Un îlot de prospérité au Moyen-Orient
Doté d’une constitution et d’un parlement depuis 2001, Bahreïn poursuit ses réfomes pour consolider sa cohésion sociale. Ancien sénateur, S.E.M. Hashim Hasan Albash, Ambassadeur de Bahreïn en France, analyse pour nous ce mouvement démocratique ainsi que les efforts réalisés pour diversifier l’économie du pays.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, le Royaume de Bahrein s’est engagé depuis 2001 dans un pro
cessus de démocratisation avec l’adoption d’une constitution et l’organisation d’élections locales et législatives ouvertes aux femmes. A quelles aspirations répond la volonté réformatrice du Roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa ?
S.E.M. Hashim Hasan Albash : Je ne souhaite pas m’étendre sur ces réformes qui ont largement été relayées aussi bien par la presse nationale, régionale que par les médias internationaux qui les ont qualifiées de pionnières dans la région du Golfe. Néanmoins, je tiens à souligner que la mise en œuvre d’un processus de démocratisation en 2001, nous a permis d’accomplir des avancées significatives.
Formant le préambule de notre constitution, la Charte nationale a jeté les fondements de ces nouvelles orientations politiques qui répondent aux aspirations profondes de notre peuple. Lors du référendum de février 2001, les Bahreïnis ont ainsi voté à 98,4% en faveur de tous les changements énoncés dans la Constitution. Ces réformes sont aujourd’hui mises en œuvre progressivement.
Votre question évoque par ailleurs la participation des femmes à la vie politique. Acteur non négligeable sur le plan économique, il est désormais important qu’elles puissent intégrer les instances politiques décisionnelles du royaume. De ce point de vue, la Constitution de 2001 met les femmes et les hommes sur un pied d’égalité et stipule en son article 1, alinéa 5 : « hommes et femmes ont le droit de participer aux affaires publiques ; ils jouissent de droits dont celui d’être électeur et éligible conformément à la constitution et aux conditions stipulées par la loi ; personne ne sera privé de son droit de vote ni de celui de se porter candidat … »
Pour la deuxième fois , les femmes ont voté lors des élections législatives et municipales du 25 novembre dernier. Elles ont pu ainsi utiliser le droit d’être à la fois électrice et éligible que la Constitution leur a conféré. Plusieurs d’entre elles se sont portées candidates
dans l’espoir d’obtenir un siège au sein du Parlement ou au conseil municipal.
Sans vouloir anticiper sur le résultat des élections, je peux vous affirmer que les femmes sont désormais mieux préparées pour assumer de telles responsabilités et ce, en partie grâce à l’évolution et à la prise de conscience qui s’est produite lors des élections municipales de 2002, au sein de la société. Depuis il y a eu une prise de conscience des femmes elles-mêmes, sinon comment expliquer l’expérience de 2002 au cours de laquelle aucune femme n’a été élue, alors que leur taux de participation au scrutin était supérieur à celui des hommes. Je ne dirai pas que cette première expérience ait été négative, loin de là, car les femmes en sont ressorties plus fortes. En d’autres termes, la question du statut de la femme illustre bien que l’évolution des mentalités doit également passer par les femmes.
Aussi, je souhaite aux femmes qui se sont portées candidates ou
déjà élues de réussir, quelle que soit l’issue de toutes élections, car il ne faut pas perdre de vue que l’expérience démocratique de Bahreïn est encore jeune et que l’accès à des postes politiques est restreint même dans les plus vieilles démocraties.
