Vers l’intégration à l’UE et à l’OTAN : les étapes clés d’un succès
Six ans après avoir rétabli son indépendance, le Monténégro devrait ouvrir les négociations d’adhésion à l’Union européenne dès l’été 2012. Un grand accomplissement pour ce pays de 620 000 habitants, de riches traditions culturelles et historiques, qui a réussi à préserver la paix tout au long des années troubles qu’ont connues les Balkans et à réaliser la transformation de la société monténégrine en une économie moderne, prête à affronter les défis de la crise économique internationale, partenaire de la famille européenne et modèle de stabilité dans la région.
La Lettre Diplomatique : Madame l’Ambassadeur, le Monténégro célèbrera le 3 juin 2012 le sixième anniversaire de son accession à une indépendance qu’il avait perdue en 1918. Quelle analyse faites-vous du parcours de votre pays, notamment depuis la fin des guerres de l’ex-Yougoslavie ?
S.E.Mme Irena Radovic : Le Monténégro a choisi le 21 mai 2006, par référendum, de devenir un État indépendant, en rompant l’union établie en 2001 avec la Serbie à la suite de la partition de la Yougoslavie, parce qu’il souhaitait accélérer son intégration au sein de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de traité de l’Atlantique Nord (OTAN), et qu’il entendait protéger son identité nationale et créer les meilleures conditions possibles pour le bien-être de ses concitoyens. Considérant traditionnellement son caractère multiethnique et multiculturel comme un bienfait et un atout, le Monténégro est parvenu, tout au long de la crise des Balkans et des guerres de la dernière décennie du XXème siècle, à préserver son harmonie multiethnique, la paix et la stabilité, et à rester la seule République de l’ex-Yougoslavie à ne pas avoir connu la guerre sur son territoire. Notre pays a été et reste un partenaire crédible pour la communauté internationale, dont il partage les valeurs, pour la promotion de la coopération et de l’intégration régionale dans les Balkans occidentaux. Aujourd’hui, le Monténégro est un État européen moderne, de revenu intermédiaire supérieur, qui bénéficie de la stabilité politique et d’un environnement d’affaires dynamique et attractif. Il a l’euro pour devise légale depuis 2002 et ses citoyens bénéficient de la liberté de circulation dans l’espace Schengen. Je voudrais souligner que moins de cinq ans après avoir recouvré son indépendance, le Monténégro s’est vu accorder, en décembre 2010, le statut de candidat à l’adhésion à l’UE. Au regard des réels progrès accomplis pour harmoniser notre cadre légal avec les standards internationaux, grâce à la mise en œuvre de multiples réformes, nous comptons sur un ouverture des négociations d’adhésion avec l’UE dès cet été. Le Monténégro a également réalisé des avancées notables en vue d’une adhésion à l’OTAN. Il a en effet rejoint le Plan d’action pour l’adhésion en décembre 2009, dernière étape avant l’accès au statut de pays membre. De plus, il participe activement à des missions et opérations internationales, faisant ainsi la preuve qu’il est un partenaire fiable pour la communauté internationale, au travers de sa contribution à la paix et à la stabilité dans le monde.
L.L.D. : À l’occasion de la visite de travail effectuée par le Ministre monténégrin des Affaires étrangères Milan Rocen à Paris, le 27 octobre 2011, la France a affirmé son soutien à l’entrée du Monténégro au sein de l’UE. Comment qualifieriez-vous l’évolution des relations entre le Monténégro et la France, et plus précisément du dialogue politique bilatéral ?
