Second souffle d’un carrefour du commerce mondial
En se prononçant en faveur de l’élargissement du Canal de Panama, le peuple panaméen a pris une décision historique le 22 octobre dernier, qui devrait assurer au Panama le maintien du rôle majeur qu’il joue dans le commerce maritime mondial. Revenant sur les enjeux de ce projet, S.E.M. Omar Jaén Suárez, Ambassadeur du Panama en France, revient pour nous sur les axes majeurs de la politique réformatrice engagée par le Président Martin Torrijos.
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, sept ans après la dévolution au Panama de la souveraineté du canal interocéanique, le peuple panaméen s’est prononcé en faveur de son élargissement, lors du référendum du 22 octobre dernier. Quels sont les enjeux de ce choix pour l’avenir de votre pays ?
S.E.M. Omar Jaén Suárez : Le 22 octobre dernier le peuple panaméen, a répondu positivement à la question suivante : « Etes-vous favorable à l’élargissement du Canal ? » Cette réponse est essentielle et aura même des conséquences à très long terme. Car l’enjeu de ce referendum est de taille : il s’agit de l’avenir du pays à moyenne et longue échéance, et de sa capacité à rester compétitif dans un marché international en rapide évolution. La voie maritime qui transporte 14 000 navires entre les deux grands océans est déjà au bord de la saturation et sa capacité est limitée à des bâtiments de 75 000 tonnes, de type
« Panamax ». La file des bateaux qui attendent dans les aires de mouillage du Pacifique et des Caraïbes ne cesse de s’allonger pouvant parfois atteindre une centaine de navires. En outre, les chantiers navals produisent de plus en plus de cargos « post-Panamax » qui ne peuvent emprunter le Canal. L’essor du « hub » de services et de commerce ainsi que du système portuaire de notre pays, continuera donc à s’intensifier avec la modernisation du Canal de Panama, l’élargissement de ses écluses et l’approfondissement de son chenal et de ses accès de navigation pour accueillir des porte-containers de 150 000 tonnes. Celui-ci devient d’ailleurs de plus en plus complémentaire du détroit maritime que Ferdinand de Lesseps a commencé à bâtir en Amérique dont le projet devient le socle d’un véritable pôle au profit des voies de transports et de communications de toute la planète. Le canal de Panama constitue en effet une pièce maîtresse des transports maritimes dans l’économie mondiale du XXIème siècle, qui se transforme de plus en plus rapidement, notamment avec l’entrée récente de nouveaux et puissants acteurs, comme l’Inde et, surtout, la Chine. L’impact économique et social du canal de Panama élargi sera très positif pour notre pays et pour toute la région : il devrait permettre au Panama de maintenir une croissance économique de plus de 7% par an, de quadrupler les revenus du canal à partir de 2014 et de faire baisser le chômage à 4%. Les pays riverains de l’océan Pacifique y trouveront par ailleurs une issue sur l’Atlantique bien plus importante et plus large. Je voudrais également souligner que l’impact sur l’environnement de ce projet sera minime et n’affectera pas les zones rurales proches du canal.
L.L.D. : A l’image de l’élargissement du canal de Panama, votre gouvernement a annoncé le lancement d’autres grands projets d’infrastructures comme la construction d’un mégaport sur la côte Pacifique. Considérant également le dynamisme de la plateforme financière panaméenne, comment définiriez-vous la stratégie de développement national mise en œuvre par le gouvernement panaméen ?
S.E.M.O.J.S. : La structure mondiale des routes de transport maritime tend à se renforcer sur la ceinture que forme autour du globe la route équatoriale, où se trouve le canal de Panama. Cette tendance, qui est en passe de s’affirmer sous nos yeux avec le projet d’élargissement du canal, explique aussi l’apparition, depuis à peine une douzaine d’années, d’un grand centre portuaire aux entrées de la voie interocéanique, avec des quais modernes pouvant recevoir des navires de type « post-Panamax ». Les ports, séparés de seulement 60 kilomètres, sont localisés sur le Pacifique à côté de la ville de Panama et sur les Caraïbes près de la ville de Colon. Ils sont reliés par un chemin de fer trans-isthmique récemment modernisé. Depuis 1995, la circulation de porte-conteneurs a été multiplié par dix et sa croissance se poursuit à vive allure.
