Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Finlande
 
  S.E.M. / H.E. Esko HAMILO

Finlande : La porte nordique de l’Union européenne

Pays nordique le plus ancré au sein de l’Union européenne, la Finlande participe activement à la construction européenne et au développement de l’interdépendance des espaces russe et européen. S.E.M. Esko Hamilo, Ambassadeur de Finlande en France, expose ici la volonté de son pays à affirmer le rôle croissant de la  « Dimension septentrionale » de l’Europe et à promouvoir la coopération internationale tout en restant fidèle à sa politique de non-alliance.
 

La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, les élections parlementaires du printemps 2003 ont quelque peu ébranlé la stabilité de la Finlande. Liée à la position finlandaise à l’égard de la crise irakienne, quelles conséquences la démission de Mme Anneli Jäätteenmäki a-t-elle eu sur la lisibilité de la politique étrangère finlandaise ? Mettant fin à la coalition dirigée par M. Paavo Lipponen depuis 1995, à quels facteurs attribuez-vous  le choix d’alternance effectué en faveur du parti centriste ?

S.E.M. Esko Hamilo : En effet, les élections qui se sont déroulées au printemps 2003 ont abouti à un changement dans la composition du gouvernement. Après huit années de coalition dirigée par les Sociaux-démocrates, avec les Conservateurs comme leurs principaux partenaires, ces élections ont ramené le Parti du Centre de l'opposition sur le devant de la scène, avec les Sociaux-démocrates comme leurs principaux partenaires.
Toutefois, je remarque une grande stabilité dans la vie politique finlandaise. Au cours des deux dernières décennies, deux des trois grands partis ont toujours siégé au gouvernement, la troisième formation s'étant trouvée dans l'opposition. Nous avons pu voir les trois combinaisons possibles sur l'échiquier politique finlandais. Cette alternance comporte ainsi une certaine continuité et témoigne de la capacité de tous les partis à coopérer entre eux.
Le débat suscité par la position adoptée par la Finlande à l'égard de la crise iraquienne explique vraisemblablement en partie le résultat des élections et, en fin de compte, la démission de Madame Anneli Jäätteenmäki, seulement quelques semaines après son accès au pouvoir. Toutefois, le débat ne traitait guère de la politique étrangère, mais plutôt des méthodes utilisées pendant la campagne électorale. Le Premier ministre a personnellement perdu la confiance du Parlement, principalement parce qu'elle ne s'était pas clairement exprimée sur la manière dont les documents confidentiels avaient été utilisés. La composition du gouvernement est restée inchangée, à l'exception de la nomination du nouveau Premier ministre en la personne de Monsieur Matti Vanhanen, également issu du Parti du Centre. Mais cet incident politique a essentiellement mis en évidence à quel point la limite entre la transparence et la confidentialité en politique est mince.
Enfin, je considère que le résultat des élections a principalement traduit un désir de changement après un long règne des mêmes partis politiques.

L.L.D. : Après la sévère contraction de l’activité économique en 2001, votre pays a amorcé une reprise qui s’est poursuiivi en 2003. Quels sont les objectifs poursuivis par votre gouvernement pour retrouver une croissance solide et rendre moins vulnérable l’économie finlandaise à l’égard de la conjoncture économique ? Quelles nouvelles orientations entend-il mettre en œuvre pour lutter contre le chômage, dont le taux atteignait 9% en 2002 ?