S.E.Mme I.R. : Le Monténégro et la France entretiennent des relations traditionnellement étroites. Notre pays a fait ses preuves en tant que partenaire fiable et utile pour mener des efforts communs de construction de la paix et de la stabilité dans les Balkans Occidentaux, région où la France a été particulièrement active tout au long de la dissolution de l’ancienne Yougoslavie et où elle continue à jouer un rôle essentiel. Véritablement attachée à la perspective européenne de cette région, la France apprécie la contribution durable du Monténégro à la stabilité régionale et à la coopération. Elle soutient en ce sens pleinement son adhésion à l’UE. C’est au cours de la Présidence française de l’UE en 2008, que le Premier ministre monténégrin Milo Djukanovic a présenté, au Président Nicolas Sarkozy, la candidature du Monténégro à l’adhésion à l’UE. Depuis lors, la France a fortement contribué, par son action bilatérale, à la réalisation de réformes dans de multiples domaines et au succès du Monténégro sur la voie de son intégration européenne. La France a réaffirmé ainsi un soutien politique très fort lorsqu’il s’est vu officiellement accorder le statut de candidat à l’UE en 2010. Le document relatif au partenariat entre les deux pays – la Feuille de route pour le renforcement des relations franco-monténégrines – a été signé en décembre 2009. Il couvre les domaines de la consolidation du dialogue politique et de l’approfondissement de la coopération dans les affaires européennes, ainsi que des initiatives conjointes visant à renforcer la coopération dans le cadre de la politique européenne de défense et de sécurité commune (PESD), ainsi qu’au sein de l’Union pour la Méditerranée. Cette Feuille de route a également constitué le socle pour le renforcement des capacités de l’administration monténégrine, à travers la coopération établie avec l’École nationale d’administration (ENA) et le Centre d’Études européennes de Strasbourg, dans le cadre de la réforme de l’administration publique prévue par le processus d’adhésion à l’UE. Elle porte en outre sur la coopération économique et culturelle, ouvrant la voie à de nombreuses initiatives dans ces domaines. Celles-ci se traduisent par de nouveaux partenariats et le renforcement des liens existants dans des domaines où la France joue un rôle prépondérant au Monténégro, notamment en matière de réforme du système judiciaire ainsi que du secteur rural et agricole. La récente visite à Paris du Ministre monténégrin des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne, M. Milan Rocen, a été l’occasion de poursuivre l’examen de nos relations bilatérales, de réaffirmer nos engagements vers des objectifs communs et le soutien de la France à l’intégration européenne et euro-atlantique du Monténégro. La France a d’ailleurs salué le rôle positif de notre pays aussi bien dans la région que sur le plan international, en mettant l’accent sur son engagement au sein de la mission de la FIAS (Force international d’assistance et de sécurité) en Afghanistan et sur son appui à la transition en Libye. Des consultations politiques ont été menées après cette visite, au niveau de nos Ministères respectifs en mars 2012, qui ont permis d’identifier de nouvelles modalités de coopération et des initiatives conjointes conformes à la Feuille de route, tout en approfondissant davantage les liens de coopération, en vue de l’ouverture des négociations d’adhésion du Monténégro à l’UE, attendue en juin 2012.
L.L.D. : Succédant en décembre 2010 à M. Milo Djukanovic à la tête du gouvernement monténégrin, le Premier Ministre Igor Luksic incarne le nouveau visage du Monténégro. Au-delà de l’intégration aux structures euro-atlantiques dont il a fait le principal objectif de sa politique étrangère, autour de quels thèmes phares s’articule son programme d’action ?
S.E.Mme I.R. : Outre la mise en œuvre des trois piliers de notre politique étrangère, à savoir l’adhésion à l’UE, à l’OTAN et la coopération régionale, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Igor Luksic s’est engagé à consolider les fondamentaux qui assureront le développement économique et démocratique durable du Monténégro. M. Igor Luksic a pris ses fonctions de Premier Ministre dans un environnement économique difficile qui a affecté à la fois notre pays et nos principaux partenaires internationaux. Dans de telles conditions, le gouvernement cherche à maintenir un équilibre en répondant à la crise de manière à ne pas porter atteinte à long terme à la stabilité budgétaire et financière, et avec pour objectif de créer un cadre institutionnel et un système économique compétitif qui permettront d’attirer un investissement pérenne et d’augmenter l’emploi. Un tel projet requiert des changements systémiques, le sacrifice et la compréhension de tous, sans exception. Aussi, faisons-nous tout ce que nous pouvons au Monténégro et tout ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs et améliorer la qualité de vie de tous nos citoyens. L’objectif primordial du gouvernement est de créer les conditions préalables d’une transformation de notre potentiel économique en croissance effective et forte, de garantir la stabilité et la pérennité de l’économie par la mise en œuvre de mesures strictes de consolidation budgétaire et de réformes structurelles, tout en améliorant l’environnement des affaires en vue de rendre le Monténégro plus compétitif.
