Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
  Éditorial
Entretien exclusif
Coopération
Diplomatie & Défense
Innovation
Culture
 
La lettre diplometque
La lettre diplomatique Haut
     Kazakhstan
 
  S.E.M. / H.E. Doulat Kuanyshev

Kazakhstan : clé de voûte d’une Asie centrale émergente

Conduisant l’ouverture économique et politique du Kazakhstan depuis son indépendance en 1991, la politique du Président Noursoultan Nazarbayev a été confortée par les élections législatives qui se sont déroulées le 19 septembre dernier. Ancien Vice-Ministre des Affaires étrangères, S.E.M. Doulat Kuanyshev, Ambassadeur de la République du Kazakhstan en France, nous resitue le contexte de la montée en puissance d’un pays dont le rôle stratégique s’impose d’ores et déjà pour la stabilisation et l’essor de l’Asie centrale.

La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, le Président Nursultan Nazarbayev a qualifié les élections législatives du 19 septembre 2004 d’« examen de maturité politique » pour la société kazakhe. Quel bilan faites-vous du processus de transition politique de votre pays ? Dans la perspective du projet de renforcement des pouvoirs du Parlement kazakh et, plus généralement, de la candidature kazakhe à la présidence de l’OSCE en 2009, pouvez-vous décrire les principaux défis que doit encore relever le Kazakhstan pour asseoir les valeurs de la démocratie ?

S.E.M. Doulat Kuanyshev : Rétrospectivement, la politique de réforme conduite jusqu’à présent au Kazakhstan a toujours été marqué par un caractère systématique, progressif et pragmatique, dont il faut, d’ailleurs, attribuer le mérite au Président Nursultan Nazarbayev, qui a également contribué, dans une large mesure, à consolider la souveraineté de notre République.
Treize ans après avoir acquis son indépendance, notre pays s’est affirmée comme un Etat fondé sur une économie de marché et dont la voix est de plus en plus entendue au sein de la communauté internationale. Tout au long de cette période, nous sommes parvenus à surmonter plusieurs crises socio-économiques et, finalement, à franchir « le seuil douloureux » de la transition d’un système soviétique d’économie planifiée à une économie libéralisée. Notre pays, comme d’autres pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI), a fait face à la stagnation économique et a engagé des réformes difficiles. Cette transition pénible et douloureuse a bouleversé les modes de vie de la société kazakhe au sein de laquelle se poursuit, aujourd’hui encore, l’enracinement de nouvelles valeurs et d’une culture démocratique.
L’évolution positive qu’a connue le Kazakhstan ces dernières années démontre la capacité de notre gouvernement à mettre en œuvre les réformes les plus ardues pour le bien du pays et de notre société. Avec un PIB dépassant les 9% de croissance pour sa quatrième année consécutive et un PIB par habitant atteignant 1 954,6 dollars en 2003, le bilan de notre politique économique est pour l’heure un succès. Notre pays se situe aujourd’hui en « pole position » des pays de la CEI et de l’Europe de l’Est, en matière d’attraction des flux d’investissements étrangers (27 milliards de dollars en 2003). Notre système financier a été modernisé et adapté aux normes des pays développés. Les experts internationaux considèrent que le code fiscal que nous avons adopté en 2001 prend en compte de manière optimale les intérêts de l’Etat et ceux des contribuables. Les réformes que nous avons réalisées ont également permis à des milliers de personnes de créer leur propre entreprise et de faire reculer le chômage. Plusieurs milliers d’entreprises ont été rénovées. Le niveau de vie de la population kazakhe a également été amélioré. En comparaison avec le niveau moyen des pensions de retraite des pays de la CEI, les citoyens kazakhs sont ainsi les mieux lotis de la zone. Nous avons en outre remboursé notre dette de 750 millions de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Union européenne (UE). En 2004, nous pensons que nos recettes budgétaires dépasseront la barrière symbolique d’un trillion de tengués, soit 6,33 milliards d’euros.