S.E.M.E.H. : La Finlande peut se targuer d'avoir plusieurs atouts sur lesquels elle peut bâtir une économie solide. En effet, d'après le rapport rendu public par le Forum économique mondial, la Finlande a regagné sa place en tête du palmarès de la compétitivité internationale. La part du PIB consacrée à la R&D y est la plus élevée de toute l'Europe, ce qui explique certainement les bons résultats économiques récemment obtenus et la montée en puissance des sociétés telles que Nokia. De surcroît, une récente étude menée par Transparency International a permis de qualifier la Finlande de pays connaissant le taux de corruption le plus bas à l'échelle mondiale.
La priorité de la politique économique du nouveau gouvernement finlandais est de porter le taux d'emploi de son niveau actuel de 67,5%, à 75%, ce qui constitue un défi de taille. La compétitivité en matière de fiscalité, la disponibilité et le coût d'une main-d'œuvre appropriée ainsi que son vieillissement, sont quelques-uns des nombreux défis que nous avons à relever. Les objectifs en matière d'emploi nécessitent une forte croissance économique pendant toute la législature et leur réalisation mettrait un terme à la contraction cyclique que connaît actuellement l'activité économique de la Finlande.
La politique fiscale du gouvernement vise à préserver la bonne santé des finances publiques. Une marge fiscale adéquate est essentielle pour garantir la croissance économique. A cet effet, le gouvernement envisage une réduction du ratio dette/PIB.
La Finlande ambitionne d'être une destination compétitive pour les entreprises en termes d'infrastructure et de fiscalité. L'imposition liée au travail sera allégée par le biais d'une baisse de l'impôt sur le revenu. Un allègement fiscal général de 1% est effectif depuis le mois de juin 2003. De même, l'impôt sur les sociétés sera baissé afin de renforcer la compétitivité internationale du système fiscal finlandais.
Un taux d'emploi élevé requiert une bonne coopération entre les partenaires sociaux. Des solutions permettant de concilier la vie professionnelle et la vie familiale seront nécessaires. Les salariés doivent entrer sur le marché du travail plus tôt et le quitter plus tard, et des travailleurs étrangers doivent être accueillis lorsque l'on manque de main-d'œuvre. Le gouvernement cherche à réduire les disparités en matière de développement régional et à améliorer l'emploi, surtout dans les régions connaissant un fort taux de chômage.

L.L.D. : Constituant à l’origine une initiative finlandaise, la « Dimension septentrionale » de l’Europe a été mise en tête des priorités de la présidence danoise en 2002. Quels ont été les progrès acquis depuis lors pour accroître le développement de cette zone d’interdépendance nordique ? Quelles opportunités, notamment stratégiques et commerciales, ce concept revêt-il pour les pays de l’Union européenne ?

S.E.M.E.H. : La dimension septentrionale fait partie de la politique de l'Union européenne en matière de relations extérieures. Certes, la contribution de la présidence danoise a été très significative, et nous nous en félicitons, mais il s'agit d'une question dont la portée s'étend à l'ensemble de l'Union. Le concept de dimension septentrionale a permis d'inscrire les défis et les potentialités de l'Europe du Nord sur l'agenda de l'Union. Le nouveau plan d'action pour la dimension septentrionale, approuvé par le Conseil européen tenu à Bruxelles en octobre 2003, fixe des objectifs de grande envergure dans nombre de domaines d'action. Ces objectifs reflètent les opportunités stratégiques et économiques des pays membres de l'Union européenne et de leurs partenaires. Peu après le lancement de cette initiative, nous avons mis en exergue les possibilités ainsi créées par une interdépendance positive.
Toutefois, avant la naissance du concept de dimension septentrionale cette région connaissait déjà plusieurs formes de coopération : intergouvernementale, économique, régionale, locale et la coopération entre les ONG. Dans le cadre de la dimension septentrionale, les avancées les plus significatives ont tout de même été obtenues dans le domaine de la coopération environnementale. Le Partenariat environnemental de la Dimension septentrionale est un projet innovant qui, outre les pays de la région, englobe tous les pays intéressés par ce concept ainsi que les organismes internationaux de financement. De plus, la contribution de la Commission européenne a été très importante. Nous attendons avec le plus grand intérêt les résultats des actions qui seront menées dans le cadre du Partenariat sur la Santé publique et le Bien-être social de la Dimension septentrionale qui vient d'être mis en place. De même, le Plan d'Action de la Dimension septentrionale vient d'être lancé dans le domaine de la société de l'information.

