La steppe mongole prépare son décollage économique
Pour la cinquième fois depuis la chute du régime communiste, le peuple mongol s’apprête à élire ses représentants au Grand Khoural. Fort de cet ancrage démocratique, la Mongolie cherche désormais à valoriser son potentiel économique. Dotée d’immenses ressources minières, elle doit pourtant surmonter les contraintes que lui impose son enclavement géopolitique, défi sur lequel revient pour nous S.E.M. Radnaabazar Altangerel, Ambassadeur de Mongolie en France.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambas-sadeur, les relations entre la Mongolie et la France sont marquées par une amitié traditionnelle qui s’est notamment illustrée par la visite officielle qu’a effectué en France du 21 au 25 février 2007 le Président mongol, S.E.M. Nambaryn Enkhbayar. Comment appréciez-vous, dans ce contexte, le développement des rapports entre les deux pays, notamment dans le cadre de votre politique d’un « troisième partenaire » ?
S.E.M. Radnaabazar Altangerel : Nos deux pays sont unis par une profonde amitié et des relations de coopération qui forment aujourd’hui une très belle et très ancienne tradition que les peuples mongols et français ont su préserver. L’histoire nous enseigne les nombreux échanges et les opportunités de contacts qui ont cimenté les liens entre les deux nations. Il suffit de commencer par mentionner les lettres échangées entre les cours royales de l’Empire mongol et de France au XIIIème siècle. Dans la lettre qu’il fit parvenir au roi Louis IX par l’intermédiaire de Guillaume de Rubrouck, Möngke Khan écrivait « … Nos terres sont si éloignées, les montagnes sont hautes, les océans sont vastes (…) et pourtant, il faudrait connaître vos intentions, quant à venir en paix ou faire la guerre (…), comme en toutes choses que le Ciel éternel en décide. » Plus récemment, ces liens se sont concrétisés par le lancement de différents projets, auxquels a contribué la visite officielle en France de S.E.M. Nambaryn Enkhbayar en février 2007. Cette visite représente en effet un signe fort manifestant la volonté politique de la Mongolie d’approfondir ses relations avec la France.
Géographiquement située entre deux puissances émergentes, notre pays éprouve naturellement le besoin de sortir de cet enclavement et de la contrainte qu’il impose. Il en a résulté l’élaboration d’un nouveau concept dans la doctrine de politique étrangère mongole. Il s’agit de la notion de « troisième voisin » qui, au-delà d’être de nature géographique, relève plutôt de la géopolitique. Elle englobe un ensemble de pays développés et démocratiques qui soutiennent la Mongolie et dont fait partie l’Europe des Vingt-sept. Lors de la visite qu’il a effectué à Paris, S.E.M. Nambaryn Enkhbayar a d’ailleurs clairement affirmé que la Mongolie perçoit la France comme son partenaire stratégique et son « troisième voisin ».
L.L.D. : En juin prochain, la population mongole se rendra aux urnes pour le troisième scrutin législatif depuis 1992. Comment percevez-vous le développement du multipartisme qui s’est enraciné au cours de ces dernières années dans votre pays ? Le Parti populaire révolutionnaire mongol (PPRM), qui dispose d’une forte assise au sein de l’électorat, est-il selon vous en mesure de consolider ses positions ?
S.E.M.R.A. : La démocratie est à présent devenue une réalité dans le fonctionnement de la société mongole. Ses principes sont inscrits au sein de la Constitution qui a été adoptée en 1992 et qui stipule que le peuple de Mongolie a pour objectif suprême de construire une société civile humaniste et démocratique dans notre pays.
Le paysage politique mongol compte actuellement dix-huit partis. Cette diversité illustre en soi l’ancrage du pluralisme et du multipartisme qui caractérisent notre vie politique. De fait, tous ces partis exercent aujourd’hui leurs activités en totale liberté et légalité. Une nouvelle formation, le Parti du mouvement démocratique, a d’ailleurs été enregistrée le 4 février dernier en vue du prochain scrutin. Il devrait d’ailleurs représenter un moment majeur de notre vie politique, d’autant qu’il s’agit d’un scrutin législatif qui permettra aux électeurs de juger l’ensemble de ces partis politiques sur leurs programmes et sur leurs actions.