Il résulte de tous ces efforts que, selon la classification de la Banque mondiale, le Kazakhstan figure désormais parmi les pays en développement dont les revenus se situent au-dessus de la moyenne. L’UE et les Etats-Unis ont reconnu son statut d’économie de marché et le considèrent comme le leader incontestable de la région d’Asie Centrale en tant qu’initiateur de tous les processus d’intégration régionale dans l’espace post-soviétique.
Toutefois, un tel aperçu des progrès que nous avons accomplis ne doit pas servir de prétexte à la flatterie et à la suffisance. Le gouvernement kazakh s’emploie donc à mettre en œuvre un ambitieux programme de développement dans les secteurs de l’industrie et de l’innovation, de l’agriculture et de la construction. Nous sommes conscients que le chemin est encore long et parsemé de difficultés. Mais il convient de souligner que l’on s’accorde unanimement pour considérer que le Kazakhstan a réussi, en un laps de temps historiquement court, à conserver une stabilité politique et à soutenir une croissance économique sans laquelle il serait impensable d’envisager des perspectives de développement.
Cette réussite est d’autant plus remarquable si l’on tient compte de l’équilibre fragile qui prévaut en Asie Centrale. Nous sommes, en effet, situés à proximité de vecteurs majeurs d’instabilité comme l’Afghanistan, le Proche-Orient et même l’Irak. Notre région est également devenue une zone stratégique majeure où se concentrent les intérêts de toutes les grandes puissances du monde. Un tel environnement géopolitique nous a donc contraint à renforcer les institutions de l’Etat pour préserver la stabilité politique et la croissance économique de notre pays, et pour être capable de faire face aux défis et aux menaces qui pèsent sur notre sécurité.
Le cap stratégique qui guide le développement du Kazakhstan aspire en premier lieu à donner tout son sens aux concepts de liberté économique et de liberté de choix politique dans notre société. Cet objectif ne peut être atteint que par l’enracinement dans la société kazakhe d’une nouvelle approche du développement, fondée sur les valeurs universelles de la démocratie et du respect des droits et des libertés de l’Homme. C’est notre ultime conviction. Les réformes économiques que nous avons mises en œuvre sont ainsi interdépendantes et complémentaires avec le processus de démocratisation politique. Dès lors, il est logique, qu’au stade actuel de ces réformes économiques, alors qu’elles ont acquis un caractère irréversible, nous soyons en train d’éla-borer un nouveau programme de modernisation politique du pays.
La nouvelle loi sur le processus électoral kazakh, adoptée en avril dernier, représente ainsi le pilier de la réforme du système politique de notre pays. Cette loi prévoit, en conformité avec les normes internationales, le renforcement du rôle des partis politiques et la création des conditions nécessaires pour élire et être éligible au Kazakhstan. Le Président Nursultan Nazarbayev a exposé ces mesures lors du congrès du Parti républicain Otan (« la Patrie ») le 15 juin dernier, où il a également proposé de renforcer le rôle du Parlement kazakh. Nous pensons, en effet, que doté de plus larges compétences en matière de contrôle, notre Parlement ne devra plus se limiter à voter le budget, mais qu’il devra aussi participer plus activement au contrôle du gouvernement. En outre, notre Président a évoqué la réforme du système de formation du gouvernement, en introduisant le principe de majorité parlementaire. Les élections législatives du 19 septembre dernier marquent ainsi une étape importante, en ce sens que le nouveau Parlement a désormais la tâche de mettre en œuvre toutes ces réformes politiques. Je tiens enfin à souligner que ces élections ont vu la participation de douze partis politiques, dans un contexte de forte croissance économique, et représentent donc, de notre point de vue, un véritable « examen de maturité politique pour la société kazakhe ».