L.L.D. : Dix ans après l’effondrement de l’URSS, comment analysez-vous les enjeux géopolitiques encore vivaces dans la mer de Barents, notamment à la lumière de la frontière maritime encore contestée entre la Russie et la Norvège et, à plus long terme, de la fonte des glaciers arctiques ? En visite en Finlande en septembre 2001, le Président russe Vladimir Poutine a été le premier dirigeant russe a rendre hommage à l’ancien Président finlandais, le Maréchal Mannerheim. Comment percevez-vous les relations qu’entretient aujourd’hui votre pays avec son puissant voisin ?

S.E.M.E.H. : La frontière maritime entre la Norvège et la Russie constitue un enjeu propre à ces pays sur lequel il m'est difficile de me prononcer. Toutefois, il est primordial d'y trouver une solution avant que le problème ne se transforme en conflit, ce qui pourrait se produire par exemple au sujet des ressources énergétiques que l'on pourrait éventuellement trouver dans la région.
Le litige né autour de la frontière maritime n'engendre toutefois aucun problème à connotation politico-militaire. Un tel problème est aujourd'hui plutôt relégué dans le passé ou pourrait éventuellement être soulevé par le potentiel en matière d'armement qui subsiste dans le Nord. Dans le monde de l'après-Guerre froide, les régions septentrionales sont avant tout susceptibles d'être confrontées aux menaces environnementales, et notamment au réchauffement du climat.
Les relations entre la Finlande et la Russie peuvent, pour la première fois dans l'histoire de ces deux pays, être qualifiées de normales, comme il se doit entre deux pays. Désormais membre de la communauté internationale, la Russie s'est engagée à respecter les mêmes règles et procédures que les autres pays. Le passé ne sous-tend plus les relations des deux pays, et la partie russe sait aujourd'hui apprécier à leur juste valeur les efforts que la Finlande a dû déployer afin de défendre son indépendance.
A l'heure actuelle, la Finlande et la Russie ne connaissent aucun problème politique, et une coopération intense à tous les niveaux a permis de consolider leurs relations. Toutefois, une longue frontière commune soulève de temps à autre, ainsi qu'il est de coutume entre deux pays voisins, un certain nombre de questions relatives à la circulation transfrontalière et aux douanes. L'essentiel est de pouvoir en discuter et d'être doté d'autorités compétentes permettant de régler ces questions.
La Russie est, en outre, un partenaire commercial de premier plan pour la Finlande. Pour la quatrième année consécutive, les exportations finlandaises vers la Russie connaissent une forte progression. Pour les entreprises finlandaises, le marché russe compte parmi les destinations les plus importantes, et les importations énergétiques ont fait de la Russie le deuxième fournisseur de la Finlande.
Or, le caractère imprévisible de l'environnement commercial russe ainsi que l'absence d'un accord de protection des investissements ont un effet dissuasif sur les investissements en Russie. Les crises telles que celle qui est née autour de géant pétrolier Youkos, soulignent toutefois la nécessité de conclure un tel accord.
La mise en place d'une coopération internationale sur la protection de l'environnement ainsi que l'élaboration d'une réglementation commune et son application constituent des préoccupations de taille pour la Finlande. La mer Baltique, qui est particulièrement vulnérable, est notre souci majeur. La progression du transport du pétrole dans la partie septentrionale de la mer Baltique met en exergue la nécessité d'améliorer la sécurité des transports et la capacité de prévenir les accidents liés au pétrole.
La multiplication des contacts entre les ressortissants finlandais et russes de part et d'autre de la frontière double, enfin, les relations purement commerciales d'un volet plus humain. En coopération avec les autres Etats signataires des accords de Schengen, la Finlande cherche à simplifier les modalités bilatérales d'octroi de visa.

L.L.D. : En mai 2003, les Etats membres du Conseil euro-arctique de Barents ont conclu à Stockholm un accord sur la sécurité nucléaire. Comment cette coopération va-t-elle être mise en œuvre et coordonnée ? Plus globalement, quel bilan faites-vous de l’œuvre du Conseil euro-arctique de Barents en matière de coopération transfrontalière et de protection de l’environnement ? La création d’une zone dénucléarisée correspondant à la péninsule scandinave et incluant celle de Kola est-elle toujours à l’ordre du jour ?