Les prochaines élections législatives se tiendront ainsi le 29 juin 2008. C’est le Parlement qui doit confirmer cette date par une annonce officielle prévue à la mi-mai. Ces élections se dérouleront dans le cadre de la nouvelle loi qui a été votée le 25 décembre 2005 sur les élections parlementaires et modifiée le 26 décembre 2007. Cette loi raccourcit la durée de la campagne électorale, introduit des limites au cumul des mandats et contraint à publier la liste des électeurs trois mois avant la tenue des élections.
En outre, les représentants de pays étrangers, d’organisations internationales et d’organisations non-gouvernementales (ONG) pourront observer librement le déroulement de ces élections, que le Comité général des élections est chargé d’organiser.
Il est vrai par ailleurs que le Parti populaire révolutionnaire mongol (PPRM) dispose d’une forte assise au sein de l’électorat. Le PPRM est en effet l’un des partis politiques les plus anciens et les plus solides dans notre pays. Consolider cette forte assise électorale dans la société mongole est sans doute son objectif primordial.
L.L.D. : La Mongolie enregistre depuis cinq ans un taux de croissance qui oscille entre 7 et 9% par an, grâce au boom de son secteur minier mais aussi à celui de la construction et du développement des services, ainsi qu’au renouveau de son secteur agricole. Compte tenu de la conjoncture économique mondiale et du cours des minéraux tels que le cuivre et l’or qui constituent pour le moment l’essentiel de vos exportations, pensez-vous que de telles performances puissent être maintenues ? Pouvez-vous nous indiquer les résultats de la croissance pour 2007 et les prévisions pour l’année courante ?
S.E.M.R.A. : La politique économique et sociale conduite jusqu’à présent en Mongolie a toujours été marquée par un caractère systématique, progressif et pragmatique. Dix-huit ans après s’être engagé sur la voie de la transition politique, mon pays continue à s’affirmer comme un Etat démocratique et pluraliste, fondé sur une économie de marché et qui défend les droits et les libertés fondamentales de l’Homme. L’évolution positive que la Mongolie a connue au cours de ces dernières années démontre également la capacité du gouvernement mongol à mettre en œuvre les réformes les plus difficiles pour le bien-être du pays et de notre société.
Le principal défi pour le gouvernement consiste aujourd’hui à veiller sur une utilisation pertinente des opportunités qu’ouvre l’exploitation de nos ressources minières pour répondre efficacement aux problèmes sociaux et environnementaux de notre pays.
Après avoir connu une croissance de 8,4% en 2006, l’économie mongole a progressé en 2007 au rythme de 8,5% selon les chiffres de la Banque mondiale, notamment grâce à ses exportations de produits miniers. Il est vrai que la conjoncture économique internationale et la hausse du cours des minéraux ont favorisé le dynamisme de notre économie. Mais, les signes visibles de la croissance résident aussi dans le boom des secteurs immobilier et hôtelier, rendu visible par la construction d’établissements bancaires et la multiplication de restaurants occidentaux à Oulan-Bator. 2007 a donc été une nouvelle année de forte expansion économique en Mongolie et c’est à nouveau le secteur minier qui a été le principal moteur de ce dynamisme. Le PIB par tête s’élève à 1 750 dollars (US). Le volume du commerce extérieur a augmenté de 32,3% en 2007, atteignant 4 milliards de dollars. Il convient toutefois de souligner que la balance du commerce extérieur accuse encore un déficit de 228,3 millions de dollars, tandis que le taux d’inflation se maintient à un niveau élevé de 15,1%. Nous constatons malheureusement que la flambée constante des prix du pétrole et des céréales sur le marché mondial commence à produire des effets négatifs sur l’économie mongole. En dépit de sa dimension relativement modeste, celle-ci n’est pas en effet à l’abri des chocs que pourrait provoquer la crise économique américaine.
L.L.D. : L’essor de l’économie mongole s’est accompagné d’une augmentation soutenue des dépenses budgétaires ayant entraîné une détérioration de vos comptes extérieurs. La politique fiscale de votre pays devrait-elle, selon vous, être réorientée ? Comment comptez-vous par ailleurs donner la priorité au développement des infrastructures et à la lutte contre la pauvreté ?