Intégré au « hub » de commerce, de services et de distribution de marchandises qui émerge autour du canal de Panama le système portuaire panaméen, se situe déjà et de loin, au premier rang en Amérique du Sud par le nombre de conteneurs qu’il gère (plus de 3 millions par an). Avec l’inauguration du mégaport sur le Pacifique, sa capacité devrait atteindre prochainement plus de 5 millions de conteneurs, soit autant qu’à Anvers. Aujourd’hui les ports panaméens reçoivent de grands bateaux, surtout des porte-conteneurs, dont la marchandise est transférée à des bateaux plus petits. Ainsi Panama sert de grand port sur le Pacifique pour l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale et les Caraïbes. Ports et Canal font partie d’un ensemble indissociable dans un isthme qui est la plaque tournante, au centre du continent, des activités de la nouvelle économie mondiale soumise aux règles de la globalisation de l’information et des échanges commerciaux. Le projet du mégaport est localisé dans la Zone économique spéciale du Pacifique formant un espace de plus de 2 000 hectares à l’entrée du canal de Panama où s’installent des entreprises comme Dell ou Singapour Technologies Aerospace consacrée à la réparation et la maintenance d’avions. Cette zone abrite également un très grand aéroport international dans une ancienne base militaire américaine.
Plus largement, la stratégie de développement du Panama, pays de 3 millions d’habitants, repose sur la revalorisation de notre position géographique stratégique, la recherche d’un accès plus large à un marché international très actif et concurrentiel ainsi que la formation d’une main d’œuvre mieux formée et plus performante, capable de travailler dans des secteurs à haute valeur ajoutée.
L.L.D. : Le Président Martin Torrijos a été élu le 2 mai 2004, avec une forte volonté réformatrice. Au regard de sa politique d’assainissement des finances publiques, quelles orientations envisage-t-il d’accentuer durant la seconde partie de son mandat ? Quelle attention compte-t-il porter aux questions du chômage et de la pauvreté ?
S.E.M.O.J.S. : Dès le début de son mandat le 1er septembre 2004, le Président Martin Torrijos a inauguré une politique axée essentiellement sur les aspects sociaux : la lutte contre le chômage qui frappait alors près de 13% de la population active, la lutte contre la corruption dans le secteur public, dont l’ampleur s’est fortement accrue sous le précédent gouvernement et la lutte contre l’insécurité qui concerne surtout les catégories sociales les plus défavorisées en milieu urbain.
Le résultat est là : à l’issue de ces deux dernières années, le chômage est passé sous la barre des 9% ; de nouvelles dispositions contre la corruption ont été mises en place, comme la transparence de l’usage de tous les fonds publics y compris du fonds réservé à la Présidence de la République dont les comptes sont même disponibles sur internet ; sur le plan de la criminalité, on peut remarquer une légère diminution du nombre de délits.
L’action du gouvernement est toutefois allée bien au-delà de ces mesures. Il a ainsi mis en œuvre des programmes contre la malnutrition des enfants et d’aide directe aux groupes les plus marginaux, en particulier en milieu rural et indigène. Nous avons également relancé les programmes de santé et de logement social au profit de dizaines de milliers de Panaméens. Mais surtout, je tiens à souligner l’effort significatif réalisé par le gouvernement pour assainir les finances publiques et favoriser l’attraction de l’investissement étranger, dont le stock a atteint 3 milliards de dollars en deux ans, notamment dans les secteurs immobiliers, portuaire, touristique, commercial, bancaire et des communications. Ces initiatives ont permis la relance de la croissance économique qui s’élève aujourd’hui à 7,5% par an, le taux le plus élevé que le Panama ait connu depuis de nombreuses années, et qui, par ailleurs, se situe à 2,5 points au-dessus de la moyenne de l’Amérique latine.