S.E.M.E.H. : Un accord-cadre pour un Programme multilatéral environnemental dans le domaine nucléaire en Fédération de Russie a effectivement été signé en mai 2003 à Stockholm. Le fonds de soutien du Partenariat environnemental de la Dimension septentrionale, géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, est ainsi devenu opérationnel également en ce qui concerne le volet « sécurité nucléaire » du fonds. Près de 150 millions d'euros seront alloués aux projets ayant trait à la sécurité nucléaire dans la région du Nord-Ouest de la Russie.
Les activités placées sous l'initiative du Partenariat mondial du G8 sont entrées dans une phase pratique de sélection et d'organisation de projets. Lors du Sommet d'Evian, la Finlande ainsi que quatre autres pays non-membres du G8 ont été invités à participer à l'initiative du Partenariat mondial.
Les résultats les plus visibles de la coopération mise en place dans la région de la mer de Barents  peuvent vraisemblablement être décelés dans la coopération environnementale. En effet, outre la coopération en matière de sécurité nucléaire, la coopération environnementale avance sur plusieurs fronts. Notamment, les sites les plus polluants situés dans la partie russe de la région de Barents ont, en coopération avec les autorités russes, été énumérés.
La coopération forestière est devenue un volet important de la coopération dans la région de la mer de Barents. La forêt est la ressource naturelle renouvelable la plus importante de la région et permet à une grande partie de la population de pourvoir à leur subsistance. Le vaste territoire forestier de l'Europe du Nord revêt une grande importance globale, tant par sa diversité et son poids économique que par son rôle de puits de charbon. Parvenir à une économie forestière à caractère durable en cherchant à identifier et à mettre en œuvre des objectif communs, notamment par le biais d'une interaction entre les niveaux local et régional des acteurs du secteur forestier et d'une répartition des tâches, constitue un défi de taille à la coopération des acteurs du secteur forestier, de tous les pays de la région. Une nouvelle forme de coopération d'origine canadienne, intitulée « forêt modèle » est en cours d'élaboration.
L'initiative de la zone dénucléarisée en Europe du Nord devait à l'origine concerner la Finlande, la Suède, le Danemark, la Norvège et l'Islande. Reflétant la situation de politique de sécurité qui régnait en Europe du Nord pendant la Guerre froide, elle a été lancée par le Président Kekkonen en 1963.
Aujourd'hui, cette initiative doit être vue dans son contexte historique. La fin de la Guerre froide a conduit à la perte de son importance, car elle ne constituait plus un outil pleinement utile dans une situation totalement nouvelle. La possibilité de relancer à l'avenir l'initiative de la zone dénucléarisée en Europe du Nord semble donc peu probable.

L.L.D. : Dix pays européens, dont trois Etats baltes, vont bientôt devenir officiellement membres de l’Union européenne. Quels atouts, mais aussi quels défis, l’élargissement de l’Union européenne engendrera-t-il pour la Finlande ? La région des Etats baltes étant devenue une plaque tournante majeure de trafics illicites en Europe, sur quels principes la coopération entre la Finlande et ses voisins baltes s’articule-t-elle en matière de lutte contre la criminalité et pour l’instauration de l’état de droit ?

