Chine-France : Un partenariat dynamique à l’œuvre du rapprochement des peuples
Alors que la Chine et la France célèbrent le quarantième anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques, des manifestations culturelles d’une ampleur inédite sont organisées entre les deux pays. S.E.M. Zhao Jinjun, Ambassadeur de Chine en France, dresse pour nous l’évolution des relations sino-françaises vers un partenariat global couvrant de plus en plus de domaines, au moment où la Chine accélère son ouverture au monde.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, la France et la Chine ont ouvert en octobre 2003 un nouveau chapitre de leurs relations avec le lancement de l’« Année de la Chine en France » qui sera suivie dès octobre 2004 par l’« Année de la France en Chine ». Dépassant largement le cadre symbolique des relations franco-chinoises, l’organisation de l’« Année de la Chine en France » est la première action de cette ampleur entreprise par un gouvernement chinois. Quatre ans avant l’organisation des Jeux olympiques de Pékin, quelle est la portée d’un tel événement pour votre pays et, plus largement, pour son rayonnement culturel dans le monde ?
S.E.M. Zhao Jinjun : Les Années croisées Chine-France qui se déroulent pendant deux ans, entre 2003 et 2005, constituent un événement d’une grande portée historique. L’Année de la Chine a été inaugurée le 6 octobre 2003 à Paris. Les chefs d’Etat des deux pays y ont apporté une attention particulière et se sont envoyés des messages de félicitations à l’occasion de son lancement.
La Chine et la France ont toutes deux créé une civilisation brillante et nos deux peuples ont noué une amitié qui remonte très loin dans l’histoire. L’Année de la Chine représente dès lors un événement majeur dans l’histoire des relations entre nos deux pays. Les échanges culturels auxquels la Chine participe avec la France dans le cadre des années croisées Chine-France s’inscrivent en outre dans le contexte de sa nouvelle ouverture internationale. Ils préconisent le dialogue entre les différentes cultures et favorisent leur coopération. A travers toutes les manifestations qui sont prévues, les Français auront ainsi l’occasion d’approfondir leur connaissance de la Chine, de développer divers dialogues et d’intensifier leurs échanges avec notre pays.
L’Année de la Chine est plus précisément organisée autour de trois thématiques majeures : la Chine éternelle, la Chine des traditions et de la diversité, et la Chine des créateurs et de la modernité. Celles-ci visent à présenter au public français toutes les facettes de la Chine d’hier, celle d’aujourd’hui et de demain. Cet événement majeur contribuera ainsi, non seulement à la promotion de l’amitié et de la compréhension mutuelle entre les peuples chinois et français, mais également à l’impulsion du partenariat global qu’ont scellé nos deux pays.
L.L.D. : Pourriez-vous nous exposer quelques unes des manifestations phares qui émailleront ces années culturelles croisées ? Quelles sont vos attentes à l’égard de ces événements pour le renforcement de la connaissance mutuelle des peuples français et chinois ?
S.E.M.Z.J. : A l’occasion de l’Année de la Chine en France, des artistes chinois, musiciens, chanteurs, danseurs, écrivains, et aussi des universitaires, des scientifiques et des archéologues sont déjà, ou viendront, en France. Vous pourrez les rencontrer lors de multiples spectacles, expositions, acrobaties, films, théâtres, ballets, défilés et concerts. Parmi ces manifestations, vous pourrez notamment assister à la projection d’une centaine de films chinois à la cinémathèque française, visiter l’Exposition de l’Enigme de l’Homme de bronze à la Mairie de Paris ou encore à l’Exposition de Confucius au Musée Guimet. Le défilé de grande envergure qui a eu lieu le 24 janvier sur les Champs-Elysées, organisé conjointement par la Mairie de Paris et la Mairie de Beijing, en fut un magnifique prélude. Toutes ces manifestations contribuent au renforcement de l’amitié entre nos deux peuples, leurs liens culturels ne cessant de s’élargir et de s’approfondir.
L.L.D. : En adhérant à l’Organisation mondiale du Commerce en 2001, la Chine a clairement affiché sa volonté d’intégration à l’économie mondiale. Quel bilan pouvez-vous d’ores et déjà dresser de cette adhésion ? Critiquée de manière récurrente pour sa politique de change, notamment par les Etats-Unis, dans quelles conditions la Chine serait-elle disposée à assouplir celle-ci ? Premier pays destinataire des investissements étrangers, quelles mesures la Chine compte-t-elle encore adopter pour améliorer son cadre des affaires ?
