Le choix d’un développement ouvert sur le monde
Trente-cinq ans après son indépendance, le Bangladesh veut s’affirmer comme un acteur clé en Asie du Sud. A l’approche des élections générales de janvier 2007, S.E.M. Mahmood Hasan, Ambassadeur du Bangladesh en France, nous explique la dynamique engagée pour le développement du pays et l’approfondissement de la coopération régionale.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, le mandat du Gouver-nement conduit par le Premier ministre Begum Khaleda Zia arrive à son terme en octobre de cette année. Quels sont ses principaux accomplissements ? Quelle que soit l’issue des prochaines élections, quelles devront être, selon vous, les priorités du prochain Gouvernement ?
S.E.M. Mahmood Hasan : Le mandat de l’actuel gouvernement conduit par le Premier Ministre Begum Khaleda Zia du parti BNP a débuté en octobre 2001 et s’est achevé en octobre 2006. En cinq ans, ce gouvernement a réalisé d’importants progrès dans de nombreux secteurs.
Sur le plan de la stabilité politique, le Bangladesh dispose d’un système démocratique multipartite stable, avec un Parlement placé au centre d’une activité politique intense, avec un parti d’opposition fort. Maintenir la paix et assurer la loi et l’ordre sont des responsabilités pour le moins difficiles pour le gouvernement mais, depuis cinq ans, la situation du Bangladesh illustre avec éloquence ces réalisations.
En ce qui concerne le développement économique, l’actuel gouvernement a mis l’accent sur la nécessité de réduire l’aide extérieure destinée au développement économique et de devenir autonome. Le Bangladesh porte notamment un intérêt particulier à l’investissement direct étranger (IDE) et, en l’espace de cinq ans (2001-2006), des sommes importantes (2,7 milliards de dollars) ont été investies dans différents secteurs économiques. Nous souhaitons à présent que nos exportations disposent d’un meilleur accès au marché mondial. Cette année, avec un taux de croissance économique de 6,7 %, les exportations ont augmenté de 21,63 % par rapport à l’an dernier. Le revenu par habitant s’élève aujourd’hui à 482 dollars, contre 374 en 2001.
De nombreuses améliorations ont également été réalisées dans les domaines de l’éducation, des services médicaux et plus généralement du développement humain. Les inscriptions à l’école primaire représentent désormais 92 % (2006), avec une proportion de 53 filles pour 47 garçons (2006). Le taux de fertilité, ainsi que les taux de mortalité infantile et maternelle ont baissé, tandis que l’espérance de vie atteint aujourd’hui 65 ans. Le Bangladesh a donc atteint les objectifs définis par les Objectifs du Millénaire pour le Développement OMD-II (concernant l’éducation primaire pour tous) et le OMD-III (à propos de l’égalité des sexes).
Par ailleurs, depuis son indépendance, le Bangladesh a adopté une politique étrangère active en adhérant pleinement à la Charte des Nations unies. Pour notre république, la paix est essentielle à tout progrès économique et social. Comme le garantit notre Constitution, l’engagement du Bangladesh pour la paix se reflète dans sa participation aux opérations de maintien de la paix des Nations unies dans le monde entier, puisque notre pays est l’un des premiers Etats fournisseurs de troupes.
Le Bangladesh est en outre reconnu comme une figure clé de la coopération régionale. Nous pensons en effet qu’une coopération intense au sein de diverses régions est un élément réellement positif pour le potentiel économique des pays partenaires. C’est pour cette raison que le Bangladesh a lancé, dès 1980, l’idée de former l’actuelle SAARC (Association sud-asiatique de coopération régionale). Nous participons en outre activement à d’autres forums, tels que l’Initiative pour la coopération multisectorielle technique et économique des pays du golfe du Bengale (BIMSTEC) et le forum régional de l’ASEAN (Association des Nations de l’Asie du Sud-Est). Notre objectif et notre rôle constructif sur la scène internationale nous a permis de participer au Conseil de Sécurité de l’ONU (en 1979-1980 puis en 2000-2001), à l’ECOSOC (Conseil Economique et Social) en 1997, ainsi qu’à des fonds, des programmes et des organismes clés des Nations unies, à savoir, l’UNICEF, l’UNESCO, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), le FNUAP (Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population), ainsi que, plus récemment, au Conseil des droits de l’Homme et à la Commission pour la construction de la Paix.