Ce qu’il faut retenir, c’est l’existence d’une volonté politique pour faire évoluer le statut de la femme sur les plans politique, économique, juridique, social et culturel. Pour mener à bien la promotion du statut de la femme, le gouvernement s’est plus particulièrement appuyé sur les initiatives du Haut Conseil pour la Femme, institution créée depuis cinq ans, par un décret de Sa Majesté en date du 22 août 2001. Présidée par Son Altesse, Shaikha Sabeeka, épouse de Sa Majesté, ce conseil est l’organe de référence pour soumettre avis et conseils sur tout ce qui a trait à la condition de la femme. Il est ainsi consulté par le gouvernement et le parlement. Depuis sa création, le Haut Conseil conseille les associations féminines, encourage les actions des ministères et autres organismes à œuvrer pour la promotion des femmes, notamment au travers des programmes de formation et l’organisation de stages. Afin d’encourager les initiatives en faveur de la femme, Son Altesse a annoncé en juin 2006 la création d’un prix récompensant les organismes les plus performants dans ce domaine. C’est donc toute une stratégie à l’échelle nationale qui a ainsi été mise en œuvre, englobant plusieurs aspects de la question. Elle a déjà favorisé la conclusion de partenariats et d’accords entre le Haut Conseil pour la Femme et les différents ministères afin d’associer plus largement les femmes aux activités du gouvernement, mais aussi du Parlement et des assemblées municipales. C’est également dans cet état d’esprit que sont organisés à travers le Royaume, des séminaires et des ateliers en coopération avec de nombreux acteurs de la société civile comme le monde associatif. Les réalisations en faveur des femmes sont donc nombreuses et mobilisent tant la classe politique que la société civile.
Sur le terrain, cette volonté s’est également traduite par la nomination de deux femmes au sein de l’actuel gouvernement : l’une au portefeuille de la Santé et l’autre aux Affaires sociales. Au Sénat, on compte six sénatrices sur un total de 40 membres. Le doyen de la faculté et la Présidente de l’Université de Bahreïn sont également des femmes. Je rappelle aussi que bien avant la promulgation de la Constitution, une femme avait déjà été nommée au poste d’Ambassadeur de Bahreïn à Paris. Elle n’était autre que Shaikha Haya Rashed Al-Khalifa qui assume depuis le 12 septembre 2006 les fonctions de Présidente de la 61ème Session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies. C’est dire que la promotion de la femme constitue l’une des préoccupations majeures de nos institutions politiques et civiles.
Certes, ces réformes sont loin d’être achevées. Certaines progressent à un rythme normal et d’autres plus lentement parce que les obstacles et les réticences qui les freinent, requièrent plus de temps pour être surmontées.
D’une manière plus générale, la volonté réformatrice de Sa Majesté le Roi Hamed Bin Isa Al-Khalifa est liée à une politique d’ouverture inspirée d’une part, par la volonté du souverain de construire une société moderne, capable de s’intégrer dans le processus de la mondialisation et, d’autre part, par la volonté et le souci de répondre aux exigences du peuple bahreïni. Je pense, pour ma part, que tout dirigeant politique ne pourrait ignorer les aspirations de ses citoyens, et c’est à cette volonté d’être à l’écoute du peuple bahreïni que répondent les changements entrepris par Sa Majesté le Roi. Les Bahreïnis ne souhaitent pas rester à la traîne du développement.
Un débat a ainsi été ouvert et des consultations ont eu lieu entre les différents acteurs de la société civile sur l’évolution des institutions du Royaume. Depuis, ateliers et séminaires sont organisés pour sensibiliser l’opinion publique et les citoyens à leurs droits, traduisant la dynamique engagée à tous les niveaux de la société. L’appareil judiciaire n’a pas été épargné par ces réformes, avec la création d’une Cour constitutionnelle et d’un Conseil d’Etat ainsi que d’un Institut juridique ; autant d’enjeux majeurs pour la démocratie dans notre pays.
Les questions sociales, qui forment une autre préoccupation de poids de notre classe politique, ont également bénéficié de cette volonté de changement. Depuis 2001, et par décision de Sa Majesté, des mesures sociales ont été adoptées, notamment en faveur des étudiants qui n’ont pas les moyens de payer leurs droits d’inscription à l’université, qui ont été soit annulés, soit réduits. Des fonds d’aide ont en outre été crées pour venir en aide aux veuves et aux orphelins. Un bon nombre de logements sociaux ont en outre été construits pour les populations démunies ou a revenus modestes. Les loyers de ces familles ainsi que les factures de leur consommation en énergie ont été revus à la baisse de 50%.
