Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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EUISS : un outil pour une action extérieure spécifique, cohérente et uniforme de l’UE

Par M. Álvaro de Vasconcelos, Directeur de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne (IESUE)

Le traité constitutionnel a proposé qu’un « Ministre des Affaires étrangères de l’Union » soit créé. Le Conseil européen de Bruxelles, réuni sous la présidence allemande, a confirmé le large accord existant sur la nécessité d’un tel poste aux côtés d’un Président permanent du Conseil européen. Il s’agit d’une évolution cruciale pour l’action extérieure de l’UE. La combinaison de l’ensemble des outils communautaires, de l’aide économique à la promotion des droits de l’homme, et des outils de dialogue politique permettra ainsi, espère-t-on, une cohérence accrue de la politique de l’UE dans ce domaine. Cette refonte institutionnelle apportera également une contribution tout aussi importante pour réaliser l’aspiration déjà ancienne de l’UE, à « l’unité d’action ».
L’association de la formidable puissance d’influence (« soft power ») de l’Union européenne et d’une partie de sa puissance de coercition (« hard power ») devrait lui permettre de peser sur la résolution de problèmes globaux. L’Union est de plus en plus perçue comme un « bien public international », sans lequel la situation actuelle de désordre international ne pourrait être surmontée. Si l’unilatéralisme a échoué de manière flagrante, le multilatéralisme doit encore pleinement se concrétiser et s’imposer.
L’IESUE est appelé à contribuer de plus en plus largement à l’amélioration de notre compréhension des réalités globales actuelles, dans le contexte d’une configuration mondiale reprenant les formes de la multipolarité. Cette implication doit également accompagner la réalisation de l’objectif affiché de l’UE, qui est de mettre en place concrètement le multilatéralisme, tout en tenant compte de la nécessité d’associer à ce projet les nouveaux et les anciens pôles du système international. En fait, tout le défi consiste à « multilatéraliser » la multipolarité naissante.
Sous la présidence portugaise, durant le deuxième semestre de 2007, l’UE a ainsi prévu d’organiser des réunions au sommet avec le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie. Pourtant, il y a sept ans seulement, lors de la précédente présidence portugaise de l’UE, les sommets s’adressaient principalement aux ensembles régionaux ou sous-régionaux en cours d’intégration, et non aux puissances mondiales ou à ce que l’on appelle les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). La structuration des relations extérieures de l’UE doit certes refléter les réalités d’un monde multipolaire, mais l’Union ne doit pas pour autant abandonner son attachement à la coopération et à l’intégration régionales, comme moyens d’orienter et de réguler la mondialisation. Il est essentiel que la tendance actuelle au bilatéralisme soit associée au régionalisme et au multilatéralisme, si l’UE veut pouvoir apporter sa contribution pour résoudre les problèmes graves qui se posent à l’humanité et préserver son identité en tant qu’acteur mondial.
Parallèlement, l’Institut devrait satisfaire à la « demande d’Europe » croissante dans le monde, en particulier dans les voisinages du sud et de l’est de la périphérie européenne, où les crises et l’instabilité disputent au désir de forger un destin commun avec l’Europe. Les difficultés auxquelles fait face l’introduction de la démocratie dans ses voisinages du sud et de l’est, c’est-à-dire dans les pays qui n’ont pas vocation à devenir candidats à l’entrée dans l’UE, obligent l’Union à réfléchir sur son propre rôle dans ce processus de transformation. Les exemples ne manquent pas où l’information et l’analyse sont rares ou  restreintes à des cercles spécialisés. Ces situations ont un impact négatif sur la politique de l’UE : l’Islam politique représente à cet égard un cas significatif. De nombreuses difficultés empoisonnant la politique méditerranéenne de l’UE résultent de la compréhension limitée qu’ont les cercles de décision européens de l’immense diversité des tendances islamistes. Plus encore, l’UE a refusé de se confronter à la réalité du terrain, ce qui constitue pourtant une condition préalable à toute contribution significative à la réforme politique dans la région. En témoignent les difficultés qu’ont les Européens à savoir comment réagir à la victoire du Hamas lors des élections nationales, universellement reconnues comme libres et justes.
L’IESUE doit continuer à apporter à l’Union, au moment voulu, des analyses prospectives, couvrant tout particulièrement les domaines peu étudiés, tout en s’appuyant, autant que possible, sur une connaissance d’initié et de première qualité. Des chercheurs originaires des régions représentant une priorité pour la politique étrangère de l’UE seront constamment impliqués dans les études et les réunions de l’IESUE. Alors que le rôle émergent de l’UE comme acteur global élargit l’horizon de ses intérêts politiques, les problèmes urgents de notre temps — qui vont des droits de l’homme à la démocratie, du développement à la paix, de la prolifération au terrorisme, de l’énergie à l’environnement, du réarmement et de l’avenir des régimes de contrôle des armements au lien entre sécurité et justice — doivent être minutieusement examinés. La prise de conscience de la dimension universelle de ces questions doit s’accompagner d’une prise de conscience des contextes spécifiques nationaux et régionaux dans lesquels elles s’inscrivent. Aucune recette n’est universelle, aucun outil politique ne peut être reproduit tel quel sans une prise en considération  du moment et du lieu auxquels il doit être utilisé. Les leviers politiques doivent donc être constamment testés et réglés avec précision, de même que les réalités changeantes doivent être évaluées dans un environnement « en temps réel ».
Il s’agit là d’une mission difficile. La réforme institutionnelle de l’UE aura probablement comme effet sur son action extérieure de regrouper les outils communautaires et les outils intergouvernementaux, lui conférant ainsi, souhaitons-le, une meilleure cohérence et une plus grande efficacité. Dans ce contexte, l’IESUE a un rôle croissant à jouer pour l’élaboration d’une culture de la politique étrangère et de sécurité européenne, s’appuyant sur les valeurs fondatrices de l’Union et sur sa vision de l’ordre international.

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