rapprochement dans les relations entre la Malaisie et la Chine ?
S.E.D.S.S.H.A. : Le couloir ferroviaire Trans-Asie, connu également sous le nom de Ligne Ferroviaire Singapour-Kunming (SKRL), est un projet ferroviaire qui partira de la capitale provinciale Kunming, traversera le Laos, le Myanmar, la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge et la Malaisie avant d’arriver à Singapour. La construction de la ligne ferroviaire rapprochera la Chine des pays membres de l’ASEAN.
L’idée du couloir ferroviaire Trans-Asie fut lancée par l’ancien Premier ministre de Malaisie Tun Dr. Mahathir à l’occasion du 5ème sommet de l’ASEAN qui s’est tenu à Bangkok en décembre 1995. Le projet doit se terminer en 2015. Une fois réalisé, il permettra de répondre à une demande de transport résultant de l’essor des échanges commerciaux entre la Chine et les pays de l’ASEAN. Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et les pays de l’ASEAN a atteint 130 milliards de dollars en 2005, soit 16 fois plus qu’en 1991 quand il représentait 8 milliards de dollars.
La Malaisie en tant que présidente du Groupe de travail spécial sur le projet SKRL se réjouit de sa réalisation car il profitera non seulement à la Malaisie mais également aux autres pays membres de l’ASEAN. A cet égard, la Malaisie a fait don, pour la construction d’une liaison ferroviaire entre Poipet et Sisophon au Cambodge, de rails déjà utilisés dans le projet de ligne à double voie entre Rawang et Ipoh. Les 104 km de rails ont été expédiés par bateau en six voyages et remis officiellement au Cambodge le 9 janvier 2007.
La Malaisie entretient d’excellentes relations avec la Chine. Avec un montant total d’échanges commerciaux entre la Malaisie et la Chine évalué à 20,5 milliards de dollars entre janvier et septembre 2006, la Malaisie est le deuxième plus grand partenaire commercial de la Chine parmi les pays de l’ASEAN après Singapour.
Des efforts seront sans cesse déployés afin de continuer à développer et renforcer la coopération commerciale et économique avec la RPC (République Populaire de Chine) dans l’avenir, en s’adaptant et relevant les défis posés par une économie mondiale et régionale en rapide évolution.
L.L.D. : En assurant la présidence du Mouvement des Non-Alignés et de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) entre 2003 et 2006, le Premier ministre Abdullah Badawi s’est trouvé au premier plan du débat sur les relations Nord-Sud. Quelle est la vision malaisienne du processus de mondialisation et, a contrario, de l’idée de « choc des civilisations » qui opposerait Occident et monde musulman ?
S.E.D.S.S.H.A. : La mondialisation s’accompagne d’opportunités mais aussi de défis. La Malaisie a bénéficié de la libéralisation commerciale et des investissements directs étrangers.
Cependant nous avons subi les effets négatifs de la mondialisation effrénée, par exemple pendant la crise financière asiatique et quand les prix du pétrole ont doublé. Nous estimons que la mondialisation doit être gérée pour qu’elle profite à toute l’humanité. Elle ne devrait pas en enrichir quelques-uns et appauvrir le reste de l’humanité.
Un ordre mondial durable et plus équitable est nécessaire pour atténuer les excès du marché et la marginalisation de certains pays. Nous devons tous renforcer le multilatéralisme tel que formulé par les Nations unies et le droit international.
Quant à la question du « choc des civilisations », je crois que l’Occident et le monde musulman ont beaucoup de choses en commun s’agissant de religion, de valeurs et de culture mais aussi de par leur adhésion aux mêmes principes de droit international tels qu’ils figurent au sein de la Charte des Nations unies. Il existe tellement de questions sur lesquelles l’Occident et le monde musulman font cause commune comme la lutte contre la pauvreté et le combat mené pour améliorer la condition humaine et la dignité à travers le monde.
Le principal défi que nous devons relever dans un monde en profonde mutation est la construction d’un ordre mondial juste qui fasse respecter les lois internationales, maintienne la paix internationale et la sécurité en contenant les forts et protégeant les pauvres.
Nous ne considérons pas les tensions actuelles comme un conflit entre cultures, religions ou civilisations. Il s’agit plutôt essentiellement d’une confrontation entre la quête et l’accroissement du pouvoir, et l’opposition qui en résulte ; entre le désir de dominer et d’imposer sa volonté, et la résistance qui lui est faite ; entre l’usurpation de terres et de ressources, et du combat contre celle-ci ; et entre le massacre absurde d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, et le sentiment d’extrême indignation qu’il fait naître.
L.L.D. : Des contingents malaisiens participent à la Force de maintien de la paix des Nations unies au Liban (FINUL). Comment la communauté internationale peut-elle être, selon vous, rassemblée pour stabiliser durablement le Proche-Orient ?
