Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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  M. / Mr Jaap De Hoop Scheffer

L’OTAN après le Sommet d’Istanbul

Par M. Jaap de Hoop Scheffer, Secrétaire général de l'OTAN

Les 28 et 29 juin de cette année, les chefs d’Etat et de gouvernement des 26 pays membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord se sont réunis à Istanbul pour le 17ème Sommet de l’OTAN. Le Sommet d’Istanbul a suivi une période marquée par des dissensions, non seulement au sein de l’OTAN, mais aussi de plusieurs autres vénérables institutions internationales, au sujet de l’Iraq. Il n’est donc pas surprenant que la réunion d’Istanbul ait été considérée comme un test de solidité de la relation transatlantique, et de l’OTAN, en tant que lien qui assure son existence. Selon moi, non seulement nous avons réussi le test, mais nous l’avons réussi de manière convaincante.
A Istanbul, les Alliés ont non seulement réaffirmé l’importance vitale du lien transatlantique pour leur lien de sécurité commun, mais ils ont également souligné le fait que l’Alliance est prête à projeter la stabilité et à défendre la sécurité de nouvelles façons et dans de nouveaux endroits – et ils ont adressé des offres de coopération nouvelles au Caucase et à l’Asie centrale, ainsi qu’aux régions de la Méditerranée et du Moyen-Orient élargi. Ce faisant, les Alliés ont créé une nouvelle dynamique de coopération transatlantique en matière de sécurité et ont à nouveau affirmé avec force que l’OTAN est un instrument essentiel à cette coopération.
Quelles ont été les principales réalisations de notre Sommet d’Istanbul ?
En premier lieu, l’Iraq. A Istanbul, les Alliés ont répondu favorablement à une demande d’aide du Premier ministre iraquien par intérim, M. Alawi, et ont offert d’entraîner les forces de sécurité iraquiennes. Outre le maintien de notre soutien à la Pologne pour la direction de la division multinationale en Iraq, les Alliés ont décidé que l’OTAN devrait jouer un rôle distinct pour aider l’Iraq à se retrouver. Le fait que cette décision ait été prise au moment du transfert de l’autorité à un nouveau gouvernement iraquien en a encore accru l’importance. A Istanbul, les Alliés ont non seulement affirmé sans ambiguïté qu’un Iraq stable est dans leur intérêt commun, ils ont également fait en sorte que l’OTAN fasse partie de la réponse pour y arriver. Ils l’ont fait en offrant leur aide dans un domaine critique pour la stabilité de l’Iraq et dans lequel l’OTAN peut partager avec ce pays une expérience et des connaissances
précieuses. Et j’estime qu’il s’agit là d’une réelle avancée.
Deuxièmement, l’Afghanistan. A Istanbul, l’Alliance a convenu d’accroître sa présence stabilisatrice dans ce pays. Nous avons décidé d’augmenter le nombre d’équipes de reconstruction provinciale sous le comman-dement de l’OTAN, afin d’aider à étendre l’autorité du gouvernement central et à promouvoir la sécurité, la reconstruction et le développement. Et nous avons accepté de renforcer le soutien que nous apportons à la préparation et à la tenue des prochaines élections présidentielles et parlementaires, qui seront également cruciales pour assurer la paix et la stabilité à long terme en Afghanistan et faire en sorte que le pays ne soit plus jamais un sanctuaire pour les terroristes. Dans ce contexte, l’Alliance montrera en outre que lorsqu’elle prend un engagement, elle le respecte.
Troisièmement, les Balkans. La situation en Bosnie-Herzégovine s’étant sensiblement améliorée, les Alliés ont pu décider à Istanbul de mettre fin à la mission de la SFOR dans ce pays à la fin de cette année. L’Union européenne entreprendra ensuite sa propre mission, à laquelle nous apporterons notre appui. L’OTAN maintiendra une présence à Sarajevo, notamment pour aider la Bosnie-Herzégovine dans sa réforme de la défense. En effet, nous souhaitons accueillir ce pays – ainsi que la Serbie-et-Monténégro – dans notre Partenariat pour la paix dès qu’il répondra aux conditions applicables, ce qui implique notamment une coopé-ration pleine et entière avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Le succès de la mission de la SFOR de l’OTAN atteste de la patience et de la persévérance de l’Alliance, et nous continuerons de montrer ce même engagement ferme en ce qui concerne le Kosovo.
Quatrièmement, la transformation militaire. Au Sommet, les Alliés ont décidé d’accélérer leurs efforts en vue d’équiper l’OTAN des forces et des technologies dont elle a besoin pour mener les missions du XXIème siècle. Les travaux progressent bien en ce qui concerne le transport aérien stratégique et d’autres capacités habilitantes. La Force de réaction de l’OTAN, dans laquelle la France joue un rôle majeur, s’organise comme prévu. Notre nouveau bataillon multinational de défense contre les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN) est déjà pleinement opérationnel. Les dirigeants des pays de l‘OTAN ont approuvé un ensemble de technologies de pointe destinées à contribuer à la protection contre le terrorisme, ainsi que des mesures visant notamment à protéger les avions de ligne civils contre les missiles à tir épaulé et les ports et navires contre des attaques sous-marines. Et nous avons approuvé à Istanbul plusieurs mesures destinées à renforcer le lien entre la décision politique d'entamer des opérations et la mise à disposition des forces nécessaires, notamment par l’intermédiaire d’objectifs d'employabilité et de modifications apportées aux processus de planification de l’OTAN.
