Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Corée du Sud
 
  S.E.M. / H.E. JU Chul-ki

120 ans d’amitié
scellent le partenariat global franco-coréen

 

 
Symbole de relations devenues étroites, la célébration du traité d’amitié et de commerce conclu en 1886 est à l’image du partenariat global qu’ont scellé la Corée et la France en 2004 : celle d’une coopération tout azimut et dynamique. S.E.M. JU Chul-Ki, Ambassadeur de Corée en France, en décline pour nous les axes majeurs ainsi que les principaux défis d’une Corée en pleine mutation, située au cœur des enjeux stratégiques de l’Asie du Nord-Est.
 
 
La Lettre Diplomatique : Monsieur l’Ambassadeur, un important programme de manifestations culturelles, scientifiques et économiques célèbre en 2006 le 120ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Corée. Quel regard portez-vous sur l’évolution des relations franco-coréennes ? Quels sont, selon vous, les accomplissements les plus marquants du « partenariat global » scellé en décembre 2004, lors de la rencontre à Paris entre la Président ROH Moo-hyun et le Président Jacques Chirac ? Quels sont les axes majeurs du dialogue politique entre les deux pays ?
 
 

S.E.M. JU Chul-Ki : Il y a 120 ans, en effet, nos deux pays signaient un traité d’amitié et de commerce avec l’espoir d’établir des relations de coopération fructueuses sur la base du dialogue politique et de la diplomatie. Cet effort fut, cependant, rapidement ralenti, la Corée ayant dû faire face à de dures épreuves nationales dès le début du XXème siècle.

La participation du Bataillon de volontaires français de l’ONU lors de la guerre de Corée (1950-1953) fut un événement marquant dans l’évolution des relations coréano-françaises. Pourtant, ces relations se sont surtout intensifiées ces vingt dernières années, une fois la Corée devenue une société moderne, avec un fort dynamisme économique et un système politique démocratique mûr.

Aujourd’hui, les rapports bilatéraux entre la Corée et la France sont chaleureux et en continuel essor. La rencontre fin 2004 des présidents ROH Moo-hyun et Jacques Chirac a ouvert de brillantes perspectives, puisque nos deux dirigeants se sont mis d’accord pour développer un partenariat global pour le XXIème siècle. L’un des objectifs défini à cette occasion était de doubler en cinq ans le commerce bilatéral et de porter à 10 milliards de dollars le volume des échanges commerciaux. Le commerce entre la Corée et la France a augmenté de 16% en 2005, représentant en valeur 5,9 milliards de dollars. A ce rythme, nous espérons que le but fixé sera atteint avant l’heure.

D’une manière générale, la coopération économique et commerciale entre nos deux pays est promise à un bel avenir. La réalisation du KTX, le TGV coréen, lancé le 1er avril 2004 après dix ans de collaboration étroite avec la société Alstom, a ouvert de nouveaux horizons à la coopération entre la Corée et les grands groupes français. L’ouverture en 2005 de la Chambre de Commerce et d’Industrie Corée-France, regroupant une soixantaine d’entreprises coréennes en France, permettra d’intensifier les liens économiques et commerciaux entre nos deux pays, en partenariat avec la French Korean Chamber of Commerce and Industry installée à Séoul. Par ailleurs, un accord de sécurité sociale a récemment été adopté par les ministres de la Santé coréen et français, facilitant les démarches pour les échanges d’expatriés et, en particulier, des entrepreneurs.

Sur le plan culturel, les Coréens comme les Français partagent un grand intérêt pour l’art, inhérent à leurs civilisations, tout en cherchant à le promouvoir et à le préserver. Aujourd’hui, de nombreux échanges d’artistes ont lieu entre nos deux pays et les saisons culturelles croisées se multiplient.