S.E.D.S.S.H.A. : L’engagement de la Malaisie dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies est le résultat d’un soutien sans équivoque au rôle central joué par les Nations unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales ainsi que dans la défense d’un ordre économique et politique international plus équitable. La participation de la Malaisie à la FINUL est l’expression d’une telle conviction.
Le 16 février 2007, 12 429 personnels militaires étaient engagés dans la FINUL, mission à laquelle la Malaisie contribuait à hauteur de 363 hommes.
La Malaisie pense qu’un environnement social, économique et politique stable et pacifique au Moyen-Orient contribuera à la sécurité et la stabilité de la région. A cet égard, il est important que la communauté internationale agisse de façon sincère et impartiale, et fasse preuve d’une même fermeté à l’égard des deux camps en présence. De même, il est tout aussi important que les autres problèmes au Moyen Orient – par exemple l’état des relations entre les Etats-Unis et l’Iran, la situation en Irak, le problème irrésolu des frontières entre la Syrie et Israël, et la situation au Liban – soient résolus de façon pacifique et à l’amiable. De plus, la Malaisie pense que le conflit israélo-palestinien demeure le problème principal et qu’il doit être résolu aussi rapidement que possible afin de permettre la stabilité au Moyen-Orient. Par conséquent, une adhésion stricte aux diverses résolutions de l’ONU est capitale en vue de réaliser l’objectif de créer un Moyen-Orient stable.
L.L.D. : En dépit des tensions que connaissent parfois les deux pays, la Malaisie entretient des relations étroites avec les Etats-Unis qui devraient se traduire par un accord de libre-échange. Quels obstacles entravent encore la conclusion de cet accord ?
S.E.D.S.S.H.A. : Les Etats-Unis sont le plus gros partenaire commercial de la Malaisie et la Malaisie est le dixième partenaire commercial des Etats-Unis. Le montant de nos échanges commerciaux bilatéraux, entre janvier et novembre 2006 s’est élevé à 45,71 milliards de dollars avec des exportations se chiffrant à 28,9 milliards de dollars et des importations à 15,9 milliards de dollars. La Malaisie a réalisé un excédent commercial de 12,92 milliards de dollars. Sur cette même période, les multinationales américaines ont investi au total 563 millions de dollars dans 34 projets. De leur côté, les investissements malaisiens aux Etats-Unis au cours de la période 2005-2006 ont représenté 323,8 millions de dollars.
Les Etats-Unis sont de ce fait notre plus important partenaire commercial. La relation entre la Malaisie et les Etats-Unis est mature et complète. Cependant, je ne souhaite pas utiliser le mot tensions dans nos relations. Il peut y avoir, çà et là, quelques anicroches qui sont normales dans le cadre de relations matures et proches. La Malaisie a soutenu la voix de la modération et s’est jointe au reste de la communauté internationale dans sa quête de la paix et de la justice dans le monde.
Des négociations sont en cours entre la Malaisie et les Etats-Unis en vue de conclure un accord de libre-échange appelé MUSFTA (Malaysia-US Free Trade Agreement). Nous avons d’ores et déjà conclu 5 cycles de négociations. Nous avons avancé dans certains domaines et dans d’autres nous devons trouvé une convergence d’intérêts. Nous poursuivrons le dialogue dans le cadre de nos efforts visant à trouver un accord qui soit avantageux pour les deux parties.
L.L.D. : Précédant l’Union européenne, la France est devenu le 14 janvier dernier le premier pays européen a conclure un traité d’amitié et de coopération avec l’ASEAN. Au-delà de son aspect symbolique, quelle volonté traduit, selon vous, cet engagement ? Quels sont les domaines prioritaires des négociations entre Kuala Lumpur et Bruxelles en vue d’établir un partenariat élargi ?
S.E.D.S.S.H.A. : Nous souhaitons que le plus grand nombre possible de pays en dehors de l’Asie du Sud-Est adhèrent au Traité d’Amitié et de Coopération (TAC). Aussi depuis 1987, l’ASEAN encourage les pays ne faisant pas partie du Sud-Est asiatique à adhérer au TAC car l’ASEAN considère ce traité comme un instrument diplomatique pouvant aider à renforcer la paix et la sécurité dans la région. Il ne s’agit pas seulement d’une forme de traité de non-agression. Il sert également d’entité légale régissant les relations entre Etats sur la base de principes fondamentaux, entre autres la non-ingérence dans les affaires intérieures de chacun. De plus il favorise une réelle coopération entre les Etats.