S.E.M.R.A. : Notre croissance économique s’est effectivement accompagnée d’une hausse soutenue des dépenses publiques qui représentent 38,4% du PIB qui s’explique, d’une part, par d’importants investissements publics dans des projets-clés pour le développement économique du pays et notamment de ses infrastructures. Pour des pays en voie de développement comme la Mongolie, les problèmes économiques sont nombreux et l’Etat doit être le premier acteur responsable de leur résolution. D’autre part, l’Etat s’engage beaucoup en matière de politique sociale : il a par exemple procédé à une augmentation des salaires dans la fonction publique, mais aussi des pensions de retraite et des allocations familiales.
Le maintien d’une croissance soutenue nous autorise en effet à poursuivre une politique budgétaire expansionniste. J’ajouterai par ailleurs que si les dépenses publiques subissent certainement les effets du taux actuellement élevé de l’inflation, les dépenses des ménages ont continué à fortement augmenter ces dernières années.
L.L.D. : Les experts de la Banque mondiale et du FMI considèrent que pour ancrer votre économie dans le processus de la globalisation, il conviendrait de perfectionner votre marché du travail, dynamiser votre secteur financier, améliorer votre fiscalité et mener une lutte contre la corruption. Dans quelle mesure les autorités mongoles s’orientent-elles vers de telles réformes ? Quel soutien attendez-vous, sur ce plan, de la communauté financière internationale ?
S.E.M.R.A. : La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) figurent parmi les partenaires de longue date de notre pays. Les recommandations de ces institutions financières internationales sont attentivement écoutées et mises en pratique en Mongolie dans la mesure où elles peuvent contribuer à surmonter, dans les meilleurs délais possibles, tous les obstacles et les difficultés socio-économiques caractérisant notre transition vers une société démocratique et une économie de marché. Nous commençons d’ailleurs à percevoir les premiers résultats positifs de notre coopération avec le FMI et la Banque mondiale.
Vous évoquez plus particulièrement notre politique fiscale. C’est l’une des plus avantageuses en Asie. La nouvelle loi sur la fiscalité adoptée en 2007 a introduit de nouvelles tranches d’imposition sur les sociétés qui varient de 25% à 10% en fonction des bénéfices qu’elles réalisent.
En outre, je tiens à souligner que l’éradication de la pauvreté constitue pour la société mongole l’une des problématiques les plus difficiles à résoudre. Les différentes équipes qui se sont succédées au sein du gouvernement mongol ont concentré leur politique sociale à la réalisation de cet objectif, notamment en favorisant la création d’emplois et en augmentant les dépenses publiques dans ce domaine. Les bailleurs bilatéraux et internationaux nous assistent d’ailleurs énormément dans cette tâche, ainsi que les ONG.
La lutte contre la pauvreté reste donc l’une des priorités de l’action de l’actuel Premier ministre, M. Sanj Bayar. Dans le cadre de la politique qu’il mène dans ce domaine, le gouvernement s’est assigné comme objectifs primordiaux de favoriser l’exploitation des gisements stratégiques de ressources naturelles, le développement du secteur agricole afin de satisfaire les besoins alimentaires du pays, l’amélioration de la gestion des investissements intérieurs et étrangers destinés au développement des infrastructures, l’essor de nouveaux secteurs de production à forte valeur ajoutée et la construction de logements pour les plus démunis.
L.L.D.: La Russie est votre principal investisseur et fournisseur d’énergie, alors que la Chine fournit l’essentiel de vos importations. Comment entendez-vous développer des relations commerciales équilibrées avec vos deux grands voisins ?
S.E.M.R.A. : Je tiens tout d’abord à souligner que le Parlement mongol a adopté une liste des gisements stratégiques de ressources naturelles qui a permis au gouvernement de commencer à travailler sur les grands projets industriels que sont Tavan tolgoi, Oyu tolgoi, Tsaidam, Tumurtei, etc. Le lancement de ce vaste plan d’exploitation des gisements de première importance est le fruit de longues consultations et d’un dialogue avec l’ensemble des partis politiques et la société civile. La recherche de ce consensus a également pris en compte les conséquences néfastes qui pourraient éventuellement se répercuter, notamment sur l’environnement. De ce point de vue, la Mongolie s’est efforcée de tirer les leçons des expériences qu’ont vécues d’autres pays.