Les axes majeurs du dialogue politique entre la Corée et la France recouvrent trois domaines majeurs qui se jouent essentiel-lement sur la scène politique internationale. Dans le cadre de leur mission de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la Corée et la France sont amenées à se concerter sur les questions du nucléaire. Nos deux pays s’emploient également à faire avancer les projets communs mis en place par l’ONU, en faveur du maintien de la paix et du développement. Par ailleurs, la Corée et la France ont conscience de la nécessité d’accroître les échanges et la coopération entre l’Asie et l’Europe, et travaillent ensemble au dévelop-pement des rapports eurasiens, prenant part à des programmes de coopération de l’ASEM (Dialogue Asie-Europe), tels que l’ASEM-duo, ou encore à des projets de l’ASEF (Fondation Asie-Europe).

 

L.L.D. : Visant à approfondir les liens entre les deux pays avec pour slogans « Corée au cœur » et « Allez la France ! » (Adja France !), ces manifestations mettent l’accent sur la jeunesse et la créativité. Pouvez-vous nous citer quelques exemples significatifs de co-productions franco-coréennes ? Comment la connaissance mutuelle entre les peuples coréen et français peut-elle être davantage renforcée ? Fort de la multiplication, ces dernières années, de projets conjoints dans les domaines scientifique et universitaire, quelles synergies peuvent-elles être impulsées en matière de recherche ?

 

S.E.M.J.C-K. : La célébration du 120ème anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Corée est une autre décision importante prise par les présidents ROH Moo-hyun et Jacques Chirac lors de leur rencontre en 2004, afin de rappeler les liens forts qui unissent nos deux pays et de permettre à nos deux peuples de mieux se connaître.

Sous les bannières de « Corée au Cœur » et « Adja France ! », ce sont en tout près de 200 manifestations qui sont organisées à travers la France et la Corée se voulant les plus représentatives de la culture respective de nos pays. Les efforts déployés par les organisateurs, les artistes, et les autorités publiques ont été exceptionnels pour que cet événement soit une réussite et marque l’esprit des Coréens et des Français.

Nous attendons de beaux événements, tel que le spectacle « Korea Fantasy » donné par la Troupe du Théâtre national de Corée dans le cadre somptueux du Château de Versailles ; les activités en plein air de « Ganggangsoowollae » à Paris permettront d’aller vraiment à la rencontre du public. Par ailleurs, nous sommes impatients de faire découvrir « Le jeu du Kwijok », version coréenne du Bourgeois Gentilhomme, mise en scène par le Théâtre de Lorient et le Théâtre national de Corée, joué à la fois en Corée et en France. Les danseurs Carolyn Carlson et Kim Maeja se sont, en outre, associés à la création d’une danse contemporaine mêlant les techniques orientales et occidentales.

Nous avons mené une importante campagne de communication avec l’édition de programmes, l’organisation de conférences de presse et la création des sites internet officiels du 120ème anniversaire, afin qu’un large public soit sensibilisé à ces manifestations. Nous espérons avoir atteint notre but.

La culture est un bon vecteur pour renforcer la connaissance mutuelle de nos deux peuples. Mais il faut que les échanges dans tous les domaines se multiplient, notamment les échanges humains entre professeurs, journalistes, hommes d’affaires et étudiants. Les chiffres touristiques révèlent un écart important entre nos deux pays dans ce domaine, car si 350 000

visiteurs coréens viennent chaque année en France, seulement 45 000 Français visitent la Corée.

En effet, nos deux gouvernements manifestent la volonté d’une coopération renforcée dans le secteur des sciences et des technologies. La Corée témoigne en ce domaine d’une capacité d’adaptation rapide à la concurrence, que ce soit pour les technologies de l’information et de la communication (TIC), les biotechnologies (BT), les nouvelles technologies (NT) et les technologies de l’environnement, ou encore dans le secteur aérospatial. Déjà, plusieurs projets en cours mettent en œuvre un échange de compétences : la Corée participe au projet ITER (réacteur expérimental à fusion nucléaire) ou encore un institut Pasteur a été ouvert en Corée. Par ailleurs, plusieurs organes bilatéraux de réflexion contribuent à améliorer la coopération industrielle et technologique entre nos deux pays comme la Commission de coopération industrielle, le Comité de coopération sur l’information et les technologies de communication, le Comité de coopération sur l’énergie.