Quel que soit le parti vainqueur lors des prochaines élections en janvier 2007, les mêmes stratégies seront mises en place en terme de développement économique, dans une atmosphère de paix et de stabilité qui contribuera au renforcement des institutions démocratiques.
L.L.D. : Quinze ans après l’introduction du multipartisme dans votre pays, quel regard portez-vous sur la démocratisation de la société bangladaise ? Comment percevez-vous les pressions des pays donateurs en faveur des droits de l’Homme, de la démocratie, et de la lutte contre la corruption qui affecte le fonctionnement de l’économie bangladaise ?
S.E.M.M.H. : Le Bangladesh dispose d’un système démocratique multipartite dynamique. Les trois principaux piliers de cette société démocratique – des élections libres et impartiales conformément à la Constitution, un système judiciaire indépendant, des médias et une presse indépendants – se sont renforcés au fil des ans.
Au terme du mandat d’un gouvernement en exercice, des élections sont organisées par une administration provisoire et neutre. Le système judiciaire, connu pour être libre et impartial, est totalement indépendant. La liberté des médias (la presse écrite comme les médias électroniques) est totale. Grâce à ces institutions, le peuple bangladais est fondamentalement démocratique, à la fois dans l’esprit et dans l’attitude.
Le Bangladesh fait en sorte d’être en dialogue permanent avec ses partenaires de développement. Ces derniers sont parfois critiques envers le gouvernement, et lorsque ces critiques sont justifiées, le gouvernement, souverain et fixant ses propres priorités, effectue les rectifications nécessaires.
L.L.D. : A l’approche des élections générales, la question du fondamentalisme religieux est plus que jamais au centre des débats au Bangladesh, troisième pays musulman du monde. Au regard de la vague d’attentats sans précédent du 17 août 2005, comment le gouvernement appréhende-t-il le défi du terrorisme et quelle est sa stratégie pour en éradiquer les réseaux dans le pays ? Comment évaluez-vous leur capacité de nuisance sur le processus électoral à venir et, plus largement, sur les fondements institutionnel et identitaire de l’Etat bangladais ?
S.E.M.M.H. : Avant tout, que les choses soient claires, il n’y a pas de fondamentalisme religieux au Bangladesh. La société bangladaise est modérée, ouverte et a une excellente réputation en matière d’harmonie communautaire. La Constitution du Bangladesh garantit la liberté de culte à chaque citoyen.
En août 2005, des fanatiques criminels ont été impliqués, au nom de la religion, dans des attentats à la bombe de faible puissance contre l’administration et, plus généralement, contre le peuple bangladais. Le gouvernement a d’ores et déjà interdit ces groupes et est parvenu à en arrêter les principaux auteurs. Leurs leaders ont été reconnus coupables lors de leur procès ; 33 d’entre eux ont été condamnés à mort et plusieurs autres à la prison à perpétuité. Depuis l’arrestation de ces criminels, le pays n’a connu aucun autre attentat à la bombe. Le Gouvernement ne fait preuve d’aucune complaisance et il est déterminé à éradiquer les groupes extrémistes du Bangladesh. Le fondamentalisme religieux ne peut s’enraciner au sein d’une démocratie, et le Bangladesh est un pays profondément démocratique.
L.L.D. : En dépit d’une croissance annuelle soutenue de 5% depuis quatre ans, le Bangladesh demeure confronté à un net creusement des inégalités sociales. Quels dispositifs sont envisagés pour enrayer la paupérisation du pays ?