Plus largement, cette politique de grands projets économiques vise à garantir la primauté des intérêts politique et économique de notre pays, tout en assurant une présence économique équilibrée de nos deux partenaires voisins, la Russie et la Chine, et en plaçant la Mongolie à la croisée des intérêts des échanges économiques internationaux.
Pour le gouvernement mongol, l’exploitation des ressources naturelles s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de développement économique à court terme. L’avenir de notre développement durable réside en revanche dans l’essor de secteurs à forte valeur ajoutée. Ces orientations figurent au sein du concept de développement national que le Parlement mongol a récemment approuvé.
La politique de coopération, d’amitié, de partenariat stratégique et de bon voisinage entre la Mongolie et ses deux voisins, la Russie et la Chine, représente une priorité de notre diplomatie. En 2007, le volume du commerce avec la Chine s’est élevé à 2 milliards de dollars contre 8 millions de dollars avec la Russie. La Chine demeure également le premier investisseur en Mongolie, avec des flux d’investissement s’élevant à 9 millions de dollars en 2007.
Nous prenons par ailleurs des initiatives en faveur d’une meilleure intégration de notre pays dans les structures d’échanges économiques à l’échelle régionale, notamment de l’Asie de l’Est et du Nord-Est. Elles sont conditionnées par la nécessité de désenclaver notre économie, non seulement sur le plan géographique mais aussi de la compétitivité. Dans cette perspective, la Mongolie a entamé des négociations avec la Russie et la Chine en vue de conclure un accord tripartite sur le transport de transit qui représente une nécessité vitale pour l’économie mongole.
L.L.D. : La Mongolie entend accroître ses relations à ce qu’elle nomme des « troisièmes partenaires » au premier rang desquels les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud, et l’Europe. Dans quelle mesure vos échanges et votre coopération avec ces pays ont-ils pu déjà être accrus ? Cherchez-vous à nouer de nouveaux partenariats en Asie, comme avec l’Inde par exemple, ou dans d’autres régions du monde ?
S.E.M.R.A. : La doctrine déterminant les orientations de la politique étrangère mongole a été adoptée en 1994. Elle est fondée sur la préservation de nos intérêts nationaux, tels qu’ils sont définis au sein de notre Constitution. Ceux-ci découlent de la spécificité de la position géographique de la Mongolie qui fixe donc ses objectifs, ses principes et ses priorités dans ce domaine. D’une manière générale, notre politique étrangère vise à garantir l’indépendance et la souveraineté de notre pays, à soutenir le progrès social, à maintenir des relations amicales avec tous les pays, à renforcer notre position au sein de la communauté internationale et à former avec les pays influents de la région et du monde un réseau de relations basé sur l’interdépendance politique et économique.
La Mongolie entretient des relations amicales de partenariat stratégique avec la Fédération de Russie et la République Populaire de Chine. Parallèlement, elle cherche en effet à élargir sa coopération à davantage de partenaires extérieurs, d’où l’idée de « troisième voisin » que nous avons évoquée précédemment. Dans ce concept géopolitique, il faut inclure les pays développés et démocratiques qui soutiennent la Mongolie. Notre pays a établi des relations de coopération et de partenariat avec les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud. Avec les pays de l’Union européenne, notre dialogue politique a pris un caractère permanent, tandis que les échanges économiques et commerciaux affichent une forte augmentation, et les perspectives s’avèrent très prometteuses pour les coopérations inter-universitaires ainsi que les échanges culturels que nous avons établis. Nous cherchons par ailleurs à développer un partenariat spirituel avec l’Inde. La Mongolie attache également une plus grande importance au développement de la coopération avec d’autres pays comme le Canada, la Turquie, l’Australie, etc…
L.L.D. : Représentant l’un des grands projets de développement de votre pays, la mise en valeur des importantes réserves de cuivre et d’or d’Oyu Tolgoi, dont le potentiel est parmi les plus vastes du monde, est-elle sur le point de se concrétiser ?