Cinquièmement, l’élargissement et le Partenariat de l’OTAN. A Istanbul, les sept nouveaux pays membres qui ont adhéré à notre Alliance plus tôt dans l’année, étaient représentés pour la première fois à la table de conférence principale du Sommet. Il nous a donc semblé qu’il était très important de montrer très clairement que la porte de l’OTAN reste ouverte et d’encourager les pays qui souhaitent adhérer à l’Alliance à continuer d’effectuer les réformes nécessaires. C’est ce que nous avons fait à Istanbul. De plus, nous avons entamé une nouvelle phase dans nos relations avec les pays partenaires, en offrant des possibilités de coopération plus individualisée, en insistant plus sur la réforme de la défense, et en mettant davantage l’accent sur le Caucase et l’Asie centrale. Des agents de liaison de l’OTAN travailleront dans chacune de ces régions, et un Représentant spécial de haut niveau s’occupera des deux. Cela nous permettra de consacrer une plus grande attention politique aux régions, de leur apporter une aide mieux ciblée et de contribuer à promouvoir la recherche de solutions régionales aux problèmes régionaux.
Sixièmement, la Russie et l’Ukraine. A Istanbul, nous nous sommes félicités de l’intérêt que la Russie et l’Ukraine ont manifesté en contribuant à l’opération ACTIVE ENDEAVOUR, l’opération navale anti-terroriste de l’Alliance en Méditerranée, ce qui constitue une nouvelle indication de la valeur stratégique croissante de notre Partenariat avec ces pays. Les Alliés souhaitent exploiter pleinement les possibilités qu’offre le Conseil OTAN-Russie pour favoriser de nouvelles consultations politiques et une plus grande coopération pratique avec la Russie sur les questions les plus importantes qui se posent à nous : le terrorisme, la prolifération, la gestion des crises, les situations d’urgence dans le domaine civil et la réforme de la défense. Nous voulons également travailler en collaboration plus étroite avec l’Ukraine, pour encourager le processus de réforme dans ce pays et aider ce dernier à réaliser son ambition concernant une plus grande intégration dans les structures euro-atlantiques. Notre Sommet d’Istanbul a également donné un signal politique très clair à cet effet.
Enfin, la Méditerranée et le Moyen-Orient élargi. A Istanbul, l’OTAN a décidé de pratiquer une politique d’ouverture à l’égard de nouvelles régions d’impor-tance stratégique qui s’étend en particulier à toute la région méditerranéenne. Dans les années à venir, le développement d’aucune autre région n’aura des incidences aussi importantes pour notre sécurité. Un effort transatlantique cohérent visant à nouer des liens avec cette région s’impose. Et, l’OTAN participera à cet effort. Nous sommes convenus à Istanbul de renforcer notre Dialogue méditerranéen avec sept pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, notamment par une coopération militaire plus étroite. Et nous avons lancé l’« Initiative de coopération d'Istanbul » , afin d’offrir une coopération pratique liée à la sécurité des pays de la région du Moyen-Orient élargi. Plusieurs membres du Conseil de coopération du Golfe se sont déjà déclarés intéressés à travailler en coopération plus étroite avec l’Alliance, et les choses ont donc bien commencé.
Le Sommet de l’OTAN à Istanbul a été une démonstration probante de l’esprit atlantique à l’œuvre. Non plus l’esprit nostalgique d’hier, mais un esprit atlantique tourné vers l’avenir, qui prend en compte les défis d’aujourd’hui et de demain. Un esprit atlantique qui n’est plus axé uniquement sur l’Europe, mais qui montre que l’Alliance est prête à relever les défis de sécurité où qu’ils apparaissent. Et, un esprit atlantique qui n’a pas peur d’une controverse occasionnelle, mais qui saisit les occasions d’avoir des débats francs, condition préalable au progrès.
En fait, nous avons justement eu un tel débat franc quelques semaines après le Sommet, sur la mise en œuvre pratique de la décision politique prise par les 26 dirigeants des pays de l’OTAN d’apporter une assistance à l’Iraq. Plusieurs observateurs ont immédiatement noté que ce débat montrait que le Sommet d’Istanbul n’avait été que de la poudre aux yeux et que des divergences persistantes et profondes subsistaient au sein de l’Alliance. Je me permets de ne pas être d’accord avec cette évaluation sceptique. L’OTAN ne ressemble à aucune autre organisation internationale. C’est une alliance pour la sécurité de 26 pays souverains et démocratiques, qui sont confrontés à des menaces et à des risques nouveaux, sans précédent. Il est tout à fait normal, et même souhaitable, de tenir un débat sur ces risques et menaces et sur la meilleure façon d’y faire face afin que l’OTAN puisse parvenir à une réponse forte et efficace. Cette façon de procéder fait partie intégrante du nouvel esprit atlantique éclairé.
C’est dans une OTAN en transformation que ce nouvel esprit atlantique se traduit dans des actions communes. C’est pour cela que le Sommet d’Istanbul a été si important. Il a donné à l’OTAN davantage de moyens politiques et militaires pour projeter la stabilité là où c’est nécessaire. Et il a mis en lumière le fait que la communauté transatlantique de pays démocratiques et de valeurs reste la force la plus puissante pour construire l’avenir.

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