S.E.M.Z.J. : Depuis l’adhésion de la Chine à l’OMC, le gouvernement chinois se consacre sans interruption au travail de la réalisation de ses engagements. Les efforts accomplis et les succès obtenus sont évidents aux yeux de tous. En 2002, en tant que nouveau membre de l'OMC, la Chine a donc sérieusement rempli son contrat en ce qui concerne le commerce des marchandises, le commerce des services, la propriété intellectuelle, la transparence d'exécution, la révision des lois et des règlements, etc. La Chine a accepté pour la première fois, comme elle s’y était engagée, l’examen et la revue, par 17 organismes de l'OMC, de la phase de transition nécessaire à l’accomplissement de ses engagements ; elle a répondu à plus de 60 questionnaires, comportant plus de 1 000 questions posées par une dizaine de membres de l’OMC à la partie chinoise. La Chine montre ainsi de façon sérieuse sa volonté de coopération et accomplit, en conséquence, un travail massif. Signe des efforts fournis et des succès obtenus, la Chine a reçu des membres de l'OMC un éloge universel.
En 2003, selon les engagements pris lors de son adhésion, la Chine a continué à réduire le niveau global du taux des droits de douane, les tarifs douaniers concernant plus de 3 000 nomenclatures tarifaires ayant été réduits à des degrés variables. Les taux de droits de douane sont désormais de 11% en moyenne, celui des produits industriels atteint 10.3% en moyenne, et celui des produits agricoles, 16.8% en moyenne. Dans le domaine non-tarifaire, la Chine a levé depuis le 1er janvier 2002, le système de quota, des licences et de la gestion spécifique des appels d’offre concernant le grain, la laine, le coton, la fibre acrylique, la fibre de polyester, la tranche de polyester, les engrais chimiques, une certaine catégorie de pneumatiques, etc. Depuis 2003, la Chine est allée plus loin, levant encore 16 nomenclatures tarifaires de quota, licence et gestion spécifique des appels d’offre concernant une catégorie de motocyclettes et ses principaux accessoires, les automobiles et l’essentiel de ses accessoires, les appareils photographiques et les montre-bracelets.
Actuellement, notre pays est confronté au protectionnisme commercial et au traitement discriminatoire dans les échanges économiques internationaux. Beaucoup de pays négligent encore la situation réelle de la Chine, et continuent, jusqu’à présent, à ne pas vouloir lui reconnaître le statut d’économie de marché. Quelques pays abusent même des engagements pris par la Chine lors de son adhésion à l’OMC, et font à maintes reprises appel à des mesures d’inspection et d’enquête de sauvegarde contre la Chine. Notre pays a ainsi beaucoup souffert dans le monde de procès antidumping. Les entreprises chinoises ont également beaucoup souffert à l’étranger, des restrictions imposées par toutes sortes de barrières non-tarifaires. Tout cela crée un traitement injuste pour les entreprises chinoises. En outre, la nouvelle phase de négociations sur le commerce international n'a pas encore enregistré de progrès : l'accord déjà conclu dans le cadre de l'OMC, dont les dispositions sont théoriquement avantageuses pour les pays en voie de développement, n’a toujours pas obtenu d’exécution efficace. Tout cela continue de léser l'objectif global de l'OMC, et nuit à l'environnement normal de l’économie et du commerce international. Nous attachons une profonde attention à ce sujet, sur lequel nous exprimons d’ailleurs une forte opposition.
En ce qui concerne la politique de change de la Chine, le maintien d’un taux de change raisonnable, équilibré et sur une base relativement constante du Renminbi est aussi avantageux au développement stable de l'économie chinoise, qu’à celui de l’économie régionale et mondiale.
Certains allèguent que le mécanisme actuel du taux de change en Chine implique une pression déflationniste sur d'autres pays. En fait, les exportations de la Chine comptant seulement pour environ 5% des exportations totales dans le monde, il est impossible qu’elles aient une influence énorme sur le commerce international. D’autres disent que la Chine augmente ses exportations en abaissant la valeur de devise du Renminbi. En fait, le facteur premier de la compétitivité des produits chinois, réside dans la main-d'œuvre dont dispose la Chine. Un autre point doit en outre être particulièrement expliqué : dans les exportations chinoises, environ plus de la moitié des produits sont issus des entreprises à capitaux étrangers et des entreprises en joint-venture sino-étrangères, 55% sont des produits transformés à l’aide d’une matière première importée. Le revenu des exportations chinoises, dont une large partie est perçue par les pays étrangers, est donc amplement partagé.