L.L.D. : Poids lourds de l’Asie centrale, le Kazakhstan connaît depuis 1999 une croissance moyenne annuelle oscillant autour des 9-10%. Fondées sur les perspectives du plan « Stratégie 2030 », quelles sont les grandes lignes et les singularités de la stratégie de développement kazakhe ? A l’aune de l’amélioration du niveau de vie de la population kazakhe, comment votre gouvernement compte-t-il accompagner ce progrès, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé ?

S.E.M.D.K. : La stratégie de développement « Kazakhstan-2030 » initiée par le Président Nursultan Nazarbayev et adoptée en 1997, a pour objectifs prioritaires : la promotion du dévelop-pement durable, la formation d’une citoyenneté indépendante et active, la prise de conscience de notre responsabilité à l’égard des générations futures, la permanence de notre fidélité aux principes de l’intégration eurasiatique, la protection du respect de la propriété privée et le renforcement de la verticale du pouvoir. La mise en œuvre de cette stratégie de développement est financée par plusieurs institutions de financement nationales et par le gouvernement kazakh. Les premiers résultats en ont été visibles dès 2003 : pour la première fois dans l’histoire récente du Kazakhstan, la production de l’industrie de transformation dépassait celle du secteur minier, tandis que la croissance de l’industrie mécanique augmentait de 20%. Plus globalement, nous souhaitons que la réalisation de ce plan permette au Kazakhstan de figurer d’ici 2030 au nombre des pays développés. Dans ce but, nous avons défini comme objectifs à moyen terme :
– la diversification de l’économie nationale par la création d’industries de haute technologie, adaptées aux normes modernes de l’économie mondiale ;
– l’utilisation des investissements réalisés dans l’exploitation de nos ressources minières comme moteur du développement d’une industrie de transformation ;
– l’accroissement de l’efficacité du complexe agro- alimentaire et l’amélioration du niveau de vie dans les zones rurales ;
– la hausse progressive des investissements dans le domaine social pour améliorer le potentiel humain du pays.
Les autorités kazakhes ont ainsi lancé en 2004 un plan de développement des secteurs de l’industrie et de l’innovation. Ayant pour objectif essentiel de maintenir une croissance économique stable et de multiplier par trois notre PIB d’ici 2015, ce plan est primordial pour la poursuite du processus d’industrialisation du pays. Parmi les mesures qu’il préconise, une zone de libre-échange appelée « Parc des technologies d’innovation » a été créée pour stimuler le potentiel d’innovation du pays, tandis qu’un centre biologique national et un centre des technologies nucléaires sont en cours de conception.
Le gouvernement kazakh a également approuvé la mise en œuvre, dès le début de l’année 2005, de la nouvelle politique de construction de logements à coûts modérés, dont l’objectif est de garantir l’accès au logement à de larges couches de la population, notamment grâce au prolongement de la durée des crédits hypothécaires, à la réduction des montants des versements initiaux des crédits et de leurs taux de remboursement. Nous comptons également sur l’effet d’entraînement de cette politique à travers la création de plus de 40 000 emplois.
Pour la période 2003-2005, notre gouvernement s’est également doté d’un budget de 905 millions d’euros pour favoriser la régénération des zones rurales kazakhes, par la mise en œuvre de programmes d’Etat destinés notamment à soutenir le développement du secteur agro-alimentaire. Ces mesures ont déjà permis en 2003 d’augmenter le volume de la production agricole de 9,5% et d’élever nos exportations de blé à plus de 5 millions de tonnes. De plus, près de 90,5 millions d’euros sont consacrés, chaque année en 2004 et en 2005, à l’amélioration des institutions d’éducation et de santé ainsi qu’à ses conditions d’approvisionnement en eau potable dans ces régions.
La hausse de nos recettes publiques nous permet en outre de lancer dès à présent des programmes sociaux ciblant des objectifs précis tels que le développement des zones rurales, la lutte contre la pauvreté ou la construction de logements à coût modéré. La bonne santé de tous nos indicateurs macro-économiques n’aurait pas, en effet, la même portée si elle ne bénéficiait pas au bien-être de nos concitoyens. Nous consacrons ainsi tous les moyens que nous autorise une croissance économique soutenue pour la matérialiser progressivement en une hausse réelle du niveau de vie de la population. Nous avons achevé cette année l’application du programme triennal de lutte contre la pauvreté et le chômage, qui a permis de réduire de 25% le nombre des personnes vivant de ressources modestes et de diviser par deux le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Pour vous donner une image des efforts que nous avons accompli, le Kazakhstan continue d’être le seul pays de la CEI, à avoir récupéré l’épargne que sa population avait placé dans les banques soviétiques et qui avait été perdue lors de l’effondrement de l’URSS.
Sur le plan de notre politique sociale, je tiens également à ajouter que le gouvernement kazakh envisage de consacrer 90,5 millions d’euros pour répondre aux besoins de la Santé publique. Dans les trois prochaines années, il est prévu de construire près de 90 établissements médicaux et d’en rénover plus de 450. Cette politique de rénovation concernera également 1 900 établissements scolaires répartis dans tout le pays, tandis que 68 écoles supplémentaires ont été construites en 2003. Le gouvernement a par ailleurs adopté, en février dernier, un nouveau concept de l’Education nationale, qui prévoit la réforme du système éducatif kazakh, l’alignement des diplômes supérieurs sur le système intégré des baccalauréat-mastère-doctorat, ainsi que l’ouverture de programmes de préparation de doctorats (PhD) en coopération avec des universités étrangères de réputation internationale. L’objectif de cette réforme consiste, plus généralement, à rendre compatible le système éducatif kazakh avec les normes internationales. De plus, le Kazakhstan a signé, en 1997, la Convention de Lisbonne sur la reconnaissance des diplômes dans l’enseignement supérieur au sein de la région européenne. Nous avons également créé des écoles supérieures, des instituts de formation professionnelle et des universités, où l’enseignement est dispensé en anglais, comme l’Université kazakho-britannique, l’Université kazakho-allemande, l’Institut de gestion KIMEP et d’autres encore. L’Ecole internationale « Miras » est, par exemple, reconnue comme un centre international d’examen de l’Université de Cambridge. Enfin, le Kazakhstan est le premier pays de la CEI, à avoir achevé l’informatisation de toutes les écoles secondaires. Comme l’a souligné le Président Nursultan Nazarbayev dans son message au peuple kazakh pour l’année 2004, pour que notre économie soit compétitive à l’échelle internationale, c’est avant tout notre nation qui doit devenir compétitive.

L.L.D. : Deuxième pays destinataire des flux d’investissements étrangers au sein de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) derrière la Russie, votre pays a conféré aux capitaux étrangers un rôle crucial dans le développement de son économie. Ceux-ci étant pour l’heure essentiellement concentrés dans le secteur pétrolier, comment les autorités kazakhes entendent-elles développer et ouvrir les autres secteurs porteurs de son économie ? Compte tenu des effets controversés de la « Loi sur l’investissement » adoptée en janvier 2003, quelles mesures votre gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre pour améliorer le cadre des affaires kazakh ?