Accompagnées par de réels progrès sociaux, ces réformes institutionnelles ont ainsi lancé une véritable dynamique au sein de la société bahreïnie, lui ouvrant d’autres horizons, plus motivants pour s’impliquer dans la vie du Royaume.
L.L.D. : Alors que la première législature s’achève, comment analysez-vous le fonctionnement des nouvelles institutions bahreïnies ? Quelles sont, selon vous, les prochaines étapes de la démocratisation du pays ? Au-delà, quelles énergies ces réformes ont-elles permis de libérer au sein de la société bahreïnie ?
S.E.M.H.H.A. : Si l’on examine le bilan de la première législature depuis l’adoption de la Constitution, je dirais qu’elle a été riche en débats. Nombreuses furent les propositions de lois examinées par le Parlement sur des questions touchant de près le citoyen bahreïni. Les Conseils des députés et de la Choura ont largement contribué à l’amélioration de la qualité des lois. L’existence de ces deux chambres ne pouvait qu’enrichir les débats et améliorer notre arsenal juridique.
Durant cette législature, le citoyen a été placé au centre des débats et de l’action du gouvernement chaque fois qu’une loi a été examinée et amendée, qu’il s’agisse des affaires d’ordre politique, économique, social et culturel, sur des thèmes aussi divers soient-ils. Plusieurs amendements ont été apportés aux lois existantes, certains d’entre eux ont souvent été dictés par la mutation sociale et politique qui s’est opérée dans notre pays et dans d’autres, dans le souci de rendre la législation nationale plus conforme aux conventions internationales que le Royaume a ratifié, telle que la convention sur les droits de l’Enfant, celle sur la lutte contre les discriminations raciales et contre la torture, entrées en vigueur dans le Royaume le 26 mars 1990 et le 18 février 1998.
D’autres modifications de textes ont été apportées à certaines lois votées en 2001 et 2002, comme la loi sur l’exercice des droits politiques ramenant, entre autres, l’âge du vote de 21 à 20 ans. Cette réforme répond aux attentes des députés, de la société civile et des associations de jeunesse, dans le but d’élargir la participation des jeunes et de les sensibiliser à l’action politique.
On peut également citer l’amendement du code du travail et le statut de la fonction publique, de la loi de 1975 relative aux pensions et aux fonds de retraite ainsi que celle portant sur les syndicats.
Le travail accompli durant cette première législature a donc largement contribué à l’amélioration de la qualité des lois et à la transparence du travail législatif et de celui du gouvernement, notamment grâce à l’article 144 du chapitre 3 de la Constitution qui confère un large pouvoir au Parlement et, plus particulièrement, au conseil élu (assemblée nationale) chargé de contrôler l’exécutif et qui dispose du droit de questionner le gouvernement sur ses décisions ou ses propositions de loi.
Il convient de souligner que seuls les députés qui sont élus au suffrage universel direct disposent de ce pouvoir de contrôle. A cet effet, ils mettent en place des commissions d’enquête pour contrôler l’action du gouvernement, poser des questions ou demander des éclaircissements aux ministres dans le domaine de leurs compétences respectives. A titre d’exemple, la Commission économique a ainsi demandé au gouvernement de lui fournir la liste des citoyens qui seront indemnisés au titre des mesures d’expropriation mises en œuvre à des fins d’utilité publique.
Cette législature a en outre été marquée par le développement d’une diplomatie parlementaire. Selon le Président du Conseil des députés, M. Khalifa Bin Ahmed Al Dahrani, l’organisation de conférences, séminaires et ateliers de travail sur l’expérience d’autres parlements dans le monde, suscite un intérêt accru au sein de l’assemblée. Avec la France, notre coopération parlementaire s’est d’ailleurs consolidée grâce aux échanges de visites de ces quatre dernières années. La toute dernière remonte à celle effectuée en septembre 2006 par les sénateurs du Groupe d’amitié France-Pays du Golfe. Bien avant cette visite, au début de l’année 2006, des parlementaires bahreïnis s’étaient rendus en France.