Autre exemple, en 2005, la société coréenne de téléphonie mobile VK a ouvert un centre de recherche et développement à Issy-les-Moulineaux, qui laissent augurer d’autres partenariats avec les sociétés françaises, étant donné que le marché évolue très vite dans ce secteur où nos entreprises possèdent une compétence reconnue.

 

L.L.D. : Le train franco-coréen à grande vitesse KTX ou l’implantation du centre européen de recherche et développement du groupe coréen LG Electronics en région parisienne sont autant d’illustrations du partenariat économique qui lie les deux pays. Dans quels autres secteurs peut-il être encore approfondi ? Dans le contexte de transformation économique que traverse votre pays, quelles opportunités le marché coréen offre-t-il aux entreprises françaises ?

 

S.E.M.J.C-K. : La Corée développe actuellement avec la société EADS le projet KHP pour la fabrication d’hélicoptères. A l’image du KTX, c’est un projet majeur de coopération dans le secteur de l’industrie de pointe.

Dans le contexte de transformation de notre pays, qui aspire à devenir une plaque tournante des échanges dans la région, le secteur des services demeure en-deçà des besoins actuels, notamment en matière touristique et bancaire.

Grâce à sa position géographique centrale en Asie du Nord-Est, à son niveau élevé d’infrastructures logistiques et à sa capacité d’innovation technologique et scientifique rapide, la Corée présente tous les atouts pour devenir un hub logistique, technologique et financier dans la région. Par ailleurs, le marché coréen représente à lui seul 48 millions de consommateurs. La Corée est de nouveau entrée dans l’ère de la consommation, ce qui est davantage visible pour les produits électroniques, audiovisuels et informatiques, où le marché est en constant renouvellement. En outre, le contexte économique en Corée est favorable, avec une croissance affichée ces cinq dernières années autour de 5,5%. Notre pays est donc un partenaire crédible pour les partenaires étrangers comme la France, car elle offre de nombreux avantages pour la conquête des marchés de l’Asie du Nord-Est et de l’Est, deux régions incontournables qui seront parmi les piliers de l’économie mondiale de demain.

 

L.L.D. : Fragilisée par la crise financière asiatique de 1997, l’économie coréenne semble retrouver un dynamisme durable. Comment le gouvernement coréen compte soutenir cette tendance tout en apportant des réponses aux problèmes d’emploi et d’accroissement des inégalités sociales ? Quelles stratégies préconise-t-il pour faire face à l’impact de la mondialisation sur la compétitivité de l’économie coréenne, notamment face à la concurrence de l’industrie chinoise ?

 

S.E.M.J.C-K. : La Corée a pu maîtriser la crise de 1997 grâce à de sérieuses réformes entreprises pour assainir son système économique, tout en valorisant la stabilité, la transparence, et la consolidation d’une économie de marché libre et équitable. Grâce à ces mesures, mais aussi à l’intervention du Fonds monétaire international (FMI), la Corée a pu réintégrer rapidement sa place dans l’économie mondiale et retrouver un rythme de croissance stable et soutenu.

Pour répondre aux problèmes d’emploi et d’accroissement des inégalités sociales, la Corée doit générer un niveau de croissance suffisant et faire face aux défis de la mondialisation. En ce sens, les réformes qu’elle a opérées du système bancaire, de la gestion des entreprises et de l’administration, ont porté leurs fruits, puisqu’au premier trimestre 2006, la croissance était de 6,2% et que les prévisions pour l’ensemble de l’année tablent sur un taux d’au moins 5%.

Nous étudions actuellement les possibilités pour développer un meilleur système de sécurité sociale et pour améliorer les prestations et les aides familiales, domaines dans lesquels la France fait d’ailleurs figure d’exemple.