S.E.M.D.K. : Les investissements constituent le pilier fondamental d’une économie en développement. Ce postulat est valable aussi pour les pays développés, parmi lesquels les Etats-Unis font figure de leader incontestable dans ce domaine. Au Kazakhstan, la gestion des investissements relève de notre dispositif juridique et législatif en la matière, et des accords bilatéraux sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements. D’une manière générale, la législation nationale adoptée dans ce domaine vise à favoriser la diversification de l'économie nationale en encourageant le développement des secteurs porteurs, hormis le secteur des matières premières.
Inscrite dans la stratégie du développement de l’industrie et de l’innovation, la promotion des investissements au Kazakhstan est en priorité orientée vers les secteurs de l'industrie de transformation, de l’industrie mécanique et de l'agriculture. Pour favoriser l’attractivité de ces secteurs, nous avons mis en place des institutions comme le centre des investissements « Kazinvest », la Banque de développement, le Centre de l'ingénierie et du transfert des technologies, le Fonds d'investissements et le Fonds d'innovation.
Notre législation peut, certes, être critiquée, mais l'essentiel reste qu’elle s’améliore progressivement, grâce à l'expérience que nous avons acquise. Dans les années 1990, notre pays a ainsi fait de nombreuses concessions aux sociétés étrangères qui recherchaient de nouvelles opportunités d'investissements. Mais, nous les soumettons désormais, de plus en plus, à des exigences portant notamment sur la protection de l’environnement, l’emploi de la main d’œuvre et les conditions de travail.
Par ailleurs, la politique conduite par le gouvernement kazakh en matière fiscale et budgétaire cherche à stimuler le développement des PME et à favoriser la diversification de notre économie. Le taux officiel de la Banque nationale a ainsi été abaissé à 7%, tandis que celui de la TVA est passé de 21% à 16% et celui de l’impôt social de 26 à 21%.
Aujourd’hui, le Kazakhstan a acquis une réputation de marché prometteur dans les milieux économiques et financiers internationaux, ce qui nous conforte dans l’idée que notre pays est sur la bonne voie et que nous avons su créer des conditions favorables à l’investissement, y compris à l’investissement direct étranger. La confiance croissante que suscite d’ailleurs l'économie kazakhe a été confirmée, en septembre 2002 par les agences Moody’s Investors Service et Standard&Poor's qui lui ont attribué la note BBB+ pour les conditions d’investissement qu’elle offre.
Au total depuis 1993, 27 milliards de dollars ont été investis dans l'économie kazakhe. Le nombre d’entreprises mixtes avec une participation de capital étranger a connu une hausse constante ; selon les données de l’Agence nationale des statistiques, au 1er novembre 2003, il y avait ainsi au Kazakhstan 5 300 sociétés mixtes et de 8 100 entreprises étrangères à part entière.

L.L.D. : Constituant le plus vaste gisement pétrolier découvert depuis trente ans, Kashagan assure au Kazakhstan une position clé sur la scène centre-asiatique. Alors que sa participation au projet Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) demeure toujours en suspend et que des projets d’oléoduc vers la Chine ou l’Iran sont encore à l’étude, quels facteurs déterminent la politique énergétique de votre pays ? Comment analysez-vous l’intensification d’un nouveau « Grand Jeu » en Asie centrale ? Prônant une diplomatie « multi-vectorielle », comment votre pays compte-il préserver les liens d’équilibre qu’il entretient avec les acteurs majeurs de la région que sont la Russie, les Etats-Unis et la Chine ?

S.E.M.D.K. : Notre pays connaît une situation quelque peu contradictoire. En effet, alors que la zone de la Mer Caspienne est réputée riche en ressources énergétiques et que les besoins en hydrocarbures de la communauté internationale sont en hausse constante, notre pays est privé d’un accès direct à des communications maritimes. De ce fait, il a besoin du plus grand nombre de possibilités d'exportation, à commencer par des oléoducs qui lui permettraient de transporter ses richesses en hydrocarbures vers le marché international. Ce contexte est d’autant plus complexe, que l’exploitation des ressources de la Caspienne s’inscrit déjà dans un processus global, concentrant les intérêts de toutes les grandes puissances.
Dans ces conditions, le Kazakhstan demeure fermement attaché à la position selon laquelle, la région de la Caspienne étant une source prometteuse de richesses, ne devrait pas servir comme prétexte à des rivalités géopolitiques. Le potentiel conflictuel de la région est en effet assez élevé, sans être pour autant au bord de la rupture. Nous sommes convaincus pour notre part que cette région devrait être considérée par l’UE, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et les autres pays riverains comme un marché commun. La mise en valeur de ses ressources pourrait devenir le sujet d’un dialogue multilatéral entre toutes les parties concernées, les Etats comme les investisseurs. Un partenariat global dans la région de la Caspienne pourrait ainsi contribuer à la stabilité et la sécurité en Asie Centrale, qui représente aujourd’hui une région-clé du point de vue de la lutte contre le terrorisme international et l'extrémisme religieux.
Plus largement, les grands axes de la politique extérieure du Kazakhstan sont fondamentalement liés à nos intérêts nationaux, ce qui nous impose d’entretenir des relations amicales, équilibrées et stables avec tous les pays limitrophes, les Etats-Unis, l’Europe, l'Asie et le Proche-Orient. Il n’existe dès lors aucune alternative à la diplomatie « multi-vectorielle » du Kazakhstan. Le dynamisme du développement économique du Kazakhstan et la préservation de sa stabilité intérieure résultent en effet de sa politique étrangère, dont les fruits sont visibles aujourd’hui avec d’importants flux d’investissements, de nombreux projets économiques porteurs et un large soutien international.

L.L.D. : Témoignant du maintien de relations étroites entre le Kazakhstan et la Russie, le Président Vladimir Poutine s’est rendu en visite d’Etat à Astana en janvier 2004. Comment définiriez-vous les rapports russo-kazakhs, notamment dans le contexte des initiatives russes pour renforcer la coopération entre les pays de la CEI ? Dans quelle mesure sont-ils conditionnés par la présence d’une forte minorité russe vivant au nord de votre pays ?