Au-delà de leur tache législative, les parlementaires sont de plus en plus consultés par les gouvernements sur toute une variété de questions qui ne relèvent pas forcément des affaires internes du pays, mais qui sont plutôt d’ordre international ayant souvent des répercussions sur les lois nationales. L’implication du Parlement bahreïni dans l’examen de ces questions conjugué au principe de transparence dans les débats parlementaires permet ainsi au citoyen de suivre ces questions de politique étrangère, d’autant plus que les travaux parlementaires sont retransmis par notre chaîne de télévision nationale et couverts par les organes de presse nationaux.
Enfin, je voudrais souligner que la nouvelle constitution intègre également une législation sur l’indépendance de la justice, la liberté syndicale et celle des formations politiques, qui existent dans le Royaume sous forme d’associations à caractère politique, au nombre d’une quinzaine, aux cotés d’autres formations à caractère social et culturel.
L.L.D. : Prévues pour la fin de cette année, les élections générales pourraient voir la participation des quatre formations politiques de l’opposition qui les avaient boycottées en octobre 2002, suite à la réforme de la constitution. Comment percevez-vous leurs revendications, notamment en faveur d’un renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale ? Représentant près de 70% de la population bahreïnie, la communauté de confession chiite milite également pour un meilleure intégration sociale. Comment évaluez-vous l’importance de cette question sociale dans le contexte régional actuel ?
S.E.M.H.H.A. : Notre parlement actuel est composé de plusieurs formations politiques qui représentent trois courants principaux : islamique, libéral et les indépendants. La Constitution de 2002 garantit l’existence de ces formations. On peut citer, à titre indicatif, « la Tribune démocratique », « Alwassat Al arabi Al Islami », « la Tribune Nationale Islamique », « le Rassemblement national démocratique, » « la Pensée libre », (forum qui regroupe des courants indépendants) ou encore « la Ligue islamique ». Le choix de participer ou de boycotter les élections de 2002 n’a pas concerné qu’une seule formation, mais l’ensemble de la société bahreinie. Je pense que toute opposition, quelle qu’elle soit, traduit sur le terrain une certaine liberté et que l’existence même de ces revendications en est le symbole, dès lors que celles-ci demeurent dans le cadre législatif du pays et qu’elles ne contreviennent pas à l’ordre public et à l’intérêt de l’Etat. Toutes les sensibilités politiques sont ainsi libres de s’exprimer à Bahreïn. Les revendications exprimées en 2002 ne sont pas propres à une communauté plus qu’à une autre ; elles sont avant tout celles de citoyens bahreïnis. Certaines sont d’ailleurs légitimes comme celles qui concerne le droit au travail, au logement, à une scolarité, à de meilleures soins et à la participation politique.
En outre, le dénominateur commun des associations politiques n’est pas l’origine ethnique ou communautaire, mais il se situe dans les idées et le projet de société que ces formations véhiculent. Les formations politiques accueillent ainsi aussi bien des Sunnites que des Chiites. Je pense, au contraire, que ces formations par leurs revendications aussi diverses soient-elles, donnent un élan à notre processus démocratique.
Nous avons également intégré dans nos institutions le respect de la diversité religieuse, ce qui se traduit aujoud’hui sur le terrain. Des sénateurs de confession non-musulmane siègent ainsi au Conseil de la Choura (sénat). Je vous parle d’ailleurs en parfaite connaissance de la situation, ayant eu des collègues de confession chrétienne et juive lorsque j’étais sénateur avant d’être nommé Ambassadeur en France.