Le gouvernement chinois adopte toujours une attitude prudente et responsable lorsqu’il s’agit de la question du taux de change du Renminbi. La Chine applique un système de taux de change flottant sur la base de l'offre et de la demande du marché, et applique une gestion unitaire. Cela découle de la situation réelle de la Chine, mais manifeste aussi la grande responsabilité qu’elle assume dans la communauté internationale.
La Chine va donc chercher, dans le cadre de la réforme approfondie de ses finances, à perfectionner le mécanisme du taux de change du Renminbi, selon le niveau de son développement économique, le fonctionnement de son économie, et l'état de sa balance des paiements.
L’autre aspect que vous évoquez de l’intégration de la Chine au commerce international, est la progression, sans interruption durant ces dernières années, de l'investissement direct étranger, pour se maintenir à un niveau élevé. A ce sujet, si la qualité de l'investissement étranger augmente sans cesse, c’est grâce à notre bon environnement de l'investissement. Nous allons encore prendre des mesures encourageantes et positives, en élevant le niveau des services, en améliorant le cadre de l'investissement, et en particulier le cadre de la gestion de l’investissement, pour nous efforcer de maintenir une croissance continue et stable de l'investissement étranger en Chine.
Tout d'abord, nous allons continuer, sur la base des engagements pris lors de notre adhésion à l’OMC, à accroître notre ouverture à l’étranger. Nous allons poursuivre l’ouverture du commerce de services, accélérer la promotion de l'investissement étranger dans les secteurs de la logistique comme les chaînes de distribution et les centrales d’exportation. Nous allons sans cesse innover dans la forme d’introduction de l’investissement étranger et élargir les secteurs d'utilisation des capitaux étrangers.
Ensuite, nous allons intensifier la réforme du système de gestion administrative du gouvernement par l'amélioration des services liés à l’introduction des capitaux étrangers et non par une prétendue politique préférentielle. Actuellement, le département national concerné s’apprête à rédiger un projet de plan de réforme sur le système de financement national. Nous allons même plus loin avec la réforme du système d'examen et d'approbation administrative de l'investissement étranger, en simplifiant les procédures, en réduisant le contenu même de l'examen, en établissant et en appliquant un système standard d’examen et d'approbation, en mettant en place un système de responsabilité lié à l’examen et à l'approbation ainsi qu’un système de gestion de l’investissement étranger et de son mécanisme de fonctionnement. Toutes ces mesures répondent à des normes de comportement et à un fonctionnement en coordination, et sont à la fois transparentes, honnêtes et fortement efficaces. De plus, nous allons encore faire des efforts pour réorganiser le marché économique et créer un environnement des affaires, juste et équitable pour l'entreprise. Pour accomplir cette réorganisation d'ordre économique du marché, nous continuons de protéger les droits légitimes et les intérêts de l'investissement étranger.
Troisièmement, nous guidons activement l'entreprise de l'investisseur étranger afin qu’il puisse participer au développement coordonné de l’économie régionale de la Chine. Nous avons élaboré dans ce but une politique adéquate, destinée à :
– Encourager l'entreprise à capitaux étrangers à investir dans l’ancienne base industrielle du nord-est et de l'ouest de la Chine,
– Augmenter la capacité du transfert financier et de l'investissement dans la construction et l’aménagement d'infrastructures,
– Elever le niveau de service par une formation renforcée,
– Soutenir en priorité la construction de la zone de développement économique de la région de l’Ouest,
– Consolider la coopération à tous les niveaux entre la région côtière et la région de l’Ouest,
– Remettre à jour « le règlement sur l’investissement des consortiums étrangers »,
– Créer des conditions favorables au réinvestissement dans les régions du Centre et de l’Ouest pour les entreprises étrangères déjà installées dans la région de l'Est.
En outre, nous allons encore augmenter les secteurs d’ouverture dans la région du Centre et de l’Ouest, élargir les conditions d’accès et réduire les critères entravant l’accès au marché pour les capitaux étrangers. La mise en oeuvre d’une grande exploitation de la région de l’Ouest de la Chine ouvrira enfin de plus grandes opportunités pour l’investissement étranger.
