Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Editorial
 
  M. Renaud Muselier

Porter l’ambition de la France dans le monde :
un bilan d’étape

Par M. Renaud Muselier, Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères

Nommé Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, en juin 2002, aux côtés de Dominique de Villepin, puis de Michel Barnier, je me suis attaché à démultiplier l’action diplomatique de la France. Tâche novatrice, car le Secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères avait disparu depuis plus de dix ans, et ô combien exaltante. Nous sommes en effet confrontés à un monde complexe, où les menaces terroristes, criminelles ou environnementales se multiplient, où l’action et la réflexion nécessitent une mobilisation de tous les instants. Dans le « village monde » qui est le nôtre, il serait risqué de ne pas accorder l’attention requise aux Etats présumés moins importants parce qu’éloignés, moins peuplés ou plus pauvres. Une France influente, c’est avant tout une France présente sur la scène internationale. C’est l’objet de la mission confiée au Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères : démultiplier l’action extérieure de la France et suppléer le Ministre dès que les circonstances internationales l’exigent. Sous l’autorité du Président Jacques Chirac, je me suis donc attaché à porter la voix de la France, partout dans le monde, là où nos couleurs, sans avoir nécessairement disparu, avaient perdu de la vigueur. Je me suis ainsi rendu dans des régions où, par le simple effet de la distance géographique, les Ministres français étaient quasiment absents. Imagine-t-on qu’aucun Ministre du Quai d’Orsay n’était allé en Australie depuis 20 ans, pays clé de l’Océanie, où résident 50 000 de nos compatriotes ?
A mon arrivée au Quai d’Orsay, les prémices de la crise irakienne se font déjà sentir. La France choisit de privilégier une solution politique à cette crise, fondée sur les principes du droit international. Débute alors une longue phase de discussions, menées tambour battant sur tous les continents et dans l’enceinte des Nations Unies. Défendant le rôle central que doit jouer l’ONU dans une telle crise, le France doit démultiplier son action diplomatique pour convaincre et rassembler derrière elle une majorité de nations. Epaulant le Ministre, Dominique de Villepin, dans ces âpres négociations, j’ai multiplié les déplacements, tant au Conseil de Sécurité des Nations Unies, que dans le Golfe Persique, au Brésil ou encore au Vatican, pour défendre les positions françaises. Au plan humanitaire, nous avons tenu à ce que la France prenne toute sa part dans les efforts en direction des populations civiles touchées. Dès les premiers jours de la crise, la France débloque ainsi près de 10 ME en faveur des ONG présentes en Irak. De même, mes déplacements à Genève comme à Chypre, où étaient situées les bases arrières des Nations Unies durant les frappes, ont permis d’accélérer la coordination de tous les acteurs durant cette phase.
En tant que Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, j’assume plus spécifiquement la responsabilité de l’action humanitaire d’urgence, ainsi que celle des Français établis à l’étranger. Depuis avril 2004, la question des droits de l’homme m’a également été confiée.
Médecin urgentiste, j’ai d’emblée voulu placer ma présence au Ministère des Affaires étrangères sous le sceau d’une action humanitaire rénovée et efficace. En effet, la France n’est elle-même que si elle est généreuse, fidèle à son histoire et à sa tradition. A cet égard, notre pays bénéficie du savoir-faire reconnu de ses spécialistes et de la qualité de leurs matériels dans des domaines essentiels (sécurité civile, approvisionnement en eau et en énergie électrique, équipements hospitaliers, etc.).