L.L.D. : Un an après l’obtention par le Monténégro du statut de candidat à l’adhésion à l’UE, le Conseil européen a fixé en décembre 2011 un objectif d’ouverture des négociations à l’été 2012. Au regard des progrès accomplis pour remplir les critères de Copenhague, quelles priorités et quel calendrier votre gouvernement a-t-il définis en vue de poursuivre les réformes structurelles ? Quelles mesures sont plus particulièrement prévues en ce qui concerne le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption ?
S.E.Mme I.R. : La priorité du gouvernement monténégrin est, en effet, de poursuivre l’application de réformes structurelles s’inscrivant pleinement dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE, en faveur de l’emploi, de l’amélioration de la compétitivité, de la réalisation du potentiel économique et du soutien à l’innovation. L’objectif est d’améliorer d’une part l’efficacité et la qualité des services publics et, d’autre part, la productivité globale de l’économie. Des réformes importantes, telles que l’augmentation progressive de l’âge légal de la retraite à 67 ans, et des dispositions législatives pour rendre plus flexibles les conditions de licenciement, ont déjà été adoptées, permettant un développement stable de l’économie. Le gouvernement de M. Igor Luksic poursuit également son action en matière de réformes structurelles dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la science, du marché du travail et de la protection sociale. Il est déterminé à ce que ces transformations, combinées à la réforme de l’administration publique, constituent la base d’une croissance et d’un développement durable. Le Monténégro a en outre initié des changements constitutionnels pour renforcer l’indépendance de la justice. A l’heure actuelle, nous nous employons à ajuster le cadre légal en vue de fusionner les services en charge de la lutte contre la corruption en une seule agence. En mobilisant toutes ses capacités et en adoptant une approche active et responsable, le Monténégro a ainsi réalisé d’importants progrès, illustrés par la note de 4.0 qui lui a été attribuée par Transparency International dans l’Index 2011 de la perception de la corruption, ce qui le place au 66ème rang mondial, au même niveau que la Croatie et la Slovaquie, mais bien devant d’autres pays de la région et quelques États membres de l’UE.
L.L.D. : Après avoir enregistré une progression rapide et soutenue du PIB, atteignant plus de 10% en 2007, l’économie monténégrine a subi de plein fouet les répercussions de la crise économique et financière internationale en 2009. Quelles sont les principales marges de manœuvre de votre gouvernement pour consolider la reprise d’une croissance durable ? Considérant la source de vulnérabilité que représente le poids de la dette, quels efforts ont été accomplis en vue d’assainir les finances publiques ainsi que le secteur bancaire ?
S.E.Mme I.R. : Dans les années précédant la crise, le Monténégro a connu le taux de croissance le plus élevé de la région et son PIB par habitant était supérieur à celui des pays voisins. Bien que n’étant pas membre de la zone euro, le Monténégro bénéficie de la monnaie unique européenne et du marché commun. L’UE est notre principal partenaire commercial. Compte tenu d’un tel niveau d’interdépendance, le Monténégro partage avec l’UE un même destin économique. La crise économique a touché durement le Monténégro, en raison de sa forte dépendance aux flux de capitaux extérieurs. C’est pourquoi nous avons mis en place un paquet ambitieux de mesures qui a atténué les effets de la récession et nous a permis de préserver notre stabilité économique et notre niveau de vie. L’économie monténégrine est désormais en voie de rétablissement et rebondit dans plusieurs secteurs clés. La Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) ont salué la stabilisation de notre trajectoire économique et nos perspectives de croissance. De fait, nos résultats sont très convenables au regard de l’ampleur de la crise économique : le Monténégro a connu une croissance réelle de 2,5% en 2011 et prévoit 2% en 2012. Cependant, l’établissement des fondements de notre prospérité future et à long terme est plus important encore que le redressement de court terme. La tâche du gouvernement monténégrin est de créer les conditions de la stabilité et du dynamisme économique durables. Notre économie doit encourager les idées nouvelles, l’innovation, les investissements et les nouvelles technologies. La consolidation budgétaire demeure également l’une de nos priorités. L’adoption d’amendements à la loi sur les retraites et le système d’assurance sociale a constitué une étape majeure pour la stabilité à longue échéance des finances publiques et pour la stabilité financière globale. En 2011, le déficit budgétaire s’établissait à 