Avec la Chine voisine qui génère un niveau de compétitivité très élevée et des taux de croissance records, le maintien d’un taux de croissance soutenu représente pour nous un défi majeur. On ne peut rester compétitif en matière d’industrie traditionnelle face à la Chine, c’est pourquoi la Corée doit aller de l’avant dans le secteur très porteur des nouvelles technologies et tenir la distance avec les pays les plus compétitifs dans ce domaine.

Par ailleurs, la Corée doit poursuivre ses efforts pour s’affirmer comme un véritable hub économique dans la région et promouvoir les partenariats avec les entreprises étrangères, ce qui lui permettra de rester compétitive. La réforme et l’innovation sont ainsi les maître-mots qui font avancer la société coréenne.

 

L.L.D : La nomination le 24 mars dernier de Mme HAN Myoung-Sook à la tête du gouvernement coréen marque un tournant dans l’histoire politique du pays. Dans quelle mesure peut-on y voir le reflet des transformations de la société coréenne et du renforcement de la place de la femme en son sein ? A l’approche des élections présidentielles qui doivent avoir lieu en 2007, quel bilan faîtes-vous du mandat du président ROH Moo-hyun ? Quels sont les grands enjeux de cette échéance politique ?

 

S.E.M.J.C-K. : La place des femmes en Corée est en pleine expansion et celles-ci sont promises à un brillant avenir. Leur rôle est fondamental pour l’équilibre et l’évolution de la société coréenne. L’arrivée d’une femme à la tête du gouvernement nous réjouis énormément. C’est une première pour notre pays car aucune femme n’était parvenue à cette honorable fonction auparavant. Mme HAN Myung-sook a lutté pour la démocratie en Corée. Elle bénéficie en outre d’une solide expérience gouvernementale, puisqu’elle a exercé les fonctions de Ministre de la Parité lors du précédent gouvernement (en 2001), puis de l’Environnement (en 2003). Nous sommes confiants dans le succès de sa mission pour administrer les affaires de l’Etat aux côtés du Président ROH.

A l’approche des élections présidentielles de décembre 2007, le Président ROH peut tirer un bilan positif de son mandat qui reflète les aspirations qu’il a définies pour le pays lors de son investiture. Il est ainsi parvenu à assainir l’économie coréenne, en combattant la corruption, ainsi que les collusions entre entrepreneurs et bureaucrates. La transparence financière a été le leitmotiv des mesures prises en ce sens. La société coréenne est devenue, aujourd’hui, plus saine et plus mûre. Appliquées dans tous les secteurs, réforme et innovation forment, en définitive, le socle fondamental du mandat du Président ROH.

En outre, le Président ROH a fait de la politique d’ouverture à l’égard de la Corée du Nord l’une de ses priorités, poursuivant ainsi sur les jalons posés par son prédécesseur. Il a fait progresser la coopération et le dialogue intercoréens, instaurant un climat de confiance réciproque et posant comme condition absolue, le règlement des problèmes avec la Corée du Nord par la concertation. L’objectif du Président ROH est la réconciliation entre les deux pays avec, pour perspective future, la réunification de la péninsule coréenne.

Le prochain chef d’Etat devra, je pense, continuer à œuvrer sur ces deux lignes directrices, tout en renforçant la présence de la Corée sur la scène politique et économique internationale, ce qui est également un facteur majeur pour l’avenir de notre pays.

 

L.L.D. : En promouvant une « politique de paix et de prospérité », le Président ROH Moo-hyun a fait de l’affirmation de la Corée comme puissance stabilisatrice dans la région l’un des objectif phare de sa politique étrangère. Alors que la levée des sanctions financières américaines est devenue une condition pour la reprise des négociations avec la Corée du Nord, les accords du 19 septembre 2005 peuvent-ils encore trouver une application concrète ?