Le gouvernement chinois continuera à maintenir sa stabilité dans la durée ainsi qu’une politique d’introduction de capitaux étrangers de nature à créer un environnement politique favorable à l'investissement étranger. Je suis convaincu qu’avec une bonne base matérielle, une bonne gestion et un excellent environnement politique, la Chine pourra inciter beaucoup d’entreprises étrangères à investir chez elle.
L.L.D. : Lors du 6ème Sommet Chine-Union européenne réuni à Pékin fin octobre 2003, le Premier ministre Wen Jiabao a exprimé sa volonté de voir émerger un développement des relations sino-européennes sur le plan stratégique. Pouvez-vous nous préciser de quels domaines s’agit-il ? Quels sont les buts recherchés par l’établissement d’un mécanisme de dialogue commercial ? Comment votre pays et l’Union européenne envisagent-ils de réduire leurs différends commerciaux et ainsi d’accroître l’ouverture de leurs marchés respectifs ?
S.E.M.Z.J. : Le 6ème Sommet Chine-Union européenne constitue une rencontre d’une grande importance dans l’histoire des relations sino-européennes. Selon le communiqué conjoint issu de cette rencontre, les dialogues politiques de haut niveau sont très fructueux, les discussions dans de nombreux domaines s’approfondissent et se diversifient ; les deux parties ont une large convergence de vues sur les questions internationales et régionales d’intérêt commun ; les relations de partenariat mûrissent de jour en jour, portant de plus en plus une signification stratégique. Les deux parties ont ainsi signé un accord de coopération sur le programme Galiléo et ont paraphé un mémorandum d’entente concernant le statut des pays destinataires de tourisme. La signature de ces deux documents constitue un important jalon dans le développement des relations bilatérales. Les deux parties ont déjà établi un mécanisme de dialogue sur la politique industrielle, afin d’offrir aux industriels un environnement concurrentiel équitable et pour promouvoir le développement régulier et durable du commerce sino-européen. Ces dernières années, le commerce sino-européen a connu une croissance continue. Son développement futur doit s’appuyer sur la base de l’équilibre et de l’avantage réciproque. Les deux parties ont réaffirmé leur volonté de renforcer le dialogue et de régler les problèmes liés au commerce bilatéral avec une attitude positive. Le dialogue des secteurs interprofessionnels a joué un rôle très important dans ce domaine. La Chine et l’Europe renforceront leurs investissements réciproques. De plus, les deux parties ont convenu de l’importance de remplir les engagements découlant des règlements de l’OMC, car cela répond aux intérêts communs de la Chine, de l’Union européenne et des autres membres de l’OMC. En outre, l’Union européenne a réaffirmé sa volonté de renforcer encore davantage son appui à la Chine, à travers des projets de coopération et de dialogue dans des domaines essentiels.
L.L.D. : Devenant le 15 octobre 2003 la troisième puissance mondiale à pouvoir envoyer un homme dans l’espace, la Chine a accompli avec succès son premier vol habité. Quels sont les objectifs visés par la conquête spatiale chinoise ? L’ambition spatiale de votre pays s’accompagnant en outre d’une ouverture à la coopération internationale, la signature d’un accord sino-européen sur le programme Galiléo marque-t-il une première avancée vers une coopération aérospatiale plus poussée ? Quels seront les principaux axes de la participation chinoise à ce programme ?
S.E.M.Z.J. : La Chine veut mieux connaître l'espace et développer sa technologie spatiale. Après la réussite du premier vol habité, nous avons pour objectifs, dans les quinze années à venir, de construire notre propre station spatiale, d’atterrir sur la Lune, de réaliser des observations sur la Terre et d’établir des télécommunications par satellites. Nous nous efforcerons donc d'améliorer nos lanceurs de satellites.
A l'initiative de l'Union européenne, la Chine a signé, en octobre 2003, à la suite de deux ans de travaux préalables, l’accord sino-européen sur sa participation au programme Galiléo. La navigation par satellite ne doit pas être monopolisée. Un autre système de navigation par satellites permettra au monde d'avoir le choix, ce qui facilitera les transports et les télécommunications du monde entier. Utilisant actuellement le système GPS, la Chine se dotera ainsi d’un choix diversifié en participant au programme Galiléo.