Il faut toutefois bien conserver à l’esprit que le secret de l’amélioration des conditions sociales réside dans le soutien à la croissance économique, créatrice d’emplois et de richesses, et dans la bonne gestion de la redistribution de ces richesses. Aussi, le grand défi pour notre société et pour notre gouvernement, qui constituera par conséquent la principale tâche de la deuxième partie du mandat du Président Torrijos, demeure la réduction des inégalités sociales, encore trop aiguës, ainsi que l’élévation du niveau de vie de près de 40% de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté, surtout en milieu rural et indigène (qui représente 10% de la population nationale) où ce taux approche les 80%. L’éducation représente une autre priorité du programme social du gouvernement. Plus que l’alphabétisation qui est déjà acquise pour 94% de la population de plus de 10 ans (sauf dans les poches de populations indigènes où le taux d’alphabétisation est d’environ 40%), il s’agit de la qualité de l’enseignement et, notamment, de la formation professionnelle, dont il faut adapter l’efficacité aux impératifs d’un marché en rapide évolution et d’une économie tournée à 85% vers le secteur des services, exportant sur un marché international très dynamique et concurrentiel.
L.L.D. : Vingt-cinq ans après la disparition du général Omar Torrijos, comment définiriez-vous son héritage controversé ?
S.E.M.O.J.S. : Le général Omar Torrijos a vécu à un moment de l’histoire de l’Amérique latine et du Panama qui est aujourd’hui révolu. Dans une démocratie en déliquescence, minée par une corruption extrême, où tout le pouvoir se concentrait entre les mains d’une oligarchie cupide aux idées sociales très arriérées, il a participé à un coup d’Etat en 1968 contre un président élu ayant un passé de dictateur fasciste. Il a ensuite mis en place, comme c’était le cas dans la majeure partie des pays de la région, un gouvernement militaire. Considéré comme autoritaire voire dictatorial, il a entrepris des réformes internes controversées, en vue surtout de lutter contre l’exclusion sociale, favoriser la promotion sociale de larges couches de la population jusque là écartées du pouvoir et mettre en œuvre un vaste programme d’infrastructures. Il a présidé à la mise en place d’une stratégie de promotion de la cause panaméenne auprès de la communauté internationale. Enfin, il a mené à bien des négociations très ardues avec les Etats-Unis qui aboutirent aux traités Torrijos-Carter signés en 1977 qui mirent fin au plus grave conflit qu’ait connu l’Etat panaméen avec la plus grande puissance mondiale, résolvant par la même un problème encore plus grave d’identité nationale et donnant aux Panaméens un nouveau sens de la dignité. Ces traités restituèrent la juridiction panaméenne sur tout le territoire national dès 1979 avec la disparition de l’enclave coloniale appelée Zone du Canal, le retrait des bases militaires américaines et la restitution au Panama de la voie maritime du Canal en 1999. Pour parvenir à ce résultat, il était nécessaire que le gouvernement dispose d’une continuité durable pour poursuivre des négociations longues et très difficiles de 1971 à 1977 et qu’il soit assez fort et populaire pour faire approuver les traités par référendum. Tous les efforts déployés par le précédent gouvernement s’étaient heurtés aux luttes internes du pouvoir oligarchique, qui avaient mis en échec les résultats des négociations entreprises depuis 1964. Tout cette partie de notre histoire, apparaît d’ailleurs dans un livre que je viens de publier en deux volumes, « Las Negociaciones de los Tratados Torrijos-Carter 1970-1979, » (Panamá, 2005), expliquant pour une large part, la popularité du général Omar Torrijos et l’héritage politique qu’il a légué à son fils le Président Martin Torrijos. Au bout de sa deuxième année de mandat, celui-ci jouit de 68% d’opinion favorable. Mais, le Panama d’aujourd’hui est très différent de celui des années 1970 : on y vit en pleine démocratie, l’armée a été supprimée depuis seize ans et les droits de l’Homme sont pleinement respectés. En réalité, le Panama, où plus de la moitié de la population est née après la mort du général Torrijos, est aujourd’hui davantage tourné vers l’avenir que vers un passé déjà lointain, avec pour aspiration le raffermissement de l’Etat de droit, le grand projet d’élargissement du Canal et une insertion plus fructueuse du pays au sein de l’ économie mondiale du XXIème siècle.