3,9% du PIB et la dette publique à 45% du PIB, ce qui est inférieur aux seuils fixés par l’Union économique et monétaire. De plus, nous avons élaboré un plan ambitieux pour générer un excédent budgétaire primaire dès 2012 et réduire la dette publique à 41% du PIB. En 2013, l’excédent budgétaire devrait ainsi être supérieur à 3% du PIB et la dette publique inférieure à 38% du PIB. Les dépenses budgétaires de fonctionnement ont été et continuent d’être réduites et les dépenses d’intervention permettront d’engager davantage d’investissements dans des projets d’infrastructures. Enfin, le gouvernement continue de mettre en œuvre une politique de faible fiscalité reposant sur une structure simple, afin de diminuer les charges sur le travail et les revenus. L’impôt sur le revenu pour les personnes physiques a ainsi été réduit de 12 à 9% et le taux de l’impôt sur les sociétés est de 9%. Pour répondre à votre dernière question, il est évident qu’un système bancaire stable concourt, comme la discipline budgétaire, à la stabilité financière. Nous avons récemment adopté un nouvel arsenal de lois dans le domaine de la finance. Nous travaillons également à accroître l’indépendance des régulateurs financiers et leur capacité à exercer une supervision effective du secteur financier.
L.L.D. : Devenu membre de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) en décembre 2011, votre pays cherche à confirmer son potentiel d’attractivité auprès des investisseurs étrangers. Fort de son positionnement géographique et des dispositions favorables de son environnement des affaires, comment caractériseriez-vous les atouts du marché monténégrin ? A l’instar du tourisme, quels autres secteurs d’activité sont-ils appelés à s’affirmer comme moteurs de la croissance pour le Monténégro ?
S.E.Mme I.R. : Le Monténégro est reconnu dans le monde pour être un pays leader en matière de réformes en faveur du monde des affaires et une destination de premier plan pour les investissements dans le Sud-Est de l’Europe. Il dispose d’un capital intellectuel de haut niveau et des accès hors droits de douane à plus de 10% du marché mondial. Il peut servir de plateforme industrielle pour des exportations exemptées de droits vers l’UE, la Russie, la Turquie, l’Europe du Sud-Est et les membres de l’Accord de libre-échange européen (ALEE). Depuis trois années consécutives, le Monténégro est classé comme pays le plus compétitif d’Europe du Sud-Est par l’Index de compétitivité du Forum économique mondial. Avec une politique économique claire, un rôle modéré de l’administration dans la vie des entreprises, la libre circulation des capitaux, une politique fiscale compétitive, un système financier et un environnement budgétaire stables, une stabilité monétaire due à l’utilisation de l’euro comme devise, un marché du travail flexible et des lois claires et transparentes, notre pays est devenu une destination vraiment attractive pour les affaires, allant rapidement de l’avant et déterminé à devenir un pôle régional pour les échanges commerciaux. J’ajouterais que la loi monténégrine sur l’investissement étranger garantit aux investisseurs extérieurs de pouvoir créer une entreprise et conduire leurs affaires dans les mêmes conditions que les investisseurs nationaux. Notre législation ne fait aucune différence entre entreprises nationales et étrangères, et leurs bénéfices et dividendes peuvent être rapatriés sans limite ni restriction. De plus, il n’existe pas de limite relative au montant ou aux secteurs pour les investissements. Une égalité complète de conditions est aussi garantie aux investisseurs étrangers opérant dans le port de Bar, sur la côte Adriatique – une zone de libre-échange créée conformément aux standards de l’UE. Les richesses naturelles spectaculaires du Monténégro – comprenant des plages magnifiques, une nature protégée, une histoire et une culture fascinantes – ont conduit au développement d’une industrie touristique en pleine santé. Les touristes peuvent se livrer à de multiples activités, bains de mer et de soleil, voile, golf, escalade, vélo, observation des oiseaux, sports d’aventure. Le Conseil mondial des voyages et du tourisme classe d’ailleurs le Monténégro comme la destination touristique avec la plus forte croissance et prévoit un taux de progression annuel moyen des investissements liés au secteur de 16,4% entre 2011 et 2021. Avec un tel taux de croissance du secteur touristique et un nombre d’hôtels pour l’heure encore insuffisant, le tourisme reste l’un des plus intéressants domaines d’investissement direct étranger. En plus de l’industrie du tourisme, le Monténégro offre un large choix possible d’investissements, particulièrement dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie, de la production agricole biologique, des transports ou de l’industrie maritime.