S.E.M.R.A. : La situation actuelle de l’accès aux sources d’énergie et aux matières premières contraint la plupart des pays de la planète à rechercher de nouvelles ressources et de nouveaux foyers d’approvisionnement énergétique. Au cours de ces dernières années, la Mongolie a commencé à susciter l’intérêt des pays fortement demandeurs en matière premières. Elle assure aujourd’hui 2% de la production mondiale du cuivre et 4% de la production de molybdène, dont elle figure parmi les dix premiers pays producteurs. Elle abrite en effet plusieurs gisements de matières premières d’importance mondiale. A présent, les acteurs publics et privés, nationaux et étrangers, investissent massivement dans l’industrie minière mongole. Dans ce contexte, l’exploitation de gisements majeurs comme ceux de Oyu tolgoi et de Tavan tolgoi multipliera par trois la production de ce secteur d’activité. Le gisement d’Oyu tolgoi, par exemple, figure au sein de la liste des réserves stratégiques de matières premières adoptée par le Parlement en 2006. La Loi sur le minerai qui a été amendée le 8 juillet 2006, réserve désormais à l’Etat de Mongolie le droit de prendre une participation dans l’exploitation des réserves stratégiques, plafonnée à 34% des parts lorsque des capitaux privés ont financé les opérations d’exploration et de 50% lorsque ce sont des fonds publics. De plus, le gouvernement a récemment présenté un nouveau projet d’amendement à cette loi, visant à augmenter la participation de l’Etat à hauteur de 51%. Ce projet a d’ailleurs provoqué une vive discussion au sein des milieux d’affaires et de la société civile. Une fois cet amendement adopté, le gouvernement procédera sans tarder à des négociations avec les investisseurs étrangers, de manière à respecter ses engagements à l’égard des sociétés étrangères déjà présentes dans l’exploitation des gisements concernés.
L.L.D. : La Mongolie entretient des rapports suivis avec les Etats-Unis, avec lesquels des manœuvres militaires conjointes ont récemment été menées. Elle a par ailleurs envoyé un contingent de 130 militaires en Irak et un autre de 20 instructeurs en Afghanistan. Comment cet engagement pourrait-il évoluer dans les mois à venir, compte tenu de la situation sur le terrain, des échéances électorales américaines et des vôtres ?
S.E.M.R.A. : La Mongolie et les Etats-Unis partagent des relations d’amitié et de coopération qui s’articulent autour d’un partenariat stratégique dans les domaines politique, économique, culturel et militaire. Nous inscrivons les Etats-Unis dans notre concept de « troisième voisin ». La qualité de ces relations s’illustre au travers des échanges de haut niveau entre les deux pays : le Président George W. Bush s’est ainsi rendu en visite officielle à Oulan-Bator en novembre 2005, tandis que le Président Nambaryn Enkhbayar a effectué une visite officielle à Washington en 2007, au cours de laquelle une « Déclaration de coopération étroite » a été signée. Celle-ci s’accompagne également d’une aide du gouvernement américain d’un montant de 285 millions de dollars, au titre du « Millenium Challenge Account » (MCA).
Dans le cadre de la coopération militaire bilatérale, un centre de formation pour les opérations de maintien de la paix a été installé en Mongolie avec le concours des Américains. Ce centre servira de base d’entraînement pour les forces multinationales de maintien de la paix, accueillant la participation d’officiers militaires et policiers de différentes origines.
Vous soulignez dans votre question notre présence en Irak et en Afghanistan. La Mongolie plaide pour un rétablissement rapide de la paix et de la sécurité en Irak. En fait, l’aide au peuple irakien constitue un devoir de la communauté internationale. Dès 2003, la Mongolie a envoyé en Irak son premier contingent, composé de centaines de militaires, pour contribuer au retour rapide de la stabilité et à la lutte menée par la communauté internationale contre le terrorisme. Les officiers instructeurs mongols participent également depuis 2003 à la formation de militaires afghans. Notre pays est fier de cet excellent travail que nos militaires accomplissent loin de chez eux. Enfin, j’ajouterai que notre participation à ces opérations de maintien de la paix est liée au développement de la situation dans ces pays et aux engagements de la communauté internationale dans les processus de paix qui les concernent.
L.L.D. : Plus largement, la présence d’un contingent de 240 hommes en Sierra Leone et d’un autre plus restreint de 40 hommes au Kosovo témoigne de l’implication active de votre pays dans les opérations de maintien de la paix à travers le monde. La Mongolie compte-t-elle poursuivre cet engagement apprécié à sa juste valeur par la communauté internationale ?