 

S.E.M.J.C-K. : Les accords des six parties définis le 19 septembre 2005 trouveront, à mon sens, une application concrète, même si le dialogue se trouve actuellement dans une impasse. Pour que les négociations reprennent rapidemment, il est important que les parties montrent plus de patience et de réceptivité aux propositions des autres partenaires. Il existe encore un écart trop important entre les positions de la Corée du Nord et des Etats-Unis. La Corée du Nord exige la levée des sanctions économiques exercées par les Etats-Unis, comme condition première de son retour à la table des négociations.

Le problème est épineux, mais le dialogue des Six demeure le seul moyen de résoudre la question nucléaire en Corée du Nord. La Corée du Sud souhaite, pour sa part, que tous les acteurs reviennent à la table des négociations pour atteindre les objectifs fixés en septembre 2005.

 

L.L.D : A la lumière de la question iranienne, comment votre pays conçoit-il, plus largement, la stratégie à adopter par la communauté internationale face à la prolifération nucléaire ? Quelles sont selon vous, les limites de l’action diplomatique tant dans le cas iranien que nord-coréen ?

 

S.E.M.J.C-K. : La stratégie la plus adaptée face aux problèmes de prolifération des armes de destruction massive, et notamment nucléaire, passe par la recherche d’une solution pacifique et par l’unité de la communauté internationale. La position défendue doit être claire : l’arrêt complet des programmes nucléaires militaires. Il est encore un peu tôt pour parler de limites de l’action diplomatique. Celle-ci doit être menée jusqu’au bout, quitte à en épuiser toutes les ressources.

En ce qui concerne la Corée du Nord, nous restons confiants : le dialogue est encore possible pour apaiser les tensions et sortir définitivement du problème nucléaire. Bien que les pourparlers à Six aient été interrompus il y a à peu près huit mois, nous tentons de rétablir le dialogue et les différents participants cherchent activement à encourager la Corée du Nord à revenir à la table des négociations. La Corée du Nord doit savoir abandonner ses ambitions nucléaires et accepter de devenir un membre responsable de la communauté internationale. La paix dans la péninsule est une condition à la paix en Asie du Nord-Est et, plus largement, dans le monde. Par ailleurs, nous croyons que le rapprochement entre les deux Corées contribuera à la résolution de la question nucléaire en Corée du Nord.

 
L.L.D. : En dépit des tensions suscitées par le problème nucléaire, les relations entre votre pays et la Corée du Nord se sont intensifiées avec la mise sur pied du parc industriel de Gaeseong et la multiplication des contacts entre les deux sociétés. A l’aune de la visite que doit accomplir prochainement l’ancien Président KIM Dae-jung à Pyongyang, quelles initiatives peuvent favoriser un processus de réconciliation auquel aspire votre pays ? Quelle place devrait occuper la question des droits de l’Homme dans la gestion de la problématique nord-coréenne ? A plus long terme, quelle est votre vision d’une réunification de la péninsule coréenne et quelles en seraient les implications sur le plan géopolitique ?

 

S.E.M.J.C-K. : Effectivement, bien que le problème nucléaire ne soit pas encore résolu, la Corée du Sud développe des rapports avec la Corée du Nord sur la base d’une politique de paix et de prospérité.

Le parc industriel de Gaeseong, installé au nord de la zone de démilitarisation, commence à fonctionner malgré quelques difficultés. Les retombées de la mise en œuvre d’un tel complexe économique et industriel seront très positives. En effet, si ce projet se conclut avec succès, la Corée du Nord devra élargir sa coopération avec la communauté internationale.

Les contacts entre les deux sociétés se font également de plus en plus nombreux, grâce au tourisme et aux pourparlers interministériels plus fréquents. Le projet de relier les deux Corée par voies ferrées est en cours de réalisation. Des tests de fonctionnement vont d’ores et déjà être effectués sur un court tronçon de 27 km, avec à bord du train, 100 Sud-Coréens et 100 Nord-Coréens.

L’ancien Président KIM Dae-jung, initiateur de la « Sunshine Policy » pour laquelle il a reçu le prix Nobel, se rendra en Corée du Nord au mois de juin prochain. Ce sera sa deuxième visite à Pyongyang après avoir participé au premier sommet historique intercoréen le 15 juin 2000.