S.E.M.D.K. : Le Kazakhstan est très attaché au renforcement de la coopération bilatérale avec la Russie. Elle est tout d’abord un allié stratégique de notre pays. Nous avons une frontière commune de plus 7 000 km. Nos relations sont riches de contacts culturels et économiques denses et directs entre nos deux peuples. Près du tiers de la population du pays est d’origine russe et plus d’un million des kazakhs vivent en Russie. Leur statut juridique a d’ailleurs été réglé dans les années 1994-1995, par la signature d’un accord sur la simplification de l’ordre d'acquisition de la nationalité pour les personnes immigrant du pays limitrophe.
Le Kazakhstan et la Russie ont signé un traité d'amitié, de coopération et d’assistance mutuelle, qui reflète pleinement les changements fondamentaux de leurs relations après l’effondrement de l’Union soviétique. Celui-ci a été complété en 1998 par une déclaration sur l’amitié et l’alliance éternelle mutuelle, orientée vers le XXIème siècle. Les deux pays sont unis par un développement synchrone et sont reconnus au sein de la communauté internationale comme des pays fondés sur une économie de marché. Nous sommes également confrontés à des problèmes similaires pour assurer notre essor économique mais aussi aux mêmes facteurs d’instabilités contemporains que sont, par exemple, le terrorisme international, l’extrémisme religieux, le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée.
En outre, la politique conduite par la Russie dans le cadre de la CEI est semblable à celle du Kazakhstan. Pour nous, la coopération entre les pays membres de la CEI est de toute première importance au regard de l'escalade des tensions régionales et de la permanence de situations conflictuelles tout au long des frontières de la CEI. Leur résolution est d’ailleurs inscrite à l'ordre du jour des mesures que nous devons adopter en commun pour résister aux menaces qui pèsent sur la stabilité et la prospérité de nos pays. Toutefois, il est vrai aussi qu’il existe un retard considérable entre notre niveau de coopération politique et notre niveau de coopération économique.
L'exemple de l’UE nous montre de manière convaincante, les avantages d’une intégration régionale fondée sur les principes de la liberté de participation, du respect de la souveraineté, de l'égalité des droits, de la responsabilité et de la ferme volonté d’accomplir les engagements contractés. La CEI a été créée sur la base de ces principes.
Le Kazakhstan préconise ainsi le renforcement de l’intégration et du partenariat entre les pays de la CEI, y compris la mise en place d’une union douanière au sein de la Communauté économique eurasiatique, et la mise en œuvre du Traité de sécurité collective qui représente un nouveau modèle pour la garantie de la sécurité régionale.
Vous avez par ailleurs mentionné la présence d’une forte minorité russe au Kazakhstan. Je tiens à souligner à ce sujet que notre pays est un Etat pluri-éthnique, dont les citoyens sont originaires de 130 nationalités. D’après notre Constitution, la langue kazakhe est la langue d’Etat, tandis que la langue russe est utilisée de manière officielle. La télévision est diffusée en 12 langues, la radio en 6 langues, la presse quotidienne en 11 langues, tandis que l’enseignement dans les écoles maternelles est dispensé en 7 langues (le kazakh, le russe, l’ouzbek, l’ouïgour, le tadjik, l'ukrainien et l’allemand). L'entente inter-éthnique et inter-confessionelle est le fondement de notre stabilité politique. Il faut aussi comprendre que durant les premières années de notre indépendance, plusieurs milliers de personnes d’origines diverses ont quitté le Kazakhstan pour revenir à leur patrie historique, ce qui a provoqué une diminution du nombre des Kazakhs d’origine russe, ukrainienne, allemande etc. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux sont revenus, avec la reprise de la croissance économique et l'amélioration du niveau de vie.

L.L.D. : Si les anciennes républiques asiatiques de l’ex-URSS sont liées au sein d’organisations régionales comme la Communauté économique eurasiatique, leur coopération reste encore modeste. Comment la cohésion régionale peut-elle être renforcée face aux défis que posent d’une part, le trafic de drogue et d’armes et, d’autre part, la problématique de l’eau, sujet récurrent de tensions ? Tenant compte de la catastrophe écologique de la Mer d’Aral, quelle politique de protection de l’environnement le Kazakhstan préconise-t-il de promouvoir tant à l’échelle nationale que régionale ?

S.E.M.D.K. : Le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbé-kistan, le Turkménistan et le Tadjikistan sont liés par de véritables liens fraternels qui expliquent la priorité que nous accordons à l’accroissement des relations avec ces pays. Nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes qu’a fait surgir la période de transition après la dislocation de l’URSS. Il est également primordial pour nous de pouvoir compter à nos côtés sur des pays stables et prospères.
La résolution des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui nécessite très souvent des interventions collectives, notamment pour faire face à la crise socio-économique qui a suivi la fin du système économique soviétique, ou encore aux problèmes environnementaux comme la catastrophe de la Mer d’Aral. Aussi, le Kazakhstan déploie le maximum d’efforts pour transformer le potentiel de ses relations avec ses voisins en une véritable cohésion régionale. Il faut aussi admettre que cette cohésion se heurte à l’heure actuelle aux divergences d’intérêts économiques et au décalage des différents niveaux de dévelop-pement dans la région. Toutefois, nous tenons fermement à promouvoir une intégration économique des pays d’Asie centrale fondée sur l’interdépendance et la complémentarité de leurs économies, car elle favorisera non seulement leur croissance économique et leur développement social, mais aussi le renforcement de la sécurité et la stabilité de toute la région.
L’objectif premier de la coopération régionale demeure la rationalisation de l’utilisation des ressources en eau et en énergie. Nous ne sommes pas parvenus pour l’instant à créer un cadre juridique commun dans ces domaines et il subsiste encore des problèmes concernant le non-respect des engagements sur les principes d’exploitation des rivières transfrontalières. La deuxième priorité est le développement du commerce régional, qui se heurte aussi à un grand nombre d’obstacles techniques. Le troisième objectif est le développement de la coopération dans les domaines des transports et de la communication. En l’absence d’accès maritimes, tous les pays de la région sont en effet désireux de profiter du potentiel de l’ancienne « Route de la Soie » comme carrefour de flux commerciaux.