Au sein du gouvernement, les ministres sont issus de toutes les origines qui font le Royaume. Je dirais enfin qu’il faut dépasser les clivages ethniques, identitaires et communautaires pour avancer. A ce juste titre, la Charte nationale s’adresse à tous les citoyens bahreinis, sans distinction d’appartenance ou d’idéologie.
L.L.D. : Avec 350 banques et institutions financières, Bahreïn cherche à se positionner en pôle financier et de services du Golfe et du Moyen-Orient. Considérant la part encore élevée des hydrocarbures dans les revenus de l’Etat, quels progrès ont-ils été accomplis pour diversifier l’économie bahreïnie ? Quels sont, aux côtés des services financiers et de l’industrie de l’aluminium, les autres secteurs porteurs de croissance ?
S.E.M.H.H.A. : Bahreïn est depuis longtemps considéré comme le pôle financier de la région ne serait-ce qu’en raison de sa position géographique stratégique. Depuis le début des années 1930, les hydrocarbures représentent une part essentielle des revenus de l’Etat. Toutefois, l’amenuisement naturel des réserves pétrolières de notre sous-sol et la volonté de conforter les opportunités et les perspectives de développement de l’archipel, ont amené depuis plus d’une décennie, les autorités à diversifier l’économie et l’industrie nationales. Plusieurs mesures ont ainsi été prises en vue d’attirer et de faciliter l’implantation d’investisseurs étrangers et de leur permettre de travailler dans un cadre juridique approprié, sans cesse mis en adéquation avec les conditions et réglementations du marché mondial grâce à des outils financiers adaptés.
Dans le cadre de cette recherche de nouveaux débouchés, l’accent a été mis dans un premier temps sur le développement des produits financiers, banques et assurances, puis sur celui de certains secteurs industriels, dont essentiellement le secteur de l’aluminium. Depuis la fin des années 1990, les autorités locales ont également porté leur attention sur les secteurs de l’agriculture, du textile et de l’artisanat, mais surtout du tourisme et des techniques de communication.
Les infrastructures touristiques se sont ainsi fortement développées (dont de grands projets comme le « Two Seas », le « Durrat Al Bahrain », « Le circuit de F1 » et autres, des constructions d’hôtels et de palaces). L’Aéroport International qui a été agrandi, accueille désormais plus de 3,5 millions de passagers par an. Le réseau de télécommunications a été lui aussi étendu par l’intermédiaire de Batelco et grâce à son ouverture à la concurrence. La région du Sud est, quant à elle, en pleine effervescence au vu du nombre de projets en cours de réalisation.
Les autorités locales comptent également beaucoup sur l’arrivée d’investisseurs étrangers en provenance des pays du CCG ou d’ailleurs qui puissent contribuer à une baisse éventuelle du taux de chômage des jeunes. Dans cette optique, notre pays peut se prévaloir d’atouts comme les mesures incitatives mises en place et la réalisation des grands projets économiques et touristiques.
En matière de formation pour les jeunes bahreïnis, l’accent a été mis sur l’éducation, les télécommunications et le développement des nouvelles technologies. C’est dans cette logique que le projet de « Parc International des Investissements de Bahreïn » a pu voir le jour. Il a, en effet, pour objectif majeur d’attirer des projets de haute technologie à valeur ajoutée élevée qui à leur tour entraîneront la création de nouveaux emplois de qualité.
De véritables zones franches, des parcs industriels et d’autres projets colossaux offrent aux entreprises et aux sociétés étrangères des facilités et des avantages comme la propriété à 100% de leur capital, ainsi qu’un impôt à taux 0 garanti durant 10 ans. Des services de douanes adaptés et des mesures pour faciliter le recrutement du personnel local ont également été mis en place.
Le secteur du bâtiment et des travaux publics, ainsi que les grands projets qui s’y rattachent, est également en pleine expansion depuis la fin des années 1990. C’est ainsi que l’on voit émerger des centrales électriques, des villes nouvelles, de nombreux logements sociaux, des ponts, des routes et des ports. Les programmes de rénovations d’hôpitaux et d’autres aéroports entraîneront également des créations d’emplois.