On attend de bons échos de cette visite, mais on ne peut pour l’heure présager du résultat. De telles rencontres participent au rapprochement intercoréen et sont positives pour la paix dans la région et dans le monde.

Il est vrai que la question du respect des droits de l’Homme se pose en Corée du Nord. Là encore, nous espérons que la situation s’améliore et que la Corée du Nord s’engage auprès de la communauté internationale en vue de résoudre ce problème.

De mon point de vue, la réunification me semble être un objectif que l’on peut atteindre même s’il est encore lointain. Plus qu’une idéologie, c’est une nécessité, car la Corée a toujours été unie dans l’histoire et parcequ’une Corée forte constituera un bon vecteur pour la stabilité, la détente et la prospérité dans la région.

 

L.L.D. : Favorisé par la place croissante qu’occupe le marché chinois dans le commerce extérieur coréen, le rapprochement entre votre pays et la Chine se traduit également par une communauté de vues sur le dossier nord-coréen. Quels facteurs expliquent, de votre point de vue, la « fascination » qu’exerce aujourd’hui la Chine en Corée ? Quelles sont les principales orientations de la coopération et   du dialogue politique sino-coréen ? Comment percevez-vous l’essor économique de la Chine et son impact à l’échelle régionale ?

 

S.E.M.J.C-K. : La Corée du Sud a une politique d’engagement à l’égard de la Corée du Nord afin de favoriser sa réintégration au sein de la communauté internationale. Pour des raisons liées à l’histoire et à la proximité géographique, la Chine veut également aider à la transformation graduelle de la Corée du Nord. Sur le dossier nucléaire, la Corée du Sud et la Chine partagent une position commune pour convaincre la Corée du Nord d’abandonner ses ambitions nucléaires.

L’Asie du Nord-Est est en plein essor économique, la Chine continuant à afficher des taux de croissance galopants. L’essor de la Chine est favorable pour l’économie coréenne, et inversement la Corée contribue à la croissance de la Chine. En effet, la Corée est devenue un des premiers fournisseurs et investisseurs en Chine. Depuis la normalisation des relations diplomatiques entre Séoul et Pékin en 1992, les rapports se sont accrus de manière substantielle dans tous les domaines. La Corée souhaite donc voir une Chine prospère à ses côtés. A l’inverse d’une menace, son essor est favorable à l’économie coréenne et au reste du monde. Son niveau élevé de compétitivité constitue naturellement un défi à relever pour que nous restions compétitif sur le marché mondial et que nous conservions une avancée technologique suffisante.

La politique du gouvernement coréen vise à développer des rapports d’amitié solides et un partenariat fort avec la Chine et les autres pays de la région pour élever le degré de coopération et du dialogue politique, permettant ainsi de construire, en étroite collaboration, la paix et la prospérité dans la région.

 

L.L.D. : Organisé en Malaisie en décembre dernier, le premier sommet de l’Asie de l’Est a inauguré une nouvelle phase de l’intégration régionale. Comment définiriez-vous la dimension politique qu’il aspire à donner à l’intégration économique est-asiatique ? Les tensions sur les contentieux légués par l’histoire et liés notamment au passé colonial japonais peuvent-elles constituer un frein à ce processus et comment peuvent-elles être surmontées ?

 

S.E.M.J.C-K. : Le processus de régionalisation de l’Asie de l’Est s’est accéléré avec le premier sommet de l’Asie de l’Est qui s’est tenu en décembre dernier, réunissant les pays membres de l’ASEAN, la Chine, la Corée, le Japon, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Il convient de noter qu’il existait déjà dans la région d’autres processus d’intégration comme l’APEC.

L’intégration de l’Est asiatique se développera lentement et par étapes successives. Une zone de coopération forte en Asie de l’Est sera d’ailleurs bénéfique pour l’équilibre de l’économie mondiale et la paix dans le monde.