L.L.D. : Le Panama a transmis au Costa Rica la présidence tournante du Système d’intégration centre-américain (SICA), en juillet dernier. Quelles avancées ont-elles été réalisées en matière d’intégration économique régionale sous la conduite du Panama ?
S.E.M.O.J.S. : Bien que n’ayant pas une origine historique commune à l’exception de leur appartenance commune à l’Empire hispanique à l’époque coloniale, le Panama et les pays de l’Amérique centrale ont des relations politiques et économiques chaque fois plus étroites depuis presque cinquante ans. Plus que concurrentes, nos économies sont complémentaires. Le Panama avance vers l’intégration au sein du SIECA (Système d’intégration économique centraméricain), qui constitue le volet économique du SICA articulant les aspects proprement politique de l’intégration régionale centraméricaine. En juillet, nous avons dressé le bilan des tâches accomplies en six mois de présidence du SICA : l’adoption de stratégies pour la création d’un marché régional de l’énergie, la mise en œuvre de mesures pour éliminer la malnutrition qui touche près d’un million d’enfants dans la région et le lancement de négociations avec l’Union européenne dans la perspective d’un accord de libre-échange. Il faut également mentionner les projets concrets résultant de cette coopération, comme celui d’une raffinerie régionale (King size) qui sera construite en Amérique centrale (nous l’espérons à Panama) et alimentée par le pétrole mexicain et venezuelien. Les démarches pour le lancement de ce projet qui représente un investissement estimé à près de 6 milliards de dollars, sont aujourd’hui très avancées. Au-delà, notre ferme détermination à approfondir les relations économiques avec les Etats de l’Amérique centrale se manifeste aussi par les négociations engagées pour conclure des traités de libre-échange et par notre adhésion depuis le mois d’août dernier à la Banque centraméricaine d’intégration (BCIE).
L.L.D. : Ratifié en juillet dernier en Colombie, le mémorandum d’extension du gazoduc venezuelo-colombien au Panama s’inscrit dans un processus d’intégration énergétique régionale. Quels sont les autres domaines majeurs de coopération entre le Panama et ses deux voisins sud-américains ?
S.E.M.O.J.S. : Nous entretenons d’excellentes relations, très suivies, avec notre grand voisin colombien. Nous avons beaucoup d’estime pour le peuple colombien, pour sa capacité de travail, son endurance, son goût de la culture, son apport à notre histoire qui fut commune entre le milieu du XVIIIème siècle et 1903. Nous partageons, en outre, une frontière commune et menons une lutte sans merci, par une collaboration très étroite, contre tous les trafics, notamment ceux de la drogue. Par ailleurs, en juin nous avons signé des accords avec le Venezuela, lors de la visite du Président Chavez à Panama, portant sur la coopération en matière de ravitaillement, de commercialisation et du raffinage du pétrole. En juillet dernier, les Présidents Torrijos, Uribe et Chavez ont signé un mémorandum pour garantir l’interconnexion du gazoduc entre le Venezuela et le Panama en passant par Carthagène. En août, la Ministre des Affaires étrangères de Colombie en visite officielle à Panama, a proposé des accords et un agenda commun sur l’énergie, la sécurité et les flux migratoires. Toutes ces actions témoignent de la vitalité de nos relations et de l’excellence des contacts très suivis que nous avons avec nos voisins du sud et avec lesquels nous avons une très longue histoire commune, des liens humains très profonds et une communauté d’intérêts également très large. N’oublions pas que les pays de la façade nord de l’Amérique du Sud, le Venezuela et la Colombie, sont les principaux partenaires commerciaux de notre zone de libre-échange. La prospérité et la sécurité du Panama résultent ainsi en partie des relations que nous entretenons avec la Colombie, notre voisin immédiat le plus important.