S.E.M.M.H. : Le Bangladesh a opté pour un système de libre marché lié à l’économie mondiale. Nous nous sommes par ailleurs fermement engagés dans l’accélération de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) est, en 2006, de 6,7 %. Des différences de revenus, caractéristiques d’une économie libre de marché, existent encore, il est vrai, mais aucune société ne peut totalement éliminer les disparités sociales. Le gouvernement bangladais a cependant pris des mesures radicales pour réduire ce phénomène, en investissant toujours plus dans l’éducation, les services médicaux, le développement des ressources humaines et l’émancipation des femmes.
Notre pays a fait des progrès remarquables en terme d’augmentation des salaires et de réduction de la pauvreté. Le concept du micro-crédit, né au Bangladesh, est aujourd’hui un modèle économique, créateurs de sources de revenus pour les plus pauvres, notamment pour les femmes. Les activités pionnières de la Grameen Bank, dont la préoccupation première reste la production des revenus ont été étendues à divers domaines : des crédits sont ainsi alloués aux plus pauvres sans aucune logique de profit. Ces projets innovants ont réellement contribué à réduire les différences de revenus et ont particulièrement bénéficié aux femmes.
Le Bangladesh a souvent été félicité pour avoir fait des progrès remarquables sur plusieurs points des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Vous pourrez le constater par vous-mêmes en étudiant les récentes statistiques de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de Développement (BAD), du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) et d’autres organisations, concernant le Bangladesh. Une fois que notre pays aura réussi à créer plus d’opportunités d’emplois, ces disparités diminueront encore davantage. C’est pour cette raison que notre gouvernement a mis un fort accent sur le développement des flux d’investissements directs à l’étranger et sur les exportations, plutôt que sur l’assistance économique.
L.LD : Portée par le secteur privé, qualifié de « véritable dynamique interne », la vigueur de l’économie bangladaise repose sur une forte demande intérieure et la bonne tenue de ses exportations. Comment définiriez-vous les atouts économiques de votre pays ? Quels secteurs d’activité sont privilégiés dans sa stratégie de développement ? Quelles initiatives peuvent contribuer à améliorer le cadre des affaires ?
S.E.M.M.H. : Le secteur privé, dynamique et innovant, représente effectivement plus de 70% de l’économie bangladaise. La politique du gouvernement est de soutenir le secteur privé, qui est la force motrice de notre économie.
Le secteur de la confection a fait d’énormes progrès en trente ans, dans tous les sens du terme, et représente aujourd’hui plus de 70% des produits à l’export, soit plus de 7,5 milliards de dollars. Ce secteur, nous en sommes convaincus, attirera bientôt davantage d’investisseurs étrangers et participera dans le même temps au développement d’autres industries.
Le secteur gazier, pour lequel de nombreux investissements ont été réalisés et dont la contribution au PIB est en augmentation, est l’un des atouts économiques du Bangladesh à mettre en exergue.
En vue d’améliorer ses exportations, le Bangladesh a d’abord besoin de flux commerciaux libéralisés et d’un accès plus facile aux différents marchés des pays développés. Le Bangladesh est membre de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) mais ses exportations souffrent des nombreux tarifs douaniers, et surtout des barrières non-tarifaires imposées par les pays développés. Ces obstacles à l’export doivent être supprimés pour des pays tels que le Bangladesh, afin de rompre le cycle de la pauvreté et du sous-développement.
L.L.D. : En grande partie enclavé au Nord-Est de l’Inde, le Bangladesh occupe néanmoins une position stratégique au carrefour du sous-continent indien et de l’Asie du Sud-Est. Dans quelle mesure l’intégration régionale peut-elle favoriser le développement des infrastructures nationales ? Quels projets ou quelles orientations sont préconisées en ce sens ? Quelles sont vos attentes à l’égard de l’accord de libre-échange de l’Asie du Sud (SAFTA) mis en vigueur le 1er juillet dernier ?
S.E.M.M.H. : Le Bangladesh partage en effet sa frontière avec l’Inde sur trois côtés, dont la région enclavée du Nord-Est de l’Inde, nettement sous-développée par rapport au reste du pays.