Le PIB n’est plus massivement généré à Bahreïn par l’industrie pétrolière qui, bien qu’en en restant la première source, se trouve de plus en plus concurrencée par des secteurs devenus importants pour l’économie du pays, comme les services financiers, le commerce, l’industrie, le tourisme et les télécommunications.
L.L.D. : Couronnée par la conclusion d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, la politique d’ouverture économique engagée par le Roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa fait de votre pays l’un des plus compétitifs du Moyen-Orient. Quels atouts offre cet accord pour le développement de l’économie du pays ? Au regard du lancement d’une nouvelle phase de privatisation, notamment dans le secteur des télécommunications, quelles nouvelles opportunités peut-il générer en matière d’attraction des investisseurs étrangers ?
S.E.M.H.H.A. : Après plusieurs phases de négociations, les Etats-Unis et le Royaume de Bahreïn ont signé un accord de libre-échange à la fin de l’année 2004. Cet accord permettra d’accroître le volume des échanges mais également de consolider notre position économique à l’échelle régionale et internationale. Il intervient à un moment où le Royaume s’est engagé dans un processus de privatisation touchant certaines entreprises publiques. Même si ce processus concerne actuellement surtout le secteur des télécommunications, il va s’étendre à d’autres domaines tel que l’électricité et les transports. Si une certaine liberté du marché existe à Bahreïn, l’entrée en vigueur de la loi de juillet 2003 sur la privatisation s’est traduite par un regain économique.
Le renforcement du libre-échange devrait ainsi permettre non seulement d’harmoniser les règles commerciales, mais aussi de réduire les entraves aux échanges commerciaux et les taxations douanières.
Nous sommes d’ores et déjà un partenaire stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient et cet accord va intensifier la coopération entre nos deux pays. Nous exportons vers les Etats-Unis de l’aluminium, du textile, des engrais et des produits de chimie organique, des produits pétroliers et des équipements électriques. Cet accord nous ouvre également un meilleur accès au marché américain, en même temps que le notre aux produits américains.
Etant défini comme un système international, l’économie libérale repose essentiellement sur une absence de barrières tarifaires et non tarifaires, sur la libre circulation des produits et des services, des capitaux et des travailleurs. Ce système va sans doute accroître la compétitivité des entreprises et l’afflux des investissements. Considérant le processus de privatisation et de désengagement de l’Etat des grandes entreprises publiques lancé dans le Royaume, les effets de l’essor économique se feront sentir même si ce processus est engagé progressivement. Conjugué aux répercussions de cet accord, cette dynamique devrait favoriser les initiatives privées. Il ne pourrait être que bénéfique et sera une source de créations d’emplois. A ce nouvel atout, il faut également mentionner l’environnement juridique attractif en matière de commerce et de création d’entreprises connu pour sa souplesse en matière d’investissement. Mais il va sans dire que toute privatisation a aussi des conséquences notamment en matière d’emploi. C’est pour en limiter les effets sur le plan social que ce programme est conduit étapes par étapes, le but recherché étant de créer davantage d’emplois et d’opportunités pour les Bahreïnis.
L.L.D. : Dépourvu de ressources énergétiques majeures, votre pays est partisan d’une forte intégration économique régionale au sein du Conseil de coopération économique des Etats du Golfe. Comment les difficultés de ce processus peuvent-elles être surmontées ? Quels progrès restent-ils à accomplir pour la mise en place d’un marché commun, prévu pour 2007 ?
S.E.M.H.H.A. : La création du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) le 26 mai 1981 entre l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar, visait à doter ses membres d’un instrument pour coordonner leur politique sur les plans économique, politique, social, culturel et de sécurité. Selon le souhait des dirigeants des six Etats, il tend à devenir un modèle d’intégration par la mise en place d’un véritable marché commun régional.