S.E.M.R.A. : La Mongolie cherche à développer une diplomatie active sur la scène internationale et à s’affirmer en tant que « citoyen responsable » de la communauté mondiale. Notre participation aux opérations de maintien de la paix des Nations unies témoigne de cette aspiration et représente notre contribution concrète à la stabilité, à la paix et à la sécurité internationale.
La Mongolie s’est en effet activement impliquée au cours de ces dernières années dans les opérations conduites sous l’égide des Nations unies. Les officiers mongols sont ainsi présents au Sahara occidental, en République démocratique du Congo, au Soudan, en Géorgie, en Ethiopie ou encore en Erythrée. Deux cent cinquante militaires mongols assurent la sécurité de la mission et des personnels du Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Léone. Néanmoins, notre politique en matière de maintien de la paix ne se limite pas à des actions conduites sous la bannière de l’ONU. Quatre-vingt militaires mongols apportent ainsi leur contribution aux opérations au Kosovo.
L’engagement de la Mongolie dans les opérations de maintien de la paix et de la sécurité menées dans différentes régions du monde illustre plus largement le dynamisme de la politique extérieure de mon pays. Elles contribuent aussi au renforcement de la qualité et du professionnalisme de l’armée mongole. Le gouvernement souhaite d’ailleurs renforcer notre implication dans ce type d’opérations de l’ONU tout en augmentant nos capacités militaires dans ce cadre. De plus, le programme de développement des forces militaires mongoles jusqu’en 2015 prévoit la création d’un nouveau contingent de policiers militaires, d’un centre international de formation et d’entraînement dédié aux opérations de maintien de la paix et d’une unité mobile d’hôpital militaire. Un contingent permanent de 2 500 hommes pourrait ainsi devenir opérationnel d’ici 2015. Enfin, pour atteindre ces objectifs, la Mongolie cherche à coopérer plus étroitement avec des partenaires ayant déjà l’expérience et les capacités requises dans ce domaine.
L.L.D. : La Mongolie a rejoint le Mouvement des non-alignés en 1991, elle est membre du Forum régional de l’ASEAN depuis 1996, et observateur de l’Organisation de coopération de Shanghai depuis 2004. Quelle est votre vision de cette coopération générale qui se développe sur le continent asiatique ? Qu’en attendez-vous en matière de développement économique, d’accueil des investissements étrangers, mais aussi d’échanges humains et culturels ? Quels nouveaux partenaires privilégiez-vous en priorité, à l’instar du Kazakhstan qui vous livre du pétrole et du blé ?
S.E.M.A.R. : La Mongolie a pleinement intégré le Forum régional de l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-Est) en 1998, elle est membre du PECC depuis 2000 et l’Asian Cooperation Dialogue l’a accueilli en 2004. De plus, la Mongolie est membre de l’ASEM (Asia-Europe Meeting) depuis 2006. L’accession à ces instances intergouvernementales a renforcé sa position dans la région. Elles ouvrent pour elle davantage d’opportunités de coopération avec ses partenaires régionaux dans différents domaines d’importance, comme les échanges économiques et commerciaux, la recherche et l’éducation. Il existe par ailleurs de vastes possibilités d’intégrer plusieurs projets majeurs de la région.
Dès le début du processus de création de la Communauté de l’Asie de l’Est, la Mongolie a manifesté son intérêt à se voir associée à ses activités. A cet égard, nous avons reçu un important soutien des pays membres de l’ASEAN. En juillet 2005, la Mongolie a ainsi conclu un accord d’amitié et de coopération avec cette organisation. Plus largement, l’un de nos principaux objectifs en Asie est d’intensifier notre coopération avec l’APEC. Notre future admission dans cette organisation régionale constitue sur ce plan une priorité. La Mongolie participe d’ailleurs aux travaux des différents groupes de travail, notamment sur les questions du commerce extérieur, de l’énergie, du tourisme et des transports.
Pour des raisons évidentes, le processus d’intégration régionale ne s’est pas encore concrétisé en Asie du Nord-Est, région directement voisine de la Mongolie, où elle aspire à s’affirmer parmi les premiers acteurs de l’intégration et de l’essor économique de cette zone.