S.E.M.E.H. : L'élargissement de l'Union européenne est conforme aux intérêts politiques et économiques de la Finlande. De notre point de vue géographique, l'élargissement de l'Union vers la région de la mer Baltique est d'une importance capitale. La future adhésion de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie renforcera la dimension septentrionale de l'Union européenne et soutiendra le développement économique et politique de l'Europe du Nord.
L'élargissement de l'Union renforcera la stabilité et la sécurité du continent. Toutefois, il introduit parallèlement la menace d'offrir un cadre privilégié aux moyens d'action d'une criminalité internationale organisée.
Dès leur adhésion, les nouveaux pays membres seront tenus de mettre en oeuvre la réglementation commune en matière de justice et affaires intérieures, exception faite de certains volets des accords de Schengen, et de participer à la coopération policière et douanière de l'Europe. Les échanges d'informations entre les actuels et les futurs pays membres iront en s'intensifiant. L'adhésion des nouveaux pays aura, surtout à long terme, un impact positif sur la lutte contre la criminalité. Les réseaux et moyens de coopération en vue de combattre la criminalité seront harmonisés, ce qui facilitera la lutte contre la criminalité transfrontalière entre les actuels et futurs pays membres.
L'élargissement de l'Union se traduira par l'entrée en vigueur de nouveaux instruments européens permettant de créer les conditions nécessaires au renforcement de la coopération judiciaire. La Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et l'accord-cadre sur le mandat d'arrêt européen sont des instruments de premier plan de cette coopération judiciaire.
De plus, la Finlande a conclu un accord bilatéral de lutte contre la criminalité ainsi qu'un accord de coopération de lutte contre la grande criminalité avec les pays baltes.

L.L.D. : Attachée au respect de l’égalité entre les Etats membres de l’UE, votre pays a réaffirmé cette revendication aux côtés des quinze autres « petits pays » européens réunis à Prague puis à New York avant le début des travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG). Comment percevez-vous l’évolution des négociations sur les questions des institutions et des procédures que doit redéfinir la future Constitution européenne ? Plus encore, quelle est votre vision du récent renforcement du couple franco-allemand face aux aléas de la conjoncture économique ?

S.E.M.E.H. : Il est simplement naturel qu'une coopération plus étroite s'établisse entre ceux dont les vues et opinions convergent. Aussi, la Finlande a-t-elle été relativement active au sein du groupe des pays appelés « like-minded countries », qui regroupe une douzaine de petits pays membres de l'Union ou de pays en voie d'adhésion. De même, elle était déjà très active pendant les travaux de la Convention. Les résultats de la Convention contenaient un grand nombre de points qui avaient été mis en avant par ce groupe de pays.
L'objectif n'a, en aucun cas, été de créer une division au sein de l'Union, mais au contraire de favoriser un échange de vues et d'assurer l'uniformité des actions des pays qui partagent les mêmes opinions sur la Conférence intergouvernementale. La Conférence a principalement vocation à garantir une participation, sur un pied d'égalité, de tous les pays membres.
Il se peut que les résultats de la Conférence soient connus au moment de la publication de cette interview. Par conséquent, je me garde de faire des suppositions dans ce sens.
Les relations entre la France et l'Allemagne sont traditionnellement fortes. Ces deux pays ont, dès le début, joué un rôle très important dans la coopération européenne et constitué souvent le moteur d'une intégration plus approfondie. Cette étroite coopération, qui s'opère dans différents secteurs sur la scène européenne, sera cruciale à l'avenir aussi, et ceci également dans le cadre économique. Je regrette que le pacte de stabilité et de croissance n'ait pas été pleinement respecté.

L.L.D. : Thème majeur du débat politique en Finlande, la question de l’adhésion à l’OTAN continue de susciter l’opposition d’une grande partie de l’opinion publique finlandaise. Avec l’instauration d’un Conseil OTAN-Russie en mai 2002 et l’adhésion de trois Etats baltes en mai 2004, la neutralité de la Finlande reste-t-elle aujourd’hui encore de mise ? Quels intérêts votre pays a-t-il à continuer de conserver un statut de non-aligné ? Compte tenu de la volonté récemment manifestée par certains pays européens de renforcer les capacités de la PESD, selon vous, quels devraient être à terme les liens techniques entre l’OTAN et la Défense européenne ?