La Chine est, par ailleurs, égale en droits et en obligations avec les partenaires du programme Galiléo. Le gouvernement chinois s’y investit et encourage des organismes de recherche et des entreprises chinoises à coopérer avec des partenaires européens, en axant ce partenariat dans les trois domaines suivants : les activités de recherche et développement; la mise en service des systèmes, dont la fabrication des satellites et des stations terrestres ; le lancement des satellites ; et l'application des systèmes aux transports aériens, routiers, ferroviaires, fluviaux et des télécommunications en Chine, ce qui représente un immense marché.
L.L.D. : Le 27 janvier 2004, la Chine et la France ont célébré le 40ème anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques. Comment qualifieriez-vous l’évolution de ces relations vers un « partenariat global » ? Compte tenu de leur intensification croissante, dans quels domaines les relations sino-françaises sont-elles appelées à revêtir un caractère privilégié ? Comment la coopération économique, commerciale et technologique bilatérale pourrait-elle être renforcée ? L’essor du tourisme entre les deux pays ne représente-t-il pas déjà la forme la plus prometteuse du développement des échanges entre les deux peuples, chinois et français, au 21ème Siècle ?
S.E.M.Z.J. : L’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France le 27 janvier 1964 constitue un événement historique qui a ouvert un nouveau chapitre dans les annales des relations bilatérales. En 1997, nos deux pays ont établi un partenariat global, posant ainsi un nouveau jalon dans l’histoire des relations sino-françaises.
La Chine attache toujours beaucoup d’importance à ses relations avec la France. Face à une situation internationale complexe et très changeante, marquée par la progression en zigzag de la multipolarisation et de la mondialisation économique, nos deux pays sont influents sur la scène internationale et partagent une large identité de vues et d’opinions sur beaucoup de grands dossiers internationaux. La Chine et la France se prononcent toutes deux pour un monde multipolaire, contre l’unilatéralisme. Elles sont en faveur du dialogue et contre l’affrontement. Elles sont unanimes à préconiser la coexistence dans l’harmonie et la complémentarité des différentes cultures. Elles préconisent le renforcement du rôle des Nations unies, la promotion du développement durable, l’intensification de la coopération Nord-Sud et l’éradication de la pauvreté.
Nous avons vu se développer, au cours des quarante dernières années, une coopération sino-française très fructueuse dans tous les domaines. La France a été le premier pays à conclure avec la Chine des accords qui n’avaient pas de précédents comme les accords sur les transports aériens et la protection réciproque des investissements. La première centrale nucléaire chinoise a été le fruit d’une coopération sino-française. Le barrage des Trois Gorges, la plus grande centrale hydroélectrique au monde, est équipé de groupes de turbines hydrauliques françaises. Par ailleurs, les producteurs d’automobiles français ont été parmi les premiers producteurs occidentaux à venir s’installer en Chine, au début de sa réforme économique et de son ouverture sur le monde.
La Chine et la France sont toutes deux connues pour leurs civilisations anciennes et leurs traditions culturelles. Les illustres écrivains français comme Honoré de Balzac, Victor Hugo et Alexandre Dumas sont, par leurs œuvres légendaires, très populaires et appréciés en Chine. Il y a un an, le Centre culturel de Chine, le premier du genre en Europe de l’Ouest, s’est installé au bord de la Seine, servant de pont pour les échanges culturels entre les deux pays. En octobre 2003, les Années Chine-France, projet culturel dû à l’initiative commune des deux chefs d’Etat, ont d’abord démarré à Paris. L’automne prochain, ce sera l’Année de la France qui s’ouvrira en Chine. Nous nous réjouissons vivement que ces deux brillantes cultures, à travers leurs échanges, resplendissent d’un plus vif éclat. Je suis convaincu que les relations sino-françaises, encourageantes dans le passé comme à présent, auront un avenir plus radieux.
Si la Chine et la France ont établi un partenariat global, c’est parce que nous souhaitons développer nos coopérations dans tous les domaines, politique, économique, culturel et d’autres encore. Nous continuons dès lors à approfondir et à élargir nos coopérations pour que notre partenariat global soit toujours digne de son nom.