L.L.D. : Votre pays a adhéré à la BERD en juin 2006. La même année, l’UE a ouvert un bureau à Oulan-Bator où s’est rendue pour la première fois une mission de la troïka européenne. La Mongolie est ainsi le premier pays asiatique à avoir signé un protocole d’accord avec l’UE. Quel regard portez-vous sur cette coopération avec l’UE dont l’assistance cumulée à votre pays devrait avoisiner les 100 millions d’euros en 2008-2009 ? Sur quels projets précis s’oriente cette coopération portant principalement sur le développement rural ?
S.E.M.A.R. : Notre coopération avec la BERD a débuté en 1996 par une assistance technique et la formation d’experts mongols du secteur financier. Depuis 2006, la Mongolie est devenue un pays opérateur et la BERD a investi 75 millions de dollars en 2006-2007, dans le secteur privé. La prévision de crédit pour 2008-2009 s’élève à hauteur de 150 millions de dollars. Ces crédits sont destinés à favoriser un développement solide des entreprises privées et surtout des petites et moyennes entreprises (PME).
L’Union européenne figure parmi les premiers bailleurs de fonds de la Mongolie. Au fil des années, l’accomplissement de plusieurs projets économiques et humanitaires dans le cadre de la coopération entre la Mongolie et l’Union européenne, ont donné des résultats très satisfaisants. Consacré au développement des zones rurales, le dernier projet porte sur un investissement de 14 millions de dollars, dont la réalisation est prévue pour 2008/2010.
L’UE élargie est aujourd’hui notre troisième partenaire commercial. Ses échanges commerciaux avec la Mongolie ont triplé en 2007 tandis que les investissements européens ont atteint 100 millions dollars.
Au-delà, les relations entre l’UE et la Mongolie constitue l’une de nos priorités. L’UE-27 représente en fait pour la Mongolie un partenaire important pour son développement durable et l’ancrage des principes démocratiques dans la vie quotidienne de la société mongole.
L.L.D. : La France représente le second partenaire commercial de la Mongolie en Europe. Comment les échanges bilatéraux pourraient-ils, selon vous, être accrus ? Comment entendez-vous attirer plus d’investissements de la part des entreprises françaises à l’image de celles déjà implantées ou sur le point de l’être comme Michelin, Beaufour Ipsen dans la pharmacie ou France Tech et GNIS dans l’agroalimentaire ? Quelle dimension en particulier pourrait revêtir votre coopération avec Areva pour mettre en valeur votre potentiel minier et répondre à vos aspirations dans le domaine nucléaire ?
S.E.M.A.R. : En 2007, le volume des échanges commerciaux entre la Mongolie et la France a presque doublé, en atteignant 29 millions de dollars. Nos exportations de produits textiles en particulier ont triplé, enregistrant une hausse de 22,4%. Pour sa part, notre pays a importé du vin, des produits pharmaceutiques et des machines-outils destinés à l’industrie minière.
D’une manière générale, la Mongolie s’intéresse aux investissements français. Différentes manifestations sont ainsi organisées pour favoriser les rencontres entre les hommes d’affaires des deux pays. Les entrepreneurs français peuvent par exemple participer aux forums, expositions ou salons organisés à Oulan-Bator par la Chambre de commerce et d’industrie de Mongolie. Les appels d’offres internationaux lancés dans le cadre de nos grands projets économiques suscitent également la participation de sociétés françaises. A l’occasion de la visite officielle que le Président mongol a effectué en France en février 2007, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris a organisé une « Journée économique de la Mongolie », qui a permis à plusieurs entrepreneurs français et mongols d’entrer en contact et d’échanger des informations sur les opportunités commerciales qu’ils pourraient exploiter.
Pour ma part, je souhaite vivement que la présence économique et industrielle de la France s’élargisse en Mongolie. A l’heure actuelle, les grands groupes français commencent à manifester un intérêt croissant pour le marché mongol. C’est un très bon signe qu’il faut encourager. Notre pays offre des conditions très avantageuses pour la réalisation d’investissements dans les secteurs-clés de l’économie. A titre d’exemple, le grand groupe français Areva est désormais solidement implanté sur le sol mongol. Le gouvernement de Mongolie attache par ailleurs beaucoup d’importance à la présence industrielle française et favorise la coopération pour la formation d’experts ou l’élaboration du cadre juridique d’exploitation des matières sensibles.
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