S.E.M.E.H. : Bien entendu, la Finlande est aujourd'hui membre d'une alliance politique, l'Union européenne. Par conséquent, il n'est plus tout à fait d'actualité de parler de la neutralité, bien que la Finlande n'appartienne à aucune alliance militaire.
Lors de toute prise de décision concernant la défense, la Finlande se doit de garder à l'esprit sa position géopolitique ainsi que son expérience historique. De même, les changements survenus dans l'environnement de sécurité et le développement de l'Union européenne doivent être pris en considération lorsque l'on envisage des solutions de défense. Quoi qu'il en soit, si les récentes évolutions connues dans l'environnement de sécurité se pérennisent, je pense qu'il est justifié de dire qu'il est peu probable que la Finlande fasse l'objet d'une attaque de grande envergure.
La Finlande s'efforce de promouvoir le renforcement de la Politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne tout en soulignant l'importance de la coopération transatlantique. L'OTAN est encore aujourd'hui d'une importance cruciale.
Toutefois, les décisions en matière de politique de sécurité doivent être prises avec prudence, et tant qu'une incertitude règne au sujet de nouvelles solutions de sécurité, il vaut mieux adhérer à celles qui existent déjà de longue date. La Finlande n'a pas hâte de modifier sa politique de non-alliance.
Pour en revenir à la Politique européenne de sécurité et de défense, la Finlande considère qu'elle devrait être développée davantage de sorte qu’elle renforce l'unité de l'Union. Les activités de gestion des crises et le développement des capacités qui y sont liées ainsi que la coopération en matière d'armement, peuvent être développés sur la base des principes existants. La participation à ces efforts doit être possible à tous les Etats membres qui le souhaitent.
Il est douteux qu'une obligation de défense commune puisse apporter une valeur ajoutée à ce stade, ou qu'elle soit crédible. Il est probablement trop tôt pour définir une relation optimale entre l'OTAN et l'Union européenne ; en tout cas, tout chevauchement inutile devrait être évité.

L.L.D. : Ayant eu l’occasion d’éprouver son expérience en matière de gestion des conflits au Kosovo en 1999, votre pays compte-t-il s’engager à coopérer plus étroitement avec ses partenaires européens sur le plan de la défense et de la sécurité ? Quelles sont les marges de manœuvre du nouveau chef de la Mission des Nations unies au Kosovo (Minuk), le Finlandais Harri Holkeri, pour faire progresser l’application de la résolution des Nations unies préconisant une "autonomie substantielle" du Kosovo dans le cadre de l'Etat de Serbie-Monténégro ?

S.E.M.E.H. : Bien que la situation de sécurité du Kosovo se soit améliorée, elle demeure toujours tendue. L'OTAN envisage la possibilité de réduire en 2004 ses effectifs et de passer à une présence fondée sur la dissuasion. Sa coopération active avec l'Union européenne se poursuit naturellement. L'Union européenne envisage de prendre, vraisemblablement à la fin de l'année 2004, la relève pour assurer la sécurité en Bosnie-Herzégovine, une coopération étroite dans le secteur civil étant déjà en place.
Les Balkans occidentaux constituent un enjeu majeur pour la politique de sécurité de l'Union. A l'heure actuelle, le sentiment d'optimisme est justifié. En Macédoine, par exemple, les efforts déployés par l'Union européenne ont porté leurs fruits, et le Processus de stabilisation et d'association de l'Union européenne tout comme le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est ont permis d'augmenter l'influence de l'Union dans la région. Pour la première fois, les pays de cette région partagent un objectif commun en matière de politique étrangère : l'adhésion à l'Union européenne, ce qui constitue la pierre angulaire de la stabilité de la région.
La mission du chef de la Mission des Nations unies au Kosovo est très difficile et délicate. Celui-ci est en effet chargé de mettre en oeuvre la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU. Actuellement, l'accent est mis sur l'instauration de conditions substantielles, à savoir l'amélioration de la sécurité, la création de conditions permettant aux réfugiés de revenir dans le pays, la promotion du principe d'état de droit ainsi que la mise en place d'une économie viable. Ce sont des conditions préalables à la construction d'une société démocratique, au transfert des pouvoirs aux institutions autonomes du Kosovo ainsi qu'à l'ouverture des négociations portant sur l'avenir du Kosovo. Il est d'une importance capitale que tant les Albanais que les Serbes s'engagent à poursuivre le dialogue qui vient de s'amorcer sur les questions visant à faciliter la vie quotidienne des habitants.