L.L.D. : Située au large du littoral monténégrin, l’île de Sveti Stefan, a accueilli le 30 juin 2011 le 14ème sommet du Processus de coopération en Europe du Sud-Est (SEECP) sous la présidence de votre pays. Quelle est votre perception de l’évolution de la concertation régionale, concernant notamment les défis les plus sensibles comme la lutte contre le crime organisé ? Dans quels domaines souhaiteriez-vous la voir s’intensifier ? Alors que votre pays a reconnu l’indépendance du Kosovo, comment Podgorica peut-elle, selon vous, contribuer à son insertion dans les mécanismes de coopération régionaux ?
S.E.Mme I.R. : Le développement et la prospérité du Monténégro sont en étroite corrélation avec la stabilité et la sécurité des Balkans occidentaux, et la coopération régionale demeure notre priorité en matière de politique étrangère. En l’absence de questions en suspens avec nos voisins, et compte tenu des relations excellentes que nous avons construites au fil du temps, notre pays est en bonne position pour jouer un rôle moteur dans les initiatives de coopération régionale, comme nous l’avons montré en présidant nombre d’entre elles au cours des dernières années. Le renforcement de l’État de droit et la lutte contre le crime organisé au niveau régional sont des initiatives opérationnelles en cours d’exécution et j’aimerais profiter de cette occasion pour souligner que c’est au cours de la présidence monténégrine du Processus de Coopération en Europe du Sud-Est (SEECP) que le Document stratégique régional sur la coopération en matière de justice et des affaires intérieures a été lancé et signé lors de la réunion ministérielle de Budva, en juin 2011. Outre la justice et les affaires intérieures, le Monténégro encourage la coopération et y contribue activement dans les domaines du développement économique et social, de l’énergie, des infrastructures, de la coopération en matière de sécurité, du renforcement des capacités et de la coopération parlementaire, laquelle en constitue la clé de voûte. Le Monténégro a reconnu le Kosovo en 2008, ce qui fut une bonne décision contribuant à la stabilité dans la région. Nos relations bilatérales sont bonnes et lors de la présidence des initiatives régionales, à savoir le SEECP, l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE/CEFTA), l’Initiative centre-européenne (CEI) et la Charte adriatique (A5), le Monténégro s’est montré très favorable et a investi des efforts considérables pour assurer la participation du Kosovo. À cet égard, c’est avec une grande satisfaction que nous accueillons l’accord récemment conclu entre Belgrade et Pristina sur la représentation régionale du Kosovo. Il s’agit d’un pas en avant vers la coopération régionale qui contribue au renforcement des perspectives européennes et euro-atlantiques des Balkans occidentaux.
L.L.D. : Aspirant à intégrer l’Alliance atlantique, le Monténégro participe au Plan d’action pour l’adhésion (MAP) depuis décembre 2009. Quels progrès ont été réalisés dans le cadre de ce programme ? Une adhésion à l’OTAN vous paraît-elle envisageable à l’occasion du sommet qui se tiendra à Chicago les 20 et 21 mai 2012 ? Fort de l’engagement de votre pays au sein de la Force internationale d’Assistance et de Sécurité (ISAF) en Afghanistan, comment définiriez-vous les spécificités de l’apport du Monténégro à l’action de l’OTAN ?