Pour ce faire, il a fallu évidemment surmonter différentes difficultés en définissant au préalable des objectifs tels que : la création d’un marché unique, l’unification des tarifs douaniers, la mise en place d’une Union Monétaire et d’une monnaie unique, la création d’une zone de libre-échange.
Dès 1983, les six pays se sont mis d’accord sur un certain nombre de tarifs extérieurs communs (notamment sur les produits de luxe). En 1998, ils ont approuvé un projet d’Union Douanière visant à mettre en place une égalité complète dans des domaines tels que la libre circulation et l’implantation des personnes et des biens, les emplois dans les secteurs public et privé, l’éducation, la santé, la propriété immobilière, la circulation des capitaux, la fiscalité et la création de société. Lors du sommet du CCG de décembre 2001, les Ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des Etats membres ont été chargés de présenter un calendrier sur la mise en place d’une union monétaire et d’une monnaie unique, qui fut adopté. Le CCG a d’ailleurs sollicité la précieuse collaboration de l’UE, dans le cadre de l’accord de coopération qui lie les deux pays depuis 1990.
Le processus s’est concrétisé notamment par la coordination des politiques pétrolières, initiative qui a d’ailleurs accru l’influence du CCG au sein de l’OPEP, en dépit de l’absence dans cette organisation du Royaume de Bahreïn et d’Oman. Nous constatons à présent que les échanges économiques et commerciaux se sont également développés et s’intensifient entre les pays membres. Autre constat significatif, les visas pour les citoyens des Etats membres du CCG ont été abolis.
Il faut toutefois reconnaître que tout n’est ni facile, ni parfait et qu’il demeure des imperfections et des obstacles. Ceux-ci traduisent avant tout certaines volontés au sein du CCG de sauvegarder les avantages particuliers de chaque Etat et d’éviter au maximum la concurrence. A mon humble avis, pour surmonter les difficultés auquel fait face notre processus d’intégration, il faudrait donc concilier les aspirations régionales de tout ordre avec les intérêts nationaux, ainsi qu’harmoniser notre cadre constitutionnel commun. Il est également nécessaire de tenir compte, dans la réalisation du processus d’intégration, des spécificités et des différences qui existent au sein du monde arabe, tant sur le plan politique qu’économique.
L.L.D. : Réuni à Abou Dhabi, le 26ème Sommet du CCG a soulevé les inquiétudes des pays membres concernant les débordements de la guerre d’Irak sur la péninsule arabique. A l’aune de la multiplication des attentats terroristes en Arabie Saoudite, quels sont selon vous, les risques d’une prolifération de cette menace dans les pays du Golfe ? Comment la coopération régionale peut-elle y répondre efficacement ?
S.E.M.H.H.A. : Le climat de violence qui règne en Irak avec une multiplication des attentats, préoccupe les pays du CCG et l’ensemble de la communauté internationale. Aussi, et sans pour autant interférer dans ses décisions internes, nous apportons notre plein soutien à l’entreprise du gouvernement irakien en faveur de l’entente nationale, de la reconstruction du pays et de la préservation d’un Irak uni.
A l’image de la conférence des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l’Irak qui s’est tenue à Téhéran le 9 juillet dernier et à laquelle a pris part le Bahreïn, des rencontres continuent d’ailleurs d’être organisées sur ces thèmes. Tous les participants ont a cette occasion réaffirmé leur soutien au gouvernement irakien dans ses efforts pour la réconciliation et le dialogue national. Nous avons également souligné l’importance d’une concertation pour la stabilité et la sécurité en Irak, notamment pour enrayer le terrorisme qui sévit contre le peuple irakien, les lieux de culte ainsi que les diplomates en poste dans le pays. Une conférence pour la réconciliation devait en outre se tenir en Irak en juin 2006 à l’initiative de la Ligue arabe, mais elle a dû être reportée en raison du climat sécuritaire peu propice à sa réunion. A maintes reprises nous avons ainsi réaffirmé notre volonté d’aider l’Irak. Nous soutenons également les efforts des Nations unies et du Fonds international pour sa reconstruction et
l’émergence d’un Irak stable et prospère.