L.L.D. : En marge du renforcement des relations entre votre pays et l’Amérique du Sud, le Président Martin Torrijos a rétabli avec Cuba, où il s’est rendu en visite officielle en octobre 2005, les relations diplomatiques rompues par son prédécesseur. Quelles étaient les motivations de cette initiative ?
S.E.M.O.J.S. : Les relations d’amitié entre le Panama et Cuba sont très anciennes. Nos peuples, riverains des Caraïbes, ont des tempéraments proches. C’est à l’époque coloniale qu’ils ont noué des liens étroits. L’imbroglio qui aboutit à la rupture des relations diplomatiques avec le gouvernement de Mme Moscoso a été dépassé. Le gouvernement du Président Torrijos a voulu tourner la page de regrettables incidents et rétablir des ponts entre les deux pays qui, en dépit de leurs singularités, se respectent mutuellement. Nos relations économiques et commerciales avec Cuba montrent également que notre zone de libre commerce bénéficie aussi au marché régional auquel appartiennent les îles des Caraïbes. Par ailleurs, nous avons d’excellentes relations avec tous les pays du continent américain et recevons souvent les présidents des pays voisins aussi bien de l’Amérique centrale que du Mexique, de la Colombie et du Venezuela.
L.L.D. : Alors que les troupes américaines se sont retirées de votre pays en 1999, la conclusion d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis demeure l’une des priorités de la politique étrangère panaméenne. Quels sont les atouts de cet accord pour votre pays ? Quels obstacles doivent-ils encore être surmontés pour y parvenir ? Comment qualifieriez-vous, plus largement, les relations entre Panama et Washington ?
S.E.M.O.J.S. : Nous partageons depuis longtemps avec les Etats-Unis des relations de très grande amitié et de coopération dans tous les domaines. Depuis le règlement du problème du Canal grâce aux traités Torrijos-Carter, il n’existe plus de raisons de conflit ou de méfiance entre les deux pays. Qui plus est, les Etats-Unis représentent notre principal client et notre principal fournisseur. Ils forment un immense marché auquel nous voudrions accéder plus facilement, question qui fait l’objet de négociations longues et ardues pour la conclusion d’un traité de libre-échange. Le peuple américain partage en outre avec le nôtre des valeurs identiques, accordant beaucoup d’importance à la démocratie et à la liberté. Le Président Bush a visité le Panama en 2005 et le Président Torrijos s’est déjà rendu à Washington. Nos deux gouvernements comprennent fort bien que le territoire panaméen constitue un lieu incontournable du commerce, du transport et des communications tant à l’échelle continentale que planétaire. Notre histoire, notre vocation, est de favoriser la rencontre des peuples et des cultures les plus diverses, ainsi que la paix. Par conséquent, nous sommes à la disposition de tous ceux qui veulent résoudre les conflits et trouver des voies de conciliation. Dans cette perspective, la politique internationale panaméenne vise à renforcer notre image de pays fiable, respectueux des autres, partisan de l’entente et du dialogue entre tous, et qui recherche le consensus.
L.L.D. : Les pays d’Amérique centrale et de l’Union européenne comptent amorcer prochainement des négociations en vue d’un accord de libre-échange. Au-delà des relations économiques, quelle place l’Europe occupe-t-elle dans la politique étrangère de votre pays ? Dans quels domaines le dialogue politique interrégional peut-il être renforcé ?