Avec l’entrée en vigueur du SAFTA le 1er juillet 2006, le processus de réduction des barrières douanières est en marche. Il est prévu qu’avant le 31 décembre 2008 les tarifs douaniers concernant l’exportation de produits du Bangladesh, du Bhoutan, du Népal et des Maldives – quatre Pays les Moins Avancés (PMA) de l’Association d’Asie du Sud pour la Coopération Régionale (SAARC) – vers d’autres pays de l’association (le Pakistan, l’Inde et le Sri Lanka) soient réduits entre 0 et 5 %. Ces mêmes PMA devront eux aussi avoir réduit leurs tarifs douaniers au même niveau à l’horizon 2015. En plus de cet accord, les Etats membres en ont ratifié et signé trois autres – contre la double taxation, sur la coopération douanière, ainsi que sur la formation d’un conseil d’arbitrage. Le Conseil ministériel du SAFTA a également été créé pour contrôler la mise en place de cet accord.
Tous ces éléments indiquent qu’une nouvelle ère commence pour la SAARC, sans compter qu’une étude sur l’introduction d’échanges de services au sein du SAFTA est actuellement en cours. Une mise en place totale du SAFTA permettrait d’augmenter les échanges et les investissements régionaux, et ferait de l’Asie du Sud une destination plus attractive pour les investisseurs du monde entier.
L.L.D. : Créée en 1985 sur proposition de l’ancien Président Ziaur Rahman, l’Association de l’Asie du Sud pour la Coopération Régionale (SAARC) peine encore à trouver une véritable dynamique de construction. Alors que Dhaka a accueilli le dernier sommet de l’organisation en novembre 2005, comment la cohésion de l’Asie du Sud peut-elle être renforcée ? Comment votre pays, en partenariat avec les autres pays membres, compte-il contribuer à la stabilisation et à l’intégration économique de l’Afghanistan qui a été admis au sein de la SAARC lors du Sommet de Dhaka ?
S.E.M.M.H. : La coopération régionale en Asie du Sud est passée par plusieurs étapes au fil des ans. Lorsque le Bangladesh a lancé l’idée de la SAARC au début des années 1980 et que notre ancien Président Ziaur Rahman a contacté chacun des dirigeants des pays concernés, notre objectif était de tirer profit de la force économique des pays d’Asie du Sud. Depuis les débuts de la SAARC en 1985, le Bangladesh a toujours joué un rôle prépondérant dans la gestion du programme de la coopération régionale, et ce à différents niveaux. Nous nous sommes ainsi déplacés dans chacun des pays membres de la SAARC pour les convaincre de prendre part aux efforts innovants de l’association, par exemple en s’engageant dans la lutte contre la pauvreté.
Ces dernières années, le programme de la SAARC a suscité une plus grande attention et un engagement plus important de la part des Etats membres, comme l’attestent les bilans des deux derniers Sommets (le 12ème et le 13ème Sommet, respectivement à Islamabad en 2004 et à Dhaka en 2005). Le Sommet de Dhaka a notamment constitué un événement marquant, avec la conclusion de l’Accord sur la zone de libre échange de l’Asie du Sud (SAFTA) et de trois autres accords destinés à faciliter les échanges. Un mécanisme général de financement, le « SAARC Development Fund » (le SDF ou Fonds de développement de la SAARC) a depuis été mis en place, tandis qu’un fonds de 300 millions de dollars a été alloué au département chargé de lutter contre la pauvreté. Vingt-deux Objectifs de développement de la SAARC ont été lancés en vue d’être atteints en 2015. 2007 sera ainsi l’Année de l’Asie du Sud-Est Verte, tandis que la période 2006-2015 se concentrera sur la lutte contre la pauvreté. La troisième décennie de la SAARC sera en outre consacrée à la mise en place d’activités de coopération dotées d’objectifs de résultats bien définis. Le Bangladesh a également supervisé la réalisation d’un document visionnaire sur la Troisième Décennie de la SAARC, qui sera lancé lors du 14ème Sommet, à New Delhi, en avril 2007. Notre principal objectif reste d’avancer vers une union douanière puis, dans les décennies à venir, vers une Union économique d’Asie du Sud.