S.E.Mme I.R. : En décembre 2009, le Monténégro a rejoint le Plan d’action pour l’adhésion (MAP), instrument de coopération qui représente la dernière étape avant l’entrée d’un pays dans l’OTAN. Le Monténégro est actuellement dans le second cycle du MAP, et achèvera la mise en œuvre de son deuxième programme national annuel en juin 2012, suite à un rapport d’évaluation de l’OTAN. À travers ce processus, le Monténégro demeure pleinement engagé dans ses réformes, avec un fort accent mis sur la présentation de résultats concrets, à la fois dans les sphères politiques et militaires. Ayant à l’esprit que le Sommet de Chicago n’est pas un « sommet d’élargissement », nous conservons des attentes réalistes. Néanmoins, nous espérons que les Alliés confirmeront leur engagement en faveur de la « politique de la porte ouverte », encourageront les efforts du Monténégro et détermineront la marche à suivre concernant la future adhésion de notre pays à l’OTAN. Par ailleurs, le Monténégro apporte sa contribution à la mission de la FIAS en Afghanistan en mettant à disposition des éléments de ses Forces armées nationales. Actuellement, dans le cadre de la cinquième relève, 39 hommes et femmes monténégrins sont déployés dans la FIAS. En tant que pays d’une région qui a récemment connu un conflit armé, le Monténégro a compris que la construction d’une stabilité durable est un long processus, et s’engage à rester en Afghanistan conformément au principe : « arrivés ensemble, partis ensemble ». En dehors de la FIAS, le Monténégro contribue également à des missions au Libéria, en Somalie et à Chypre.
L.L.D. : Témoignant des nouvelles responsabilités qu’assume la diplomatie monténégrine au sein des organisations internationales, votre pays a été élu membre du Conseil exécutif de l’UNESCO pour la période 2011-2015. Tenant compte des défis auxquels est confrontée cette organisation au plan budgétaire, quelle voix compte-t-il faire entendre pour le maintien de la dynamique de réformes impulsée par la Directrice générale de l’UNESCO, Mme Irina Bokova ? En votre qualité de Délégué permanent, quelles priorités avez-vous déterminées à la participation monténégrine au sein des programmes de l’UNESCO ?
S.E.Mme I.R. : Le Monténégro cultive traditionnellement une forte coopération avec l’UNESCO depuis l’époque yougoslave, en sa capacité de République fédérée, laquelle lui a fourni un fondement solide sur lequel construire, à la suite de la restauration de l’indépendance du Monténégro, son adhésion à part entière à l’UNESCO en mars 2007. En outre, je suis convaincue que c’est l’engagement sincère du Monténégro au service des principes et valeurs de l’UNESCO qui l’a conduit à vouloir contribuer au renforcement des capacités de l’Organisation pour la sauvegarde et la protection des patrimoines culturels, ainsi que pour le soutien à la modernisation de la science, de la technologie et de l’innovation. Cet engagement a conduit en fin de compte notre pays à assumer l’importante position de membre du Conseil exécutif de l’UNESCO en novembre 2011. Aujourd’hui, l’UNESCO se trouve sans aucun doute confrontée à une situation difficile et c’est pourquoi nous avons, lors de la 189ème réunion du Conseil exécutif, approuvé une feuille de route nouvelle, qui lui permettra de mener à bien son programme pour 2013, en dépit de sévères contraintes de financement. Pour le moment, notre priorité est de minimiser leur impact grâce à une vision claire, un plan d’action précis et une gestion dynamique. Nous considérons cette crise temporaire comme une occasion de rendre l’UNESCO plus forte, plus efficace et plus résistante. Je reste convaincue que nous surmonterons les difficultés, et que durant ses quatre années de mandat au Conseil exécutif, le Monténégro continuera à s’engager activement dans le cadre de la grande réforme de l’UNESCO entreprise par le Directrice générale, Mme Irina Bokova. Notre objectif est d’améliorer les résultats et de construire une UNESCO plus proche des besoins des États membres, mais aussi d’étendre les compétences de l’Organisation dans l’expertise et le leadership, qui sont plus nécessaires aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été. En ce qui concerne le cadre national et les priorités du Monténégro, le riche patrimoine culturel et historique de la ville de Kotor, ainsi que les ressources naturelles du Parc national de Durmitor avec le canyon de la rivière Tara, ont été reconnus pour leur valeur universelle et inscrits comme sites du patrimoine mondial, respectivement en 1979 et 1980. Convaincus de l’importance du cœur historique de la Capitale royale du Monténégro, nous préparons actuellement le dossier de candidature de son inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Ensuite, nos efforts seront également concentrés sur la protection de la vieille ville de Bar considérée comme le plus grand et l’un des plus importants sites archéologiques médiévaux dans les Balkans, la ville romaine du Doclea et le Parc national « Biogradska gora ». En ma qualité de Déléguée permanente du Monténégro auprès de l’UNESCO, je m’engage activement à renforcer la protection et la promotion du patrimoine culturel du Monténégro et celles de la région du Sud-Est de l’Europe dans son ensemble. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que le Monténégro a pris les devants dans la promotion du dialogue interculturel dans la région au plus haut niveau politique et a également lancé la création du Centre régional pour la gestion du patrimoine culturel à Cetinje, en tant que plateforme pour le renforcement des capacités et la diffusion des bonnes pratiques et des échanges d’expériences au Sud-Est de l’Europe. Un excellent exemple de coopération régionale réside dans la nomination des pierres tombales médiévales « Stecci » pour leur inscription sur la Liste du patrimoine mondial, une initiative conjointe de quatre pays de l’Europe du Sud-Est (le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la Serbie). Un autre exemple est le projet DICTAS, qui promeut la compréhension et la gestion des ressources en eau et la planification régionale dans les pays des Alpes dinariques, tous deux préparés en étroite collaboration avec le Bureau régional de l’UNESCO à Venise.