Avec l’adhésion de la France, en tant qu’Etat membre individuel de l’UE, au TAC, nous espérons que d’autres Etats membres de l’UE feront de même car leur adhésion renforcera notre détermination à faire valoir et approfondir la paix, la sécurité et la stabilité dans cette région. Je suis persuadé que la récente adhésion de la France au TAC renforcera davantage les relations entre l’ASEAN et la France.
L.L.D. : 2007 marque également le cinquantième anniversaire des relations diplomatiques franco-malaisiennes. Comment définiriez-vous l’essence du partenariat entre les deux pays ? Dans quels domaines peut-il être intensifié ? Plus particulièrement, de nouvelles initiatives sont-elles envisagées en matière de coopération militaire ?
S.E.D.S.S.H.A. : Les relations diplomatiques entre la Malaise et la France ont été établies en 1957 et j’ai le plaisir de dire que les deux pays commémorent cette année le 50ème anniversaire de leurs relations diplomatiques. L’année 2007 marque également le 50ème anniversaire de l’indépendance de la Malaisie. Différentes manifestations ont été programmées pour célébrer cet événement majeur. Le programme d’activités proposé prévoit un échange de visites de haut niveau ainsi qu’une série de manifestations pour le peuple comme des expositions culturelles et une grande célébration de la fête nationale.
Les relations bilatérales entre les deux pays sont globalement excellentes et cordiales mais nous pouvons faire davantage d’efforts pour les rendre plus complètes. Les efforts visant à améliorer davantage les relations entre les deux pays se sont notamment appuyés sur les rapports personnels étroits qu’ont entretenus le Premier ministre Dato’ Seri Abdullah Hj. Ahmad Badawi et l’ancien Président français Jacques Chirac.
Invité par le Président Jacques Chirac, le Premier ministre malaisien a ainsi participé, en tant que conférencier, à la Conférence internationale sur la Biodiversité qui s’est tenue à Paris les 23 et 24 janvier 2005.
Le Premier ministre de Malaisie s’est également rendu en France pour une visite officielle du 20 au 22 juillet 2004 sur l’invitation du Président français. Cette visite était aussi la première visite officielle en Europe du Premier ministre malaisien depuis sa prise de fonction en octobre 2003. S.A.R. le Yang di-Pertuan Agong XII a effectué une visite de travail en France du 8 au 12 mai 2004. Le Vice-Premier ministre de Malaisie est venu en France du 9 au 13 juin 2005 participer au Salon du Bourget auquel il avait été invité par l’ancienne Ministre française de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie. Le Président du Sénat français, M. Christian Poncelet, s’est pour sa part rendu en Malaisie du 18 au 20 mars 2007 où il a participé à l’ouverture de la session parlementaire malaisienne.
La coopération dans le domaine de la défense constitue l’un des piliers de la coopération bilatérale qui a rapproché les deux pays. Une réunion de Coopération bilatérale dans le domaine de la Défense est organisée tous les ans pour discuter entre autres de coopération militaire en termes d’échange et de formation d’officiers et d’hommes des deux forces armées, de la possibilité de transferts de technologie profitant aux deux pays, d’une éventuelle coopération dans le domaine de l’enseignement supérieur en vue de faire venir des officiers malaisiens dans les universités françaises et d’une plus grande coopération technique entre les deux marines. En matière d’acquisition de matériel militaire, plusieurs protocoles d’accords ont été signés avec la France pour l’achat d’équipement militaire lors du salon aéronautique Lima 2005.
En janvier 2006, 289 étudiants malaisiens parrainés par JPA, MARA, le Ministère de l’Education de Malaisie, Telekom Malaysia Berhad et des entreprises privées suivaient divers cursus techniques dans des universités françaises. Les étudiants malaisiens sont d’ailleurs assez dispersés en France. Un grand nombre d’entre eux étudie à Nice, La Rochelle, Colmar, Angoulême, Tours et Paris. La France est considérée comme un nouveau pôle d’excellence pour les étudiants malaisiens dans la perspective de satisfaire les besoins de développement des ressources humaines de la Malaisie.
La proposition de créer l’Université Malaisie-France (MFU) faite par l’ancien Premier ministre Tun Dr. Mahathir lors de la visite en Malaisie de l’ancien Président français en juillet 2003, a été examinée et débattue par les deux parties. Celles-ci ont convenu qu’elles créeraient d’abord le Centre Universitaire Malaisie-France (MFUC) visant à promouvoir la coopération dans le domaine éducatif, avant d’établir l’Université Malaisie-France dans un proche avenir. Le MFUC, basé au sein de l’UniKL (Université de Kuala Lumpur – Institut français de Kuala Lumpur), à Kuala Lumpur, a été inauguré officiellement le 27 avril 2006. Son but est de devenir le pôle d’excellence pour la promotion de la coopération dans le domaine éducatif entre la Malaisie et la France en créant de nouvelles coopérations ainsi qu’en renforçant les partenariats existant entre établissements d’enseignement supérieur des deux pays.