Face à de tels engagements, l’Afghanistan a été le huitième état à rejoindre la SAARC. Le Ministre des Affaires étrangères afghan a ainsi participé au Conseil des Ministres de la SAARC, qui s’est tenu à Dhaka pour la première fois. La Chine, le Japon, la République de Corée ainsi que l’UE ont par ailleurs été acceptés au sein de l’association en tant que membres observateurs. Ils prendront part au 14ème Sommet qui aura lieu en 2007.
En un mot, la SAARC est prête à s’investir davantage sur le plan de la coopération. Amélioration des interactions, des situations sociales, mise à profit des potentiels sur le plan énergétique, des échanges et des investissements : pour tous ces engagements, le Bangladesh veut faire en sorte que la structure et le programme de la SAARC, dont j’espère qu’elle deviendra rapidement « la SAARC du peuple », soient directement bénéfiques aux populations.
Au sujet de l’Afghanistan et de son intégration économique en tant qu’Etat membre de la SAARC, l’ensemble des autres Etats membres souhaite contribuer sans tarder au développement des infrastructures sociales et matérielles de ce pays frère. Un certain nombre d’ONG bangladaises et des centaines de professionnels de l’assistance bangladais sont d’ores et déjà présents en Afghanistan. Dès que ce pays sera en mesure de rejoindre le SAFTA, des opportunités en termes d’échanges et d’investissements y seront également mises en place.
L.L.D. : La visite officielle que le Premier ministre Khaleda Zia a effectuée à New Delhi en mars dernier a permis de relancer la coopération entre le Bangladesh et l’Inde, avec la signature de deux accords sur la lutte contre le trafic de drogues et l’élargissement du commerce bilatéral. Quelles perspectives ces progrès ouvrent-ils pour le règlement des différents problèmes entre l’Inde et le Bangladesh ?
S.E.M.M.H. : Le Premier ministre Khaleda Zia s’est effectivement rendue en Inde en mars 2006. Elle s’était par ailleurs rendue au Pakistan en février 2006. En tant que Présidente de la SAARC, Begum Khaleda Zia avait besoin de s’entretenir avec ses homologues des pays membres pour accélérer le processus d’intégration économique, et ces deux visites se sont avérées très productives.
La signature du « Nouvel accord d’échange » permettra d’écarter les obstacles qui restreignent les échanges et le commerce entre le Bangladesh et l’Inde.
L’ « Accord de coopération mutuelle pour la prévention contre le trafic illégal de drogues et de substances psychotropes » permettra aux forces de police indiennes et bangladaises de s’attaquer au trafic de drogue de manière plus efficace, et de réduire dans le même temps les crimes liés à la drogue dans la région.
Ces deux accords démontrent que le Bangladesh et l’Inde souhaitent de toute évidence aller de l’avant, au travers du dialogue et de la négociation. Les relations unissant nos deux pays sont multiples et leur dialogue, sur de nombreux sujets en lien direct avec les relations bilatérales, n’a jamais cessé.
L.L.D. : En 2005, la Chine s’est affirmée, pour la première fois devant l’Inde, comme le principal fournisseur du Bangladesh. Que traduit cette évolution du commerce extérieur bangladais ? Plus largement, comment analysez-vous la modestie des échanges entre les pays de la SAARC et la tendance de l’Inde à se tourner de plus en plus vers l’ASEAN ? A l’inverse, quel rôle la Chine peut-elle jouer en Asie du Sud ?
S.E.M.M.H. : La Chine, en tant que proche voisin,
est effectivement le principal fournisseur du Bangladesh, ce qui est, à mon avis, une situation naturelle compte tenu de leur statut de pays membres de l’OMC. Les relations commerciales entre deux pays reposent toujours sur l’existence d’un bénéfice mutuel.
Le Bangladesh a ainsi obtenu un accès hors-taxes pour un certain nombre de produits bangladais exportés en Chine, un pays par ailleurs engagé dans la mise en place de plusieurs projets d’infrastructures d’envergure dans notre pays.