Les questions liées au passé colonial japonais pose de temps en temps un frein au processus de régionalisation, mais nous croyons que la majorité de la population nippone a une vision plus objective de l’histoire, par rapport à certains dirigeants politiques conservateurs du pays.

La visite de dirigeants politiques au sanctuaire de Yasukuni pour honorer d’anciens combattants japonais, parmi lesquels figurent des criminels de guerre, a fait beaucoup de bruit. Nous espérons que ces dirigeants reconnaîtront les erreurs du passé et s’associeront activement à notre volonté de créer une zone de coopération et de sécurité régionale en tirant les leçons de l’histoire.

Les pays de l’Asie de l’Est élaborent actuellement un processus d’intégration économique. Il existe diverses initiatives entre pays asiatiques pour conclure des accords de libre-échange. Plusieurs accords sont déjà en cours, en particulier entre, respectivement, la Chine, la Corée, le Japon et l’ASEAN. La Corée a mis en place un accord de libre-échange avec Singapour et les discussions sont engagées pour l’élaboration d’un accord de libre-échange Corée-Japon. Des groupes d’études s’interrogent également sur la faisabilité d’un accord de libre-échange entre les pays du Nord-Est asiatique, la Corée, la Chine et le Japon. D’autres tentatives sont par ailleurs conduites par l’ASEAN et, individuellement, par chacun des pays du Nord-Est asiatique, afin de lier l’économie indienne à celle de l’Asie de l’Est.

 

L.L.D. : Busan, deuxième ville de Corée, a accueilli fin novembre 2005 le sommet du Forum de Coopération économique de l’Asie-Pacifique (APEC), région qui représente 57% de l’économie mondiale. Quelles ont été les voies identifiées à cette occasion pour parvenir à la création d’un marché unique ? Quelle réponse collective peut-elle être faite aux défis globaux auxquels fait face la région Asie-Pacifique, en particulier, ceux du terrorisme et de la grippe aviaire ? Au-delà, quelle a été la contribution des discussions de l’APEC aux progrès réalisés lors du sommet de l’OMC à Hong-Kong ?

 

S.E.M.J.C-K. : L’APEC qui lie l’Asie de l’Est et l’Amérique, par l’océan Pacifique, contribue à la promotion du dialogue et de la coopération entre pays riverains de ce vaste espace que forme l’Asie-Pacifique. Avec l’accord de Bogor, l’APEC s’est fixé pour but de créer un marché de libre-échange. Cela dit, il est encore précoce d’espérer la réalisation d’un marché unique. L’APEC a néanmoins permis de poser les pierres angulaires d’une plus large coopération économique. Il faut pour l’instant se concentrer sur la conclusion d’accords bilatéraux. D’une manière générale, les réunions des sommets de l’APEC permettent également d’aborder les questions sur les défis globaux que rencontrent la région comme le terrorisme ou la gestion de la grippe aviaire. Il s’agit d’un forum de discussions sur les questions qui concernent, en fait, toute l’humanité.

Lors des réunions qui se sont tenues à Busan, en novembre 2005, les dirigeants politiques ont discuté des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en matière de libéralisation du commerce et des investissements dans la région, d’ici à 2010 pour les pays développés et, d’ici à 2020, pour les pays en voie de développement.

Au cours de ces réunions, ils ont, en outre, discuté de problèmes plus généraux d’actualité concernant la région, comme la grippe aviaire, la gestion des catastrophes naturelles, la lutte contre la corruption et le terrorisme, et la question du renouvellement du marché de l’énergie.

Enfin, l’adoption de la déclaration spéciale sur le commerce international a eu un impact positif sur les discussions et les progrès réalisés lors de la réunion interministérielle de l’OMC à Hong-Kong.