Les « débordements » de la guerre d’Irak ont déjà été rapportés par les médias avec l’ampleur des manifestations qui se sont tenues dans le monde arabe, en Asie et dans certaines capitales européennes où l’opinion publique est sortie dans la rue pour exprimer son mécontentement.
Je pense plutôt que l’évolution récente du contexte régional actuel, marqué par le conflit israélo-arabe, constitue la cause principale des tensions, que la situation en Irak n’a fait qu’aggraver. Ces tensions nourrissent le terrorisme. Après l’attentat d’un complexe résidentiel à Riyad, le Premier ministre Shaikh Khalifa Bin Salman Al-Khalifa a fermement condamné cet acte en déclarant que Bahreïn soutenait l’Arabie saoudite dans les mesures prises pour sa sécurité. En décembre 2004, tous les pays du Golfe ont condamné le terrorisme sous toutes ses formes dans la déclaration finale du sommet du CCG qui s’était déroulé au Koweït. Ce phénomène ayant pris une telle ampleur touchant la planète entière, qu’une coopération commune contre ce fléau est désormais non seulement nécessaire, mais également vitale. En tout état de cause, nous avons toujours condamné le terrorisme quel que soit sa nature et le lieu où il frappe.
Par ailleurs, la forte multiplication des attentats au cours de ces dernières années remet en question la politique de sécurité qui était mise en œuvre dans la région. Dès 1986, le CCG a intégré dans ses objectifs l’élaboration d’une défense commune. La première guerre du Golfe, avec l’invasion du Koweït et l’apparition du phénomène du terrorisme, nous a poussé à accroître davantage notre coopération et notre concertation en matière de sécurité. Mais, cette évolution a aussi incité les pays de la région à rechercher d’autres mécanismes pour fonder une nouvelle stratégie de défense. C’est ainsi que le 31 décembre 2000, lors de la 21ème Conférence des Chefs d’Etat, le socle d’une défense commune a été préparé à Bahreïn, l’armée restant une armée de défense au service de la paix, avec l’adoption d’un pacte de défense ayant pour principal objectif, une coopération efficace et mutuelle contre toute agression extérieure d’un pays du CCG. La 3ème réunion du Conseil suprême de la défense du CCG au Koweït en octobre 2004, a par exemple été consacré aux thèmes de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme
Depuis les événements du 11 septembre 2001, nous travaillons, en outre, en collaboration avec les pays voisins. Des réunions ministérielles se tiennent régulièrement et nous procédons à des échanges d’informations pour sécuriser nos frontières. Nous travaillons également pour le renforcement de la coopération judiciaire et policière.
L.L.D. : Manama a accueilli, en novembre 2005, la seconde rencontre du Forum pour l’Avenir, instrument de réflexion privilégié du Partenariat pour l’avenir pour le Grand Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Promue par les Etats-Unis pour lutter contre le terrorisme et favoriser le développement régional, comment votre pays perçoit-il l’enjeu de la démocratisation du Moyen-Orient ? Que vous inspire à cet égard l’élection du Hamas en Palestine ?
S.E.M.H.H.A. : « Le Forum pour l’Avenir » résulte, comme vous le savez, du « Partenariat pour le progrès et un avenir commun avec la région du Moyen-Orient élargi et l’Afrique du Nord » ou si vous préférez le projet de « Grand Moyen-Orient ». En dépit de la présence de dirigeants des pays de la région au sommet de Sea-Island en juin 2004, cette initiative a été adoptée par les Chefs d’Etat et de Gouver-nement du G8. Leur préoccupation majeure était tout d’abord, et essentiellement, je pense, la lutte contre le terrorisme puis le développement de la région.
L’espace de dialogue que constitue le « Forum pour l’Avenir » a des objectifs nobles et ambitieux, mais les deux réunions qui ont eu lieu au Maroc en décembre 2004. |