La modestie des échanges entre les pays membres de la SAARC s’explique par le taux élevé des tarifs douaniers sur les produits à l’exportation des autres pays d’Asie du Sud, une tendance que le SAFTA devrait justement permettre d’inverser.
Les relations économiques et commerciales qu’entretiennent le Bangladesh, en tant que membre du Forum régional de l’ASEAN (ARF), et les pays de l’ASEAN vont par ailleurs s’intensifier. L’économie la plus importante d’Asie du Sud étant l’économie indienne, il est normal que ce pays ait des relations avec l’ASEAN.
Le Bangladesh est très heureux de voir la Chine rejoindre la SAARC en tant qu’observateur, et qu’elle reconnaisse le potentiel croissant des Etats membres dans leur individualité et de la SAARC en tant qu’organisation de coopération régionale dynamique. Cela faisait plusieurs années que la Chine nous faisait part de son désir de s’associer à la SAARC. Notre interaction avec la Chine, qui a par ailleurs joué un rôle important en termes de coopération de développement dans la région, n’est pas nouvelle et s’est intensifiée ces derniers temps à de nombreux niveaux. Lors du 13ème Sommet de la SAARC à Dhaka, l’an dernier, l’ensemble des Chefs d’Etats et de Gouvernements ont approuvé l’intérêt exprimé par la Chine de s’y joindre en qualité de membre observateur. Elle rejoint aujourd’hui la SAARC, ce qui pourrait signifier le début d’une nouvelle ère en terme de collaboration entre la SAARC et la Chine, concrète et riche de projets, et ce sur plusieurs plans d’intérêt mutuel.
L.L.D. : Premier fournisseur de troupes pour les opérations de maintien de la paix des Nations unies, le Bangladesh s’est posé en partenaire majeur de la communauté internationale. Quelle est votre vision de la réforme des Nations unies ? Classé au sein des Pays les Moins Avancés (PMA) dont votre pays est le plus important par la population, quelles propositions envisage-t-il de faire valoir durant sa présidence du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) ?
S.E.M.M.H. : Comme je l’ai évoqué précédemment, le Bangladesh croit profondément au maintien de la paix entre les nations.
Les Forces armées du Bangladesh, les forces de police et des représentants civils de notre Etat sont actuellement engagés en tant que soldats de la paix de l’ONU dans douze pays. Avec plus de 10 000 soldats déployés, le Bangladesh est le premier fournisseur de troupes pour les opérations de maintien de la paix des Nations unies et, en reconnaissance de sa forte conviction et de sa contribution à la paix dans le monde, notre pays a été désigné membre de la « Commission de consolidation de la paix des Nations unies ».
Concernant la réforme des Nations unies, le Bangladesh estime que l’ONU devrait être plus forte, plus efficace et privilégier davantage l’obtention de résultats. Notre pays n’est pas favorable à un plan d’expansion uniquement basé sur « une représentation géographique équitable », mais soutient en revanche une extension du Conseil de Sécurité basée sur l’engagement effectif des pays membres au sein des Nations unies. L’ONU devrait par ailleurs s’atteler aux questions de développement et d’environnement, notamment celles qui affectent les pays en développement.
Le Bangladesh occupe par ailleurs un mandat depuis deux ans au sein de l’ECOSOC, dont il a largement contribué aux activités. Ce mandat s’achèvera en décembre 2006.
L.L.D. : La visite inédite d’une troïka européenne à Dhaka en janvier 2006 a permis de relancer le dialogue politique entre le Bangladesh et l’Union européenne, qui est par ailleurs son premier partenaire commercial. Quels sont les principaux axes de coopération définis par Dhaka et Bruxelles ?
S.E.M.M.H. : Les relations entre le Bangladesh et la Commission européenne datent de 1973, et une délégation de la Commission européenne est présente à Dhaka depuis 1982. Le Bangladesh et la Commission ont signé trois accords visant à élargir leur coopération dans les domaines suivants :
– les services sociaux et humains fondamentaux (alimentation, santé, soins de santé de base et éducation)
– le développement social et humain.
– le progrès économique (capacité d’établir des relations commerciales, question du développement économique, etc.).