 

L.L.D : Si des divergences de vue entre Séoul et Washington sur la question nord-coréenne ont pu être observées, le partenariat américano-coréen demeure

solide à l’instar de l’ouverture de négociations sur un accord de libre-échange. Quels atouts peut apporter cet accord à l’économie coréenne ? Dans quelle mesure la réduction des effectifs militaires américains en Corée peut-elle, de votre point de vue, atténuer les sentiments anti-américains qui s’y sont manifestés ces dernières années ?

 

S.E.M.J.C-K. : Comme vous le soulignez, les liens entre Séoul et Washington restent solides malgré les divergences d’approche sur le problème nucléaire nord-coréen. La solidité de notre partenariat s’est illustrée avec la volonté d’ouvrir des négociations sur un accord de libre-échange. Naturellement, l’économie coréenne gagnerait beaucoup à accéder au marché américain, surtout en ce qui concerne les produits de haute technologie, et ce d’autant plus que notre pays aspire à devenir une plaque tournante des échanges en Asie du Nord-Est.

En outre, la réduction des effectifs militaires américains sur le sol coréen se poursuit de façon progressive. Le sentiment anti-américain manifesté par les jeunes coréens s’est d’ailleurs apaisé avec la révision du statut des forces américaines en Corée et avec le temps.

 

L.L.D. : Alors que votre pays a déployé, avec 3 600 hommes, la troisième force militaire de la « coalition des volontaires » en Irak, le retrait d’un tiers de ces troupes devrait être effectué en 2006. Comment percevez-vous la situation en Irak ? Comment analysez-vous rétrospectivement l’engagement de votre pays dans ce conflit ?

 

S.E.M.J.C-K. : L’envoi des troupes coréennes en Irak, à Arbil en août 2004, visait à apporter une assistance humanitaire et un soutien au redressement économique du pays.

Le retrait progressif de ces forces armées s’effectuera dans le courant de l’année 2006. Elles auront concrètement contribué au maintien de l’ordre, au développement du pays et à la pacification de la région. Tout comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres forces étrangères qui optent pour la réduction ou le retrait de leur effectif militaire, il est inévitable que nous retirions certains de nos soldats.

Nous déplorons que le pays n’ait pas encore retrouvé une stabilité politique. Un long chemin reste à parcourir et nous espérons que la situation retournera au calme le plus tôt possible.

 

L.L.D. : En janvier dernier, la Corée et l’Union européenne ont conclu un accord ouvrant la voie à sa participation active au programme Galiléo. Au-delà du secteur de la haute technologie, comment définiriez-vous plus largement la coopération euro-coréenne ? Quel rôle l’Union européenne peut-elle jouer, selon vous, sur les questions politiques et de sécurité en Asie ?

 

S.E.M.J.C-K. : La Corée a, en effet, conclu un accord pour s’associer au programme Galiléo. Nous avons par ailleurs conclu un accord de coopération scientifique et technique. Troisième partenaire de l’UE en Asie, la Corée développe avec celle-ci des rapports étroits et nous espérons conclure à l’avenir un accord de libre-échange. L’UE offre aux entreprises coréennes un vaste espace pour le développement d’activités commerciales et pour les investissements. Elle représente un potentiel d’investissement important qui intéresse notre pays. En outre, un accord-cadre de coopération est déjà en vigueur entre la Corée et l’UE. Cet accord constitue d’ailleurs le socle à partir duquel les relations entre la Corée et l’UE peuvent être élargies à divers domaines tels que l’économie, le commerce, l’industrie, les sciences et les technologies, la culture…

L’UE continue également à soutenir nos efforts pour régler le problème nucléaire nord-coréen. Elle a participé au programme de la KEDO (Korean Peninsula Energy Development Organization), jouant ainsi un rôle très positif pour la paix et la sécurité en Asie.

Par ailleurs, l’expérience de l’intégration européenne reste un exemple pour les pays de l’Asie de l’Est qui souhaitent poursuivre le processus de régionalisation. Nous espérons, par exemple, pouvoir mettre en place, à terme, un organe de gestion et de coordination pour la sécurité régionale à l’image de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) en Europe.  

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