Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Editorial
 
  M./Mr Angel Gurría

L’OCDE, vecteur de progrès mondial

Par M. Angel Gurría, Secrétaire général de l’Organisation de Développement et de Coopération économiques (OCDE)
 

L’économie mondiale évolue constamment sous l’effet des mutations technologiques. Nous vivons dans un monde marqué par un degré d’interdépendance inconnu jusqu’alors, un monde où la plupart des grands dossiers ont une dimension mondiale, où la coopération multilatérale est une nécessité. La mondialisation relie le niveau local au niveau mondial, efface le clivage entre ce qui est national et international. Elle est très bénéfique, mais elle crée aussi de nouveaux problèmes.
Le changement climatique est un test pour notre capacité de coopération. L’approvisionnement en énergie est un enjeu majeur. Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’Energie (AIE), la consommation primaire d’énergie dans le monde doublera d’ici à 2050. Le vieillissement démographique et les migrations internationales sont d’autres défis mondiaux étroitement imbriqués. En 2030, la population d’âge actif dans l’UE à 25 devrait tomber de 303 millions aujourd’hui à 280 millions et le nombre de retraités augmentera parallèlement à une plus longue espérance de vie. Les migrations peuvent aider à ralentir l’érosion des populations et à atténuer les pressions budgétaires dues à la transition démographique dans les pays de l’OCDE. Mais les migrations sont le reflet du risque systémique ultime : la pauvreté et le chômage dans les pays en développement.
Malgré les progrès accomplis, la pauvreté reste endémique : un milliard de personnes n’ont pas accès à une eau potable ; 2,6 milliards n’ont pas d’installations d’assainissement. Chaque année, 14 millions d’individus meurent de maladies infectieuses qui ont été négligées ; et l’Organisation internationale du Travail (OIT) considère qu’en 2007 il y aura dans le monde plus d’esclaves que jamais : 12,3 millions. Ce ne sont pas que des chiffres, mais des familles détruites, des rêves brisés, une honte pour le monde.
Face à cette situation, l’OCDE ne reste pas les bras croisés. Presque quinquagénaire, avec ses 30 pays membres et ses 2 500 agents à son Secrétariat parisien, elle se réinvente en plateforme de réponses novatrices des politiques publiques aux défis de la mondialisation. Nous élargissons nos liens en nous adjoignant de nouveaux membres et en renforçant nos interactions avec plus de 70 autres pays et de nombreuses organisations internationales. L’un de nos objectifs primordiaux est d’aider à l’intégration des pays en développement dans l’économie mondiale, en nouant avec les principales économies émergentes des liens qui s’intensifient rapidement.
Depuis juin 2006, date à laquelle j’ai été nommé Secrétaire général de l’OCDE, j’ai entrepris de transformer l’Organisation, avec le concours de ses pays membres et l’expertise du Secrétariat, en une plaque tournante pour le dialogue sur les questions mondiales. D’une part, les pays de l’OCDE savent qu’ils ne pourront plus réaliser des progrès sociaux et économiques équitables et régler les grands problèmes internationaux sans la contribution des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et d’autres grands pays en développement. D’autre part, ces mêmes pays ne peuvent pas se développer et régler leurs problèmes sociaux et économiques sans l’aide des économies les plus avancées. Une coopération multilatérale tirant parti de la technologie et des communications modernes, telle est la passerelle dont nous avons besoin.
Au début de cette année, les pays de l’OCDE ont pris une décision politique stratégique, à savoir s’impliquer plus activement vis-à-vis du reste du monde. En mai 2007, le Conseil de l’OCDE réuni au niveau des ministres à Paris, est convenu d’un plan ambitieux d’élargissement de l’Organisation ; il a invité le Chili, l’Estonie, Israël, la Fédération de Russie et la Slovénie à ouvrir des discussions d’adhésion. Parallèlement, les pays de l’OCDE ont défini une stratégie « d’engagement renforcé » avec cinq autres grandes économies émergentes – l’Afrique du sud, le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Indonésie – en vue d’une éventuelle adhésion.
Cette stratégie « à deux vitesses » représentera la vague d’élargissement la plus importante dans l’histoire de l’OCDE. Elle aboutira à des relations plus étroites entre l’OCDE et un groupe de pays qui représente près de la moitié de la population mondiale et un PIB total de 5 800 milliards de dollars, ce qui renforcera notre capacité de promouvoir la croissance et le développement économiques au niveau mondial. Surtout, l’OCDE ne sera plus essentiellement constituée de « pays industriels », mais deviendra une organisation véritablement mondiale s’appuyant sur des traditions et des cultures très différentes.