Notre pays reçoit une assistance technique pour la mise en œuvre de projets dans ces trois domaines d’action. La Commission européenne, avec qui le Bangladesh est en dialogue constant, constitue plus largement un partenaire de développement majeur pour notre pays.
Enfin, je vous rappelle que les Etats membres de l’Union européenne (UE) constituent les principales destinations des exportations bangladaises et représentent environ 55% de nos exportations globales. De juillet 2005 à juin 2006, les exportations totales du Bangladesh vers les pays de l’UE ont ainsi représenté 4,62 milliards de dollars.
L.L.D. : Les deux Alliances françaises et la mission archéologiques de Mahasthangarh sont autant d’illustrations des relations traditionnellement bonnes qu’entretiennent le Bangladesh et la France. Au-delà de ces réalisations sur le plan culturel, comment qualifieriez-vous la coopération entre le Bangladesh et la France ? Dans quels domaines le Ministre des Affaires étrangères M. M. Morshed Khan, en visite à Paris le 24 avril dernier, a-t-il souhaité lui donner une nouvelle impulsion ? Dans quelle mesure le récent investissement du Groupe Lafarge, le plus important investissement français hors secteur gazier, témoigne-t-il du potentiel de développement des échanges commerciaux entre les deux pays ?
S.E.M.M.H. : Le Bangladesh et la France entretiennent d’excellentes relations bilatérales. La France nous a assuré un soutien moral important lors de notre guerre d’indépendance, et je voudrais notamment rappeler la contribution du philosophe français André Malraux qui avait massivement alerté l’opinion française et internationale, et obtenu son adhésion en faveur du peuple bangladais au cours de la guerre.
Le Bangladesh et la France, qui représente un marché significatif pour les exportations bangladaises (780 millions de dollars en 2005), sont par ailleurs plutôt proches en termes de relations économiques. La France constitue désormais un investisseur de poids au Bangladesh : les groupes Lafarge, Alcatel, Adhipress, Carrefour, Total, Aventis Pharma, Casino, etc., sont engagés au Bangladesh dans les domaines commerciaux et d’échanges. Grâce à une joint-venture entre l’entreprise française Danone et l’entreprise Grameen au Bangladesh, une production de produits laitiers devrait en outre débuter au Bangladesh en novembre 2006, dont l’icône française du football Zinédine Zidane devrait inaugurer la cérémonie de lancement qui se tiendra au Bangladesh.
Les Alliances françaises de Dhaka et de Chittagong sont en effet des centres culturels importants, véritables vitrines de la culture française au Bangladesh. Elles organisent également des événements culturels bangladais. Elles sont désormais de véritables centres d’échanges culturels.
La civilisation bangladaise est ancienne et le pays comporte de nombreux sites historiques. En 2002, le Bangladesh et la France ont signé un accord de coopération en archéologie, permettant
à des archéologues français de travailler à Mahasthangarh. Des découvertes intéressantes ont été réalisées. Ces initiatives aident nos musées à préserver le patrimoine ancien de notre pays. Une exposition consacrée aux sculptures, statues et objets historiques du patrimoine bangladais se tiendra d’ailleurs à Paris à l’automne 2007, conjointement organisée par le Musée Guimet de Paris et le Bangladesh National Museum.
Je tiens par ailleurs à souligner que M. M. Morshed Khan, Ministre bangladais des Affaires étrangères, est venu à Paris du 23 au 25 avril dernier et a pu, au cours de cette visite, rencontrer son homologue français M. Philippe Douste-Blazy, avec qui il a abordé diverses questions bilatérales de coopération. Le Bangladesh a notamment demandé à disposer d’un accès plus facile au marché français. Notre ministre a par ailleurs invité M. Douste-Blazy à visiter le Bangladesh et à participer à l’inauguration de l’usine de ciment Lafarge en novembre 2006. L’implantation d’une telle usine au Bangladesh illustre avec éloquence le climat actuel de notre pays pour les investissements étrangers mais aussi les progrès économiques notables que le Bangladesh a réalisés ces trente dernières années. |