En outre, vous avez raison de souligner l’importance du renforcement de nos coopérations économique, commerciale et technologique. En effet, malgré les résultats remarquables que nous avons obtenu au cours des quarante dernières années, il faut reconnaître que nous avons encore beaucoup à faire dans ces domaines. Aujourd’hui, la France n’occupe que la 4ème place au sein de l’Union européenne en ce qui concerne les échanges commerciaux avec la Chine, ce qui est incompatible avec l’excellence de nos relations politiques et culturelles. Pour rattraper ce retard, nous devrions donc redoubler nos efforts.
Premièrement, il faut que les milieux d’affaires de nos deux pays acquièrent une meilleure connaissance mutuelle. J’ai l’impression, d’après mes contacts avec des amis français, que les entrepreneurs français connaissent encore mal le marché chinois. Certains croient que l’économie planifiée sous contrôle étatique est toujours en vigueur en Chine, alors qu’en réalité, le système de l’économie de marché y est déjà mis en place de façon généralisée. 95% des prix des marchandises sont décidés par le marché. Le plan impératif sur les produits agricoles a été supprimé, tandis que, parmi les produits industriels, seuls le bois, l’or, le tabac, le sel de cuisine et le gaz naturel sont encore soumis au plan impératif.
Deuxièmement, il faut encourager la coopération entre les PME des deux côtés. Actuellement, les grandes entreprises françaises sont bien présentes en Chine, tandis que les PME françaises sont encore timides. Or, c’est maintenant le bon moment d’aller en Chine et de saisir les opportunités de coopération existantes. Ceci est d’ailleurs valable aussi bien pour les grandes entreprises que pour les PME.
Troisièmement, il faut trouver un bon point de départ pour démarrer les activités en Chine. Aujourd’hui, dans les régions côtières de Chine, il est très difficile de trouver un bon projet d’investissement parce que la concurrence y est forte. Par contre, dans les régions intérieures où l’économie se trouve en phase de reconversion et de décollage, il existe de nombreux projets de coopération à exploiter. Les investisseurs qui offrent les meilleures conditions de coopération y ont la plus grande chance de réussite.
Quatrièmement, il faut investir davantage dans l’accueil des étudiants chinois en France. Dans les années 20 du siècle dernier, un certain nombre d’étudiants chinois sont venus en France. Parmi eux, il y avait MM. Deng Xiaoping et Zhou Enlai, qui ont marqué l’histoire contemporaine de la Chine. Aujourd’hui, nous comptons environ 12 000 étudiants chinois en France. Mais en Allemagne, ils sont plus de 30 000, et en Angleterre, plus de 60 000. Par conséquent, il est nécessaire de faire encore plus d’efforts pour encourager les étudiants chinois à venir plus nombreux en France. C’est l’avenir de la coopération entre nos deux pays qui est en jeu.
Enfin, il est évident que l’essor du tourisme entre la Chine et la France représente la forme la plus prometteuse du développement des échanges entre nos deux peuples au 21ème siècle. Lors du sommet sino-européen qui a eu lieu le 30 octobre 2003 à Pékin, la Chine et l’Union européenne ont signé un accord visant à développer la coopération touristique entre les deux parties. Comme la France est l’une des destinations les plus attrayantes de l’Europe et du monde, je suis sûr qu’avec les mesures d’encouragement prévues dans cet accord, le nombre des touristes chinois venant visiter la France augmentera encore plus rapidement. L’année dernière, 16 millions de Chinois ont voyagé dans d’autres pays, dont 300 000 en France. Selon les estimations de l’Organisation mondiale du tourisme, 100 millions de Chinois visiteront le reste du monde en 2020. On peut imaginer le nombre de touristes chinois qui viendront en France à ce moment-là. Bien entendu, nous souhaitons également que les Français viennent plus nombreux en Chine. On a compté 220 000 visiteurs français en Chine en 2002. Or, pendant la même période, 270 000 Allemands, 300 000 Anglais et 1 million d’Américains ont visité la Chine. Nous encourageons donc nos amis français à découvrir la Chine plus massivement. Un proverbe chinois dit : « mieux vaux voir une fois que d’entendre cent fois ». On parle beaucoup de la Chine, de son développement, de sa transformation… Il faut aller la voir sur place. C’est en multipliant les rencontres que nos deux peuples pourront approfondir encore davantage leur compréhension mutuelle, ce qui constitue sans aucun doute une condition indispensable au succès de nos différentes coopérations à long terme.
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