Comment concrétiser cet ambitieux projet ? Jusqu’à présent, tous les pays de l’OCDE partageaient une conviction commune, la valeur de l’économie de marché, et accordaient le même prix au partage de l’expérience de chacun et à l’apprentissage au contact des autres. Manifestement, nous devons parler un langage commun pour pouvoir coopérer. Mais édifier des passerelles intellectuelles est notre « cœur de métier », et j’ai bon espoir que nous parviendrons à relever ce défi.
Nous allons avoir l’occasion de le vérifier, dans les prochains mois, suite à la decision des participants du sommet du G8 à Heiligendamm, en Allemagne, où les leaders des économies les plus puissantes de la planète, réunies dans le cadre du G8, ont demandé à l’OCDE de servir de plateforme de dialogue avec les grandes économies émergentes, l’Afrique du sud, le Brésil, la Chine, l’Inde et le Mexique. Quatre thèmes principaux ont été désignés pour ce dialogue : l’innovation, la liberté de l’investissement, le développement en Afrique et l’efficacité énergétique. Nous définissons en outre actuellement le cadre du nouveau Partenariat international pour une gouvernance démocratique, grâce auquel les pays donateurs coopéreront avec les pays en développement très vulnérables pour les aider à renforcer leurs structures de gouvernance. Ces prochains mois, nous lancerons un processus de discussion et d’échange de vues – mais aussi d’action – dans tous ces domaines.
Pourquoi l’OCDE a-t-elle été choisie pour accomplir ces tâches ? Ces dix dernières années, nous nous sommes forgé tout un palmarès dans l’élargissement et l’approfondissement de nos travaux avec les pays non membres. En 1999, la réunion annuelle du Conseil de l’OCDE au niveau des ministres, que j’ai présidée, a invité pour la première fois les représentants de grandes économies émergentes, dont la Chine, à participer à ces débats. Aujourd’hui, l’OCDE entretient des contacts réguliers avec plus de 70 pays non membres. Vingt-cinq de ces pays participent en qualité d’observateur ou de membre plénier aux travaux d’au moins un comité de l’OCDE, et 50 prennent part aux activités d’au moins un groupe de travail. Parallèlement, le Secrétariat de l’OCDE mène un large éventail d’activités de dialogue pour l’amélioration des politiques publiques et des capacités d’action dans un nombre croissant de pays en développement.
Notre récent Examen des performances environnementales de la Chine, notre Programme latino-américain d’accès à l’information de l’OCDE (qui couvre d’ores et déjà 136 institutions latino-américaines), nos Perspectives économiques de l’Amérique latine, nos Perspectives économiques de l’Afrique (rédigées chaque année en collaboration avec la Banque africaine de développement) et la Charte pour l’investissement, destinée à promouvoir la réforme structurelle et le développement du secteur privé en Europe orientale, illustrent parfaitement la diversité et la portée de l’engagement mondial de l’OCDE. Les études de plus en plus nombreuses publiées dans des langues autres que les deux langues officielles de l’OCDE – l’anglais et le français – reflètent l’envergure de plus en plus mondiale de l’Organisation. L’Examen de l’innovation, réalisé récemment pour la Chine, la participation du Brésil à un accord-clé de l’OCDE sur les crédits à l’exportation dans le secteur de l’aéronautique civile et l’adhésion de pays comme l’Argentine, la Bulgarie, le Chili et l’Afrique du Sud à la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, sont d’autres exemples de collaboration entre les pays en développement et l’OCDE.
Nos travaux avec les pays non-membres enrichissent la vocation mondiale de l’Organisation et sa sensibilité aux différentes voies de la croissance économique. Grâce à un large éventail d’instruments et de programmes à vocation externe, notamment nos Forums mondiaux sur des questions comme l’agriculture, la concurrence, la fiscalité et l’économie du savoir, nos Initiatives régionales couvrant l’ensemble du monde en développement et nos programmes visant à renforcer les relations avec certaines économies non-membres, l’OCDE édifie des passerelles pour la communication, le partenariat économique et le compromis politique entre le Nord et le Sud.
C’est ainsi que l’OCDE aide les pays de tous les continents à trouver des solutions aux problèmes que pose la mondialisation. La seule voie possible dans l’économie interdépendante et mondialisée d’aujourd’hui, est celle du dialogue, de l’apprentissage mutuel et de l’expérience partagée.

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