L.L.D. : Considérant la multiplication des projets de coopération entre votre pays et la Chine, comment percevez-vous l’influence croissante de Pékin en Asie centrale ?

S.E.M.D.K. : Le Kazakhstan partage environ 1500 km de frontières communes avec la Chine. En tant que pays voisins, il est dans notre intérêt commun de maintenir des relations stables et équilibrées, fondées sur la confiance et le respect mutuel. En décembre 2002, un accord de bon voisinage, d'amitié et de coopération a ainsi été signé entre le Kazakhstan et la Chine, qui constitue également le socle juridique de notre coopération économique et commerciale.
La Chine représente en outre le plus grand débouché économique du monde et le plus important consommateur d’hydrocarbures. Situés dans le voisinage d’un tel marché, nous tentons de profiter du dynamisme qu’il peut insuffler à notre croissance économique, en particulier pour diversifier les itinéraires de nos exportations de pétrole. En 2000, le volume des échanges commerciaux entre nos deux pays avait atteint 1,5 milliard de dollars ; en 2003, ce chiffre a doublé ! Il existe donc un réel intérêt dans les milieux d'affaires kazakhs, à l’égard des opportunités d’investissement du marché chinois, et en tout premier lieu des régions du nord-ouest de la Chine.

L.L.D. : Réunis à Tashkent (Ouzbékistan) pour le Sommet annuel de l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS), les présidents des six Etats membres ont inauguré les quartiers généraux du nouveau centre anti-terroriste régional (RATC). Comment analysez-vous la question du terrorisme et de la propagation de l’extrémisme religieux dans votre région ? Quels thèmes phares votre pays entend-il mettre en exergue alors qu’il assure, jusqu’en 2005, la présidence tournante de l’OCS ?

S.E.M.D.K. : L’Organisation de coopération de Shanghai a été fondée par la signature de l'accord sur le renforcement de la confiance sur le plan militaire dans la région (en 1996) et de l'accord sur la réduction mutuelle des forces armées dans les régions transfrontalières (en 1997). Tous deux sont destinés à favoriser le règlement des conflits frontaliers entre les pays membres. Cette organisation a également adopté une Convention sur la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l'extrémisme qui a défini pour la première fois à l’échelle internationale, le séparatisme et l'extrémisme religieux en tant qu’actes violents, passibles du droit pénal. Fort de ce cadre juridique, l'efficacité de l’OCS a déjà pu être éprouvé avec le règlement définitif de la démarcation des frontières sino-kazakhes.
Plus globalement, tous les efforts réalisés par les pays membres de l’OCS pour le règlement des questions territoriales, la réduction des forces militaires dans les régions frontalières et le renforcement de la coopération économique et commerciale, ont accru la stabilité de l’environnement politique de l’Asie Centrale.
Alors qu’il assure la présidence tournante de l’OCS depuis 2003, le Kazakhstan a intensifié ses efforts en vue de matérialiser les principes de la Charte fondatrice de l’Organisation. Un programme de coopération multilatérale économique et commerciale jusqu’en 2010 a ainsi été adopté. De plus, le Secrétariat général de l’OCS et le quartier général de son Centre anti-terroriste régional ont été inaugurés, respectivement à Beijing et à Tachkent.
L’objectif principal du Kazakhstan au sein de l’OCS est aujourd’hui de contribuer au développement de la coopération entre nos partenaires régionaux, notamment sur le plan économique et commercial, mais aussi en matière de transports ou d’environ-nement. Le volume des échanges commerciaux entre le Kazakhstan et les pays membres de l’OSC a ainsi atteint 60,2 milliards de dollars au cours des sept premiers mois de l’année 2004, soit une hausse de 68,7% par rapport à l’année 2003.

L.L.D. : En se posant comme l’initiateur de la Conférence sur l’interaction et la promotion de la confiance en Asie (CICA) qui a tenu sa première réunion à Almaty en juin 2002, le Président Nursultan Nazarbayev a affirmé la place du Kazakhstan au centre de la coopération pour la stabilisation de l’Asie, notamment en termes de désarmement nucléaire. De quels moyens les Etats membres de la CICA disposent-ils pour parvenir à de tels objectifs ? Quel impact pensez-vous que les interventions américaines en Afghanistan et, dans une moindre mesure en Irak, ont-elles déjà eu sur l’Asie centrale ? A la lumière de l’intérêt accru manifesté pour votre région par l’Alliance atlantique lors du Sommet d’Istanbul en juin dernier, quelles sont les perspectives de développement des relations entre le Kazakhstan et l’Otan ?