L.L.D. : Alors que la communauté internationale mène une politique active contre la prolifération des armes de destruction massive, quelles orientations politiques la Finlande entend-elle défendre à la Commission sur le désarmement et la sécurité internationale des Nations unies, dont S.E.M. Jarmo Sareva, Représentant-permanent de la Finlande auprès des Nations unies a récemment pris la présidence ? La notion de multilatéralisme doit-elle, d’après vous, être renforcée dans ce domaine et plus généralement utilisée comme mode de relations entre les Etats ?

S.E.M.E.H. : Permettez-moi de commencer par le multilatéralisme. Force est de constater que le multilatéralisme, ainsi que son emblème, l'Organisation des Nations unies, ont dernièrement connu des difficultés éprouvantes. Alors que le multilatéralisme a été défié par des actions unilatérales, il a également été prouvé que le multilatéralisme et la coopération multilatérale, tout comme l'Organisation des Nations unies, sont toujours nécessaires. La coopération internationale est indispensable dans plusieurs domaines : la gestion et la prévention des crises, le désarmement et le contrôle de l'armement, la promotion des droits de l'homme et le droit international en général, la promotion du développement durable, le renforcement de la gouvernance mondiale dans les questions relatives à l'environnement, le développement d'une cohérence et d'une coopération dans les questions économiques et sociales.
La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive nécessite le lancement de nouvelles initiatives et approches. En vue de compléter les instruments internationaux, de nouvelles perspectives permettant de faire face au problème engendré par les armes de destruction massive seront nécessaires. La Finlande se félicite de tous les nouveaux efforts – ouverts à tous – tels que le Partenariat mondial du G8 contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes.

L.L.D. : En se fixant pour objectif d’élever à 0,7% son budget d’aide publique au développement, votre pays a affirmé sa volonté de participer de manière plus décisive à la coopération internationale Nord-Sud. Quels sont les objectifs poursuivis par cette politique d’aide au développement ? Faisant partie intégrante de cette dernière, quelle place les organisations non-gouvernementales finlandaises occupent-elles aujourd’hui dans les relations internationales ?

S.E.M.E.H. : En effet, l'objectif que nous nous sommes fixés de doubler notre aide publique au développement afin que celle-ci atteigne le niveau de 0,7% du budget, témoigne de notre volonté d'assumer notre part de responsabilité dans l'aide fournie aux plus démunis. Mettant en exergue la réduction de la pauvreté, la promotion de l'égalité des sexes et l'accès à l'éducation, notre politique de coopération vise ainsi à assurer un développement durable. Nous nous attachons à concentrer nos efforts sur un nombre réduit de pays et de secteurs, ce qui nous permet de mieux prendre en considération certaines questions spécifiques et de mettre ainsi l'accent sur la recherche de la qualité. Ce n'est pas uniquement aux pays développés de rediriger leurs moyens alloués à l'aide au développement, mais également aux pays en développement de modifier leur environnement opérationnel : ils doivent en effet s'engager à respecter les droits de l'homme et à lutter contre la corruption, par exemple.
Il y a un an, un processus appelé « processus d’Helsinki » fut lancé, naturellement à Helsinki. Il a vocation à améliorer les structures actuelles de gouvernance mondiale et à offrir un cadre au dialogue ouvert et inclusif entre les principaux acteurs du Nord et du Sud : gouvernements, ONG, entreprises. La contribution de toutes les parties prenantes est nécessaire dans la recherche de moyens permettant d'optimiser le financement de la réduction de la pauvreté mondiale.
Les organisations non-gouvernementales jouent un rôle important dans la coopération au développement que mène la Finlande. Le gouvernement a pour objectif de diriger une grande partie de l'aide publique de la Finlande par l'intermédiaire des ONG, l'Etat demeurant le principal canal de cette aide. Les projets entrepris par les ONG sont souvent très fructueux, car ces dernières travaillent véritablement en contact avec le peuple et fournissent aux ressortissants finlandais une plate-forme pour le développement de réseaux entre les ressortissants des pays partenaires.