L’action que je poursuis dans ce domaine est guidée par deux principes : assurer la cohérence de l’action de l’Etat dans l’humanitaire et développer les synergies entre les différents acteurs de l’humanitaire d’urgence. Mon objectif : fédérer les compétences, les moyens et les volontés, pour valoriser au maximum l’action de la France. Nous nous sommes dotés d’outils pour ce faire, notamment en créant le Comité Interministériel de l’Action Humanitaire d’Urgence, sur ma proposition, en Conseil des Ministres du 11 juin 2003. J’ai également présenté, lors de la Convention du 3 décembre 2003, le plan « Synergie 2004 », consistant en dix mesures concrètes visant à développer le partenariat entre Etat, ONG, entreprises et collectivités locales, notamment grâce à la mise en place du Conseil d’orientation de l’action humanitaire d’urgence. Parallèlement, une politique volontariste de concertation et de coopération avec les agences des Nations Unies a été menée. J’ai rencontré et me suis entretenu sur les crises en cours, à plusieurs reprises, tant à New York qu’à Genève, avec le Coordinateur des affaires humanitaires des Nations Unies Jan Egeland.
Bien sûr, il y a les structures, mais il y aussi les actions concrètes sur le terrain. Je me suis ainsi rendu au Darfour en juin dernier pour soutenir l’action des ONG présentes sur place. Et comment ne pas mentionner mon déplacement en Haïti, en août dernier, où la délégation française fut prise dans une fusillade alors que nous visitions un hôpital dont la France finance la rénovation ? Sur les terrains les plus difficiles, au Liberia, au Soudan, ou plus récemment en Asie du Sud-Est, nous devons être mobilisés pour apporter des réponses concrètes et rapides aux populations en souffrance.
J’accorde également une attention toute particulière aux Français expatriés. Ils sont en effet près de deux millions à vivre à l’étranger, dans des conditions parfois difficiles. Ces Français de l’étranger doivent faire face à des menaces et des incertitudes multiples : terrorisme, instabilité politique, accidents dramatiques. C’est ainsi que je me suis allé à Abidjan, en juin dernier, pour rencontrer la communauté française et que j’ai ensuite participé à l’évacuation de plus de 8000 de nos compatriotes après les événements du 6 novembre 2004. Quelques mois auparavant je m’étais rendu à Charm El Cheikh pour soutenir les familles des 113 Français victimes de cette catastrophe aérienne. Ayant reçu à plusieurs reprises les représentants des familles de victimes, j’ai entretenu des contacts constants avec mes interlocuteurs égyptiens afin de faire le point sur l’avancée de l’enquête et l’exécution de la convention d’entraide judiciaire. 
Plus récemment, c’est à mon initiative que les dossiers particulièrement avancés de 11 familles qui souhaitaient adopter un enfant au Cambodge ont pu être finalisés. Le moratoire mis en place le 31 juillet 2003 ne leur avait pas permis de faire aboutir leurs démarches et avait interrompu les procédures engagées.
Enfin, profondément convaincu que la France et l’Europe ne réussiront que si elles se dotent d’une politique euroméditerranéenne ambitieuse, je me suis engagé, aux côtés du Président de la République et du Ministre des Affaires étrangères, en faveur du renforcement du « Processus de Barcelone », lancé il y a près de dix ans. J’ai inauguré, en mai 2004, le rendez-vous euroméditerranéen de Marseille, consacré à la création d’une synergie au niveau des collectivités locales du pourtour méditerranéen. Plus récemment, j’ai procédé au lancement de la 4ème session euroméditerranéenne de l’IHEDN, avec la participation d’officiers supérieurs de 35 pays. A chaque fois il s’agit d’approfondir des amitiés déjà bien ancrées, dans un contexte d’élargissement européen qui peut inspirer des inquiétudes chez certains de nos partenaires du Sud de la Méditerranée. Une communauté d’idées, de vision et d’intérêts nous lie à eux. C’est notamment pour donner corps à cette réalité, à travers des projets communs, que le partenariat euroméditerranéen a été conçu.
Pendant ces trois années, les crises se sont hélas multipliées. Face à ces situations graves et préoccupantes, j’ai été impressionné par la lucidité de la vision du Président de la République, Jacques Chirac. L’action menée par la France repose sur le respect de la légalité internationale et la recherche de l’unité de la communauté des Nations. Notre diplomatie s’exprime au nom d’une conception du monde qui n’accepte ni la logique de l’unilatéralisme, ni celle de la confrontation des blocs, des civilisations ou des religions. Je suis heureux et fier de contribuer à porter cette ambition à l’étranger. 

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