S.E.M.D.K. : L’organisation de la Conférence pour la coopération et les mesures de confiance en Asie (CCCMA) constitue en effet une des initiatives les plus importantes de la politique extérieure du Kazakhstan. Elle a été lancée par le Président Nursultan Nazarbayev en octobre 1992, à l’occasion de la 47ème session de l’Assemblée générale des Nations unies et d’une série de réunions préparatoires qui ont eu lieu en 1993 et 1994, impliquant la plupart des pays d’Asie du Sud-Est ainsi que la Ligue Arabe. Elle s’est concrétisée en juin 2002 avec la convocation du premier Sommet de la CCCMA à Almaty, qui a d’ailleurs permis de stabiliser les relations indo-pakistanaises. La CCCMA représente aujourd’hui un nouveau système multilatéral propre au continent asiatique, qui garantit de manière collective, l’intégrité et la sécurité des Etats d’Asie et qui soutient le développement de la coopération économique et culturelle des pays qui en sont membres.
Les sujets que traite la CCCMA illustre toute l’importance de cette organisation : la non-prolifération nucléaire concernant la Chine, l’Inde, l’Iran, Israël, le Pakistan et d’autres pays, les armements conventionnels, les aspects économiques et écologiques de la sécurité, la coopération humanitaire, la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue, la politique d’immigration, etc. Dans le document final du premier Sommet de la CCCMA, les Etats signataires ont affirmé leur résolution à faire de leur coopération un facteur majeur de stabilité, de sécurité et de développement dans le cadre de l’ensemble eurasiatique. Nous espérons qu’en temps voulu, la CCCMA deviendra une institution asiatique similaire à l’OSCE. Elle constitue en effet une organisation de poids compte tenu de l’étendue des territoires qu’elle couvre, près de 40 millions de km2, soit 90 % de l’Asie et 72 % de l’Eurasie et comptant une population de près de 3 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale. Le volume cumulé du PIB des pays membres de la CCCMA atteint, aujourd’hui, près de 20 trillions de dollars.
Pour sa part, le Kazakhstan a déployé tous ses efforts pour organiser le Sommet de la CCCMA, dont le principe repose sur l’étude des tendances géopolitiques au sein de l’économie mondiale et sur l’élaboration progressive de nouveaux mécanismes et de structures destinés à renforcer la sécurité internationale. Le Kazakhstan s’est également positionné comme initiateur de la CCCMA parce qu’il a renoncé volontairement à l'arme nucléaire et par son adhésion au Traité de non-prolifération nucléaire.
Notre pays, comme pour toute la région de l’Asie centrale, est attaché à la stabilisation de la situation en Afghanistan et en Irak. Mais nous sommes aussi attentif aux tensions entre les pays nucléarisés de notre continent. Nous appelons à ce sujet la communauté internationale à intensifier ses efforts pour les réduire. Nous considérons qu’il est extrêmement important que les pays concernés adhèrent aux traités relatifs à la non-prolifération des armes nucléaires et à l’interdiction des tests qui en découle.
En ce qui concerne l’Otan, le Kazakhstan a adhéré en 1995 au forum multilatéral de cette organisation, le Partenariat pour la paix (PPP), dans le cadre duquel le contingent militaire kazakh Centrasbat (Central Asian Peace Keeping Battalion) effectue, chaque année depuis 1997, une manœuvre conjointe avec un contingent de l'armée américaine. Le gouvernement kazakh considère le PPP comme un forum majeur pour débattre de sujets à caractère politique relatifs à la sécurité et comme le lieu d’une coopération militaire efficace et pratique avec les pays occidentaux. Pour renforcer la coopération avec l’Otan, le Président Nursultan Nazarbayev a d’ailleurs proposé de créer au Kazakhstan un Centre de formation des cadres militaires à la sécurité frontalière et de convoquer dans notre pays une Conférence régionale sous le patronage de l’Otan, pour lutter contre le terrorisme et le trafic des stupéfiants.

L.L.D. : L’Union européenne (UE) a salué de façon unanime le moratoire sur la peine de mort introduit en décembre 2003 par votre pays. Plus globalement, avez-vous le sentiment que les avancées kazakhes dans le domaine des droits de l’Homme soient de nature à favoriser le développement des relations entre votre pays et l’Europe ? Fort des programmes européens d’assistance technique (TACIS) ou d’aide au désenclavement (TRACECA), quel rôle, politique et économique, l’UE peut-elle jouer pour l’épanouissement de l’Asie centrale et, plus particulièrement du Kazakhstan ?