L.L.D. : Membre observateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Monténégro a signé en mai 2011 un mémorandum sur le renforcement des capacités de travail en français dans l’administration monténégrine. En quoi l’ancrage du Monténégro au sein de l’OIF peut-il favoriser la diversification des liens de coopération avec la France et dans quels domaines ? Plus largement, quelles sont vos attentes à l’égard de votre appartenance à l’OIF en termes de rayonnement diplomatique ?
S.E.Mme I.R. : Depuis notre adhésion à l’OIF, en tant que membre observateur, à l’issue du 13ème sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Montreux en octobre 2010, nous nous félicitons de l’excellente relation nouée avec cette organisation ainsi que de la possibilité qui nous est offerte de renforcer nos relations avec ses États membres, à travers le partage de la langue française et des valeurs universelles qu’elle porte. De par sa géographie et son histoire, le Monténégro a toujours été baigné de cultures et de langues multiples, et cette tradition explique notre attachement sans faille au respect de la diversité culturelle et linguistique. Ayant eu par le passé une tradition francophone, nous sommes particulièrement attachés à redonner un nouveau souffle à la langue française et c’est pourquoi nous sommes engagés dans la promotion de la langue française au sein de nos écoles et de nos universités. L’Institut Français du Monténégro avec le soutien important de l’OIF contribue à donner une forte impulsion à l’apprentissage de la langue française au sein de notre système éducatif. En mai 2011, nous avons signé avec l’OIF un mémorandum relatif à la mise en œuvre d’un programme pluriannuel de formation au français de 300 diplomates et fonctionnaires monténégrins spécialisés dans le suivi des questions européennes et internationales. Notre engagement s’avère primordial alors que le Monténégro se prépare activement à l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE à l’été 2012, et que la France joue un rôle clé dans la réalisation des réformes institutionnelles entreprises par notre pays, en particulier dans le domaine de la justice. La France est également un de nos partenaires dans le développement de notre secteur rural et agricole. De nombreuses autres initiatives devraient voir le jour dans les années à venir, notamment dans le domaine culturel et notre ancrage dans la francophonie contribue à dynamiser nos relations avec la France. Le 14ème sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Kinshasa en octobre 2012, sera une nouvelle occasion de souligner les liens qui nous unissent à la francophonie et de réaffirmer notre engagement politique en sa faveur. Les 75 Etats et gouvernements de l’OIF, liés par des valeurs communes et universelles, représentent aujourd’hui plus du tiers des membres des Nations unies. Nous nous réjouissons que le Monténégro participe, en concertation avec ces pays, au renforcement du rôle de l’OIF sur la scène internationale. Je tiens à noter que bien que nous ayons rejoint l’Organisation assez récemment, nous sommes très actifs notamment au sein des groupes francophones, dans le cadre de l’UE, du système des Nations unies et de l’UNESCO, ici même à Paris. Nous demeurons pleinement engagés dans la promotion des objectifs de l’OIF, que ce soit dans le cadre d’initiatives multilatérales ou bilatérales. |