En 2006, 49 378 touristes français se sont rendus en Malaisie. Ce chiffre montre une encourageante augmentation de 18% par rapport aux 40 473 arrivées de touristes français en 2005. Tourism Malaysia a déployé des efforts importants pour sensibiliser la communauté française à la Malaisie à travers sa participation à divers salons promotionnels, des spectacles culturels et des voyages en Malaisie organisés conjointement avec la compagnie aérienne MAS et la publication de suppléments sur la Malaisie dans la presse régionale française.
A cet égard, la Malaise souhaite encourager davantage de touristes français à profiter de la campagne de promotion touristique VMY 2007. La compagnie aérienne MAS propose actuellement des vols quotidiens entre Kuala Lumpur et Paris. Nous souhaitons voir un plus grand nombre de vols et de liaisons entre les deux pays.
La Malaisie et la France partagent les mêmes visions sur plusieurs questions internationales d’intérêt commun. La position influente et de premier plan de la France au sein du G8 et de l’UE ainsi que sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies lui confèrent une influence considérable l’aidant à faire progresser les intérêts et causes des pays en développement comme la Malaisie sur la scène internationale.
L.L.D. : La Malaisie est le deuxième partenaire commercial de la France au sein de l’ASEAN et son premier fournisseur en Asie du Sud-Est. Quelles mesures sont-elles susceptibles de donner un nouvel élan aux échanges entre les deux pays ? Dans quels secteurs d’activités la Malaisie peut-elle offrir des opportunités d’investissement aux entreprises françaises, notamment aux PME-PMI ? Quel rôle joue, sur ce plan, la coopération décentralisée ?
S.E.D.S.S.H.A. : Les échanges commerciaux bilatéraux entre la Malaisie et la France ont invariablement suivi une tendance à la hausse bien qu’ils aient affichés une légère baisse en 2005 avec 12,57 milliards de ringgit contre 12,62 milliards en 2004. En 2005, les exportations de la Malaisie ont atteint 6,91 milliards de ringgits et ses exportations 5,66 milliards, avec une balance commerciale en faveur de la Malaisie s’élevant à 1,25 milliards de ringgits. De janvier à décembre 2006, les échanges commerciaux ont représenté un total de 15,6 milliards de ringgits.
Les exportations malaisiennes vers la France sont principalement composées de biens électriques et électroniques, de produits en caoutchouc, de textiles et de vêtements ainsi que d’équipement optique et scientifique. De la France, la Malaisie importe surtout des biens électriques et électroniques, des produits chimiques, des machines-outils, des appareils, pièces et produits manufacturés en métal.
Les investissements français en Malaisie se concentrent sur l’industrie électrique et électronique, les produits en caoutchouc, le pétrole et le charbon, les produits plastiques et l’agroalimentaire. Entre 2001 et juillet 2006, la Malaisie a approuvé 41 projets industriels français qui se sont traduits par 440,58 millions de ringgits d’investissements. Les investissements dans l’industrie chimique constituent la plus grande part (26%) des investissements français totaux en Malaisie. Ils sont suivis des investissements dans les machines-outils (17%), les biens électroniques et électriques (12%), l’agroalimentaire (12%) et les produits textiles (10%).
Parmi les sociétés françaises bien implantées en Malaisie où elles ont des usines figurent Danone, Lafarge, Sapura-Thompson Radio Communica-tions Sdn Bhd, Eurocopter Malaysia Sdn Bhd, ST Microelectronics, Mapa Hutchinson Baltex, Alcatel Network System (M) Sdn Bhd, Sidel, Total, Thales International, Carrefour, Peugeot, Citroën, Christian Dior, Louis Vuitton et YSL.
La Malaisie souhaite encourager un plus grand volume d’échanges commerciaux et d’investissements entre les deux pays. A cet égard, la Malaisie incite le secteur privé français et particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficiant de technologies avancées à implanter des usines en Malaisie. La France possède un grand savoir-faire dans le domaine des biotechnologies tandis que la Malaisie est dotée de grandes ressources du fait de sa méga-biodiversité. La France est l’un des rares pays tempérés compétents dans le domaine des sciences tropicales grâce à ses vastes territoires d’outre-mer. La Malaisie invite les scientifiques et investisseurs français à participer au projet « Bio-Valley », une zone dédiée aux industries de la biotechnologie située dans le Multimedia Super Corridor (MSC). La Malaisie encourage donc les investisseurs français à continuer à investir en Malaisie car elle offre d’excellentes mesures incitatives et ressources naturelles, ainsi qu’une base économique et une main d’œuvre solides. D’autre part, elle permet d’accéder à d’autres marchés via l’ASEAN, le MNA et l’OCI.
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