L.L.D. : Menant une coopération active dans les domaines de l’informatique et des télécommunications, la France et la Finlande orientent depuis quelques années celle-ci dans ceux de la technologie, et surtout, des biotechnologies. Quelles avancées ont-elles été réalisées pour l’élaboration de ce cadre nouveau de partenariat, ébauché lors de la visite à Paris fin 2002 du Ministre des Affaires étrangères finlandais, M. Erkki Tuomioja ? Comment les deux pays envisagent-ils d’accroître un partenariat économique encore modeste et d’approfondire leurs relations culturelles  ?

S.E.M.E.H. : Une coopération internationale active est vitale pour la Finlande compte tenu de la taille réduite de son marché domestique. Traditionnellement excellentes, les relations entre la Finlande et la France se sont encore intensifiées après l'adhésion de la Finlande à l'Union européenne. Les fréquentes visites ministérielles effectuées de part et d'autre, témoignent du caractère fructueux de ce partenariat.
Il y a quelques années, les Premiers ministres finlandais et français ont signé une déclaration conjointe sur la société de l'information. Cette déclaration a donné lieu à une importante coopération entre les deux pays. Il est en effet essentiel que la Finlande et la France, deux pays à la pointe de la technologie, échangent fréquemment leurs expériences dans ce domaine.
Les biotechnologies constituent un autre domaine prometteur, et une déclaration conjointe sur une coopération plus poussée dans ce secteur a déjà été signée par les Premiers ministres de Finlande et de France en novembre 2003. Cette mesure permettra de promouvoir encore la coopération dans le cadre européen, mais aussi la coopération industrielle et commerciale ainsi que des partenariats entre des entreprises privées du secteur high-tech.
Le commerce entre les deux pays se porte bien, mais ainsi qu'il est souvent dit, toutes les possibilités ne sont pas encore totalement exploitées. En ce qui concerne les exportations finlandaises, la France est le cinquième client de la Finlande à l'échelle mondiale. Les exportations finlandaises se composent de produits de haute technologie, de produits de Nokia ainsi que de traditionnels produits forestiers, notamment le papier sous toutes ses formes. Dernièrement, le commerce bilatéral a été excédentaire pour la Finlande, mais cette situation est, du moins partiellement, susceptible d'être corrigée par la récente décision finlandaise d'entreprendre l'acquisition d'une centrale nucléaire de Framatome-Siemens.
En ce qui concerne la culture, il y aurait beaucoup à dire. A cet effet, permettez-moi de dire simplement combien je me réjouis de constater que la culture finlandaise est bien présente en France. En particulier je souhaite mentionner nos artistes musicaux tels que Karita Mattila et Kaija Saariaho et nos nombreux chefs d'orchestre, qui se produisent souvent en France et qui rencontrent un vif succès auprès du public français. Les films finlandais, et en particulier ceux d'Aki Kaurismäki, ont gagné une notoriété certaine en France, surtout après le festival de Cannes de 2002. Il semblerait que les écrivains finlandais commencent également à se faire un nom en France.
Je me félicite de la possibilité que la France offre à la Finlande, conformément à une décision prise par le Président Chirac lui-même, d'organiser un cycle de manifestations culturelles finlandaises en France en 2008. Nous allons naturellement saisir cette opportunité pour faire de cet événement une véritable vitrine de la culture finlandaise en France.
Enfin, je tiens à préciser que, dans le domaine de la culture aussi, les manifestations sont bi-directionnelles : au cours de la visite qu'elle a récemment effectuée en Finlande, Madame Noëlle Lenoir, Ministre déléguée au Affaires européennes, a inauguré les nouveaux locaux du Centre culturel français à Helsinki.
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