S.E.M.D.K. : Le Kazakhstan a signé un accord de coopération technique avec l’Union européenne en 1992. Un autre traité multilatéral créant un espace économique commun a été signé à Cholpon-Ata en avril 1994, élargi au Kirghizistan et à l’Ouzbékistan, valable jusqu’en 2000 et automatiquement reconductible, sauf dénonciation par une des parties, par périodes successives de cinq ans. Depuis sa mise en vigueur en 1999, l’accord de partenariat et de coopération avec l’UE dans les domaines du commerce, des investissements, du développement de la démocratie et de la justice, signé en 1995 par le Président Nursultan Nazarbayev, constitue le fondement essentiel des relations économiques, politiques et culturelles qu’entretiennent le Kazakhstan et l’UE. Par cet accord, la Communauté européenne a pris l’engagement de soutenir la construction d’une économie de marché et l’enracinement des valeurs démocratiques dans notre pays. Il a également tracé les contours du cadre des investissements européens au Kazakhstan et favorisé le développement des activités des entreprises kazakhes en Europe. Il a donné naissance à un Conseil et un Comité de coopération, composés de hauts représentants du gouvernement kazakh. Nos relations avec l’UE reposent enfin sur les accords bilatéraux que nous avons conclu avec les grands pays européens comme la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, le Suède et d’autres encore.
La diplomatie « multi-vectorielle » du Kazakhstan considère l’UE comme l’un des pôles clés de la communauté internationale. Nous sommes d’ailleurs satisfaits de la multiplication des dialogues sur tous les problèmes internationaux, dans les différentes enceintes européennes comme le Parlement européen et l’OSCE. Notre pays demeure attaché aux engagements qu’il a pris dans le cadre de l’OSCE. A ce propos, nous espérons que la prochaine réunion ministérielle à Sofia favorisa de nouvelles approches sur la réforme de cette organisation afin de l'adapter aux nouveaux défis émergeant dans notre région. Enfin, je dirais que le Kazakhstan apprécie hautement la qualité de ses relations avec l’UE, qui contribue également à équilibrer les fortes influences des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine dans la région d’Asie Centrale.

L.L.D. : Encore insuffisamment développées, les relations franco-kazakhes convergent néanmoins sur un large nombre de sujets comme l’a montrée la visite du Président Nursultan Nazarbayev en France en juin 2003. Au regard du renforcement progressif de sa présence en Asie centrale, quelle place occupe la France dans la diversification des partenariats que recherche votre pays ? Concernant pour l’essentiel le secteur des ressources minières et pétrolifères, dans quels autres secteurs les échanges commerciaux bilatéraux peuvent-ils être promus ?

S.E.M.D.K. : Les relations diplomatiques entre la France et le Kazakhstan ont été établi en janvier 1992. Les deux pays ont mis en place les fondements de leur coopération au cours de la première visite d’Etat en France du Président Nursultan Nazarbayev en 1992 et de la visite officielle du Président François Mitterrand au Kazakhstan en septembre 1993. Depuis 1995, le Président kazakh a rencontré le Président Jacques Chirac à plusieurs reprises, contribuant ainsi au développement dynamique de nos relations bilatérales dans tous les domaines.
La dernière visite du Président Nursultan Nazarbayev à Paris en juin 2003 a ainsi insufflé un nouvel élan aux relations politiques et à la coopération franco-kazakhe. A cette occasion, il a abordé avec le Président Jacques Chirac plusieurs questions à l’ordre du jour des préoccupations de la communauté internationale, comme la situation en Afghanistan, en Irak et dans d’autres régions qui connaissent des tensions. Cet entretien a de nouveau montré la similitude des positions politiques des dirigeants français et kazakhs sur les questions les plus importantes. Outre la densité de notre dialogue politique mais aussi de notre coopération interparlementaire, le partenariat stratégique franco-kazakh s’est également intensifié dans les domaine de l’éducation, de la culture et de la science, notamment pour l’explo-ration spatiale.
La coopération économique bilatérale a, elle aussi, bénéficié de cette entente politique pour continuer à se développer. Aujourd’hui, plus de 40 sociétés françaises sont représentées au Kazakhstan où elles réalisent d’importants projets, dans différents secteurs d’activité. Il convient à cet égard de souligner la forte présence de la compagnie française Total qui a investi plus de 400 millions de dollars ces dernières années dans l’économie kazakhe. Pour vous donner d’autres exemples, dans le secteur minier, la Cogema est le maître d’œuvre depuis mars 2000 de la construction d’une usine pilote de traitement de minerais d’uranium sur le site de Mouyounkoum, au sud du Kazakhstan. La compagnie française Ciment (filiale du groupe Italcementi) contrôle quant à elle 65% de la cimenterie de Chimkent.
Nos échanges économiques s’articulent, globalement, autour des importations françaises de matières premières et de pétrole et des importations kazakhes de produits agro-alimentaires, de bien de consommation et de biens d’équipement français. En 2003, le volume de nos échanges de marchandises a été multiplié par 3,5 par rapport à 2002, atteignant 472,2 millions de dollars. Les exportations kazakhes vers la France se sont élevées à 278,2 millions de dollars, tandis que nos importations en provenance de France se chiffrent à 194 millions de dollars. Si les échanges commerciaux entre le Kazakhstan et la France tendent à progresser, les parts de marché françaises dans notre pays demeurent encore insuffisantes, d’autant que la balance commerciale de nos échanges se traduit toujours par un déficit courant pour la France. La présence française sur le marché kazakh est, en effet, modeste au regard du dynamisme non seulement de la Russie, des Etats-Unis, de la Turquie ou de la Chine, mais aussi de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Italie. La France se situe au 12ème rang de nos partenaires commerciaux, le Kazakhstan étant le 24ème partenaire commercial de la France. Nous espérons que cette situation puisse évoluer, à l’aune, notamment, de la visite que le Président Jacques Chirac doit effectuer au Kazakhstan et dont l’organisation est prévue depuis longtemps.

Retour en haut de page
 
 

 
La lettre diplomatique Bas
  Présentation - Derniers Numéros - Archives - Nos Liens - Contacts - Mentions Légales