S.E.M.O.J.S. : Nous voudrions une véritable relance de nos relations économiques avec l’Europe. Le continent européen occupe en effet une place importante dans notre politique étrangère. Il représente en outre un grand marché pour nos produits et une source potentielle de touristes. Nous croyons aux vertus de la multipolarité et, par conséquent, à l’émergence de nouveaux pôles d’action politique qui œuvrent pour le renforcement de la paix et de la sécurité internationale. Une Europe plus forte ayant une voix politique uni serait, pour nous, un gage supplémentaire de sérénité et d’équilibre dans un monde en proie à des conflits qui, de près ou de loin, finissent par nous toucher tous.
L.L.D. : En visite en France le 15 juin dernier, le Vice-Président et Ministre des Affaires étrangères Samuel Lewis a présenté aux autorités françaises le projet d’extension du canal de Panama à la Société de Géographie où a été décidée sa construction plus d’un siècle auparavant. Quelles sont vos attentes à l’égard des investisseurs français ? Dans quels autres secteurs votre pays peut-il leur offrir des opportunités ? Plus largement, considérant votre expérience universitaire en France, dans quels domaines souhaiteriez-vous voir s’intensifier la coopération entre les deux pays ?
S.E.M.O.J.S. : En effet, l’accueil réservé à la visite et à la présentation du projet d’élargissement du Canal de M. Samuel Lewis Navarro, Premier Vice-Président de la République et Ministre des Affaires étrangères par les autorités françaises du monde diplomatique, économique et académique, a beaucoup contribué à la relance de nos relations. La Société de Géographie, berceau du Canal de Panama, et son président, M. Jean Bastié, se sont montrés particulièrement chaleureux. L’exposé du projet d’élargissement n’a fait alors que renforcer la charge symbolique très forte de ce haut lieu historique, suscitant l’attention de l’opinion publique jusque-là plutôt indifférente. La rencontre de M. Samuel Lewis Navarro au siège du MEDEF International avec une cinquantaine d’entreprises françaises intéressées par le projet, a également donné un coup de fouet aux relations entre le monde des affaires de nos deux pays, pour qu’elles soient plus étroites. Les entreprises françaises ont pu ainsi examiner de nombreuses opportunités d’investissement, autres d’ailleurs que celles liées au projet d’élargissement du Canal dont le montant s’élève à 5,2 milliards de dollars et qui sera mis en œuvre entre 2007 et 2014. En plein essor, l’économie panaméenne offre en effet d’indéniables atouts résultant de sa fonction internationale comme plateforme régionale des affaires, dans les secteurs les plus divers : commerce, banque, assurances, représentation des entreprises, communications. Il faut également souligner l’intérêt porté à la mise en place d’une voie de communication directe par avion entre le Panama et la France, peut-être via Air France. Elle favoriserait les échanges et le tourisme entre nos deux pays, et, plus largement, entre l’Amérique centrale et l’Europe.
Je saisis en outre l’occasion que vous m’offrez pour formuler des vœux en faveur du rétablissement d’un grand programme de coopération culturelle entre le Panama et la France et, pourquoi pas, l’installation à Panama, la ville la plus internationale et cosmopolite de toute la région, d’un lycée français qui renforcerait le caractère multilingue et multiculturel de notre société, et qui pourrait, sans aucun doute, favoriser une véritable présence de la France et de sa culture au cœur des Amériques. Enfin, nous voudrions intensifier nos relations politiques au plus haut niveau : nous souhaiterions que les plus hautes autorités françaises visitent notre pays, notamment en raison de ses caractéristiques propres : le Panama est devenu un point de passage obligé entre les deux grands océans de la planète et la France y dispose d’un capital historique important, puisqu’elle y a entrepris, il y a déjà plus d’un siècle, son plus grand projet d’infrastructure dans tout le continent américain. |